Stéphane Anquetil, un auteur sur la scène de crime

Si vous aimez les jeux d’enquête, vous avez probablement déjà croisé la plume de Stéphane Anquetil.
La première fois que vous avez entendu son nom, c’est peut-être quand il a remporté un concours d’écriture imaginé par Ystari autour de Sherlock Holmes Detective Conseil il y a quelques années. Stéphane l’emportait avec son scénario Les masques africains, qui fut par la suite publié. Après quoi vous l’avez peut-être croisé sur l’extension Noir de Chronicles of Crime, ou au détour de multiples expériences d’escaping chez les 404 Editions (Escape box, Escape Books), à moins que vous n’ayez percé les énigmes de la gamme Crime Zoom qui nous intéressera tout particulièrement aujourd’hui. Crime Zoom est en effet un titre bien malin qui a su se faire sa place (exporté dans plus d’une dizaine de pays) sur le créneau pourtant chargé du jeu d’enquête.  

Stéphane est de la génération de l’Amstrad CPC, des Livres dont vous êtes le héros et de l’Oeil Noir. Avec son Bac Littéraire en poche, il part d’abord dans une carrière d’infographiste mais se reconvertira en 2016 dans l’écriture via des cours de scénario à l’Académie d’écriture Anaël Verdier. En 2017, les choses se précisent quand les 404 Editions lui commandent des jeux dérivés des Escape Games, dont « Le piège de Moriarty« , un escape book d’intrigue policière (image ci-dessous) qui signe le début d’une véritable carrière d’auteur. En effet, l’année suivante, Stéphane signe plusieurs publications et devient auteur à plein temps. 

 

Des nouvelles de monsieur Anquetil 

Le premier confinement ? Il n’a pas tellement eu le temps de le remarquer, tant il était occupé à « bosser comme un dingue » sur quatre nouveaux Crime zoom, en gérant les scénarios et les illustrateurs. La gamme Crime Zoom nécessite en effet un travail particulier d’allers-retours entre ces deux pôles.
Si vous ne connaissez pas le jeu, c’est très simple : vous avez une scène de crime composée de plusieurs cartes s’étalant devant vous pour former une grande illustration. Les joueurs peuvent aller « cliquer dans l’image » en retournant telle ou telle carte pour avoir plus d’indices. À vous de voir si vous avez envie de creuser telle piste ou non, de façon collaborative. Un bout de papier pourra mener à une adresse, une tâche à une analyse, une clé à un coffre… À côté, un paquet de cartes représentent toutes les pistes possibles, numérotées. Vous irez piocher dedans quand vous serez invité à le faire. Des illustrations de scènes secondaires pourraient bien se former sous vos yeux de temps à autre. Dès lors que vous pensez avoir percé l’intrigue, vous arrêtez l’enquête et répondez à des questions pour finalement découvrir toute la vérité.   

 

 

« On a refait un peu le livret de règles, on a du éclaircir des choses et les gens voulaient un scoring. On s’adapte ! raconte Stéphane. Sur BGG, si tu ne peux pas entrer un système de scoring, ta fiche est refusée, poursuit-il. Ils considèrent que c’est un livre, ou un livre-jeu. C’est une étrange définition du jeu… Ça explique pourquoi on a souvent des systèmes de scoring foireux sur des jeux d’ambiance. On est là pour passer un bon moment et t’as toujours un système de scoring qui sert à rien ! » s’amuse-t-il.

 

Bulletin de naissance

Stéphane ne s’en cache pas, Crime Zoom est né de l’envie d’une certaine simplicité, après une année à plancher sur le projet « Noir » pour Chronicles of Crime. « J’avais la tête pleine d’un système compliqué, car c’est quasiment plus de la programmation que de l’écriture avec Chronicles of Crime, on est presque dans le développement d’un jeu vidéo, bref, j’avais envie d’un système très simple. »

Or, voilà quelques années que Stéphane connaissait bien Alexis Anne, fondateur de la petite maison Aurora Games. Ensemble, ils ont longtemps battu la semelle sur des salons et nourrissaient depuis quelques temps cette envie de créer leur jeu. Stéphane se souvient des premières étincelles : « Il y avait Medium Rapid Falls dans une ambiance année 70 mais c’était encore assez proche d’un Sherlock avec des paragraphes. J’avais aussi cette idée, qui se fait beaucoup maintenant, de faire une sorte de dossier d’enquête que tu reçois avec des éléments concrets à explorer. Et Alexis m’a dit « si tu arrives à faire un truc avec seulement un jeu de cartes, ça serait génial. » Au début je lui ai répondu « mais tu te rends pas compte, moi j’ai besoin d’écrire plusieurs paragraphes ! » j’étais décontenancé, et puis… c’est venu. Je suis parti sur un jeu de poker avec 55 cartes. Une impression classique. »

