Malice au Pays des Merveilles : Parade
Un petit Just Played c’est toujours l’occasion de rentrer un peu plus dans les détails, dans le pourquoi du comment un jeu tourne. On fait les choses à l’envers, Pays des Merveilles oblige, car le test est lui déjà visible par ici. Peu importe l’ordre, pourvu qu’on ait le contenu !
Le matériel
Parade est typiquement le genre de jeu qui flotte en périphérie de votre supervision ludique. Cette supervision qui fait que votre wishlist s’agrandit plus vite qu’elle ne se vide.
Vous avez entendu parler de Parade, vous l’avez peut-être même vu dans une boutique, peut-être même que vous avez pris la boîte violette entre vos mains. Pourtant ce jeu n’occupe pas tout l’espace de communication. Pas de campagne marketing monstre. Des visuels gentillets et vieillots. Des règles très simples. Une soixantaine de cartes pour six visuels différents seulement. Minimalisme à tous les étages. Je dirais même sobriété. Un peu comme regarder la boîte de T.I.M.E. Stories, c’est apaisant.
Mais il a pour lui plusieurs arguments. D’abord le logo Filosofia. Je trouve que ces gens ont souvent du nez. Il y en a pour tous les goûts chez eux. Par contre je les associais surtout à des jeux plus velus (Terra Mystica, Agricola, Puerto Rico) et donc j’ai été curieux de voir ce qu’ils feraient d’un si petit format. Comme depuis j’ai joué à Sylvion dans un format semblable je commence à élargir mon champ ludique. C’est pas bien de trop mettre les éditeurs dans des cases.
Argument de poids, lui aussi, c’est son accessibilité. C’est expliqué en deux minutes et hop, on démarre. On place 6 cartes en ligne au centre de la table. Chaque joueur a 5 cartes en mains. Elles représentent toutes des personnages costumés dans une parade. À son tour on pose une carte à la queue de la parade. En fonction de la carte qu’on a posé on va devoir récupérer et placer devant nous un certain nombre de cartes de la parade. On pioche une carte. Au joueur suivant.
Deux minutes je vous ai dit.
Bon, je résume à mort et je fais avec vous comme avec ceux avec qui j’ai joué à ce jeu la première fois : Je ne vous dis pas tout ! Mais en gros vous savez pratiquement tout ce qu’il faut pour démarrer une partie.
Public cible
Puisqu’on parle de ceux avec qui jouer à ce jeu, vous l’aurez compris car vous êtes malin (et beau, vous lisez Ludovox oO), il s’adresse à tout le monde. Attention, même toi le pousseur de cubes, tu peux perdre à ce jeu et même des fois gagner selon tes choix. Ce n’est pas le chaos complet ni exclusivement du hasard. Oui, il y a un peu de stratégie dans cette petite boîte sans ouvriers ni plateau recto-verso. Et perdre à ce jeu rend humble. D’autant plus quand c’est contre mémé Suzanne ou la petite Lola. Ne prive pas ton entourage de ce petit plaisir. Tu les fatigue assez avec ta passion dévorante et coûteuse pour ne pas perdre de temps en temps.
Petite liste de situations idéales :
- à sortir à l’apéro avant du plus costaud (Terra Mystica ?).
- à sortir à votre petit neveu ado (notez que ça calmera ses ricanements idiots mais pas sa peau grasse).
- à sortir à papi – mamie parce que la belote ça va bien hein, mais ça reste un jeu de cartes quand même donc ils seront pas perdus.
- à sortir à votre femme qui s’installe dans un soupir avec cette petite réflexion « c’est quoi ce jeu encore..? ». Vous l’avez le « encore » ? Mais comme d’habitude elle va vous gagner et ne jamais y rejouer. Ça m’a fait ça pour Abyss et tout un tas d’autres jeux. Je l’aime.
- à sortir à des couples ou des familles. Ça lancera de riches sujets de conversation.
Le scoring
La subtilité de ce jeu n’est donc pas dans ses règles ultra simples. Les règles ce ne sont que les possibilités. Le scoring édicte la finalité. Et à la fin on doit marquer le moins de points possibles.
