Oriflamme Embrasement : alors, on s’enflamme ?
Si vous vous intéressez un peu au jeu de société et à son actu, nul doute que vous avez entendu parlé d’Oriflamme, ce petit jeu de carte fourbe qui a remporté l’As d’or 2020. Peut-être avez vous vu qu’un an après sa sortie, son petit frère est arrivé sur les étals, répondant au doux nom d’Oriflamme Embrasement. Une suite tout à fait autonome (et également combinable, on y reviendra), qui reprend exactement le même concept, en remplaçant l’intégralité des 10 cartes du jeu.
Cette sorte de suite s’adresse surtout aux joueurs et joueuses qui pensent avoir fait le tour de la version d’origine, et qui souhaitent renouveler l’expérience. Le fonctionnement reste donc identique, seuls les effets des cartes changent. Pour en apprendre plus sur la mécanique, je vous renvoie vers les Ludochronos respectifs d’Oriflamme et d’Embrasement.
On retrouve ici tout ce qui faisait l’ADN du premier jeu, à commencer par des illustrations très réussies dans cette ambiance Game Of Thrones, identifiables au premier regard, permettant de savoir tout de suite quelle carte déclenche quel effet (après quelques parties tout de même bien sûr). La boite du jeu prend des teintes différentes mais garde son boitage en tiroir, même si je trouve que, comme avec la première boite, la couverture n’est pas des plus parlantes, et a du mal à sortir du lot.
Le tour des cartes
Alors, comment elles marchent ces nouvelles cartes me demanderez-vous, puisque c’est là que réside tout l’intérêt de cette boite ? Eh bien faisons donc un petit tour rapide. Plus qu’une présentation des effets (qui sont disponibles en cliquant pour étendre la définition), j’essaye de voir ici ce qu’elles apportent et changent au jeu, carte après carte :
La reine :
Gagnez 2PV. Si un joueur adverse élimine la Reine, il gagne 1 PV supplémentaire.
Une carte qui n’est pas sans rappeler l’héritier de la première boîte, mais avec une cible encore plus grosse sur la tête ! Clairement LA carte que les joueurs vont chercher à éliminer. La garder en vie sera un vrai challenge.
Le coupe-jarret :
Éliminez une carte adjacente ainsi que toutes les cartes adverses révélées du même nom. Si une seule carte est éliminée, ne gagnez pas le PV de l’élimination.
Oh oh ! Offrir la possibilité de liquider plusieurs cartes de même nom d’un seul coup, quelle tentation. J’imagine déjà éliminer plusieurs reines d’un coup pour un gain maximal. Une carte qui révèle son plein potentiel à 4 ou 5 joueurs assurément, avec cascade quand les jumeaux sortent.
Il s’agit du coup d’une carte qui devient rapidement la cible de la « corruption » (voir après), tant il est tentant de pouvoir l’utiliser.
Les jumeaux :
Lorsque vous révélez le Prince, placez le Jumeau de votre famille, révélé, dans la File. Gagnez 1 PV. Lorsque le Prince est éliminé, défaussez le Jumeau de votre famille, sauf s’il est recouvert.
Une nouveauté très originale que cette carte, qui permet de faire apparaitre une carte supplémentaire dans la file, qui rapportera également des points. Deux cartes d’un point chacun, soit deux points par tour, et qui permet de se positionner assez fort sur la ligne de combat. Une carte donc intéressante, mais à volatilité forte avec cette condition de mort qui entraine la perte des deux cartes, sachant que le Jumeau évacue le Prince de la même façon s’il est éliminé. Le Coupe-jarret peut trancher beaucoup de jarrets à la fois, c’est clair…
La carte aura également l’avantage de permettre un retour en force dans la ligne de combat après en avoir été sorti/éliminé, et cela peut être très intéressant notamment pour former des piles inattendues.
Corruption :
Placez le jeton Corruption de votre famille sur n’importe quel personnage révélé. Ce personnage est dorénavant de votre famille. Défaussez la Corruption.
Clairement une carte qui renverse une partie. Voler un personnage adverse bouleverse assurément les plans de tous les joueurs. La Corruption est d’autant plus forte qu’elle peut permettre d’avoir deux cartes identiques en jeu au même moment et profiter des deux effets (et donc une belle cible pour le Coupe-Jarret).
Cette carte permet également de pallier l’absence d’un certain type de cartes dans notre main de départ. Pas de Reine ? Pas de soucis, je volerai celle du voisin avec la Corruption. Une idée donc bienvenue pour contrebalancer le possible déséquilibre de la main de départ.
Pour le coup, la carte me parait tellement forte, que de ne pas l’avoir dans la main de départ peut être une vraie frustration !
