Nippon : participez à la révolution industrielle de l’archipel
Nippon est un jeu pour 2 à 4 joueurs du duo d’auteurs portugais Paolo Soledade et Nuno Bizarro Sentieiro auxquels on doit déjà plusieurs autres gros jeux de gestion : Madeira et Panamax. Nippon rejoint la collection déjà très fournie des jeux de l’éditeur What’s your Game ?, une gamme plébiscitée par les joueurs experts avec Zhanguo, Signorie en fer de lance dans les plus récents, Asgard et Vasco de Gama dans les plus anciens.
What’s your Game ? est un éditeur qui a le vent en poupe auprès des amateurs de jeux longs et complexes car il navigue à contre-courant de la mode ludique actuelle en sortant des gros jeux pour joueurs experts (au lieu du format « familial + » très à la mode en ce moment chez les éditeurs, toujours soucieux d’élargir le public et des retombées commerciales que cela engendre bien sûr).
Nippon ne déroge pas à la règle de l’éditeur, on a bien affaire à du lourd demandant stratégie, gestion et réflexion avec comme élément central un mécanisme de majorité avec plusieurs voies possible de développement. Grovast a d’ailleurs classé pour cette dernière raison Nippon dans la catégorie des jeux « bac à sable » dans son récent excellent article : chronique sur la mécanique du jeu – degré d’ouverture et qui a suscité un débat intéressant.
Le jeu était proposé à Essen 2015 sur le stand de l’éditeur et l’équipe de Ludovox n’avait pas manqué de couvrir sa présentation par une vidéo dans laquelle on en apprenait un peu plus sur le parcours des deux auteurs rencontrés au salon pour l’occasion.
Le jeu bénéficie d’une grande notoriété, à l’instar de Zhanguo, avec d’excellentes notes sur les sites ludiques spécialisés. Il me tardait donc de l’essayer et je craignais la déception comme ce fut un peu le cas pour ma première partie découverte de Zhanguo il y a quelques mois au club de JES (compte-rendu ici).
Mon ami 6gale me propose donc une partie à 3 joueurs, configuration plus stimulante qu’à 2 joueurs selon sa propre expérience, grâce à une course aux majorités plus tendue.
Je propose de vous faire découvrir le jeu en décrivant ses mécanismes, puis de vous raconter notre partie (où je n’ai pas vraiment brillé) et enfin de vous donner mon avis à chaud après ce premier contact avec le jeu.
PITCH DU JEU : DU NIPPON FÉODAL AU NIPPON INDUSTRIEL
Dans Nippon, votre rôle consiste donc à développer l’économie du Japon pour le faire passer du monde féodal en pays industriel, une révolution qui s’est réellement déroulée à partir des Zaibatsu, grands groupes d’entreprises présents dans presque tous les secteurs de l’économie.
Vous voilà donc à la tête de l’une de ces multinationales. Vous allez devoir livrer une lutte commerciale avec vos voisins et la concurrence étrangère pour obtenir les précieux points de victoire octroyés par l’influence dans les 4 régions de l’archipel décomptée 3 fois et selon le niveau final de développement de votre économie. Des points sont également attribués par certaines actions et des contrats à l’export.
Pitch du jeu (par l’éditeur) :
Le Japon, au cours de la période Meiji – un pays fermé, isolé et féodal -décida de devenir un état moderne occidentalisé. L’empire envoya des émissaires vers des nations étrangères, rapportant techniciens et érudits de l’ouest, construisit un réseau ferré et acheva une révolution industrielle remarquablement rapide.
La nation et l’Empereur comptèrent sur le support des Quatre Grands, les grands conglomérats émergeant disposant d’un grand pouvoir et d’un contrôle massif sur l’économie japonaise. Ils étaient appelés Zaibatsu et leur influence sur l’Empereur Meiji et leur importance sur le destin du Japon furent très important.
Dans Nippon, les joueurs contrôlent leur Zaibatsu et tentent de développer leur réseau de pouvoir en investissant dans de nouvelles industries, en améliorant leur connaissance en technologie, en livrant des biens à l’étranger ou en les utilisant pour satisfaire les besoins locaux, agrandissant leur pouvoir et leur influence en supervisant l’ère d’industrialisation du Japon.
Les fondations des Zaibatsu furent les traditionnelles échoppes de soie, mais les conglomérats diversifièrent rapidement leur influence et pouvoir, en édifiant une structure de sociétés interconnectées, faisant d’eux des acteurs géants de la nouvelle ère industrielle mondiale. Chaque joueur prend les rennes d’une de ces grandes corporations et tente de la développer afin d’agrandir et exercer leur pouvoir.
