Skyliners en met plein la vue
Il y a des rencontres qui ont du mal à se faire. Skyliners et moi, c’était pas gagné… Le cœur du jeu, à savoir construire des immeubles, ne m’enchantait pas plus que ça, le visuel de la boîte, malgré son image ultra reconnue, ne me faisait pas rêver. Du coup, j’avoue avoir occulté ce jeu malgré les titres de quelques articles.
J’avoue également avoir été déçu par New York 1901 chez Blue Orange et cela a peut-être influencé mes a priori. Le jeu est bon, mais le fait d’élever des buildings plats (!) m’avait refroidi. Du coup, encore un jeu de bâtiments… Mouais.
Un jour, Skyliners est arrivé sur la table du club de jeu, et, comme je suis joueur, j’ai voulu essayer. Autant se faire une opinion, surtout quand la boîte est à portée de la main.
Là encore ça n’a pas été le coup de foudre. Le mode initiation est assez mécanique et joue surtout sur le blocage. Néanmoins, je suis reparti avec un bon a priori cette fois.
La semaine suivante, on ressort le jeu pour une nouvelle partie, ce coup-ci, en mode avancé, afin que le jeu prenne son envol. Depuis, on se revoit souvent lui et moi et je crois qu’on va emménager ensemble.
Chronique d’une découverte en dents de scie.
En chantier, je ma pelleteuse (et moissonneuse)
Dans Skyliners votre but est de voir un maximum de constructions (gratte-ciels et parcs) à la fin du jeu.
Ensemble, les joueurs construisent une ville de gratte-ciels : la Slyline. Il s’agira de construire de façon judicieuse pour marquer un maximum de points. Ces points sont attribués en fonction des immeubles que vous pourrez voir depuis votre emplacement autour de la table ! On n’aime pas qu’on vienne nous gâcher la vue avec des grandes barres !
Inside the Skyline
Les amateurs de « matos » seront comblés avec ce jeu, car du matériel, il n’y a que ça : des tas de cubes colorés à empiler (on aurait aimé des petits détails sur certains cubes, genre des fenêtres, histoire que ça soit plus immersif) et quelques cartes.
Une petite image légendée vaut plus long que bien des discours :
Il y a également un bureau d’étude (plutôt une cabane de chantier) et des mouettes aux ailes « cassées » pour le décompte.
Et voilà. Le reste du jeu provient de vos capacités de spatialisation visuelle (pas toujours facile à placer comme expression, hein?). Vos yeux, la 3D, les tours qui se dépassent, la visualisation des pièces dans l’espace… En effet, le but est de construire la ligne de vue la plus dégagée possible sur toutes vos avenues. Plus vous voyez de buildings depuis votre chaise dans une même rue (notée A, B, C…), plus vous marquez des points.
On construit des morceaux d’immeuble les uns sur les autres – notez que les étages n’appartiennent à personne. On procède en suivant des cartes objectifs quartier (version de base et avancée) et objectifs plan (version avancée uniquement).
Au départ, c’est le chantier ! On lance même plusieurs chantiers (cubes neutres blancs) au hasard en suivant les cartes de départ. Certains juste devant votre nez, vous bouchant la vue, c’est rageant ! Le centre, qui serait l’emplacement idéal, commun à tous, est occupé par Central Park (le truc vert sur la photo ci-dessous), et comme vous le voyez, sa forme ne permet pas la construction.
Chaque joueur reçoit donc des cubes d’une couleur, plus pour la beauté de la chose et signifier la fin de partie (le jeu prend fin quand un joueur n’a plus rien à placer).
La boîte sert de terrain, et on vous conseille de la poser sur le couvercle de la boîte pour avoir une vue à hauteur des yeux (après, ça dépend où sont vos yeux). La boîte sert également pour le décompte de la fin. J’avoue qu’on a vu plus pratique, surtout avec ses oiseaux en carton aux ailes branlantes, mais l’idée de tout faire avec la boîte est un effort qui mérite d’être souligné.
