Rise and Fall : S’élever jusqu’à la chute
La dernière création de Christophe Boelinger est en cours de financement sur kickstarter via sa maison d’éditions Ludically. Le bonhomme est connu pour ses titres originaux qui ne laissent jamais indifférent. Pour certains, l’amoncellement mécanique d’Archipelago a un côté indigeste, tandis que pour d’autres, c’est un chef d’œuvre sans concession. Nous avons pu nous faire la main sur le prototype du jeu, ainsi que sur la version en ligne.
De l’Apogée …
Rise and Fall nous propose de construire et étendre notre civilisation dans un jeu de gestion de main et de majorité, plutôt épuré cette fois, puisque nous n’aurons jamais que six cartes, et on commencera avec trois d’entre elles. Notre population va se développer, nous allons construire des villes, des bateaux, etc, jusqu’au moment du déclin.
En début de partie, les joueurs composent le plateau de jeu. Devant vous, le plateau se construit en relief avec des zones d’étendues maritimes, des chaînes montagneuses, des forêts et des vertes plaines. Pour une première partie, je vous conseille de le faire en concertation.
Cette phase est capitale, cela va déterminer des zones importantes, des goulots d’étranglement et même des falaises qui ne seront pas accessibles à tous les types d’unités. En fin de partie, pour chaque zone contigüe, le joueur majoritaire va gagner des points, en fonction de la taille de la zone. Par exemple, une zone de montagne à 6, va rapporter au joueur majoritaire 24 points (6 x 4 par hexagone montagne). Autant dire qu’il faut avoir tout cela à l’esprit quand on va placer nos trois premiers meeples. C’est ce qui va préfigurer nos actions de départ.
Gestion de main ! La fin de l’abondance ?
Le tour de jeu est simple, nous commençons avec trois cartes en main, correspondant aux trois types d’unités (villes, nomades et bateaux). Tous en même temps nous en choisissons une que nous révélons, puis dans l’ordre du tour, chaque joueur va réaliser son (ou ses) actions.
Ses actions parce que l’on va pouvoir activer toutes les unités du type de la carte, par exemple au début avec mon nomade en forêt, je produis un bois, mais si j’en ai deux, je peux produire aussi une pierre avec celui qui est en montagne, à moins que je ne dépense un bois pour transformer ce nomade en navigateur, ou en ville.
Vous pouvez les activer dans l’ordre de votre choix pour réaliser les actions souhaitées. C’est la que réside le défi d’optimisation, plus vous avez d’unités d’un type, et plus vous allez pouvoir réaliser d’actions.
… au déclin
Si à la fin de votre tour vous avez construit toutes les unités d’un type, alors vous réalisez le trophée correspondant qui ne sera plus dispo pour les autres. Cela a plusieurs conséquences, la partie avance vers sa fin, mais surtout on déclenche un déclin, tous les joueurs vont devoir détruire une carte de leur choix, ils ne pourront plus la jouer de la partie. Pas de panique, vous allez pouvoir la racheter contre de l’or sonnant et trébuchant.
Le coût de rachat est progressif, au premier déclin ça coûte 5 ors, mais au quatrième vous devrez vous acquitter de 40 pièces d’or. Autant dire qu’il faudra avoir un bon moteur de production. D’autant que les pièces d’or sont aussi des points de victoire à la fin de la partie.
Attention à bien surveiller les déclins potentiels qui vont intervenir, car ne plus avoir de cartes du tout, revient à voir sa civilisation disparaître sans bruit, et donc perdre la partie (oui ça peut arriver).
Six unités pour les dominer tous
Six types d’unités avec chacune leurs particularités, certaines comme les marchands ou les montagnards sont plus mobiles et peuvent franchir les falaises, celui-ci est le seul à pouvoir passer dans les glaciers, la topographie du terrain a son importance. Les bateaux peuvent traverser une étendue maritime et se développer sur un autre bord, en devenant nomades ou en construisant une cité.
Bateaux ou marchands permettent de gagner de l’argent. Les villes forment de nouvelles unités. Les temples ont un gros pouvoir de nuisance, puisqu’ils permettent de convertir des unités ennemies adjacentes, autant dire que vous regarderez d’un mauvais œil la construction d’un temple juste à côté de vos unités. Sans oublier l’effet de dissuasion une fois construit. Il est rare que l’on déplace des unités à côté d’un temple. Toutes ces unités s’imbriquent entre elles, en fonction de la stratégie que l’on veut mettre en place.
Quand on construit une nouvelle unité, on prend la carte de celle-ci, et on va devoir la jouer. On ne récupère nos cartes qu’une fois qu’on a joué toutes les cartes, par conséquent, c’est un élément tactique important, si on veut bénéficier de nos cartes au mieux il vaudra mieux ne pas avoir trop d’unités différentes sur le terrain. De même si l’on perd la dernière unité d’un type, on va perdre aussi la carte correspondante. Ce que l’on peut faire à bon escient pour épurer notre jeu.
S’élever sans chuter
Si lors des deux premiers tours les actions sont évidentes ou presque, petit à petit le jeu se tend et les dilemmes s’intensifient. Quelle carte je vais jouer, peut-être vaut-il mieux que je joue celle-là avant ? Dois-je me diversifier et diluer le deck ou au contraire me spécialiser ? Me renforcer dans cette zone ou au contraire aller titiller les voisins afin de leur voler la majorité, ou à minima les neutraliser.