Pour remporter la partie, les joueurs doivent soigneusement choisir dans quels types d’industries ils doivent investir pour obtenir le plus d’influence sur les îles japonaises. Chaque action est prise dans le but de tracer leur chemin vers de nouvelles opportunités.
Nippon est un jeu économique au rythme rapide proposant des décisions difficiles, ayant pour cadre un moment important de l’histoire du Japon, alors qu’une nouvelle grande nation s’éveille.
LE MATÉRIEL : SOBRE ET CLASSIQUE
Le visuel du plateau fait immédiatement penser à Zhanguo et Signorie, normal il s’agit du même illustrateur (qui sévit sur presque tous les jeux de l’éditeur) : Mariano Iannelli !
Le rendu global est sobre, élégant, voire « classieux » mais manque du coup d’originalité. L’iconographie est très claire et aide bien à la compréhension du jeu. Le jeu est en anglais mais le matériel ne comporte aucun texte et les règles en VF sont facilement imprimables, notamment sur le site de WYG.
Le matériel est assez abondant et de bonne qualité, composé de toute la panoplie des jeux de type « cubes en bois » : grand plateau central entouré de la piste de score, plateaux personnels, cubes, meeples, tuiles. Il ne manque plus que des cartes ! Certaines tuiles ou jetons se retournent pour minimiser les ressources (comme les tuiles Usines différencient d’un côté leur niveau de connaissance nécessaire puis de l’autre, la machinerie : bien vu ! Voir photo ci-dessous).
Le livret de règle est très agréable à parcourir, pourvus d’illustrations reprenant l’iconographie des plateaux, et accompagné d’une feuille annexe bien utile décrivant les effets des tuiles Usines et le « scoring » décompte final des domaines personnels.
Chaque joueur dispose d’un plateau individuel à sa couleur (son Zaibatsu) qui arbore les éléments suivants :
- 3 jauges au niveau 1 en début de partie, de gauche à droite : charbon (noire), monnaie (jaune, en milliers de Yen) et connaissance (blanche)
- 6 tuiles de bateaux et trains à construire.
- une zone de stockage de yens et charbon disponibles : chaque joueur démarre la partie avec un budget de 2 charbons et 12 mille Yen
- un emplacement pour les jetons Plan : un jeton de valeur 1 est disponible au départ
- une file d’espace vide en début de partie qui va accueillir les ouvriers joués
- une zone en bas représentant les 9 domaines de développement (cases Accomplissement) qui peuvent accueillir chacun un facteur multiplicateur de PV pour le décompte final, j’y reviendrai plus loin.
Des tuiles contrats Export identiques pour chaque joueur viennent compléter le matériel personnel, ainsi que les précieuses tuiles Influence (de valeur 1 à 7).
Une réserve de billets de 1000, 5000, 10 000 Yen et de cubes noires est constitué ainsi que les 24 bâtiments (4 de chacun des 6 biens au bonus tous différent).
Les cubes noires sont utilisées à la fois pour les ressources (différents biens, charbon) et marqueur de piste, un bon point pour diminuer le coût du jeu mais une mauvaise idée pour l’immersion. Attention aussi aux maladresses avec les cubes qui se déplacent par inadvertance sur les pistes, difficile de savoir où on en était exactement après une malencontreuse opération « je me suis endormi et affalé sur mon plateau personnel » ! Un système ajouré comme dans Progress aurait été plus judicieux pour pallier ce problème.
LE PLATEAU : LUTTE D'INFLUENCE MAIS PAS QUE
Le plateau central représente l’archipel du Japon divisé en 4 régions qui contiennent chacune 2 villes et les cases Bateau/Train, les zones actions et file d’attente des rangées de meeple Ouvriers, la piste de décompte qui marque l’avancé du jeu, les cases récompenses.
Le nombre d’emplacements disponibles pour les jetons influence autour des villes est égal au nombre de joueurs.
Une illustration explicative (issue de la règle) vaut mieux qu’un long discours :
Le plateau manque d’illustrations à mon goût (malgré le dessin de l’empereur Mutsushito) mais d’un autre côté, il est très lisible.
DÉROULEMENT DU JEU : UNE DANSE À DEUX TEMPS
Le premier joueur est défini au hasard puis chaque joueur effectue une action dans le sens horaire. Une petite compensation est attribuée au niveau score de départ pour les 2, 3 et 4e (+1PV à chaque rang).