Alexis Anne, c’est lui

 

À partir de là, il y a eu l’idée de la scène de départ, celle de l’illustration d’où toute l’histoire prend forme. Cette idée a jailli en repensant à Blade Runner et cette célèbre scène où le personnage scanne des photos en faisant des zooms invraisemblables (« on arrive à voir dans les lunettes du monsieur »). 

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« Au départ, c’était ça, l’idée première de Crime Zoom. Au final, on fait réellement ce zoom sur certaines cartes, mais pas tant que ça car c’est vraiment compliqué pour l’illustrateur. » explique-t-il. 

Développement et tâtonnement 

Le casse-tête commence alors, avec l’élaboration du premier titre, Sa dernière carte, paru en 2020. Quand on y joue, tout semble évident et aisé, on imagine pas que tout ce jeu autour de l’illustration fut si complexe à mettre en œuvre en réalité. « Le découpage en rectangles de la scène de crime, c’est quelque chose de vraiment très particulier car l’illustrateur va penser l’image de manière globale avec des volumes cohérents, de la lumière, et des éléments qui s’équilibrent, alors que moi j’ai une grille avec tous mes éléments qui doivent entrer… et faut que ça ait l’air naturel. Pour l’instant, les illustrateurs ont un peu galéré avec ça. On a l’impression que c’est facile mais non. Julien (Ndlr – Julien Long) qui a fait deux Crime Zoom a pris le coup [Ndlr : No Furs et Sa dernière carte], mais au départ c’était pas évident. C’est pas un jeu où il faut parvenir à trouver le détail, c’est pas le but de piéger le joueur en disant « hey t’as raté le petit truc qui dépasse », ici tous les indices doivent avoir le même « poids ». En général, les éléments très importants, je les double pour être certain que les joueurs tombent dessus. L’idée, c’est que ça soit pas de la chance, mais de l’enquête, du coup je mets des fils parallèles qui amènent au même endroit. »     

 

 

Une fois qu’un illustrateur s’est bien emparé du principe, c’est évidemment plus simple de travailler avec la même personne. Ecrivain mortel a pris plus de trois mois, « mais bon c’est normal il y a eu beaucoup de travail dessus » temporise Stéphane. Il n’en reste pas moins que le process de conception a été repensé depuis. « D’habitude, je fais un proto avec une illustration à l’arrache mais il y a tout de même une direction de donnée, puis on va voir l’illustrateur. Mais le problème c’est que ça lui laisse moins de liberté. En revanche, avec No Furs et surtout Un écrivain mortel on a fait autrement. J’ai pas de proto. J’ai un découpage de mes cartes, j’ai fait une carte heuristique qui détaille les 55 cartes, car la grosse contrainte elle est là avec les 55 cartes, et après c’est l’illustrateur qui m’a proposé la pièce. Lucie (Ndlr – Lucie Dessertine) a pu apporter, avec son dessin, avec sa façon à elle de voir l’espace, la décoration et des éléments qui ont pu servir dans l’histoire. Du coup, tu as vraiment une cohérence qui se fait entre l’illustration et le récit. Et puis, moi ça me renouvelle. Sinon, j’ai tendance à utiliser les mêmes mécaniques, un peu comme chaque auteur de polar réutilise les mêmes gimmicks… je fais pas exception. Là, avec cette nouvelle façon de travailler, ça me casse mes habitudes. Par contre, c’est un peu plus stressant, et pour moi car je dois rebondir sur ce qui est fait, et pour l’illustrateur qui part sans filet. » 

 

L’enquête n’est pas encore close…

Identité de gamme

Le développement d’un Crime Zoom prendra environ un mois d’écriture à Stéphane, ce qui peut sembler court. Il est vrai qu’après l’écriture de Sherlock, tout peut sembler court. « Globalement, c’est pas trop long parce que c’est pas un jeu historique. Avec Sherlock tout était historique, j’allais jusqu’à chercher les articles du TIMES du même jour pour les traduire, ça me prenait un temps fou. Ici, je voulais pas faire ça. À part quelques petites recherches sur des sujets que je connais pas bien … ».

