Sherlock Holmes Detective Conseil et Jack l’Éventreur
Le ptit père Sherlock Holmes est de retour ! Est-il vraiment parti, on ne sait pas, en tout cas, il squatte ! Si vous avez aimé vous casser la tête sur l’opus en date de 2011 [le fameux Sherlock Holmes Detective Conseil], vous ne devriez pas rater celui-ci qui en est le digne successeur (et le premier d’une nouvelle saga qui promet des sorties une fois par an, oui monsieur).
Vous le savez, le vieux Sherlock des années 80 avait été remis au goût du jour avec talent par Ystari (photo ci-dessous). 5 ans et 65 000 exemplaires vendus plus tard, on nous propose aujourd’hui un tout nouveau stand-alone (boîte autonome) chez les Space Cowboys. Ne cherchez pas le dénominateur commun entre Ystari et les Space Cowboys, il s’appelle Cyril Demaegd. Pourtant le vrai chargé de projet ici, c’est un certain Thomas Cauët.
Si vous avez besoin d’une bonne dissection en règle de Sherlock Holmes Detective Conseil, de la version de 81 et de ce qu’en avait fait Ystari, il y a un très bel article par ici que je conseille fortement, en une fois ou en prises séparées, allez-y, c’est bon pour vous.
Nous nous concentrons aujourd’hui sur la nouvelle boîte ocre, en format tiroir. Sherlock a été relooké, passé au bistouri et légèrement repensé mais le fonctionnement reste le même.
Avec Sherlock Holmes Detective Conseil et Jack l’Éventreur & Aventures à West End (c’est un peu long comme nom, je vous l’accorde) on a une nouvelle campagne avec 4 enquêtes qui se suivent nous mettant sur la piste de l’odieux Jack l’éventreur. En plus de ça, vous trouverez aussi 6 autres scénarios indépendants, qui sont issus des « West End Adventures » de Gary Grady et Suzanne Goldberg, parus en anglais en 1995, donc inédits pour la France. En tout 4 +6, oui vous êtes trop forts, 10 nouvelles enquêtes, c’est bien ça !
Comment ça se passe ? Bien.
Le principe du jeu est donc authentique depuis 81 : vous devez résoudre une enquête avec pour seul matériel le plan de Londres, les journaux, vos indics, et le livret d’enquête. Et vos petits neurones.
Concrètement, vous lisez le début de l’enquête pour prendre connaissance du crime commis, après quoi, vous vous demandez qui interroger. « Il faut absolument retourner sur le lieu du crime ! – Non, il faut aller voir le témoin chez lui ! – Vous avez rien compris, c’est la boulangerie en face qu’il faut aller voir ! – Le médecin légiste a sûrement des remarques intéressantes sur la façon de procéder du meurtrier, commençons par là, non ? ».
En regardant dans l’annuaire, vous trouverez l’adresse des personnages, autant de numéros qui vous amèneront à lire des paragraphes spécifiques, bourrés d’indices, de fausses pistes, ou pas.
Petit à petit, vous recouperez des informations pour y voir plus clair et au final vous pourrez aller répondre aux Grandes Questions Fatidiques de Fin d’Enquête. (Oui c’est moi qui mets des majuscule parce que ça en impose). Si vous savez répondre aux Grandes Questions, vous gagnez des points, sinon vous en perdez.
Comprenez que l’objectif est avant tout d’ordre intellectuel. Le plaisir ne se compte pas en points de victoire mais à l’aune du regard ébloui de vos camarades quand vous comprenez que vous avez percé les mystères imposés. Oui, on se place ici techniquement juste à côté d’un Livre dont Vous êtes le Héros, mais avec plus de matériel au sein duquel naviguer, et avec en rab le bonheur partagé de la coopération et des engueulades sur les pistes à suivre.
Bien entendu, je n’aime pas divulgâcher les jeux à scénarios et je ne peux pas vous raconter tellement mes parties sans vous mettre des spoils de partout. Sachez juste que tout débute avec le meurtre d’une femme dans une sombre ruelle. Et accrochez-vous, car vous allez en voir des appartements délabrés, des coins malfamés, des gens malades, paumés, amers, menaçants ! Vous allez comprendre ce que c’était que le Londres victorien des bas quartiers ! Au fur et à mesure de vos enquêtes le profil du meurtrier va se préciser et vous pourrez peut-être enfin répondre à la question : Qui était Jack ? Bon bah voilà, je vous ai laissé un spoil.
Sherlock Holmes, c’est pour qui ?