À son tour du jeu, on peut effectuer l’une des deux actions suivantes :
Effectuer l’une des 9 actions en prenant un des meeple ouvrier de la zone action désirée pour le placer dans la file de son plateau personnel. Dès qu’un lieu est vide de meeple ouvrier en prenant le 3e ouvrier, on en remet 3 provenant des rangées en file d’attente (nombre de rangées pré-remplies selon le nombre de joueurs)
- Consolidation, action qui consiste à retirer tous ses ouvriers de la file de son plateau individuel, déclenchant une phase de revenus (mise à jour de la zone budget selon le niveau se ses jauges), paiement des salaires (selon le nombre de couleur meeples ouvriers) et récompense. Si vous êtes perdus, pas de souci, je détaille toute cette phase plus bas.
Dès que le 3e Meeple ouvrier d’une zone action est pris, rendant la zone vide, et que les 3 rangées de meeples Ouvrier sont déjà vidées (à 3 joueurs), on avance le marqueur décompte qui fait office de compteur de manche et on effectue éventuellement un décompte de majorité d’influence dans les régions (lors du passage des manches 2 à 3 puis 4 à 5). Puis on prépare la manche suivante en complétant les cases Ouvrier vides et en remplissant de nouveau 3 rangées de 3 meeples ouvriers (à 3 joueurs) piochés du sac.
Les décomptes octroient des points en fonction de la majorité dans chacune des 4 régions : seules les 3 premiers marquent sachant que les emplacements occupés par les sociétés étrangères (vides de Tuile Influence appartenant à un joueur) comptent comme un joueur additionnel pour le classement.
Lorsque le compteur de manche arrive sur la case 6 (case dorée), il ne reste alors que plus que 3 actions par joueur à l’issue desquelles le 3e et dernier décompte a lieu puis le décompte final des cases accomplissement du plateau individuel de chaque joueur qui marque selon les tuiles facteur multiplicateur.
Comme indiqué sur le plateau, les 3 décomptes donnent de plus en plus de points et il faut avoir au moins une Tuile Influence pour participer au décompte de la région (les trains seuls ne comptent pas). Chaque tuile Bateau présent dans la région et à sa couleur bonifie son score de 2 ou 3 PV s’il on est premier ou deuxième plus influent.
DESCRIPTION DES ACTIONS : BOITE À OUTILS NIPPONE
Le nombre d’actions possibles sont au nombre de 9 différentes et représentées sur le haut du plateau central, avec 1 à 3 meeples par paire de cases action.
Voici la description des actions :
- Connaissance : augmenter son niveau de connaissance de 1/2/3 cases en payant 1000/3000/6000 Yen afin d’obtenir le niveau suffisant pour investir dans les usines de niveau I, II ou III réclamant respectivement une connaissance de 2/4/6 ;
Produire des biens dans une à 3 de ses usines différentes : un cube Bien par usine. Il faut dépenser le charbon nécessaire par usine (2, 3 ou 4 cubes Charbon selon le niveau I, II ou III de l’usine), le stockage max de biens est de 4 max par usine et la production peut être bonifié de +1 ou +2 cubes Bien si un jeton Machinerie +1 ou +2 est présent dans l’usine. Il n’est pas possible de produire 2 fois avec la même usine dans le même tour.
- Export : remplir de 1 à 3 contrats en dépensant les biens requis, ce qui donne différents bonus : argent, montée de niveau sur la piste monnaie, PV…
- Investir dans une nouvelle industrie : acheter une usine au coût de 6000 Yen selon son niveau de connaissance : cette action octroie un bonus Synergie immédiat ou permanent spécifique à chaque usine.
Il existe 4 usines de 6 biens différents, un joueur peut acquérir une seule usine de chaque bien. Note : au Japon, le bento est un repas contenu dans un coffret.
Les usines de niveau I (soie et papier) requièrent un niveau de connaissance de 2, les usines de niveau II (bento et loupe) un niveau de connaissance de 4 et enfin celles de niveau III (montres et ampoules) un niveau de connaissance de 6. Des jetons Plan peuvent être dépensés pour bonifier son niveau en dehors de la piste connaissance pour l’achat d’une usine. Si par exemple, vous êtes au niveau 2 sur la piste de connaissance, dépenser un jeton Plan de valeur 2 permet d’investir dans une usine de niveau II (bento ou loupes) qui requiert 4 en connaissance.