Usurpation :
Éliminez une carte adjacente. Si c’est un personnage adverse, remplacez-le par le même personnage, révélé, parmi vos cartes écartées, défaussées ou éliminées. Défaussez l’Usurpation.
Une version alternative de la Corruption, qui fonctionne presque de la même manière, mais qui permet de faire revenir une de ses propres cartes qui avait pu être éliminée.
Je suis un peu mitigé concernant cette carte qui me semble doublonner un peu avec la Corruption, mais en moins puissante car nécessite d’être à côté de la cible.
Guet-apens :
Défaussez PV les présents sur le Guet-apens et gagnez 1 PV . Défaussez le Guet-apens.
Une variation de l’Embuscade de la première version… Mais en plus fourbe, car là où l’ancienne faisait gagner quatre points, la nouvelle en vole trois, ce qui génère un gap énorme entre les joueurs. Auparavant, on allait parfois se sacrifier pour révéler une Embuscade en se disant que le gain du joueur était pire si c’était un complot. Maintenant, on aura vraiment peur d’avoir à tomber dessus.
Par contre, elle vole des PV, du coup elle est moins intéressante à jouer en début de partie. De plus, cela multiplie les cartes qui peuvent être jouées au début, et il y aura plus de chance à voir sortir des cartes agressives qui auront moins de risque de disparaitre.
Apothicaire :
Éliminez une carte adjacente à une autre carte de votre famille.
L’Apothicaire a un effet qui se trouve être entre le Soldat et l’Archer de la première version. Une sorte de meurtre à distance. Il semble très fort, mais nécessite quand même la présence d’une autre carte sur le terrain pour fonctionner, ce qui n’est par toujours facile à maintenir selon les parties. Il pourra donc être intéressant de le faire fonctionner après avoir pris une large occupation du terrain, par exemple avec les Jumeaux.
Intrigante :
Si cette carte est adjacente à une pile de cartes, défaussez-la ; sinon gagnez 2 PV.
Avec cette carte, Embrasement augmente l’importance des piles de cartes, pas si utilisées dans Oriflamme. Une carte à rentabilité forte, certes, mais facile à éliminer puisqu’elle ne demande même pas d’utiliser d’effet. À placer stratégiquement pour essayer de la garder en vie le plus longtemps possible.
Le Félon
Chaque joueur perd 1 PV pour chaque carte de sa famille adjacente.
Originale, cette carte qui détruit les points plutôt que les faire gagner ou les voler. À première vue, elle semble moins intéressante que le Voleur d’Oriflamme, à ceci près qu’elle peut cibler plusieurs cartes au lieu d’une. Le Félon semble prédestiné à être joué en début de partie, pour en faire une carte de démarrage efficace et agressive afin d’attirer l’attention pendant que l’on déroule sa stratégie à côté.
Machination
Défaussez la Machination. Activez la capacité de n’importe quel personnage révélé de votre famille.
Chaque PV présent sur la Machination peut être soit gagné, soit défaussé pour répéter l’effet ci-dessus.
Une carte aussi fine que fourbe. Bien utilisée, elle fait des ravages. Répéter les actions d’une carte extrêmement rentable, ou bien placée, peut être dévastateur. Imaginez combiné cela avec un Félon placé entre plusieurs cartes adverses ? Ou encore pour activer plusieurs fois un Coupe-jarret pour éliminer une grande partie de la ligne d’attaque ? Une carte que l’on craindra de voir sortir. Elle remplace efficacement le Complot de la boite de base, et nécessite d’avoir bien préparé son coup pour être jouée au meilleur moment.
La pile du pouvoir
On retrouve pas mal de cartes à effets classiques mais avec le petit twist qui permet un renouvèlement intéressant, comme la Reine ou le Félon. Mais ce que je retiendrai ici, c’est surtout l’arrivée en force des cartes intrigues permettant de remplacer une carte adverse par l’une des nôtres. Ces cartes sont vraiment clé, et permettent de compenser une petite frustration du jeu de base, qui faisait qu’une fois exclu complètement de la ligne, il était dur de la réintégrer. Cela avait tendance à signer pour nous la fin de la partie. Le fait de pouvoir prendre les cartes adverses n’importe où bouleverse tout cela de manière violente et mettra à mal de nombreuses stratégies. Le fait de réintégrer facilement la ligne est un vrai atout pour rester compétitif jusqu’au bout même après qu’un adversaire ait éliminé nos cartes après un démarrage en trombe. De plus, grâce à ces cartes, on est jamais très serein durant la partie, même lorsque l’on pense être en position de force et que l’on a établi une belle stratégie, car une Corruption ou une Usurpation peut tout renverser !