Exemplaire du Times du 5 février 1902


Cela dit, à terme, la gamme Crime Zoom n’a pas vocation à rester un terrain de chasse gardé pour Stéphane. D
’autres auteurs pourront venir sur la gamme et proposer leur récit, pourquoi pas historiques pour le coup. « On a rédigé un document qu’on peut donner aux auteurs, document qui explique comment on écrit un Crime Zoom, on explique l’identité de la gamme. D’autres auteurs pourront aborder des thèmes qui moi m’intéressent moins. »

Ce n’est pas que les recherches le désintéressent en soi. Mais l’objectif est aussi de pouvoir en vivre, en étant qu’auteur. « Pour le joueur, c’est pareil : il y joue deux heures, c’est terminé, c’est pas rejouable. Mais si toi en tant qu’auteur tu y as passé 6 mois, tu ne gagnes pas ta vie. Et puis il faut sortir des titres régulièrement et donc trouver une formule qui soit le juste équilibre. Je voulais aussi un système très simple, et facile à identifier, car je pense que les joueurs ont envie de simplicité. Je pense qu’ils ont envie d’ouvrir la boite et de jouer. En tout cas moi et ma femme, c’est comme ça. On est sollicités tout le temps, et les jeux trop compliqués, ils restent dans l’armoire. »

Pour Stéphane, nul doute que l’accessibilité est devenue un point non négociable. « Faut bien comprendre que le jeu est en concurrence avec l’offre de loisirs qui est énorme, Netflix et compagnie, et là il suffit de s’asseoir dans son canapé et tu peux avoir plus de séries que tu ne pourras jamais en voir. Du coup à mon avis, il faut faire un effort en tant qu’offre de designer, non pas pour faire simpliste mais avoir un système abordable. Tu ouvres, tu regardes les règles trois minutes, tu joues. Et après, toutes les autres boites c’est le même système. »

 

 

Précisions et variations

En tant qu’auteur, Stéphane se définit à la fois comme architecte et jardinier. Architecte, au début du processus, pour concevoir une carte mentale de l’histoire, puis jardinier, car il laissera ensuite venir les personnages qui vont trouver leur voix et leur place dans l’histoire peu à peu. Ceci en prenant en compte les contraintes techniques du format. « Pour chaque personnage, tu retournes la carte, et tu lis le témoignage qui ne doit pas être conditionnel à quoi que ce soit, et là c’est difficile. Le texte est ultra ciselé, c’est le plus dur pour moi. Chaque personnage doit avoir sa propre voix mais avec un quart de page. Mais c’est très intéressant. Et ça c’est un travail que j’ai appris à faire via les Escape box pour 404. C’est pareil, tu as 40 cartes, c’est pas 41. Ça m’a appris à restreindre. La première Escape box que j’ai faite, le scénario faisait quatre pages, l’éditeur m’a répondu Impossible, il faut 20 à 24 lignes maximum, les enfants doivent pouvoir jouer tout de suite, faut condenser. C’était une sacrée école, j’ai appris à condenser et ça m’a beaucoup servi. »

Stéphane et sa bande de 404

 

Une façon de travailler, de penser en termes de collection et de gammes, apprise en travaillant avec les Editions 404 et qu’il pense bien réinjecter auprès d’Aurora. « L’idée, c’est que sur la quantité, il y en aura au moins un qui va t’appeler. Et après tu regardes les autres de la gamme. Les Editions 404 nous envoient les sujets en début d’année et ils travaillent comme ça, avec une vue d’ensemble. On n’en est pas là pour Crime zoom mais j’avais envie d’avoir une gamme avec des illustrations différentes et de la variation pour qu’on puisse essayer des choses diverses, avec des angles très classiques à la Agatha Christie, ou d’autres comme No Furs avec un thème un peu moins habituel dans le jeu de société. » En effet, Crime Zoom No Furs situe son action dans le Londres contemporain au cœur d’une garçonnière cossue et luxueuse : 

 

 