À noter aussi que dépenser 3 plans à n’importe quel moment de son tour permet de faire monter de 1 sa jauge de charbon, ou connaissance ou Monnaie : une autre manière d’utiliser le surplus de jetons Plan.
- Mines : augmenter son niveau de charbon (mines) de 1/2/3 cases en payant 1000/3000/6000 Yen : utile pour la production de charbon pendant la phase de consolidation ;
- Bateaux : construire de 1 à 3 bateaux en payant 5000 Yen par bateau : prendre les bateaux de son plateau personnel de gauche à droite et les placer dans les emplacements vides de régions différentes de l’archipel. Chaque bateau donne 2 ou 3 PV lors du décompte si on est 1er ou 2e en influence dans la région où se trouve la tuile Bateau.
- Trains : construire de 1 à 3 trains en payant 5000 Yen par train : prendre les trains de son plateau personnel de gauche à droite et les placer dans les emplacements vides de régions différentes de l’archipel. Chaque train apporte un bonus de +2 ou +3 en influence dans sa région à condition d’y avoir au moins une tuile Influence.
Soulignons ici que pour chaque paire de tuile bateau et train libérées de son plateau personnel, on augmente de 1 son niveau sur la piste Monnaie.
- Machinerie : améliorer la machinerie d’une usine de 1 à 3 au coût de 5000 Yen par machinerie. Une usine ne peut avoir plus de « +2 » en machinerie. Cette amélioration permettra à l’usine de produire un cube Bien supplémentaire par machinerie.
- Marché local : fournir des biens aux marché local : permet de dépenser des biens pour placer 1 à 3 tuiles Influence sur une à deux villes d’une même région demandant ce type de bien.
Cette dernière action s’avère le nerf de la guerre économique pour asseoir sa domination dans les régions et marquer ainsi des points lors des décomptes de majorité. Il est donc important de la détailler.
La valeur de la tuile Influence que le joueur peut placer varie en fonction du bien fourni dans la ville et du nombre de cubes défaussés (voir le tableau sur le Plateau de Jeu). Plus on dépense de cubes et plus le bien provient d’une usine de niveau élevé, plus la valeur de la tuile Influence est grande. On peut partager les cubes délivrés pour obtenir et placer 2 tuiles Influence.
Il est possible d’éjecter un adversaire en plaçant une tuile Influence strictement supérieur ou de mettre une tuile sur une case vide (symbolisant les entreprises étrangères) même si la valeur de notre Tuile Influence est inférieure à celle de la case vide.
Dans l’exemple ci-dessous, le joueur rouge a livré à la ville 2 cubes de soie et reçoit une tuile Influence de valeur 2 à sa couleur qu’il place sur la case vide correspondant à la soie égale à 3 de la concurrence étrangère. Si cette case soie avait déjà été occupée par une Tuile influence égale à 3 d’un autre joueur, il n’aurait pas pu le faire.
Pour chaque jeton influence placé, on récupère le bonus de la région (de gauche à droite : plan de valeur 2, deux cubes charbon, 5000 Yen, 2 PV).
Dans cet autre exemple, le joueur rouge a fourni 3 cubes de papier à la ville et reçoit une Tuile influence de valeur 3 selon le tableau qu’il place sur la case face au papier de la ville. On ne pourra plus le déloger car 3 est la tuile Influence de valeur maximal que l’on peut obtenir pour la fourniture de papier (voir tableau ci-dessus).
LA CONSOLIDATION OU COMMENT SE REFAIRE UNE SANTÉ
Consolider entraîne la perte du reliquat de charbon et argent non dépensés, et permet ensuite de régénérer selon son niveau courant sur les jauges Charbon et Monnaie dont une partie va au salaire des ouvriers qui rejoignent le sac commun.
Le montant à payer dépend du nombre de couleurs d’ouvriers présentes dans sa file Ouvrier (3000 Yen par couleur) et on cherchera donc à minimiser les couleurs différentes d’ouvriers dans le choix des actions afin de payer le moins possible durant cette phase de distribution des salaires.
On obtient une récompense de l’empereur si la consolidation implique minimum 3 ouvriers à savoir un jeton multiplicateur x2 qui devient un x3 pour 4 ouvriers, x4 pour 5 ouvriers et x6 pour le maximum de 6 ouvriers.