► Version de base
Le mode « initiation » se différencie du mode « expert » en ne jouant pas avec les objectifs plan. Le reste du jeu conserve les mêmes contraintes mais au lieu d’avoir deux actions : construire et / ou planifier, nous n’aurons que construire et construire. Cela rend le jeu plus nerveux et accentue le côté blocage. On peut trouver cela un peu pauvre pour une première partie, mais on pourra avoir envie d’y revenir pour se défouler, après avoir joué en mode avancé.
Sur avenue C, le joueur voit 3 bâtiments
Vous avez donc à chaque tour l’obligation de poser où vous voulez (mais pas deux fois sur le même bâtiment) vos cubes afin d’élever vos constructions, ou celles des autres. Sachez utiliser intelligemment vos parcs et toits afin de terminer un immeuble ou bloquer pour toujours un emplacement. Cela, il faudra le sentir au bon moment. Certains les placent dès le départ, se réservant ainsi un périmètre sans danger. À vous de voir.
Avenue B. Une position impossible à prendre : jardin + toit. Rouge assure un minimum de 3 points.
N’oubliez pas non plus votre objectif de base : posséder le plus grand immeuble dans le quartier figurant sur votre carte objectif.
Vous posez, vous posez, jusqu’au moment où la matière première vient à manquer. C’est alors le décompte.
Ligne par ligne (A, B, C…) vous comptez le nombre d’immeuble(s) que vous voyez et marquez les points correspondants.
Ici Bleu voit 3 bâtiments dans la ligne C = 3 points…
… tandis qu’en face de lui sur la même ligne, Vert ne voit qu’un seul building = 1 point !
Allô, vous me recevez ?
Voilà le moment le plus difficile du jeu à gérer : la pose d’antenne, qui fait gagner des points supplémentaires.
Vous gagnez une antenne pour chaque immeuble visible dans votre ligne de vue. Vous êtes le premier joueur, vous partagez avec votre voisin d’en face un immeuble, mais comme vous jouez avant lui, c’est vous qui bénéficierez de la pose d’antenne sur l’immeuble commun.
Mais, fait honteux, le dernier joueur se fait avoir ! L’ordre des rangées étant inversé (ma E est donc la A de mon voisin d’en face) ce désagrément arrive à se moduler, mais comment anticiper pour être servi avant les autres ? Si cela agrémente le décompte, son anticipation est presque impossible, du moins dans la version de base.
Avec la pose d’antenne (et suivant l’ordre du tour) Bleu a pu ajouter 2 antennes, et vert une seule.
Nous avons comptabilisé les points des lignes de vue, les antennes, ajoutons le bonus de la plus grande tour dans le quartier… La partie est terminée, elle aura duré 40 minutes environ à quatre.
► Mode avancé
Bravo, vous venez d’être diplômé, vous voilà un architecte reconnu. Il est temps de passer à la vraie urbanisation… Enfin, vous ne serez plus charrette pour rien, la gloire vous attend. Le mode avancé reprend donc les mêmes principes que le mode de base : vue/grande tour/antenne en y ajoutant des objectifs plan.
Chaque avenue propose la vue de 1 à 4 immeubles… À vous de jouer !
Ces plans sont des paris que vous allez prendre au long du jeu. Ils sont nombreux, tout le monde a les mêmes, et les tours de jeu étant peu nombreux au final, ils ne faudra pas trop traîner pour les déposer au « bureau ». Ces plans proposent pour chaque rue (ligne) un alignement de plus en plus complexe. Réussir un alignement de 4 immeubles vous fait donc gagner à la fois la ligne de vue ET le contrat.
Algeco en carton
En mode de base vous aviez deux actions : une construction, puis une autre. Ici aussi. Mais vous pouvez en seconde action, décider de planifier : c’est-à-dire, poser dans le bureau un objectif plan que vous pensez valider en fin de partie. Attention de bien positionner votre carte dans le bon sens ! (pour éviter les « ah mais c’est pas celui la que je voulais faire »).
Ici, Jaune choisit la vue d’un unique bâtiment dans l’avenue B.
Le mode avancé ajoute donc une variable supplémentaire qui a tendance à minimiser le blocage. On est moins agressifs car plus concentrés sur ses plans. Ce qui n’empêche pas de pourrir le voisin si l’occasion se présente.