Je reviens vite fait sur la règle de pose de cartes sur laquelle je suis passé très vite tout à l’heure (si vous lisez très lentement, normalement c’était il y a deux minutes maximum, le temps de chercher « edicter » sur Wikipédia).
Chaque carte est numérotée de 0 à 10. Quand on pose une carte avec le numéro n à la fin de la parade on ignore tout simplement les n cartes suivantes en remontant la parade. Par exemple si on pose un 2 on ignore les 2 prochaines cartes de la file.
Ensuite, parmi les cartes qui sont sous l’influence de notre beau costume, on récupère toutes celles qui ont le même costume que nous (« Oh non, je ne suis plus la seule Alice de la parade. je m’en vais ! ») ou celles dont le numéro est inférieur ou égal ( » Oh non, je n’ai pas le plus beau costume, je m’en vais !).
Autant les gens réagissent bien à la règle de pose après quelques tours, autant la finalité n’est pas évidente avant une partie complète pour certains.
On regarde pour chaque costume ceux qui obtiennent la majorité de cartes. Dans ce cas ils retournent les cartes de cette couleur et elles ne vaudront qu’un point dans le décompte final.
Toutes les autres cartes valent le nombre inscrit dessus. Un 10 vaudra 10.
Première partie
Pour une première partie, la règle de pose domine les choix des joueurs. On pose en espérant piocher un minimum de cartes. D’autant que j’explique généralement le scoring à la fin seulement. Et on se rend compte que ne pas avoir beaucoup de cartes est un handicap quand la seule carte qu’on a est un 10.
Je fais exprès de ne pas donner tous les tenants et aboutissants car ça rentre plus vite dans l’esprit des gens quand ils ne sont pas habitués. Et une bonne branlée vaut tous les avertissements du monde.
Et généralement la seconde partie est directement animée par les problèmes de poses et la finalité du scoring. Cette deuxième partie a toujours été très drôle pour moi. J’observe beaucoup les réactions des autres à ce moment là et c’est vraiment amusant de voir la motivation pour enfin faire une vraie partie.
Les parties suivantes
Sous ses airs de pas y toucher Parade est un vrai jeu d’enflures. On pourrait penser qu’il y a peu d’interactions avec les autres joueurs au premier abord mais à cause du scoring, on doit absolument surveiller les majorités chez les autres. Essayer de deviner les cartes qu’ils peuvent avoir en main pour estimer si on a assez travaillé notre majorité de jaune pour pouvoir se consacrer à une autre couleur. On cherche non seulement à s’assurer un score le plus faible possible mais on cherche aussi à nuire aux autres. D’autant que sur les 4 cartes qu’on aura en main en fin de partie, on devra en garder 2.
Tout le monde n’est pas prêt, devant un jeu aussi simple d’accès, à se lancer dans un quelconque stratégie. Dans ce cas, c’est un joli jeu de pose avec un système de majorité alambiqué qui punit les gens pas assez prévoyants.
Pour ceux qui y voient un bon jeu d’enfoiré par contre, c’est un petit régal. La pose n’est qu’un moyen de gérer les cartes qu’on va prendre ou laisser, les majorités qu’on va s’assurer ou celles qu’on va surpasser chez les autres pour mieux les enfoncer.
Easy to learn, hard to master
On peut donc prendre ce jeu pour son côté simple et le présenter à toutes personnes consentantes. Mais si vous avez des comptes à régler avec des amis joueurs avertis, vous trouverez là de quoi vous mettre sur la courge dans un format simple et efficace.
Mise en place rapide, parties courtes et de bons coups fumants en fin de partie. J’ai ressenti un peu le même plaisir qu’avec MOW chez Hurrican.
Toute la beauté du jeu réside dans son scoring. Le principe de pose en lui-même est ultra simple et n’offre que peu de choix si ce n’est en termes de prise de cartes. Quoiqu’on peut glisser quelques grosses cartes bien grasses sous les pieds des autres. Mais une fois le scoring intégré à cette pose de cartes, le jeu prend une épaisseur qu’on ne soupçonnait pas.