Cette étape de consolidation est donc obligatoire lorsqu’on a engrangé 6 actions symbolisées par les meeples placés sur la piste dédiée de son plateau personnel et compte comme l’action de son tour. Il est possible de l’effectuer avant mais, vous l’aurez compris, l’avantage de la réaliser à la suite de la 6e action est d’obtenir de l’empereur le jeton facteur multiplicateur le plus élevé (x5) à placer immédiatement et de façon définitive sur l’une des cases Accomplissement de son plateau personnel qui marquera seulement dans le décompte final. Pas facile de choisir sur quel domaine (case Accomplissement) miser en début de partie, cette option guide devrait aussi notre stratégie de développement.
Choisir le moment opportun pour consolider est donc très tactique voire stratégique pour une vue à plus long terme. En principe on arrive à le planifier mais selon la situation, les plans peuvent changer… On a tendance à vouloir consolider à l’issue de la 6e action afin de remporter le facteur multiplicateur le plus lucratif (x5) mais c’est parfois utile de le faire avant pour payer moins en salaires, même s’il nous reste quelques milliers de Yen qui seront perdus. Cette notion de rythme personnel désynchronisé des manches du jeu est très intéressante.
Consolider permet aussi de récupérer un bonus immédiat à choisir parmi 2 cubes charbon, un plan de valeur 2 ou 5000 Yen, du moins s’il en reste sur la colonne correspondant au nombre d’ouvriers retirés ou inférieure.
Consolider à tout va semble d’ailleurs l’une des stratégies possibles pour obtenir un grand nombre de facteurs multiplicateurs qui seront alors de faible valeur, l’avantage étant de payer moins cher les salaires en ayant une seule couleur de meeple et d’obtenir la production d’argent plus charbon un grand nombre de fois dans la partie.
LE DÉCOMPTE FINAL : ENFIN ON AVANCE SUR LA PISTE DE SCORE !
La majorité d’influence est décomptée dans chaque région et les points de victoire associés sont distribués pour les 3 premiers (respectivement 20, 15 et 11 PV).
Une dernière phase de revenu est produite avec paiement des salaires des ouvriers puis on marque les points liés à ses facteurs multiplicatifs dans chacun des 9 domaines accomplissement de son plateau personnel selon ses niveaux :
- Argent restant dans le budget : (1 PV / 6000 Yens) x facteur multiplicateur ;
- Nombre de symboles « étoile » dévoilé de la piste du plateau personnel bateau x facteur multiplicateur ;
- Nombre de symboles « étoile » dévoilé de la piste du plateau personnel train x facteur multiplicateur ;
- Nombre de régions où l’on est présent en influence (les trains ne comptent pas) x facteur multiplicateur ;
- Nombre d’usines avec une machinerie « +2 » x facteur multiplicateur ;
- Nombres d’usines de niveau II ou III x facteur multiplicateur ;
- Nombre de symboles « étoile » sur sa piste charbon (une usine de bento octroie aussi un symbole) x facteur multiplicateur ;
- Nombre de symboles « étoile » sur sa piste connaissance (une usine de papier octroie aussi un symbole) x facteur multiplicateur ;
- Paire de contrats remplis x facteur multiplicateur ;
Autant dire de suite que le placement des tuiles facteur multiplicateur et le niveau de développement correspondant sont primordiaux pour marquer de nombreux PV durant ce décompte final.
LA PARTIE HARA-KIRI OÙ LES ERREURS SE PAYENT CASH !
6gale avait déjà préparé la mise en place pour 3 joueurs et après environ 30 minutes d’explications, nous voilà prêts à en découdre avec son fils Maxime.
On a tous les 3 effectué les mêmes actions en début de partie, à savoir acquérir une usine, l’améliorer avec une machinerie « +1 », produire, effectuer le premier contrat le plus facile octroyant des Yen et une montée de niveau sur la jauge Monnaie.
Cette similarité a accéléré le déroulement de la partie d’entrée de jeu puisque des zones ouvrier ont été vidées rapidement si bien que le premier décompte a eu lieu sans attribution de points (si ce n’est pour la concurrence étrangère qui s’est définitivement envolée au niveau score et que l’on ne rattrapera pas).
Le choix de la construction de la première usine (papier ou soierie) est important pour le bonus octroyé qui va guider sa stratégie mais va aussi déterminer avec quel joueur nous serons en concurrence pour placer nos jetons influence sur les régions du plateau central.