La partie terminée, le décompte reste le même avec ajout des contrats.
Reprenons notre exemple précédent – Bleu marque 3 points de contrat + 3 points de vue + 3 points d’antenne.
Précisions pour les antennes : En mode avancé, elles sont placées dans l’ordre des paris réussis dans la ligne concernée. Donc, plus vous pariez tôt, plus vous avez de chance de mettre des antennes et prendre la place des autres. Il est par contre plus difficile de prédire si le pari sera réussi. Appelons cela une prime de risque.
La partie terminée, le plateau de jeu ressemble plutôt à ça !
Bilan : J’adore quand un plan se déroule sans accroc
En voyant la boîte, on aura, comme dit au début de cet article, pensé à New york 1901, avec qui Skyliners ne partage que le thème. C’est plutôt du côté de Manhattan ou de City Skyline, le casse-tête de Knizia, que la filiation pourrait se faire : deux jeux où la construction d’immeubles est le centre du mécanisme ludique.
Dans Manhattan, par exemple, les règles sont plus complexes, puisque pour construire chez l’adversaire le joueur doit posséder dans la tour au moins le même nombre d’étages que le propriétaire précédent (celui qui possédait l’élément supérieur et donc propriétaire de la tour), quelle que soit la position de ces étages dans la tour. Skyliners ne se complique pas autant la vie, se voulant accessible à tous.
Skyliners est un jeu finalement assez austère. Son matériel n’est pas flamboyant (des cubes de plastique) et son fonctionnement est plutôt abstrait. Il est pourtant totalement dans l’air du temps en proposant des règles simples pour une plus grande profondeur qu’il n’y paraît et pour une durée d’environ une heure. Il peut se jouer à deux, mais on préfère une occupation maximale du terrain pour occasionner des changements plus nombreux en cours de partie.
Voilà donc un jeu frais, et dont la grande qualité est de parfaitement coller à son thème. Ici, le décor s’élève vraiment sous nos yeux, et la vue se bouche peu à peu, à notre plus grand désespoir (c’est moche, ces grands murs !).
Le jeu peut se jouer à plusieurs niveaux de réflexion, en se triturant plus ou moins le cerveau, mais reste abordable pour tous. Cette double étiquette familial / familial + est également un de ses points forts.
Bien sûr, et c’est un commentaire qui est revenu souvent, la version de base assez… basique… pourrait en refroidir plus d’un. On se demande d’ailleurs si elle n’a pas été ajoutée après, pour se plier aux désirs de l’éditeur de parler au plus grand nombre. Il reste, qu’une fois passé au mode avancé, on ne reviendra plus en arrière, le traitement plus ou moins anarchique de la pose d’antenne entrant largement en compte dans cette décision.
Seul vrai point noir de ce jeu : son rangement très mal étudié. Si on veut que la boîte ferme, on a intérêt à glisser les cartes et le bureau sous le terrain. Hélas, ce même terrain est fin et fragile. À le manipuler trop souvent on risque de le déchirer… Et sans ce mauvais thermoformage sur lequel se posent les cubes… plus de jeu. L’éditeur fera-t-il l’effort de remplacer la base le cas échéant ? Pas gagné. Dommage, donc, que les ouvriers ne puissent pas ranger leur outil convenablement au point de risquer l’accident de travail.
Skyliners est pour moi une bonne surprise de ce début d’année. La 3D fait toujours son effet, le mode avancé donne la vraie tonalité avec ce côte prise de risque sur « planifier en premier ou pas », et il parvient avec des règles simples à créer une bonne tension. Reste à attendre l’extension King Kong… mais je crois qu’elle n’est pas prévue de sitôt. Ou alors pour le premier avril ?
Un jeu de Gabriele Bubola
Edité par Filosofia, Hans im Glück Verlags-GmbH
Distribué par Asmodee
Langue et traductions : Allemand, Français
Date de sortie : 11-2015
De 2 à 4 joueurs
A partir de 8 ans
Durée d’une partie entre 30 et 40 minutes
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