Vous pouvez rire et prétendre que j’en rajoute, c’est un jeu minimaliste de plus. Ok c’est mignon mais tu t’enthousiasmes tout le temps pour un rien. Et bien non, c’est pas vrai d’abord. Je n’ai pas aimé du tout OMG un peu dans le même format. J’ai beaucoup apprécié Harald, mais pas à ce point. Non et non.
Conclusion
Bref, si vous n’avez pas ce genre de jeu dans votre ludothèque je vous le recommande chaudement. Pas comme un jeu d’introduction vers autre chose mais pour ses qualités propres. Il parait que je dois jouer à Tichu pour poursuivre mon cheminement. Après l’intégrisme des gros jeux velus avec leurs livrets de règles d’au moins 25 pages les joueurs ont tendance à redescendre vers la simplicité paraît-il. On appelle ça la maturité. Va pour les cheveux blancs.
Un jeu de Naoki Homma
Illustré par Yuka Saitoh
Edité par Filosofia, Z-Man Games
Distribué par Asmodee
Langue et traductions : Anglais, Français
Date de sortie : 09-2013
De 2 à 6 joueurs
A partir de 10 ans
Durée moyenne d’une partie : 30 minutes
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SleuthGames 25/09/2016
Merci. Article très agréable à lire. Bien illustré en rapport avec le thème, également.
Tu as encore une petite marge de progression en ponctuant tes phrases avec autre chose que des points, en osant un peu des guillemets, des phrases interrogatives, exclamatives, etc.
Je trouve que le rapport explication/ressenti de parties est vraiment bien balancé, bien écrit, et je tenais à te le dire, surtout sur un jeu que je connaissais juste de nom.
Djinn42 25/09/2016
C’est gentil de me dire ça. Ludovox donne la parole aux joueurs et on n’est pas tous des professionnels de la critique. Ça a certainement ses bons et mauvais côtés. Du mien j’essaye de m’améliorer pour partager au mieux ma passion.
zedzed 27/09/2016
Bon petit jeu, effectivement pas si simple à bien prendre en main en particulier dans l’anticipation et la gestion de ses fameuses deux dernières cartes de fin de partie.
Le nombre de joueurs à la table impacte beaucoup la stratégie, le nombre de cartes nécessaires à l’obtention d’une majorité y étant logiquement lié.
Deux reproches qui sont ressorties chez nous, la durée d’une partie qui peut vite atteindre les 45-60min, jugée trop longue pour un « simple » jeu de cartes. Le lecture du jeu quand beaucoup de cartes sont posées est parfois laborieuse, on passe du temps à compter les cartes pour identifier celles qu’on peut potentiellement récupérer. Pour ce dernier point, j’ai créé des tokens à placer à côté de la ligne de cartes (http://i.imgur.com/nxdbw6W.jpg).
Djinn42 27/09/2016
Effectivement, un peu longuet parfois. Il faut quelques parties pour s’y faire mais on n’en enchaîne pas forcément tant que ça dans une soirée.
Pour les jetons, tu peux uploader un fichier PDF ou JPG dans la section Ressources en bas de la page du jeu.
Je l’ai fait pour une boite de rangement d’un jeu que j’aime bien. C’est toujours sympa de partager ces trucs là.
Jean-Michel F. 07/10/2016
Merci pour cet article.
Par contre un truc m’a hérissé le poil « à sortir à votre femme qui s’installe dans un soupir avec cette petite réflexion « c’est quoi ce jeu encore..? ». Vous l’avez le « encore » ? Mais comme d’habitude elle va vous gagner et ne jamais y rejouer. ».
Soit « elle va vous battre », soit « elle va gagner contre vous ». A moins que vous n’ayez une relation de maitre à esclave ?
Shanouillette 07/10/2016
Perso ça ne me absolument dérange pas. Je peux dire « Minisha gagne souvent son père à Kaskaria » sans penser à une relation de maître-esclave (??). C’est comme « gagner sa vie » ça fonctionne par analogie (c’est « gagner de quoi vivre sa vie » normalement).
Djinn42 07/10/2016
Effectivement, c’est pas terrible. Tant pis pour le Goncourt.