La Cathédrale Rouge – Собор Василия Блаженного
The Red Cathedral est sorti l’année dernière à Essen, un jeu de deux auteurs espagnol, ou plus exactement un auteur, Israel Cendrero et une autrice Sheila Santos qui ont à leur actif plusieurs jeux (1987 Channel tunnel, Mondrain the Dice game, Ramen…).
The Red Cathedral est sorti chez Devir Games, un éditeur un peu particulier puisqu’il s’est établi au Brésil en 1987 et s’est ensuite développé dans l’Amérique latine particulièrement, mais aussi aux Etats-Unis et en Europe, notamment à Barcelone en Espagne, ou Bologne en Italie. Aujourd’hui il détient plusieurs partenariats avec des distributeurs étrangers, notamment Iello chez nous et Kosmos en Allemagne.
The Red Cathedral arrivera chez nous début 2022 sous le nom de La Cathédrale Rouge chez Iello dans leur catégorie « expert », une bonne occasion de parler de cette petite boite qui cache un jeu Eurogame de poids moyen intéressant avec quelques petites mécaniques bien imbriquées : de la gestion et transformation de ressources, une roue d’action et un peu de construction de moteur, sans oublier l’interaction centrale au jeu.
Architectes de l’Empire de l’Est
Le Tsar Ivan le Terrible a ordonné la création de la cathédrale Saint Basile à Moscou. Avec un blase comme ça, vous vous doutez bien que le bonhomme est peu souriant. Nous allons tous travailler ensemble pour ériger cette cathédrale, mais évidemment un seul d’entre nous pourra gagner les faveurs du Tsar. Et attention à ne pas le fâcher, sans quoi, sa colère sera terrible…
The Red Cathedral fait partie de ces jeux qui sont plutôt simples dans leur approche. En effet ici à notre tour nous avons trois possibilités : réserver un plan de la cathédrale, acquérir des ressources au marché, et livrer des ressources.
Nous avons une roue d’action (qui représente les saisons) pour mécanique centrale, et des dés placés sur celle-ci. C’est ainsi que l’on va récupérer des ressources ; je choisis un des cinq dés et je le déplace d’autant de cases que sa valeur. Ensuite, je récupère la ou les ressources de la section où je suis arrivé : plus il y a de dés et plus je remporte de ressources. Je peux aussi activer la carte présente dans le quadrant : de la transformation de ressources, du gain de point de victoire, ou de la construction.
Nous avons une jolie cathédrale en cartes avec plusieurs Tours de taille différentes (photo ci-dessous), enfin pour le moment nous n’avons que des plans de construction et une autre de nos actions sera justement de réserver une partie de la cathédrale en y plaçant notre petit drapeau. Si vous le faites, vous vous arroger le plan de cette partie de la cathédrale.
Réserver un des plans de la cathédrale nous permet d’agrandir notre zone de stockage, mais aussi de s’assurer que personne d’autre ne le réalisera. On pourra donc partir sereinement en quête des ressources nécessaires. En sus, on gagne la tuile d’atelier présente que l’on doit placer sur une des zones de notre plateau atelier ; si on paye son coût alors on pourra la placer visible et désormais on aura une action bonus quand on active le dé en question (face cachée on n’aura rien du tout). C’est l’aspect « engine building » du jeu : en jouant mon dé vert, j’ai une gemme violette en plus.
Enfin, la dernière action, très classique, réside dans la livraison de ressources (jusqu’à trois) sur un plan que l’on a préalablement réservé. Si toutes les ressources requises sont livrées, cela déclenche sa construction, quelques points de reconnaissance, et parfois quelques roubles.
Interaction ?
Vu sous cet angle, l’interaction ne semble pas centrale : on dirait que chaque joueur est centré sur son plateau. Et bien pas tout à fait, parce qu’en fin de partie, pour chaque Tour (colonne de cartes plus ou moins étendues) de la cathédrale, les joueurs vont remporter des points de prestige selon leur participation (selon un calcul savant de majorité).