On ne va pas se mentir, si vous n’aimez pas lire, et encore moins à haute voix, vous allez souffrir quelques heures. Et si votre vie ludique doit se résumer à comboter des cartes, placer des cubes carrés ou lancer des dés customs, fermez votre navigateur maintenant. Ici, on lit, oui monsieur. Mais pas que ! On croise des informations glanées, on prend des notes, on fait des liens, on débat des pistes à suivre, on dessine des mind map frénétiquement, on colle des post-it partout, on tire des ficelles entre des images punaisées au mur dans une pièce réservée au jeu et éclairée par une simple lampe à pétrole… Quasi quoi.
Et puis, on crie finalement au scandale ou au génie (ou un mixe des deux) devant la solution de l’enquête. D’ailleurs, maintenant, on a la joie d’ouvrir une enveloppe pour lire les réponses. Comme on ne reçoit plus que des factures dans la vraie vie, on est contents de retrouver ce petit plaisir simple venu d’un ancien temps. Franchement, on aurait même aimé qu’ils poussent ce genre d’idées plus avant.
La campagne
La vraie nouveauté de cette édition 2016 était à mes yeux, au-delà du plaisir de se replonger dans une ambiance purement Sherlock, la petite campagne de Jack l’éventreur. Malheureusement, maintenant que les Legacy et les TIME Stories sont passés par là, je trouve que son côté persistant aurait pu être plus poussé et je reste un peu sur ma faim de ce côté-là. L’enveloppe à la fin, c’était cool. On aurait peut-être pu chercher d’autres idées dans ce ton-là.
Par ailleurs, la campagne est plus ou moins bien menée. Au début, on se contente de nous lancer sur les traces de Jack, tout en sachant qu’on ne pourra pas l’attraper tout de suite. Du coup, on est parfois un peu perdus, sans trop savoir ce que l’on attend de nous exactement. « On fait quoi chef ? – Je sais pas, j’ai pas compris ce qu’on cherchait. » Alors on suit une piste, et avec de la chance, elle nous mènera sur un point clef qui nous permettra de répondre aux questions finales… Et si on n’a pas de chance, l’enquête s’enlise ! Dans certains cas, rien ne peut présager de la direction à prendre. Le truc, c’est qu’on ne connait pas les Grandes Questions avant d’y être confrontés. Alors si votre intuition était bonne, c’est bonheur. Mais si vous avez raté tout un pan de l’histoire, vous inspirerez peut-être un nouveau couplet pour la Tristitude, vous savez, la chanson d’Oldelaf.
Qu’à cela ne tienne, Sherlock reste l’élégant « OLNI » qu’il a toujours été, un livre jeu ++ un peu à la marge (entre boutiques de jeux et librairies) qui sait engendrer des soirées surréalistes à éplucher les journaux au coin du feu, à polémiquer sur la façon dont la victime est tombée (« Sur le dos ! – Non sur le sol ! – Sur le do et sur le sol, ça fait un accord ? » bisette à ceux qui reconnaissent l’enquête de François Pérusse), à examiner le plan du quartier de Whitechapel pour déterminer par où est passé notre diable d’assassin. Parfait pour vos soirées d’hiver.
Une chose à savoir : le fait que tous les détails de la campagne soient historiquement vérifiables donne froid dans le dos. Sérieusement, ne jouez pas avec des enfants en bas âge dans la pièce ! Certains paragraphes sont purement gores et nous avons parfois dû murmurer pour ne pas troubler les coloriages patients de MiniSha… En tout cas, l’historien en vous frétillera d’excitation.
Comme d’habitude, on est tiraillés entre explorer toutes les pistes pour profiter du travail d’écriture et découvrir toute l’histoire, ou se limiter et optimiser nos coups pour avoir un score dont on puisse être à peu près fiers à la fin. Certains seront frustrés s’ils n’ont pas rendu visite à tous les personnages, d’autres l’auront en travers s’ils sortent de la table avec un score hyper négatif. Selon vos joueurs, l’aspect narratif ou l’optimisation l’emportera, et le style de vos parties sera sensiblement différent.
Et après ?
Dans le même univers et chez le même éditeur va bientôt débarquer la traduction de Watson & Holmes, un jeu espagnol sorti initialement chez Ludonova dont on vous avait déjà parlé. D’ailleurs, on avait ramené une vidéo from Essen l’an dernier. Nous fûmes donc agréablement surpris de découvrir que les Space Cowboys allaient le localiser.