L’instant T, léger et profond 

L’écriture d’un tel scénario de jeu nécessite une vision globale de l’histoire et de tous ses éléments. Les détails comme le panorama d’ensemble dans lequel le joueur se promène librement doivent être complètement intégrés. « Ces récits éclatés sont non linéaires, c’est quelque chose que j’aime bien car j’aime bien me disperser. Pour en avoir discuté avec des romanciers en salon, ce côté non linéaire correspond à une certaine tournure d’esprit. Dans ces jeux, il y a une simultanéité du récit, le joueur arrive à un instant T, pour que tout soit logique, pour qu’il n’y ait pas d’avant ni d’après, ni d’éléments bloqués, car tu es censé être passé par là pour déclenché ceci ou cela. Pour ça, il faut voir les choses d’une certaine façon. »

Une fois que l’écriture globale est bien en place, il faudra affiner la place de tel ou tel personnage en accentuant un trait ici, en créant une afférence là. De quoi donner de la profondeur au récit et de l’épaisseur aux protagonistes. « Je me dis, si j’accentue ce trait-là, ce personnage qui était juste là pour donner une info peut devenir un suspect. Ça c’est intéressant, tu vas pouvoir donner de la richesse à tout, notamment les relations entre les personnages qui vont se densifier. Au départ, tu as tes fils narratifs établis, tel élément est une fausse piste par exemple, tu as comme des branches d’un arbre avec des éléments non connectés. Après, tu connectes les choses, tu remets une couche de liaisons transversales. »

Une recette qui nécessitera un peu de maîtrise pour ne pas surcharger à outrance l’ouvrage. Le dosage de la difficulté se joue ici. « Bien sûr, à un moment faut s’arrêter. Avec l’expérience on sait quand il faut le faire. À force de jouer avec des gens en fait. Un scénario, moi je le joue 5 ou 6 fois. Avec l’habitude tu anticipes la manière dont les gens réfléchissent, tu vois ce qui va attirer, le petit détail incongru qu’ils vont vouloir regarder, etc. Au début, tu as l’impression que tout est évident, car ça l’est pour toi. Mais quand tout est là, y compris les détails et les fausses pistes, tu vois que pour le joueur c’est pas du tout évident. Toi tu dois rééquilibrer. Tu sais que tu as bien caché tes éléments, ils sont si bien cachés car tu as peur que ça soit trop évident, mais en fait pour les gens ça ne l’est pas ! »

 

Vulgarisation 

Or, vous l’avez compris, pour Stéphane, l’envie première est surtout de perdre personne en chemin. Depuis les Masques africains, de l’eau a coulé sous les ponts. « Je veux faire des jeux qui se veulent plutôt grand public. Le côté un peu élitiste qui s’adressait aux purs et durs du jeu d’enquête, avec des parties de trois heures, ou tu prends des notes, etc, c’est peut-être un peu dépassé par rapport à l’ouverture du hobby aux nouveaux joueurs aujourd’hui, notamment aux plus jeunes, des familles… Faut s’adresser à eux sans surcomplexifier, sans que ça dure trop longtemps. Que ça reste un bon moment et ne pas punir le joueur pour rien. Les premiers Sherlock Holmes, c’était des fois un peu tiré par les cheveux. »

 

Sherlock, tu fais mal à mes neurones

 

Aujourd’hui, le crime parfait ne l’intéresse pas (exercice trop facile, et sans intérêt), ni la démonstration d’expertise. La fluidité, voilà le maître-mot. « Moi je veux que les gens s’amusent, je veux pas mettre une porte d’entrée trop haute. Ni partir dans un délire trop personnel. Faut respecter les limites de chacun, et faut que chacun puisse s’amuser même s’il n’y connait pas grand chose. C’est ça qui est difficile, de simplifier, que les gens s’amusent, de rester fluide. Faut digérer tes recherches et les retranscrire, que les gens puissent apprendre des choses au passage mais sans mettre de palier, de droit d’entrée, où faudrait être très bon en code, ou très fort en psychologie, etc. Et puis, pour moi, la difficulté ne doit pas être dans les règles de jeu, mais dans le scénario. » 

Renouvellement & Inspirations

Après près d’une vingtaine de scénarios, l’un des pièges à éviter sera évidemment celui de la récidive. Trouver des sujets et des approches nouvelles pour déjouer la répétition est sans doute un enjeu majeur pour tout auteur expérimenté. Surtout pour Stéphane. « Je n’aime pas me répéter. Cela m’a joué des tours quand je faisais mon métier d’infographiste. Je n’aime pas trop faire les mêmes choses. Je me méfie quand je vois des éléments que je réutilise. Pour éviter ça, je m’inspire de documentations techniques : analyse de scènes de crime, armes à feu… je me paie des bouquins ultra chers sur des sujets pas très courants et je me sers ensuite de trois pauvres pages dans le livre mais ça permet d’avoir de nouvelles idées. »