Les dilemmes stratégiques sont présents dès la deuxième manche où il devient difficile d’orienter sa stratégie. On se demande par exemple quel est le moment le plus opportun pour consolider. Le faire au bout de la 6e action parait judicieux pour bénéficier du facteur multiplicateur le plus élevé mais d’un autre côté, consolider rapidement génère des revenus en Yens et charbon plus souvent, avec un coût plus faible des salaires des ouvriers…
Pour ma part, je me lance sur les 2 pistes de connaissance et de charbon, ce qui s’avérera une grossière erreur car même avec des facteurs multiplicateurs max de 5, leur bonus de décompte final rapportera pas tant que cela (35 PV en tout avec niveau max d’étoiles de connaissance et 3 étoiles pour le charbon), une récompense largement inférieure au décompte influence de chaque région, élément stratégique central que j’ai trop négligé.
Non seulement je ne marque pas de points mais je ne concurrence ainsi pas mes adversaires qui se sont « gavés »…
À l’annonce de la fin de partie, il reste 3 actions pour chaque joueur et ce procédé donne alors un petit avantage au dernier joueur qui peut optimiser son dernier coup afin d’optimiser sa suprématie en influence sur les régions de la carte.
Il faut dire que j’ai extrêmement mal géré la fin de partie en investissant d’une part dans une 3e usine de montres niveau 3 pour rien (si ce n’est le bonus de 2 trains), et, d’autre part, alors qu’il reste plus que 3 actions à réaliser avant la fin de partie, au lieu de consolider puis produire puis vendre au marché local pour remporter la majorité d’influence sur au moins une région, j’ai fait n’importe quoi en vendant au marché en première action, et consolider en 2e en générant moult charbon et argent (qui ne me servent à rien puisque tous les emplacements trains et bateaux de certaines régions sont toutes occupées) !
Une erreur monumentale de novice qui m’enfoncera dans les tréfonds de la piste de score ! C’est tout de même sans regret, car même avec un dernier tour optimisé, j’étais déjà trop largué pour prétendre à la victoire. Seul 6gale pourrait m’en vouloir car ma bévue lui coûte certainement la victoire !
Maxime se lance dans la soierie, et avec un seul bâtiment de toute la partie, va étendre son réseau ferré et ses bateaux dans tous l’archipel. Une stratégie qui s’est avérée gagnante surtout parce qu’on l’a trop laissé faire, mais aussi à cause de mes derniers choix médiocres en fin de partie qui lui ont permis d’obtenir facilement des majorités.
Sans mon erreur, je pense que 6gale aurait remporté la partie qui a de son côté a bien développé sa petite affaire, accompagnée de quelques coups de vieux briscard, comme par exemple déclencher un décompte intermédiaire juste après avoir vendu au marché local et éjecter le jeton influence de Maxime : sans pitié !
Les contrats à l’export ne semblent pas trop lucratifs et seulement les deux premiers faciles permettent d’aider son développement initial en faisant monter sa jauge Argent. Ils ont surtout l’inconvénient de consommer des biens produits de nos usines qui seraient plus efficaces sur la marché local pour augmenter son influence dans les régions.
En résumé, le nerf de la guerre économique se situe bien dans l’action de vente au marché local dans les régions pour obtenir les majorités d’influence lors des décomptes de plus en plus lucratifs au fil de la partie.
Notre partie fut trop rapide par rapport à ma stratégie de développement trop axée sur le long terme.
Vivement la revanche !
VERDICT !
Malgré une fin de partie frustrante due à mes mauvais choix, le jeu m’a bien plu et l’envie d’y rejouer bien présente.
Une grande force de Nippon est sa fluidité, ce qui n’est pas gagné pour un jeu d’une telle complexité stratégique. Il s’avère moins compliqué que craint après la longue explication de la partie d’initiation.
Le jeu est bien équilibré et les mécanismes bien imbriqués les uns dans les autres : il manque toujours un cube, 1000 Yen… pour effectuer une action très lucrative et on se replie donc vers une action plus basique en se disant qu’on a du mal optimiser.
Bon, par contre, comme la plupart des jeux de gestion où l’on reste focaliser sur l’optimisation du marquage de points, je n’ai pas trouvé l’univers très transcendant en y jouant.
Mais après réflexion et en rédigeant cet article, mon avis n’est plus si négatif sur la question, le thème n’est pas si plaqué que cela, car on a l’impression finale d’avoir participé au développement économique du Japon !
De plus, des petits encartés textuels bienvenus dans le livret de règles tentent de renforcer la thématique, point louable de la part de l’éditeur.
Le matériel est de bonne qualité et très fonctionnel même si la touche graphique n’est pas exceptionnelle.