Par rapport à la version originale de Ludonova, on découvre un Watson & Holmes au format boîte tiroir (qui ira bien à côté du nouveau Sherlock Holmes sur votre étagère du coup), des illustrations autres et un nouveau design via ce qu’on pourrait qualifier de remodelage éditorial total. Attention, Watson & Holmes est un jeu d’enquêtes qui n’a rien à voir avec le jeu coopératif Sherlock Holmes Detective Conseil. Déjà, on n’est pas tous ensemble contre le jeu, loin de là : on va tenter de couper l’herbe sous le pied des autres en permanence. De plus, il mixe des éléments ludiques tels que l’enchère et la gestion de ressources.
Et encore après ?
L’an prochain, on aura droit à une ré-édition de la première boîte Sherlock Holmes Consulting Detective Game, en stand alone, celle dont je parlais en ce début d’article. Avec de nouveaux graphismes, la nouvelle police plus lisible, et les coquilles corrigées.
C’est une bonne nouvelle, même si les fans de la première heure rêvent sans doute d’enquêtes neuves. Oui mais cette nouvelle gamme des Cowboys de l’espace est si luxueuse qu’il paraît logique d’opérer cette mise à niveau sur le premier opus.
Certes, on a que du papier diront certains, pas de bande son, pas de figurines, allons bon, c’est facile d’avoir du matos techniquement propre ! Je m’insurge. Au-delà du choix des mots et du choc des illustrations, du travail d’écriture et de l’architecture de l’intrigue, nous pouvons profiter d’une série de choix de bon goût : les mises en page, les grammages, les typo, la boîte tiroir avec son vernis sélectif, … Un soin particulier et le savoir-faire des Space Cowboys sont ici à l’oeuvre. Sérieux, quel confort tous ces meurtres, c’est trop sympa ici ! Allez, quittons-nous par une visite guidée, vous jugerez sur pièce :
Sherlock Holmes Detective Conseil et Jack l’Éventreur
Un jeu de Gary Grady, Jérôme Ropert, Suzanne Goldberg
Illustré par Arnaud Demaegd, Neriac, Pascal Quidault
Edité par Space Cowboys
Distribué par Asmodee
Langue et traductions : Anglais, Français
Date de sortie : 09-2016
De 1 à 8 joueurs
A partir de 10 ans
Durée d’une partie entre 60 et 120 minutes
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ReiXou 17/11/2016
Pour l’instant j’ai fait l’impasse sur Jack en attendant d’avoir de la visibilité. En revanche on a joué les enquêtes 5 et 6 qui nous ont semblé excellentes : à la fois non bloquantes, sans incohérences majeures et fluides.
Et elles laissent la place aux intuitions fulgurantes au niveau des scores (on a fait des 45 et 50 mais ceux qui auront une ou deux idées géniales peuvent monter vers 75).
Shanouillette 17/11/2016
Cool ! Merci pour ce retour 🙂 On va regarder ça. Pour l’instant, comme le laisse comprendre l’article, on a juste tâté du Jack. J’espère que mon retour aidera un peu ceux qui se lancent dans la campagne.
TheGoodTheBadAndTheMeeple 17/11/2016
ahah chez nous on a fait les 9 premieres avec enormément de plaisir, cette boite arrivera donc tranquillement le temps d’écouler les autres et les multiples scénars additionnels sortis de ci de là.
Heureux aue sherlock continue a vivre aussi bien car ce jeu est vraiment excellent.
-Nem- 17/11/2016
Perso ça fait un moment que j’ai envie de me lancer dans sherlock detective conseil… Je pense qu’au vu de ton article je vais plutôt attendre la réédition de la boite de base.
Dr. Jacoby 17/11/2016
Typiquement le genre de jeux que j’adore mais auquel je suis archi-nul, j’aimerais bien qu’on me donne une méthodologie efficace pour capter / noter ce qui est intéressant / important
J’ai d’ailleurs testé Watson & Holmes la semaine passée et la touche compétitive / blocage / contrainte supplémentaire m’a achevé, ça sera définitivement sans moi !
motlockbob 18/11/2016
Jack n est pas le plus réussi mais c est un plaisir de recommencer à mener l enquête. Et puis ca fait un bon jeu chez les cowboys en 2016…
Umberling 18/11/2016
Beaucoup apprécié : je trouve le côté ludique plus facile à trouver que dans TIME Stories, en fait ! L’expérience y est organique, forte, plutôt bien designée (malgré quelques heurts mineurs ça et là). Bref, moi qui me plaignais tout le temps de la narration un peu faible des jeux à base de texte, là, je n’ai plus matière à râler !