Robin of Locksley, voleur de tuiles !
Robin des bois.
D’une manière ou d’une autre, tout le monde a entendu parler de ce héros légendaire de la littérature anglaise. Films, dessins animés, littérature, jeux vidéo et bien sûr… jeux de société. C’est d’ailleurs un thème déjà exploité par l’auteur, Uwe Rosenberg, lui-même fameux personnage du monde ludique germanique (et au-delà !).
Etes-vous prêt à vous lancer dans un duel de voleurs pour la gloire de d’Angleterre ?
Voler aux riches pour sauver… le roi
Robin of Locksley est en effet un jeu pour deux joueurs uniquement. Il vient casser le cycle des jeux à polyominos de l’auteur, genre sur lequel il se repose depuis quelques années (Patchwork, Cottage Garden, Indian Summer, Spring Meadow, Patchwork Express, Seconde chance et prochainement New York Zoo). Je n’oublie pas Nova Luna qui, s’il ne joue pas sur des polyominos, se rapproche tout de même de Patchwork sur sa mécanique.
Dans Robin of Locksley, ce ne sont pas un robin des bois que nous aurons, mais… deux ! Chaque joueur va incarner un héritier de la famille Locksley et veut réunir le montant de la rançon pour sauver le roi Richard Cœur de lion de ces infâmes sarrasins, afin qu’il revienne apporter paix et postérité dans le royaume d’Angleterre. Pour cela, il faut aller chercher l’argent là où il est : Dans les poches des riches (Prince Jean, rends l’argent !).
Pour cela, les deux robins vont faire la course à la rançon autour d’un plateau de 5 x 5 cases présentant des tuiles butins de différentes couleurs.
Le contour du plateau sera constitué d’une vingtaine d’objectifs « gloire » à remplir dans l’ordre. Le premier à faire deux tours du plateau sera celui qui gagnera le droit de payer la rançon et son nom restera dans les livres d’histoire.
Pour ce faire, à chaque tour, le joueur va pouvoir déplacer ses deux pions : Le jeton « Robin », en charge de piller les riches sur le plateau de tuiles butin, et le jeton « Barde » en charge de narrer les exploits de Robin en validant les objectifs autour du plateau.
- Déplacer le pion Robin : Action obligatoire consistant à se déplacer sur une tuile butin libre, comme un cavalier aux échecs (en L, une case de côté et deux cases de l’autre, ou inversement).
Le joueur récupère la tuile butin sur laquelle il vient d’arriver, puis on place une nouvelle tuile sur l’emplacement d’où le pion est parti. - Déplacer le pion Barde : Cette action de déplacement est facultative et peut se faire plusieurs fois, avant et/ou après avoir déplacé le pion Robin.
Pour cela, il va falloir soit payer une pièce d’or, soit remplir la condition demandée de la tuile gloire devant le pion barde, comme par exemple avoir un butin d’une certaine couleur, ou avoir son pion Robin adjacent au pion adverse, ou encore (plus difficile) avoir exactement 3 collections de 3, 2 et 1 tuiles.
Pour passer ces objectifs, il va falloir constituer des collections d’objets. Une collection est constituée d’au moins une tuile butin de couleur. Il va donc falloir avancer astucieusement son jeton Robin pour récupérer les tuiles convoitées. Il sera nécessaire d’anticiper un peu les mouvements pour remplir les conditions requises. La meilleure issue est de pouvoir remplir plusieurs objectifs à la fois et avancer rapidement son pion barde.
« Voyez ce qu’ils font pour le roi Richard, voyez ce qu’ils font pour le Cœur de lion ! »
– Robin des bois – Film de Ridley Scott –
Parfois, un objectif sera vraiment difficile, voire impossible à obtenir… ou on ne voudra tout simplement pas le faire. Alors, un joueur pourra dépenser une pièce d’or histoire d’ignorer l’objectif et passer au suivant. Pour obtenir ses pièces salvatrices, il suffit de vendre ses collections d’au moins trois tuiles identiques. Trois tuiles rapportent une pièce, quatre tuiles pour deux pièces, etc.
