Piège Obscur – Allumer une chandelle pour ne pas maudire l’obscurité
Issu d’un financement participatif couronné de succès, The Night Cage de C. R. Chan, C. McMahon et R. Saunders a été localisé en français par Iello il y a quelques mois sous le nom de Piège Obscur. Il s’agit d’un jeu coopératif pour un à cinq joueurs dans lequel on incarne des prisonniers d’un labyrinthe obscur qui disposent pour seul éclairage de leur bougie. Pour gagner la partie, chaque prisonnier doit récupérer une clé et retrouver ses camarades d’infortune sur une tuile sortie.
Le plateau central du jeu représente en effet le labyrinthe par un quadrillage sur lequel nous allons poser des tuiles au fur et à mesure que nous nous déplaçons, en éclairant les carrés adjacents au nôtre, à l’aide de notre bougie. Mais comme ce dédale ne cesse de changer à mesure de nos déplacements, il nous faudra chaque fois défausser les tuiles que nous n’éclairons plus.
En somme, le décor est planté pour des parties intenses, mais limitées dans le temps – on dépasse rarement l’heure de jeu. Attiré par les graphismes du jeu et sa durée raisonnable, j’ai voulu franchir le seuil de ce dédale pour voir ce qu’il avait dans le ventre. Si vous aussi, vous êtes curieux des mystères renfermés par ce labyrinthe, vous pouvez toujours regarder notre Ludochrono – à la bougie, bien entendu !
Le matériel de Piège Obscur
Tenir la chandelle
À son tour, chaque joueur peut se déplacer d’une case, en empruntant un chemin de sa tuile, ou rester sur place, défausser une tuile de la pioche, et gagner un jeton Cran. Quand on se déplace, on éclaire de nouvelles tuiles, tout en en laissant d’autres dans l’obscurité. Il faut donc piocher de nouvelles tuiles pour les ajouter au plateau, et défausser les anciennes. Les jetons Cran sont dépensés pour effectuer des actions bonus, telles que se déplacer une deuxième fois ou, dans certaines occasions, défausser moins de tuiles.
Le nerf de la guerre, ce sont en effet les tuiles qui sont à notre disposition pour déplacer nos personnages dans le labyrinthe. Il en existe de différentes sortes : des tuiles Couloir, en T ou en croix. Il y a également des tuiles permettant de récupérer les clés, des tuiles Sortie, Départ ou encore Monstre. Pour que nos personnages gagnent en se retrouvant sur la même tuile Sortie avec une clé chacun, il faudra donc que cette sortie soit accessible par des chemins, et que les clés aient été récupérées à temps.
Au début du premier tour, chaque joueur pose une tuile Départ, ainsi que les tuiles adjacentes qu’il éclaire.
Les monstres dévoreurs de cire sont là pour compliquer les choses : chaque fois que vous vous déplacez sur un chemin relié à leur tuile, ils vont s’activer pour cibler les joueurs se situant sur leur ligne de vue, pour éteindre leurs bougies respectives. Nos bougies éteintes, nous n’éclairons plus les tuiles adjacentes à la nôtre et nous sommes pris de panique : nous sommes obligés de nous déplacer tour après tour. Cerise sur le gâteau : pour chaque joueur qu’ils atteignent, il faut défausser trois tuiles de la pioche.
C’est un labyrinthe, pas un parc d’attractions !
La tactique du prisonnier éclairé
Piège Obscur nécessite donc d’optimiser nos déplacements pour dépenser le moindre nombre de tuiles, éviter les attaques des monstres, trouver une clé par personnage et atteindre la même sortie que les autres prisonniers. Étant donné qu’elles sont en nombre limité, on ne défaussera jamais les tuiles Clé et Sortie le cœur léger : si nous les épuisons avant la fin du jeu, la partie se termine avec une défaite brûlante.
Malgré l’atmosphère quelque peu oppressante de ce labyrinthe, il faut garder la tête froide et réfléchir aux différentes solutions qui s’offrent à nous avant de nous déplacer. Se concerter avec les autres joueurs est souvent pertinent car cela permet de bâtir une stratégie commune. Par exemple, on n’hésitera pas à rester sur place pendant un ou deux tours, pour continuer d’éclairer une tuile Clé pendant qu’un autre joueur s’approche pour la récupérer.