Le renouvellement du jeu est assuré par les villes, les différentes usines et les nombreuses options stratégiques, même si l’influence sur les régions semble incontournable. Les débuts de partie devraient se ressembler pour ensuite diverger selon les choix stratégiques de chaque joueur.
L’interaction entre joueurs se situe surtout au niveau de la concurrence de l’influence dans les villes et les régions dont le timing est prépondérant. Elle est également légèrement présente sur le choix des meeples Ouvrier avec un effet course pour éviter la multiplicité des couleurs, signe de salaire plus élevé à payer.
Mais clairement, les opportunités d’embêter ses adversaires sont faibles si ce n’est lors de la phase de livraison au marché local et la construction des trains/bateaux sur les régions afin d’asseoir son influence pour obtenir les gains de majorité.
Que dire de la part du hasard dans le jeu ? Pas grand chose puisqu’il est quasi inexistant. Le seul facteur aléatoire du jeu est la couleur des meeples Ouvrier piochés à l’aveugle du sac. Autant dire que pas la peine de compter sur le facteur chance pour espérer gagner !
Il faut bien surveiller ses adversaires et les concurrencer sur leur plate-bandes est une option intéressante voire indispensable pour les gains de majorité d’influence sur les régions.
On ne peut pas tout faire et les choix sont parfois cornéliens, donnant lieu à des hésitations : l’analysis paralysis peut ainsi roder si certains joueurs souffrent du syndrome…
La durée de partie est plutôt longue pour la partie d’initiation mais devrait se raccourcir dans les suivantes avec des joueurs connaissant les règles, sachant qu’on peut en général préparer et réfléchir à son prochain coup pendant le tour de ses adversaires.
La configuration 3 joueurs semble la plus agréable : le mode duel souffrant d’interaction alors que le mode 4 joueurs sous ses airs « brise-neurones » pourrait faire apparaître un autre aspect du jeu : les alliances temporaires.
Avoir une idée générale de sa stratégie est primordial avant de placer ses premières tuiles Multiplicateur sur les cases accomplissement de son plateau individuel. Le bonus de la première usine construite peut donner une première indication, mais comme plusieurs axes de développement se chevauchent, ce n’est pas limpide en début de partie. La victoire se joue parfois à ce niveau, et une mauvaise évaluation avec des multiplicateurs trop faibles peut faire perdre la partie de quelques points !
Tout comme les autres jeux de la gamme WYG, le jeu s’adresse clairement aux joueurs experts car il est exigeant au niveau concentration. Sa complexité apparente pourrait rebuter, de premier abord seulement, car après une partie tout devient plus limpide et le jeu apparaît alors beaucoup moins compliqué. Il ne faut pas tarder à retenter l’expérience rapidement au risque d’oublier les règles et repartir dans une deuxième partie d’initiation. C’est l’une des grandes contraintes de ce type de jeu : il faut connaître dans son entourage le public adéquat et motivé pour s’attaquer à la bête, et en même temps pouvoir y rejouer souvent alors que le rouleau compresseur des nouveautés ludiques nous passe dessus, « ô pauvres joueurs » !
Bref, si vous aimez les gros jeux de gestion et de majorité, Nippon devrait vous plaire !
POINTS FORTS / POINTS FAIBLES
Les grandes qualités du jeu résident donc dans :
- Sa fluidité : une seule action par joueur par tour ;
- Sa profondeur stratégique : un grand nombre de paramètres à prendre en compte où tout est important : l’argent, son niveau sur les différentes pistes de connaissance et de charbon, la bonne production de ses usines, les contrats, le développement du réseau ferré et des bateaux mais avant tout la gestion de l’influence sur le plateau…
- Les multiples stratégies possibles et la grande liberté stratégique offerte ;
- La forte interaction pour les majorités d’influence ;
- La variété des mécanismes avec un très bon point pour celle des couleurs des meeples Ouvrier : plus ils seront de couleurs différentes lors de la consolidation et plus il faudra les payer cher (3000 Yens par couleur). De plus, leur choix permet de contrôler la vitesse du déroulement du jeu et les décomptes intermédiaires. Le choix des moments successifs de sa consolidation influe lui sur le rythme de son propre développement : une autre bonne trouvaille du jeu ;
- Iconographie claire et plateaux fonctionnels ;
En points faibles, je listerais :
- Les graphismes du plateau qui manquent d’originalité (coucou Zhanguo et Signorie) et d’illustrations sur la carte du Japon ;
- Le passage obligé de la vente au marché local pour les gains incontournables de majorités d’influence (à confirmer après plusieurs parties) ;
- Ressemblance des parties sur les premières actions : investir dans une usine, améliorer la machinerie, produire, effectuer un contrat de base, dépenser argent en amélioration…
- Le mode 2 joueurs qui a le mérite d’exister mais moins intéressant !
