Roaring 20s – Enchères et décadence
Dans les méandres, les tréfonds des allées d’Essen, se cachent parfois des œuvres invisibles, écrasées sous l’immensité de l’offre. Ludovox se veut d’éclairer ces recoins pour vous donner une vision aussi complète qu’il nous est possible sur l’actualité ludique.
J’ai la chance d’avoir un président d’association locale suffisamment motivé pour aller chercher si loin ces petites bestioles, qui parfois ont du potentiel. Je l’ai constaté dernièrement avec Ritual (voir le Just Played) et avec le surprenant Blabel (voir le Just Played), tous deux du même auteur d’ailleurs. Je voulais vous parler aujourd’hui de Roaring 20s, édité par Pegasus Spiele, imaginé par Leo Colovini (Cartagena) et illustré par Annika Heller (Savannah Park), un jeu dont le titre est improbable et le thème encore moins !
Un thème tiré aux dés lors d’une soirée trop arrosée ?
C’est ce que j’ai tendance à penser. Roaring 20s s’inspire des années 20 et… Des dinosaures… Oui, oui ! (Euh non… Pas de Oui-oui, pas quand même !).
Comme vous vous en doutez, le thème de ce jeu d’enchères à base de cartes, est cosmétique. Lors d’une soirée dansante durant les années folles, qualifiées aux USA d’« années rugissantes » (d’où le titre), vous tentez d’amadouer des invités de choix avec de la nourriture (snacks, cocktails, sucreries) ou des diamants. Réunir les bonnes convives vous permettra par cette occasion de former des paires, brelans, ou suites, et marquer le plus de points possibles en fin de partie.
Ma foi, c’est absurde, c’est esthétique, et cela passe plutôt bien je trouve. Une question de goût sans doute.
Dans la lignée de For Sale
Les dinosaures ont disparu, mais dans l’arbre de l’évolution des jeux, les enchères sont encore bien présentes. Et parmi ces jeux, on trouve la branche des jeux d’enchères à base de cartes, maintenue entre autres par l’indémodable For Sale (voir le Just Played), dont Roaring 20s se rapproche en de nombreux points, sans non plus l’imiter. On y retrouve également Pour le roi (et moi). Tous deux ont des points communs avec Roaring 20s. Une fine branche avec peu de titres, mais une branche solide !
L’objectif du jeu est de collectionner des cartes Dino (les convives), une seule étant en jeu à chaque manche, pour un seul vainqueur donc. Ces cartes ont une valeur brute en points de victoire (étoiles), et une valeur numérique. A partir de la collection de cartes Dino que l’on va progressivement remporter, on cherchera à constituer des paires, brelans, ou une suite la plus longue possible, pour gagner des points supplémentaires. Rien de compliqué.
Pour gagner ces cartes, vous disposerez d’une main contenant des ressources servant à les amadouer. A chaque fin de manche, une nouvelle carte viendra compléter vos ressources. Tous les convives n’ont pas les mêmes goûts. Certaines préféreront le sucré, d’autres le salé… Mais les diamants les séduiront toutes. Tout cela semble classique, mais deux twists intéressants viennent donner un peu d’âme au jeu.
Le premier est que chaque carte Dino présente un compromis. Une carte portant beaucoup de points de victoires sera plutôt rare et ne favorisera pas les suites ou combinaisons. Au contraire, une carte à faibles points de victoire sera plus fréquente, provoquera plus facilement des combinaisons et pourra même être plus facile à amadouer dans certains cas (5 et 6). Après quelques manches, les désirs des joueurs tendront ainsi à se différencier et ils ne cibleront pas les cartes pour les mêmes raisons (« il me manque des points », « j’ai un trou dans ma suite », « oh, je veux ce joker ! »…).

Le compromis entre valeur de la carte, sa fréquence dans le paquet, et sa difficulté d’acquisition est plutôt bien pensé
Deuxième twist, plus intéressant, est que le système d’enchères peut être « perdant gagnant » grâce à un catch-up. A chaque manche il y aura une offre de cartes Ressource disposées sur la table. Le premier joueur décidant de passer la manche pour abandonner les enchères sera le premier à choisir une carte de l’offre, qui rejoindra ensuite sa main. Suivant les tirages, ce lot de consolation peut être très convoité (s’il y a une seule carte forte par exemple) et peut même dissuader de poursuivre les enchères. J’ai trouvé que ce principe apportait des tout petits dilemmes intéressants, et je l’ai rarement croisé dans un jeu d’enchères.

Poser sa carte « Mine! » (« C’est le mien ! ») le premier sur l’offre de Ressources peut vous donner un avantage significatif pour les manches suivantes.
La branche est-elle solide ?
Pour l’essentiel, il n’y a pas grand-chose à ajouter sur le principe de Roaring 20s, qui se veut simple et miniature. La question est maintenant de savoir s’il se fait une place parmi les autres jeux du genre. En particulier, les amateurs de For Sale pourront-ils être conquis ? Mais aussi, est-ce qu’il peut tenir comme ce dernier sur la durée ?
Un public débutant pourra certainement apprécier, car les mécaniques et la durée de partie (20 minutes) sont suffisamment élaguées pour l’ouvrir au public familial. Des joueurs aguerris accorderont plus d’attention à la fréquence des cartes Dino dans le paquet et pourront jouer sur ce levier. Il ne faut pas chercher plus, c’est avant tout un jeu d’enchères pures.
Etant un grand amateur de For Sale, Roaring 20s ne m’est pas apparu comme un doublon. Même s’il se range dans la même catégorie, il propose des twists et un visuel qui lui donnent une identité propre. Il ne présente pas d’accroc côté mécanique (vous savez, ces petites règles maladroites par ci par là qui gâchent le plaisir) lui donnant fluidité et élégance, ce qui est un critère important pour moi avec ce gabarit de jeu.
Il n’aura pas un effet de surprise aussi éclatant que ce que For Sale peut fournir durant les dernières manches, car ici on voit venir rapidement les objectifs des adversaires. Par contre, il y a une tension autour de la question de savoir si l’on préfère bloquer les adversaires ou bien marquer des points. De ce côté-là, l’effet est plutôt réussi.
En somme, mon coeur penche toujours pour For Sale, mais Roaring 20s m’a paru bien défendre son cas. Il est disponible à petit prix en VO (text less) sur la vente en ligne. Merci encore à Denis de l’association Osez Jouer !, pour avoir ramené cette petite boite sympathique de ces contrées pas si lointaines !