Ainsi, les sources d’inspirations sont multiples, et parfois surprenantes. Néanmoins, une chose est sûre, la muse de Stéphane ne virevolte pas du côté des autres jeux d’enquêtes du marché. Impossible pour lui d’y jouer sans tout décortiquer, ce qui n’es pas une sinécure pour les autres joueurs. « En fait, quand je joue aux jeux d’enquête des autres je passe mon temps à analyser, ce qui est insupportable pour les autres joueurs, je ne suis pas en train de profiter. Je fais pareil avec les livres de fiction. Ça me faisait aussi ça quand j’étais infographiste, j’analysais le travail des autres. Du coup, maintenant je joue à d’autres jeux qui n’ont rien à voir. » 

Stéphane s’inspire donc autrement. Un sujet ou un univers qui l’attire, ou encore un style graphique peuvent être le déclic de départ. Puis, pour affuter la précision des scènes, il faut savoir nourrir son esprit. « J’avais fait un festival, AcadéNîmes du Polar, à Nîmes, où j’avais rencontré des techniciens et surtout des techniciennes de scènes de crime. J’ai sympathisé avec certaines et j’ai un peu de consulting comme ça. Par exemple, le système de preuves de No Furs est vraiment valide, je l’ai vérifié avec quelqu’un dont c’est le métier. Bien sûr, faut toujours simplifier. Faut quand même que ça soit facile à mettre en œuvre. Sinon, pour l’inspiration, je regarde comment sont construites les séries. »


En effet, pour lui, les séries, c’est le must du must. HBO, OCS, Netflix, Prime, tous les policiers sont analysés par son œil expert et admiratif. « Il y a vraiment une maturité et une maîtrise de la narration, ça m’intéresse beaucoup, j’analyse beaucoup de séries et je lis sur le sujet. » Si on lui demande sa série préférée, un nom sort tout de go : « J’adore Bosch, l’adaptation des romans de Michael Connelly. 10 épisodes par saison, tu as trois enquêtes, trois arcs, et tout se finit à la fin, parfois tout se connecte, et c’est absolument maîtrisé, chaque personnage a sa petite vie, j’adore. Mentalist a des hauts et des bas, par moment t’as des arcs narratifs qui ne fonctionnent pas du tout, et des choses très gratuites. »

Cette source d’inspiration est si forte qu’elle lui donne un objectif. Parvenir à offrir un équivalent en jeu de société de la série qui possède à la fois plusieurs arcs narratifs et un côté feuilletonnant à la Columbo, où chaque épisode se termine et s’autosuffit. « J’aimerais pouvoir adapter ça, un jeu où on aurait deux protagonistes que tu accompagnes sur plusieurs enquêtes, mais entre chaque épisode, les protagonistes ont leur petite vie, par exemple avec leurs indics, des liens avec des personnages, tout ça, ça génère une matière plus forte. J’aimerais beaucoup arriver à faire ça. Je veux surtout amener une dimension psychologique, de l’émotion, je ne veux pas qu’on ait des personnages jetables, j’aime quand un crime n’est pas gratuit. « 

L’avenir 

Quand on lui demande ce qui l’occupe aujourd’hui, Stéphane sourit. L’exploration de Crime Zoom n’a pas fini de l’amuser. « Je suis parti sur un thème à la Deux flics à Miami ou Miami Vice, avec des illustrations très flashy, du rose fluo, des personnages avec les grosses gourmettes et les grosses lunettes de soleil… Je vais faire aussi une adaptation/hommage à Fenêtre sur Cour d’Hitchcock, avec l’immeuble en face et les photos qu’a pris la victime en bas, faudra faire une association un peu comme dans le film. Je vais travailler aussi sur une esthétique tirée du roman photo, où tout sera très exagéré, ça me fait beaucoup rire. J’en ai racheté quelques-uns des années 70 qui ne sont pas piqués des vers… J’aime beaucoup le grain du papier avec des trames très apparentes. On va faire ça avec des photos libres de droits, et comme aujourd’hui il y a plein de choses complètement improbables dans ses photothèques, je pense que ça peut donner quelque chose de bien décalé et je pense que je vais bien m’amuser sur les dialogues là-dessus. »   