POUR EN SAVOIR PLUS
Voici quelques liens vous permettant de récupérer des infos intéressantes sur le jeu :
- les règles de Nippon en VF et annexe VF (sur le site What’s your Game ?)
- Compte rendu de partie de Nippon et présentation du jeu sur le blog de BdmL
- Revue du jeu sur Vin’d Jeu avec une aide de jeu en français de Tapimoket
À ne pas rater :
- > Présentation vidéo du jeu Nippon à Essen 2015 : Sha-Man rencontre les auteurs.
Nippon, Un jeu de Nuno Sentieiro, Paulo Soledade
Illustré par Mariano Iannelli
Édité par what’s your game ?
Langue et traductions : Allemand, Anglais, Français
Date de sortie : 10-2015
De 2 à 4 joueurs à partir de 12 ans
Durée moyenne d’une partie : 90 minutes
PS : un grand merci à 6gale pour la découverte du jeu et la relecture de l’article ! Un bento ça te dit ?
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atom 20/05/2016
Excellent Jp pour un excellent jeu, une bonne surprise. Au début a l’explication je ne comprenais rien du tout, ce qu’il fallait faire dans quel sens, un brouillard de fumée, et quand mes synapses se sont connectés paf c’est parti et j’ai déroulé.
C’est vrai que l’on doit commencer de la même façon a chaque partie, je me disais que peut être il fallait démarrer avec une usine de niveau 1 d’entrée de jeu avant de démarrer justement.
Grovast 20/05/2016
Deux remarques à la marge de cet article déjà bien complet :
1) La config 2 n’est pas la meilleure, c’est vrai. Mais pour moi elle reste bonne, car la majorité est implémentée de brillante façon. Le jeu intervient dans le classement, et on a une prise sur sa force en recouvrant (ou pas) les grosses valeurs.
Lorsque l’autre joueur est totalement absent d’une région, pas possible de se faire les points du premier à moindre effort (comme dans certains jeux). Même à trois joueurs cette donnée intervient bien sur les premiers décomptes.
2) Le jeu est pour moi un bac à sable pour une raison simple : les mêmes 24 usines sont toujours toutes disponibles. J’aurais préféré avoir du rab et n’en mettre en jeu que les deux tiers ou la moitié. Mais bon, imaginer et équilibrer des pouvoirs spéciaux supplémentaires, c’est plus facile à dire qu’à faire 🙂
Un des meilleurs d’Essen 2015 à mes yeux. C’est dit.
Shanouillette 20/05/2016
Paf.
6gale 20/05/2016
On remet ça en juin autour d’un bento ;).
Christophe Loncq 20/05/2016
En passant: La réimpression du jeu (dispo depuis quelques temps) contient dorénavant la règle VF dans la boite.
Très bon article !!
Zuton 07/06/2016
Oui et merci pour cette précision : il est en effet bon de préciser que WYG fait l’effort de fournir des règles VF, tout comme ce fut le cas à ma grande surprise lors de la réception de mon exemplaire de Signorie !
6gale 07/06/2016
Nippon : Expert game 2015
https://www.trictrac.net/actus/l-expert-game-2015-est
Zuton 07/06/2016
Je n »ai finalement pas de bento à offrir pour notre prochaine partie imminente mais de la bière…
Angie 09/06/2016
Quel article…Moi je ne connais pas le jeu, je suis un peu out en ce moment. Mais là, je suis admirative du travail que tu as fait pour nous fournir des infos complètes. Perso, ça me tenterait bien d’essayer du coup.
Zuton 10/06/2016
Merci Angie ! Oui, le jeu est vraiment bien et je confirme après ma 2ième partie de cette semaine alors que j’ai de nouveau reçu une petite fessée…merci 6gale ! Les 2 décomptes intermédiaires sont finalement primordiaux en créant un différentiel sur les scores qui peuvent s’avérer difficile à combler ensuite, du moins j’y arrive pas pour ma part ! La partie a quand même duré 3 heures mais on aime prendre notre temps !
6gale 10/06/2016
Pas de quoi (pour la fessée) 🙂
6gale 17/06/2016
NIPPON EN SOLO : https://www.boardgamegeek.com/article/21431758#21431758
J’ai essayé une partie : score 202 (good).