Si le jeu ne nous raconte pas d’histoire à proprement parler, il a tout de même un thème bien présent : les actions sont logiques et peuvent s’expliquer ainsi, votre bateau vient d’accoster, et un nomade part découvrir de nouveaux territoires, les villes permettent de former des nomades etc.
Au début de la partie on active qu’une seule de nos unités, mais plus on avance et plus on va avoir d’unités sur le plateau, et on pourrait craindre un peu de constipation neuronale, pourtant cela reste plutôt fluide (il vaut mieux coucher les différents meeples pour éviter les erreurs involontaires). On peut par contre bloquer quelques secondes au moment d’un déclin quand il faut décider de quelle carte on va se départir, les conséquences étant importantes.
La courbe d’apprentissage est forte. Le placement est primordial et la gestion de sa main aussi. Il vaut mieux avoir trois cartes qui vont tourner plusieurs fois avec plusieurs unités à activer, que cinq ou six qui vont tourner un peu à vide.
Côté unités, tout dépendra de votre stratégie, les nomades ne sont pas très mobiles, mais on peut en produire rapidement avec des villes, et chaque nomade va générer des ressources. Le temple semble super fort, mais si l’on excepte ses actions de conversion il ne rapporte pas grand chose non plus. Marchands et bateaux ont leurs particularités, mais surtout permettent de se faire un petit pécule. Un bel équilibre à trouver entre ces unités.
Quand la fin de partie intervient (un certain nombre de déclins) nous avons en plus des majorités et des trophées, une petite salade de points qui reste assez digeste, on va gagner des points de victoire pour chaque type d’unité, si on a encore la carte correspondante.
L’offre Kickstarter
Kickstarter oblige, le jeu propose des ajouts, comme des pouvoirs asymétriques qui doivent offrir une belle rejouabilité quand on maîtrise le jeu. Mais aussi de nouvelles unités comme la Wywern, la Capitale, etc. Il existe trois offres, une version dite “Settler” qui comprend le jeu ainsi que les ajouts (SG) débloqués pendant la campagne, une version « Clan Master » qui contient la même chose que la version settler mais avec les meeples UV-Printed. Une dernière moins dispendieuse : “Explorer” avec des meeples plus classiques et non sérigraphiés, mais surtout sans les ajouts liés à la campagne. C’est cette version que l’on pourra retrouver en boutique plus tard. Je suis un peu gêné par cette politique éditoriale, car cela nous incite fortement à financer la version “Settler” qui ne se contente pas d’offrir un matériel plus luxueux, mais aussi du contenu de jeu qui ne sera pas disponible autrement. Un peu dommage.
Il existe aussi une version en jeu vidéo (une application que l’on installe sur son ordinateur) qui est d’ailleurs dispo en beta gratuitement le temps de la campagne.
Bilan
On a réalisé plusieurs parties, et je dois dire que j’apprécie le jeu, les dilemmes, son interaction forte. il peut être un peu répétitif, mais en général les parties ne durent pas assez longtemps pour ressentir cet écueil. On a préféré à deux joueurs où nous sommes presque dans un jeu d’Échecs, tandis qu’à trois et quatre joueurs, il peut y avoir plus d’opportunisme et de chaos, de plus la carte est tellement vaste dans cette configuration que l’on ne peut pas se développer partout, un peu comme dans Barony où le placement de départ est primordial. Un joueur que l’on va laisser tranquille ne va certes pas pouvoir se développer partout, mais ses territoires sont assurés, pendant que d’autres vont se neutraliser, la victoire risque de lui être facilitée. Attention, le jeu peut être punitif, quand un joueur a pris l’ascendant il est compliqué de le rattraper.
Avec ses meeples en 3 dimensions et ses tuiles avec du relief, Rise and Fall a une belle présence sur la table. Je pense que Christophe Boelinger a produit son jeu le plus épuré. La mécanique est fluide et rapide, très peu de temps mort. Les parties ne s’éternisent pas. Il offre aussi une jolie courbe de progression et une belle interaction.
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Ihmotep 10/10/2022
Après quelques parties joué à 2, j’y retrouve avec bonheur ce que j’ai adoré dans Donjon Twister : un beau face à face, sans hasard, chaque partie est unique, mais comme pour les échecs un joueur confirmé dominera un débutant ce qui ne rendra pas la partie des plus passionnantes si le joueur confirmé ne conseille pas à minima le débutant. Je pense que qu’il sera très intéressant si vous savez que vous aurez un partenaire régulier avec qui joué (et là vous pourrez plus que rentabiliser le jeu parce qu’il y a de quoi faire ^^), moins si c’est pour y jouer 4 fois et avec de nouveaux joueurs. J’espère que les guildes seront dispos en version boutique parce qu’elles ajoutent encore en rejouabilité :).
Antoine_TCA 10/10/2022
Bonjour et merci pour cette revue complète de Rise & Fall.
Si je puis me permettre une correction : l’extension des Guildes est offerte à tous les backers du pledge Explorer qui prennent l’add-on solo/coop.
Ce niveau de pledge bénéficie également de quelques améliorations prévues initialement en Stretch Goal.
atom 10/10/2022
Merci pour cet ajout et ce correctif.