À côté de ça, il compte bien décliner le game design de Crime Zoom pour proposer une autre famille de jeux d’enquêtes. Et il a aussi un scénario chez Iello, écrit avec Yohan Servais qui a déjà sévit sur trois Unlocks!. « Je m’essaie au co-authoring, c’est nouveau pour moi. On a mis un peu de temps pour s’accorder, c’est pas évident au début, lui il est très énigmes, moi je suis du côté des personnages, de la psychologie… ça se complète mais au départ on se comprenait pas trop, il a fallu trouver une façon de travailler ensemble. Et pour l’Escape, j’ai trouvé un co-auteur qui s’occupe des énigmes et moi je fais la narration. On a fait un Vivez L’Aventure qui va sortir chez 404. Je leur ai d’ailleurs proposé une nouvelle collection qui j’espère pourra se faire. » Bref, rassurez-vous, Stéphane Anquetil ne s’ennuie pas, et compte bien faire en sorte que vous non plus. 

  

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10 Commentaires

  1. Flemeth 19/03/2021
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    Un bien sympathique auteur, créatif, curieux, ouvert, exigeant. Bonne continuation Stéphane !

  2. SleuthGames 20/03/2021
    Répondre

    Skype d’une heure avec Shanouillette, on a aussi parlé piano et chat.

    C’était très intéressant de faire ce point sur mes méthodes de travail – avec son regard extérieur et ses questions. J’ai appris des choses sur moi-même.
    Entretemps, le Fenêtre sur cour est à l’illustration, avec Lucie Dessertine aux pinceaux.

  3. morlockbob 20/03/2021
    Répondre

    ça donne carrément envie de s’y mettre, reste à savoir si on a le talent pour…

  4. barnaby ross 20/03/2021
    Répondre

    Entretien intéressant. Je me demande juste s’il est vraiment pertinent de viser l’authenticité historique lors de l’écriture des scénarios pour « Sherlock Holmes : Détective Conseil ». Eviter les anachronismes me semble suffisant. Traduire les articles du Times de la journée en question ne me semble pas être vraiment judicieux, même si je peux comprendre les exigences imposées par le perfectionnisme.

    Pour quand est programmée la sortie de « Rapid Falls » ? Le site web indique toujours 2019 🙂

    • SleuthGames 22/03/2021
      Répondre

      Oui, mais la bonne source historique, c’est aussi pleins d’idées, d’immersion et d’inspiration servie sur un plateau. Et c’est quoi un anachronisme ? Un taxi électrique, c’est anachronique ? Eh bien non, cela existe en 1897. Une exposition de machines volantes avant 1903 ? Pareil.
      RapidFalls est ajourné. C’est un peu trop compliqué à éditer et long à écrire.

      • barnaby ross 22/03/2021
        Répondre

        Ma remarque portait surtout sur le fait d’inclure des traductions des articles du jour. Cela me semblait pousser le souci du détail un peu loin. Dans la série « les inventions oubliées », ma favorite est probablement « l’hyperloop victorienne ». Ouverte en 1863 (!), abandonnée en 1874 (!), et enfin redécouverte accidentellement en 1900 (!). Complètement dingue.

        • SleuthGames 22/03/2021
          Répondre

          Vous voyez bien que Sherlock mérite ce souci du détail. 😉 C’est un jeu à la fois holmésien et victorien.
          J’adore l’histoire de la copie de la Tour Eiffel dont la construction a été abandonnée après le 1er étage.

          • barnaby ross 23/03/2021

            Je vois que nous avons les mêmes lectures 🙂 J’avais consulté les plans des différentes tours il y a quelques années pensant y trouver l’inspiration pour une enquête SHDC, mais pas évident d’en tirer quelque chose. Au moins Watkin aura été plus loin dans cette entreprise que sa tentative de tunnel sous la Manche!

  5. acariatre 21/03/2021
    Répondre

    Très intéressant, honnête et sans fard sur le talent et l’exercice, l’exceptionnel et la routine. Et bien d’accord pour Bosh 😉

  6. SleuthGames 22/03/2021
    Répondre

    À noter que depuis cette entrevue (Skype), le « Fenêtre sur cour » est écrit et parti à illustration. Je suis en train de finir un CZ en pixel art, plutôt aventures/exploration, qui se passe sur une île des Seychelles.

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