Resafa : À dos de chameau dans la cité antique
Resafa, c’est le nouveau titre de Vladimir Suchy, paru en import chez Delicious Games (la maison d’édition de l’auteur) en fin d’année dernière. Il arrive en français chez Intrafin Games courant février 2025 (Marilyne nous en parlait dans cette News publié en avril 2024). Depuis la réussite d’Underwater Cities, les jeux de l’auteur sont surveillés de près par les amateurs de Neurogames. Personnellement, je n’ai pas encore retrouvé le génie qu’il y avait dans son premier opus ou dans le plus vieux Pulsar 2849. Néanmoins, chaque fois, je goute avec curiosité le nouveau Suchy comme d’autres le beaujolais. Alors, bon millésime cette année ?

Aux portes du désert…
Resafa se situe dans l’actuelle Syrie, aujourd’hui ce n’est plus que ruines, pourtant au IXe siècle av. J.-C. (oui ça date un peu) c’était un avant-poste fortifié très important. Dans Resafa (le jeu), on va, durant 6 manches, lui redonner sa splendeur d’antan. La mécanique de Resafa tient en 6 actions représentées sur des cartes doubles action. À son tour, on choisit une carte de notre main et on réalise l’une des deux se privant de l’autre, sachant que la couleur présente sur la carte va nous donner aussi un avantage. On va donc jongler avec ce double dilemme. On joue une de nos trois cartes en main et on en pioche une. Toutes les cartes seront jouées – viendra donc un moment où l’on n’en aura plus que deux puis qu’une seule en main.

En voir de toutes les couleurs
La couleur de la carte nous permet de progresser sur la piste de la même couleur, de piocher une carte du marché ou de prendre une carte sac (un pis aller, faites pas ça si possible ! ^^).
Chaque piste nous offre des bonus significatifs une fois des seuils atteints. La piste jaune semble la plus avantageuse car elle permet de renforcer une de nos cartes actions pour toute la partie. Au deuxième seuil, on obtient une carte joker. En bout de chaîne, une carte double action. De plus, les cartes que l’on a échangées sont multicolores, ce qui nous laisse une extrême liberté.
Avec la bleue, un bonus sera accordé à chaque fois que l’on accomplira telle ou telle action. Un coût en moins, une pièce en plus, etc. En blanc des bonus immédiats et en rose des points de fin de partie.

Mais au lieu de monter sur une piste, on peut aussi prendre une des cartes d’une offre (toujours selon la couleur) et ces cartes vous donneront une certaine versatilité. Je souhaitais accomplir une tâche, mais je me suis rendu compte que je manquais d’une pierre. Cette carte, qui me permet d’en gagner deux, serait idéale avant de m’engager dans mon action d’atelier…

Tout est imbriqué : les ateliers nous donneront des ressources quand on les activera avec la carte qui correspond. Mais en y plaçant des jardins et en les connectant, on engrange les ressources ou les points. Faire du commerce avec les cités environnantes rapporte des points et permet de construire des comptoirs de commerce donnant des points de victoire bonus, etc.
Enfin, historiquement, la ville de Resafa avait besoin d’eau et, pour cela, il nous faut construire les canaux (oh un thème !) : on a donc besoin de marbre et de pièces. La tuile est placée sur le plateau, et elle nous donnera des points à chaque décompte de la pluie. Un point par tuile plus les points indiqués sur la tuile.

Mais il y a un jeu dans le jeu assez interactif, car nous avons des gouttes d’eau sur les extrémités et celles-ci vont ruisseler et passer dans les canaux des joueurs, ce faisant, on va scorer à nouveau les tuiles. Les tuiles ont des embranchements et la goutte va pouvoir suivre le tracé et favoriser tel ou tel joueur. C’est le possesseur de la tuile qui décide du chemin à prendre, le placement est donc subtil avec un peu d’opportunisme.
Tout en bas, nous pouvons y construire des réservoirs d’eau et là c’est le jackpot (en points de victoire), mais, avant ça, il y a des contraintes qu’il faudra avoir résolues et ça reste coûteux. Bref ça s’anticipe, ça se planifie.