Sachez que vous pouvez ajouter un ornement à votre construction : une porte en bois bien lourde avec quelques joyaux, des vitraux ou encore une croix tout en haut de la Tour. Au-delà de quelques points de prestige, ces ornements comptent aussi pour la majorité et peuvent faire la différence
Nous marquons nos points de victoire sur une piste qui semble classique au premier abord. En jeu on va gagner des points de reconnaissance souvent au cours d’une construction, mais la piste est jalonnée de symboles avec un aigle, signe de prestige et ça tombe bien, car ils sont nommés ainsi. Quand on gagne un point de prestige, on saute à la prochaine case avec ce symbole, ce qui permet de faire des bonds sur la piste. Au début, pour atteindre le premier point de prestige, il faudra avoir gagné quatre points de reconnaissance, mais au fur et à mesure, ça se resserre.
Mais attention l’interaction est aussi présente ici. Il est possible aussi de perdre des points. En effet, si quelqu’un construit un plan au-dessus du vôtre en cours de construction, le Tsar voit rouge et vous sanctionne d’un point de prestige par étage construit au-dessus du votre. Piquant !
Cela n’a l’air de rien, mais on se surveille du coin de l’œil, car on sait que si l’on est trop gourmand, cela pourrait bien nous arriver ; ça évite aussi qu’un joueur réserve rapidement plusieurs parties pour être certain de gagner une majorité.
Les majorités ne dépendent pas de la taille de la Tour mais de votre participation : pour chaque plan construit, et pour chaque ornement, deux points de prestige. Mais seul·e le ou la majoritaire gagnera l’intégralité des points, le suivant remportera la moitié et le troisième, la moitié de la moitié. Venir grappiller quelques points, ce que j’appelle faire le coucou (en hommage à l’oiseau qui vient pondre dans les nids des autres pour ne pas avoir à s’occuper de sa progéniture), n’est pas si rentable, car on augmente la valeur totale. Il vaudra peut-être mieux consolider ses majorités.
Nous sommes dans une course : la partie se termine quand quelqu’un réalise sa sixième construction (il est en plus gratifié de trois points de prestige). Comme souvent dans ce type de jeux, avoir des ressources c’est bien, mais ici il ne faut pas s’encombrer car la place dans notre plateau atelier est limitée, même si heureusement les cartes guildes nous aident (elles permettent de vendre, transformer, ou même livrer des ressources).
Style Mucha
La cathédrale Rouge est un Eurogame de poids moyen avec une édition de très bonne qualité, tout cela dans une petite boite et un petit prix (comptez 30€) à l’heure où l’on gonfle artificiellement le volume des boites c’est très appréciable.
Notre plateau atelier sert de stockage de ressources, mais aussi d’aide de jeu (avec la mention des actions), les ressources sont en bois manufacturé, les illustrations de Pedro Soto et Chema Roman donnent du cachet au jeu, dans un style un brin désuet et charmant, le plateau central évoquant une certaine peinture russe (on m’a parlé du peintre Mucha, mais n’ayant que peu de culture en ce domaine, je me contenterais de dire que je trouve ça beau :)).
On ne va pas le cacher, le gameplay est centré sur les majorités, et la profondeur de jeu peut en pâtir, fort heureusement on peut aussi aller chercher des points autrement (les ornements permettent de gagner du prestige si l’on y ajoute quelques cristaux, sur la roue d’action, les cartes guildes peuvent aussi nous permettre de dépenser des roubles contre des points de prestige…).
La rejouabilité est assurée par la mise en place, différente à chaque partie. Le jeu se distingue surtout par son interaction et sa rapidité d’exécution (bien que parfois des petits épisodes de congestion cérébrale apparaissent).
Cette cathédrale rouge aura les qualités de ses défauts, mais quand on voit certains kickstarters surproduits où l’installation du jeu nécessite une table de maître, on est charmé par cette petitesse, cette modestie, cette efficacité. Certes, la profondeur demeure relative, mais une fois la mécanique intégrée, le jeu s’avère assez rapide. Sa mécanique relativement simple devrait combler les joueurs et joueuses cherchant un défi neuronal intense et de l’interaction dans une durée maîtrisée.
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6gale 21/10/2021
Un de mes jeux préférés de l’année.
élisa 05/07/2022
C’est inspiré de Ivan Bilibine, illustrateur russe plus que de Mucha (qui était tchécoslovaque) 🙂
atom 05/07/2022
Merci beaucoup, c’est marrant, ce matin je suis tombé sur une publicité sur un réseau social qui parlait de Mucha et je me disais que l’on ne savait toujours pas la réelle inspiration des illustrations de Red Cathedral, et bien maintenant c’est chose faite ^^