Ainsi, ne pas croire qu’avoir plusieurs objectifs d’avance sur son adversaire soit gage de victoire assurée. Une remontée est tout à fait possible, surtout si un joueur bénéficie de nombreuses pièces. Sachez que le dernier objectif à atteindre sera forcément avoir 4 pièces d’or (il faut bien payer la rançon tout de même).
Le premier à y parvenir remporte gloire et prospérité (mais sera moins riche du montant de la rançon). La victoire est aussi déclarée si un joueur prend un tour complet sur l’autre. Mais dans ce cas-là, le perdant était indigne de concourir au titre de prince des voleurs !
Enfin de la nouveauté dans la production Rosenberg ?
Il fut un temps où le nouveau Rosenberg était attendu comme le messie, incarnant le grand cru Euro du salon d’Essen (La route du verre, A la gloire d’Odin…). Mais cette attente s’est un peu amenuisée ces dernières années, suite à des sorties moins flamboyantes, voire franchement passables (qui se souvient d’Hengist ? et ma déception sur Reykolt ?).
Robin of Locksley ne sera peut-être pas une sortie historique venant s’épingler aux grands incontournables de l’auteur. Néanmoins, il apporte un peu de renouveau appréciable, et un jeu plutôt réussi à deux joueurs. Le plaisir de jeu est présent, avec des règles en somme assez simples, accessibles, et une mécanique qui tourne.
Il faudra être attentif au plateau, le mouvement en L n’étant pas forcement intuitif pour tous les joueurs. Anticiper ses coups, tant sur les tuiles à récupérer, que sur les objectifs à venir, s’avère essentiel. Un joueur ne sera jamais bloqué, mais devra être vigilant à ne pas se perdre dans la récupération de tuiles peu rentables.
On pourra même se permettre de récupérer une tuile utile à son adversaire si la configuration le permet, et ainsi le ralentir. Il est donc intéressant de garder un œil sur le jeu adverse, sans prendre trop de retard. Le jeu reste une course où c’est celui qui optimisera le plus vite ses collections en fonction des objectifs, qui remportera la victoire.
Côté édition, le jeu est dans l’ensemble lisible, avec des illustrations assez discrètes et des iconographies parlantes. Elles n’aident pas particulièrement à s’immerger dans le thème, mais répondent à la mécanique. Et ce n’est pas plus mal ! Trop de jeux récents proposent de superbes illustrations au détriment de la lisibilité générale. Même l’illustration de la boîte, m’ayant peu attiré au premier regard, s’avère plutôt mignonne et réussie quand on s’attarde sur les détails.
Le renouvellement des parties est assuré par l’ordre aléatoire des tuiles objectifs et quelques tuiles objectifs supplémentaires, plus difficiles à atteindre. On pourra même réduire ou augmenter la durée de partie en jouant sur le nombre de tuiles objectifs. Mais bien sûr ne vous attendez pas à avoir des parties radicalement différentes selon le positionnement de départ. Cela reste un jeu de collections éphémères, où il faudra les constituer avant l’adversaire.
Quelques petits points sont à regretter : Un thème globalement absent du jeu. Autant la mécanique fonctionne très bien, autant on ne sent à aucun moment cet esprit de justicier, volant aux riches pour donner aux pauvres libérer le roi. De plus, on se retrouve avec deux Robins des bois (plus exactement, un Robin et sa sœur, pour l’aspect paritaire) concourant pour être celle/celui qui paiera la rançon la première/le premier. Il y a bien des noms sur les tuiles objectifs (Attaque de convoi, garde endormi) mais je crois ne les avoir lu que pour la rédaction de ce Just Played. Au final, on ne sait pas trop pourquoi ce thème a été choisi sur ce jeu. Peut-être parce que c’est un sujet cher à Uwe Rosenberg (il avait déjà proposé dans Nottingham en 2006) ?