Comme vous avez peut-être pu vous en rendre compte, le jeu joue également plus sur l’empilement. C’est un point qui était souvent mésestimé dans la version de base (à défaut, car hautement stratégique), et qui prend vraiment une envergure plus importante à travers des cartes dédiées à cet effet. Le fait qu’un empilement suffise à éliminer certaines cartes devient un coup surprenant à jouer, et permet un peu de compenser le fait qu’il n’y a plus que deux cartes qui éliminent (au lieu de trois dans la version de base).
Un jeu qui change sans changer
Je n’ai pas encore beaucoup de parties au compteur, seulement quatre à cet instant, situation sanitaire oblige, mais j’ai déjà pu me faire une petite idée de cette nouvelle boite. En tant que gros joueur de la première boite, j’étais un peu inquiet face à cette deuxième itération, car je ne voyais pas forcément l’intérêt d’une suite, et craignais que cela tourne moins bien. Pour le coup, avec le recul, je trouve que les cartes créées sont très intelligentes, et ne sont manifestement pas composées des rebuts d’idées de la première version. C’est un véritable redéveloppement qui a été fait avec des mécanismes originaux et intéressants.
Ensuite, en jeu, les cartes sont quand même plus complexes et fourbes que celles de l’Oriflamme originel il faut l’avouer. Elles fonctionnent très bien entre elles, mais nécessitent un peu plus de réflexion que la version de base. Ainsi, il me semble difficile de proposer ce jeu à des joueurs/euses qui ne connaissent pas la version classique, tant les effets nécessitent un peu de réflexion pour être bien compris et joués sans erreur d’interprétation.
Mais plutôt que de comparer la difficulté, il est intéressant de comparer le ressenti, car le jeu s’avère quand même vraiment renouvelé. À travers la même mécanique de base, le renouvellement des cartes permet des stratégies et des effets complètements différents, qui bouleversent les habitudes prises, et c’est donc sur ce point un défi remporté par cette nouvelle version.
Oriflamme, tu me manques
Malgré l’intérêt de ces nouvelles cartes et leur pertinence, je dois vous avouer qu’après mes premières parties, Oriflamme classique me manque. En effet, même si certaines cartes sont super malignes et très vites adoptées, les cartes et habitudes de la première boîte me sont chères. On a envie de jouer avec le Changeforme, cette carte super maligne, ou encore le Soldat, la carte la plus basique du jeu, mais très satisfaisante. Il me manque dans cette nouvelle boite une carte qui joue sur les positions, telle que le faisait le Decret Royal, cette carte anodine qui peut renverser des situations, et qui permet des coups assez incroyables. Sans une carte comme ça, il me manque le petit grain de folie et de surprise qui me faisait sauter de ma chaise en voyant un super coup se dérouler sous mes yeux. Je n’ai en tout cas à ce jour pas découvert de coups utilisant les cartes d’Embrasement qui m’ont surpris à ce point. On est plutôt dans des lignes qui s’allongent beaucoup, voire trop, et où parfois il est difficile de revenir dans la partie si notre main de départ nous a privé d’une Corruption et d’un Coupe-Jarret. Bref, la boite de base et son efficacité m’ont manqué, et j’y suis rapidement retourné dès que j’en ai eu l’occasion.
Il existe aussi un mode qui permet de mélanger à sa guise les deux jeux afin de créer des paquets de 10 toujours différents et ainsi de renouveler l’expérience. C’est une idée qui est vraiment la bienvenue, et qui transforme finalement cette extension autonome en extension à combiner avec le jeu de base. On pourra donc remplacer au choix certaines cartes, soit en se mettant d’accord avec les autres, soit pourquoi pas, procéder via un draft. L’idée est vraiment bonne, mais s’adresse plutôt aux habitués qui connaissent très bien le jeu.
Le roi est mort, vive Oriflamme
Au final, cet Embrasement, en tant que jeu autonome, se tient très bien en regard de son ainé. Des cartes intelligentes, bien adaptées, et qui renouvellent beaucoup le jeu et les tactiques découvertes au fur et à mesure des parties.
Mais malgré toutes ses qualités indubitables, cette version m’a surtout montré à quel point j’appréciais la boite de base. Je retourne donc plus aisément sur la première version, mais la possibilité de remplacer quelques cartes par celles d’Embrasement est vraiment un plus intéressant.
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-Nem- 27/05/2021
Perso je n’y joue quasiment qu’avec le jeu de base. Le mélange des 20 cartes crée des nouvelles configurations tout le temps et ça marche super bien.
Kyojin 28/05/2021
merci pour ton retour complet et intéressant. Quand on aime un jeu il est rare que la boite de base se suffise à elle même. C’est le cas ici et c’est tant mieux ai-je envie de dire !