À d’autres moments, on va s’entraider : un joueur peut donner une clé qu’il a récupérée à un joueur se trouvant sur une tuile adjacente, ou encore aller au secours d’un joueur dont la bougie est éteinte, pour la rallumer. Entre camarades de galère ludique, on travaille toujours en équipe et un esprit de solidarité se forme : la réflexion tactique est partagée, et on ne laisse jamais un personnage la bougie éteinte pendant très longtemps.
Les monstres s’activent chaque fois qu’un personnage se déplace sur une de leurs lignes de vue. Les tuiles craquelées deviennent des Gouffres, au tour suivant l’arrivée du personnage.
Enfin, il faudra parfois mettre de côté sa peur du vide pour plonger dans un gouffre : nous réapparaîtrons, le tour d’après, sur un espace vide de la même colonne ou ligne que le gouffre. Cela peut paraître étrange, mais un gouffre peut filer un coup de main important. Non seulement, il permet d’esquiver l’attaque d’un monstre, mais il permet aussi de se rapprocher plus rapidement des tuiles les plus éloignées.
Le jeu en vaut-il la chandelle ?
Avec une durée de partie raisonnable, Piège Obscur est un jeu coopératif qu’on pourra sortir fréquemment si on le souhaite. Le soin apporté aux graphismes et au matériel de jeu attirent l’œil et facilitent l’immersion dans le thème. Du fait de quelques exceptions dans le placement et l’utilisation des tuiles, je ne le classerais pas dans les jeux familiaux. Toutefois, des ados habitués à jouer, ou des amis qui ont un peu de familiarité avec la chose ludique n’auront pas de difficulté à comprendre les règles.
Les variantes introduisent des monstres aux pouvoirs encore plus redoutables que les dévoreurs de cire. Certains rendent plus difficile la récupération des clés, d’autres nous obligeront à défausser un grand nombre de tuiles. En somme, si vous avez l’impression de maîtriser les mécaniques de base, vous pourrez toujours augmenter la difficulté d’un cran.
Les tuiles Démons des Gouffres transforment toutes les tuiles sur leurs diagonales en gouffres. Les Gardiens remplacent les tuiles Clés. Il faudra leur faire face ou les approcher discrètement pour récupérer votre clé.
J’ai trouvé l’entretien du plateau fastidieux : chaque fois qu’un personnage se déplace, il doit faire attention à défausser les tuiles qui ne sont plus éclairées, et à en piocher des nouvelles. Le labyrinthe étant sphérique, autour de la table, il nous est arrivé plusieurs fois d’oublier de défausser ou de piocher des tuiles et, en rattrapant notre oubli, nous avons eu le sentiment de fausser la situation sur le plateau.
Si vous aimez élaborer des stratégies poussées, il se peut que Piège Obscur ne vous satisfasse pas : on réfléchit moins à une stratégie qu’on ne cherche à optimiser ses déplacements. Si vous cherchez de la stimulation plus abstraite, le caractère répétitif des déplacements et de la pose de tuiles pourrait finir par vous lasser. Il ne s’agit pas d’un jeu stratégiquement profond, mais d’un coopératif qui oscille entre le jeu familial et le jeu pour initiés.
C’est pour ces raisons que je n’ai pas trouvé que Piège Obscur offre une expérience de jeu exceptionnelle. À mon goût, la répétitivité prend le dessus sur la tension dégagée par le thème que je n’ai pas trouvée très présente dans les mécaniques du jeu. Le hasard de la pioche peut aussi avoir des conséquences très importantes sur la partie, soit en nous favorisant, soit en nous accablant outre mesure. Il ne s’agit pas d’un jeu désagréable pour autant, et je ne regrette pas de l’avoir découvert.
À condition d’avoir bien saisi la spécificité des tuiles Monstre et des gouffres, Piège Obscur satisfera probablement les joueurs à la recherche d’un jeu coopératif peu complexe, avec une durée de partie inférieure à une heure, mais qui nécessite tout de même de chercher à optimiser nos déplacements. Et si vous voulez une expérience plus poussée de ce joli labyrinthe, les variantes – j’en ai essayé quelques unes – augmentent le niveau de difficulté.
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