À titre tout à fait personnel, j’aurais tellement préféré un thème à la « Agricola : Duel de moutons » en remplaçant les robins par des fermiers et les butins par des animaux de la ferme. Avec pour titre « Agricola – le jeu de tuiles ». Parenthèse fermée.
Enfin, un autre point à relever sur cette édition pour moi est cette différence sur la taille des tuiles butin qui sont plus petites que dans la version présentée au salon d’Essen. Certes, la boîte de jeu est aussi plus petite (et peut-être moins chère) que sa version allemande, mais avoir des tuiles espacées, pour remplir le carré central, nuit un peu à la lecture du jeu. Pour une meilleure lisibilité, j’ai dû rapprocher les tuiles, ce qui est tout à fait jouable mais donne une présentation générale un peu particulière du plateau. La version « grandes tuiles » avait plus de classe.
Defender of the crown
Dans l’ensemble, Robin of Locksley s’avère une bonne surprise, agréable à jouer. Je prendrai plaisir à le sortir pour sa durée assez courte et sa simplicité qui ne nuisent pas à son intérêt. Pour ma part, il ne détrônera probablement pas Patchwork, la Rolls-Royce des jeux à deux du même auteur (et encore moins Terres d’Arle, mais ce n’est pas le même calibre). Malgré tout Robin of Locksley aura sa place dans les jeux à ressortir. En attendant un prochain gros jeu de Rosenberg, comme il savait le faire !
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morlockbob 17/09/2020
bien content de lire un avis éclairé sur ce jeu, je m y suis tellement ennuyé que j’ai relu trois fois les règles, en me disant » c’est uwe ». Me voilà rassuré… Merci
Phoebus77 21/09/2020
Patchwork est bien dans son thème. Ici pour un jeu de course je suis tout à fait d’accord qu’il était bien plus facile d’aller vers un autre thème plus adapté. Curieux comme choix. Vu le nombre de sorties chaque mois la réussite d’un jeu tient quelque fois à quelques détails. De plus le déplacement me semble rajouter une gymnastique intellectuelle de vision dans l’espace pas forcément adapté à tous les joueurs hormis les joueurs d’échec. Je suis très mitigé mais j’aimerai bien essayer avant d’acheter.
Meeple_Cam 22/09/2020
L’originalité est justement dans ce déplacement en L, qui demande à avoir une bonne vision du plateau pour anticiper ses coups. Un peu comme aux échecs, en somme :). Il vaut le coup d’être essayé.
morlockbob 22/09/2020
il faut vraiment l’essayer avant de l’acheter. J’ai refait deux parties et, non, pour moi , c est raté, plat. Rien que refaire un tour sans changer un petit quelque chose montre la fainéantise de ce Robin. Il y a plus de tension dans le petit Fairy Trails (bien que convenu) du même auteur sortit au même moment
Meeple_Cam 22/09/2020
Ah bah tu vois, les retours que j’ai eu de Fairy Trails (que je n’ai pas essayé), c’est que c’est un jeu de non-choix, plat et sans intérêt. Comme quoi il faut se faire son propre avis 🙂
morlockbob 22/09/2020
c est sur que ce n est pas le jeu de l’année, que pour un auteur aussi doué, c’est fainéant, mais à choisir entre les deux…
fouilloux 22/09/2020
Joué ce midi, moi j’ai trouvé sympathique. Mais on se demande pourquoi avoir limité à deux joueurs?
Meeple_Cam 22/09/2020
C’est une bonne remarque. J’ai peur que à plus de 2, cela devienne chaotique sur le plateau. Dans le sens où, à 2, on peut anticiper 2 à 3 coups en avance pour aller chercher les tuiles qui nous conviennent le plus sur plusieurs objectifs. A plus, le plateau serai trop renouvelé, et le jeu perdrait en stratégie. C’est particulièrement un des défauts que je trouve à son cycle bucolique (cottage garden, Spring meadow, Indian summer), où à 3/4, on ne contrôle plus rien sur les polyominos à obtenir sur les coups à venir, la meilleure config de ces jeux étant 2 (comme patchwork)