Chaque stratégie a ses avantages, la construction de canaux octroie des points, et plus vite on en construit et plus on va gagner de points, mais cela requiert un moteur pour gagner du marbre. Les jardins offrent plein de bonus de connexion, un jardin fini nous permet d’avancer sur une piste de notre choix, un autre la même chose et deux points de victoire, etc. Le jeu a tendance à récompenser ceux qui poussent les stratégies au bout.
Le commerce nécessite de voyager de ville en ville pour acheter des ressources d’un côté et les revendre de l’autre au prix du marché local. Une fois utilisée, la tuile est retournée et le prix change, ce qui peut créer une petite interaction. En sus, on peut construire les fameux comptoirs qui nous permettent de gagner des tuiles que l’on place sur notre plateau et donnent des points en fin de partie selon une condition, le nombre de jardins, de villes ou de canaux, et c’est vous qui choisissez.

Dans un jeu avec des cartes, on râle souvent sur le hasard du tirage, mais ici l’auteur a résolu ce point de manière intelligente. Quand vous atteignez un seuil, vous pouvez prendre la carte présente sur le dessus et, dans ce cas, vous avez un point de victoire et un sou, ce qui peut aider à certains moments de la partie. Mais vous pouvez aussi prendre le paquet de cartes et choisir celle que vous désirez et qui convient à votre stratégie. Vous n’aurez juste pas le bonus comme si vous aviez accepté l’offre. C’est malin, ça laisse les rênes du chameau au joueur. En plus, une aide de jeu recto verso rigide recense toutes les cartes de ces pistes.

En résumé !
Le seul point que l’on peut reprocher au jeu c’est sa direction artistique et son édition, ou plutôt son matériel. Si vous êtes habitués à des meeples ciselés avec de l’impression relief, de belles illustrations, etc, Resafa n’offre rien de tout ça, c’est sobre et ça fait un peu vieillot pour tour dire. Les ressources sont en carton.
Mais au niveau de l’ergonomie, tout est parfait et c’est probablement le plus important dans ce genre d’expérience. À commencer par notre plateau personnel qui contient toutes les informations dont on aura besoin. Le jeu est également très clair en termes de mécaniques. Comme je le disais, on paiera toujours du marbre pour les canaux, et le coût des ateliers restera le même, que ce soit pour les ateliers de niveau 1 ou 2. Il faudra seulement les débloquer. Si le thème n’est pas super porteur et un peu abstrait (piste bleue, rose, etc), il sert admirablement la mécanique.
Attention, cela reste un Eurogames malgré tout assez classique avec de la production/transformation de ressources et qui termine dans une salade de points. Comme dit en introduction, la piste jaune me semble plus importante que les autres, il ne faut pas non plus négliger la rose qui offre des cartes de fin de partie assez importante, surtout les dernières.
Mais on a beaucoup apprécié cette mécanique de cartes qui d’un côté, nous contraint et, de l’autre, nous offre un espace décisionnel important. D’autant que ces cartes vont pouvoir être gardées en main pour plus tard si on le souhaite (même s’il y a une limite de cartes en main), certaines nous offrant des scorings au moment où on les joue. Certes, comme dans beaucoup d’Eurogames, on ne pourra pas tout faire, il faudra choisir et renoncer… Mais le jeu nous permet de pousser à fond une stratégie.
Resafa risque d’être un peu boudé à cause de son édition et surtout son matériel pas très adapté aux standards de 2025. Malgré tout, il s’avère une bonne surprise. Je l’ai préféré à d’autres titres de l’auteur, comme Praga Caput Regni ou Évacuation. Au final, je n’en attendais rien et pour moi c’est un bon cru qui propose une mécanique aboutie et bien réglée, mixant de la production de ressources, un peu de pick and delivery avec les chameaux, une interaction présente, sans être omniprésente.
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