Pour ou Contre … This war of Mine ? Quelques mots pour convaincre.

Vous le savez, il arrive que certains jeux créent des débats dans l’équipe. Des avis contradictoires émergent, on confronte nos arguments tout en tentant de saisir l’essence du jeu et on se dit que finalement, c’est assez constructif cette pluralité des appréciations et des ressentis. Parce que deux avis valent mieux qu’un, voici le “pour ou contre” consacré à This war of Mine (cf Ludochrono du jeu pour vous faire une idée en quelques minutes) !

LudoCasque

Contre

Le fond est prometteur, l’aspect narratif vend du rêve, le sujet, le parti pris politique, l’aspect coopératif, le passif du jeu vidéo encensé par tous, bref : j’avais envie d’adorer ce jeu. Mais il y a plusieurs choix éditoriaux incompréhensibles et l’ensemble aurait pu être débarrassé de plusieurs scories pour devenir ce qu’il aurait dû être : une claque ludique.

Un des gros problèmes, c’est qu’il s’agit clairement d’un jeu solo, ou pour deux à la rigueur, mais pas plus. On divise artificiellement les actions autour de la table entre les joueurs, et de façon maladroite. Au-delà de un ou deux joueurs, on se prend l’effet leader en pleine poire avec ce choix éditorial des personnages collectifs qui est une idée fort discutable (surtout quand on joue à 4, alors à 6 on en parle même pas) car la tentation de s’approprier chacun un héros est trop forte (à juste titre). Là, on se passe le groupe de survivants (il appartient seulement au joueur actif). Que cela est contre-intuitif, et contre-narratif, que cela empêche chacun à la table de s’impliquer réellement ET dans les personnages ET dans les conséquences nées des choix réalisés (“je gère ce problème alors que c’était pas du tout ce que j’aurais voulu faire au départ”, etc) que d’insatisfactions qui auraient pu être évitées !

Et quelle est cette approche du corpus des règles ? Pourquoi diantre nous jeter en pâture à cet annuaire-FAQ qui aurait dû être un vrai livret d’explication avec un véritable aperçu du tour de jeu ? Il faut jouer plus d’une heure le nez dans le rulebook pour comprendre les principes du jeu, mais même une fois ceci passé, on continue d’avoir l’impression que la lecture des règles n’est jamais vraiment terminée. On pioche des cartes qui nous renvoient inlassablement aux livrets, nous faisant faire des allers-retours laborieux entre storybook / rulebook.  
L’idée du tutoriel dans Andor était belle, les règles du 1er jeu le permettaient, car les bases étaient simples, quasi épurées. Les créateurs de This War of Mine ont cru qu’on pouvait faire un jeu de la complexité d’un Robinson Crusoe sans fournir ni règles ni aide de jeu aux joueurs. Avec ce système, l’aspect narratif qui aurait du être viscéral, vivant et dynamique devient saccadé, amoindri, et passe au second plan. D’ailleurs, l’histoire qui se dégage laborieusement est globalement assez pauvrement écrite et mal construite alors que le matériau était puissant.

Même la mécanique d’exploration est décevante : on prend 15 cartes et on les retourne une par une, ce qui donne vite la sensation d’une linéarité que l’on subit passivement, un côté répétitif aussi, bien loin d’une aventure où l’on prend des risques à chaque pas.
Bref, la claque espérée s’efface devant une grosse déception. Ce jeu, avec son principe et son sujet aurait pu outrepasser les limites du jeu de société, mais il piétine sur place en refusant des solutions rationnelles de game design. 

thiswarofmine

LudoboyCasquette

Le pour

Il n’est pas aisé de défendre This War of Mine après les critiques ci-dessus, et pour cause : celles-ci sont complètement fondées. Maladroit, le jeu l’est certainement. De plus, ayant fait une partie menée jusqu’à l’évènement final, je ne suis pas sur d’y revenir tout de suite, malgré le fait d’avoir passé un bon moment.

Mais, mais, tout n’est pourtant pas si simple. Si la prise en main est difficile, il ne s’agit que d’une prise en main. Une fois quelques tours passés, on a compris comment ça marchait et tout roule beaucoup mieux assez rapidement. L’alternance entre les actions s’opère finalement simplement, et on prend alors les décisions ensemble. Oui, le jeu marche mieux à 2 qu’à 4, il faut le savoir. Mais si on le sait, on passera alors un bon moment. Passons donc sur les écueils “techniques” et voyons le fond.

En effet, le jeu doit être pris pour ce qu’il est : un jeu de survie narratif et thématique. Tout est au service du thème : vous êtes là pour survivre à cette guerre, et vous allez en baver. Comme le jeu vidéo dont il est issu, il va falloir apprendre, comprendre ce qui est essentiel, ce qui peut vous tuer, quels risques prendre et lesquels vous ferons trop mal. Vous allez perdre, beaucoup. Mais à chaque fois vous irez un peu plus loin, et survivrez un peu plus longtemps. Et des jeux coopératifs aussi difficiles et punitifs, il y en a finalement peu. Ça fait du bien d’avoir face à soi quelque chose proposant un vrai gros défi.

La narration enfin : au début, on est un peu déçu, car elle est peu présente. Et puis on se rend rapidement compte qu’elle est en fait tout le temps là, à guetter : chaque fois que vous piochez une carte, de n’importe quel paquet (et vous en piocherez souvent), celle-ci peut surgir de façon totalement imprévisible. En bien ou en mal, vous ne savez jamais à quoi vous attendre. Et quand on voit la taille du livret de script, c’est-à-dire celui qui décrit les évènements qui vous tombent dessus, on se rend compte qu’il peut se passer un bon paquet de choses. Bref, le jeu vous prend constamment à contre-pied, et vous donnera souvent des bonus, ou des malus, ou même… rien.

Rien ? Et oui, et c’est là que l’on comprend que le jeu essaye d’aller plus loin que le simple plaisir ludique : il vous arrivera de lire un long paragraphe décrivant ce qui vous arrive, et que cela ne change rien sur votre situation, ni en bien, ni en mal. Mais vous aurez un aperçu de ce qu’il se passe pour les habitants de ce pays en guerre. C’est souvent dur, parfois gore, ou troublant, mais ça fait réfléchir, un peu. Et ça aussi, ça nous change. Des jeux matures comme cela, il n’y en a pas beaucoup. Bien sûr, ça ne marche pas toujours, mais souvent oui.

Enfin, je dois pointer un désaccord fort concernant l’exploration : celle-ci est au contraire assez maline à mon sens, vous choisissez le lieu que vous explorez, qui sera plus ou moins loin, ce qui vous laissera plus ou moins de temps pour explorer. Et vous gérez ce temps comme vous le souhaiterez, en explorant le lieu, ses alentours, en commerçant, etc.

En conclusion, je dirais que This War of Mine partage plein de points communs avec 7th Continent, et qu’on est en tout cas dans la même veine de jeux. J’adresse les mêmes reproches à l’un et à l’autre, et je pense qu’on peut leur trouver les mêmes qualités. Si c’est ce type de jeu qui vous plaît, jetez-y un oeil !

soldat

À vous de jouer

Vous l’aurez compris, malgré nos désaccord sur le jeu au final, nous sommes d’accord pour dire qu’il présente plusieurs défauts « techniques » potentiellement dommageables. Néanmoins, cela dépendra de vos propres goûts et de ce que vous cherchez en premier dans un jeu qui déterminera si vous voudrez lui laisser sa chance ou non ! Dites-nous ce que vous en pensez en commentaires !

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4 Commentaires

  1. morlockbob 12/05/2018
    Répondre

    Je n ai pas fait énormément de parties mais j avoue qu’à chaque fois, j en suis ressorti mal à l’aise. J’ai trouvé que l’ambiance était là, sur l’importance du détail et le ridicule des situations (chercher de l’eau devient un vrai défi). Ce jeu me fait penser a Tales of Arabian night version glauque. Seul point raté pour moi, le fait de n ‘avoir pas un perso à soi, ce qui aurait rendu le jeu plus immersif. C’est clairement un jeu solo.

    • fouilloux 12/05/2018
      Répondre

      Assez d’accord avec toi, sauf sur un point. A deux c’est très bien!

  2. FX 13/05/2018
    Répondre

    n’y a-t-il pas des variantes ou des hacks qui pourraient corriger ces « défauts » ? merci en tout cas pour cet article !

  3. terrystad 30/09/2018
    Répondre

    je le prefere a 3 avec cet ajout de regle (desole pour ce texte en anglais):

     

    I’ve heard quite a few complaints about the « leader » format of the game; one person with the journal makes all the decisions for a round, then someone else in the group gets the journal and it’s their show, then the next player, etc. Our group has had much more success with having the leader’s decisions being limited to: *if* the group scavenges, choosing where they go; drawing fate/chapter cards and making choices where needed; reading objectives/cards to the group. Leadership switches at the end of each round.If someone dies, that player has the option to leave the game, or, we randomly draw from the remaining character pile.No, it’s not how the rules were set up. But this change has helped us get the game to table a lot more often and created some very interesting discussions (and even arguments) about how to use our limited time and resources to help the group survive.This has helped our players feel more invested in game play and have stronger connection to the game events. Before we made this change, my group complained about long waiting periods of watching everyone else make decisions while they waited for their turn, and feeling like the characters were more of an abstraction, chess-pieces instead of representations of people in a real situation.

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