Kreo, le prochain Sweet November – Check !
Kréo
Le prochain Sweet November respecte le format instauré par les Poilus (du moins, de ce que j’en ai vu : je n’ai eu accès qu’à un prototype quasi-final). En tout cas, il s’agissait d’un jeu de cartes avec relativement peu de matériel. On ne parle pas d’un minimalisme à la Love Letter mais vraiment d’une œuvre du même format que les Poilus. Et, en plus, il s’agira de coopérer ! L’auteur, drômois, a fait un petit tour à Lyon pour nous le montrer. Et ce filou de Julien Prothière avait un autre jeu dans son sac, auquel nous avons joué (en fin d’article).
Nous n’avions pas la version définitive, mais pas loin ; en tout cas, les visuels l’étaient et ils éclataient de splendeur ! La direction artistique change un peu du look cartoon que l’on retrouve dans soixante-quinze pour cent des productions, et donne une belle patine à ce Kréo.
Une tâche colossale (ou titanesque)
Nous incarnons des Titans à qui incombe la tâche de créer leur planète. Mais tout ça doit se faire par étapes ! Pour avoir une planète finie et donc habitable, il faudra passer par différentes créations : arc-en-ciel, rivière, poisson, etc. Le but est donc d’établir un chaînage pour parvenir à nos fins. Car oui, il faudra respecter un certain ordre ! Ce chaînage nous demandera de commencer par créer des choses basiques (comètes, atmosphère) avant d’aller vers des réalisations plus fines (oiseaux, poissons). Avancer dans les niveaux nous permettra de débloquer de nouveaux objectifs et donc de se rapprocher de notre condition de victoire, la Planète (niveau IV). Tout ceci se fait à l’aide de cartes que nous jouerons une à une et simultanément.
Autre obstacle : chacune de ces créations (représentées par les cartes Nature, cf. ci-dessous) demande entre deux et trois éléments pour être réalisée, voire quatre pour la planète. Toutes ces ressources (éléments, cartes Natures) se trouve dans une main qu’on vous distribue en début de partie. Cette main vous accompagnera tout au long de la partie : pas de pioche, pas beaucoup de changement dans les cartes en main ; il s’agira de tirer parti des données de départ le mieux possible.
Il faut l’atmosphère pour faire la rivière. Lorsqu’on l’a complétée avec de l’eau et de la terre, on a la moitié des éléments pour faire un poisson ou un arbre. Et c’est tout indiqué sur la carte… Ah, le pouvoir de l’ergonomie !
Jusque-là, vous allez me dire que c’est facile. Mais la tâche n’est pas aussi enfantine qu’elle y paraît, et ce pour trois raisons :
- Nous aurons l’obligation de jouer des cartes négatives représentant la fureur de nos ennemis
- Nous ne pourrons pas parler (dans le cosmos, on ne vous entendra pas crier)
- Nous programmerons simultanément quelle carte jouer, après quoi…
- …Nous résoudrons les cartes une à une, en commençant par le premier joueur.
Allez, passons sans ambages à une explication du fonctionnement du jeu !
Un titan d’adaptation ?
Un tour de jeu se décompose donc en deux phases : la programmation et la résolution.
Chaque joueur programmera sa carte, et c’est également là que l’on pourra dépenser les jetons divination que l’on se sera partagés en début de partie. Cela nous permettra de disséminer l’information de façon fort opportune, un peu à la manière des indices dans Hanabi.
Pour un jeton dépensé, nous pourrons montrer une carte à un joueur. Pour deux, nous lui en donnerons une et il nous en rendra une autre, permettant ainsi d’étaler les menaces ou de contrebalancer une pioche peu opportune. Pour trois, nous pourrons récupérer une carte de la défausse ! Même avec cette aide, la tension est palpable lors de cette phase : la programmation n’est pas si simple que cela : « qui va faire quoi ? » est sans conteste la question que l’on se pose. Car s’il vous faut de l’air et de la terre pour finaliser une carte Nature, et que deux éléments Air sont joués… Un seul est gardé, l’autre étant perdu à jamais. Dès qu’un joueur joue une carte Nature, il a un choix et un effet se déclenche : d’abord, il peut choisir de la jouer comme une carte élément de son choix – un joker qui a un prix certain ! – ou comme une carte nature standard, qu’il ne pourra placer que si les chaînages sont respectés. Enfin, si des pions divination sont disponibles au centre de la table (car ont été dépensés), il pourra en récupérer un.
Une fois la phase de programmation et la phase de résolution achevées, on fait tourner la carte premier joueur (par laquelle la résolution commence donc), et on entame un nouveau tour. Si l’on possède toutes les cartes du jeu dès le début, le choix est assez restreint : on n’a pas envie de gâcher ses éléments car ils sont en nombre bien limité. Pour rappel, la partie s’achève quand la planète est construite ou quand il est devenu impossible de le faire par manque d’éléments. Ou encore quand il nous reste une carte néfaste que nous n’avons pu jouer, ou dont nous n’avons pu nous débarrasser.
Le nivellement des cartes Nature impose un rythme au jeu : si les deux niveau 1 et la niveau 4 sont nécessaires, certaines de niveau 2 et 3 vont être superflues, et nos choix vont nous permettre de jouer certaines cartes Nature comme des jokers. Certes cela contraindra nos choix, mais cela nous permettra également de bénéficier de jokers bienvenus (et de plus de temps/d’opportunités pour jouer nos cartes néfastes). Le système économique autour des éléments est donc très dynamique puisqu’ajustable en fonction des desiderata des joueurs, mais est également très limité car les ressources sont précieuses. Ainsi, le sel de la gestion dans Kréo se situe dans la façon de réduire les chaînages à leur plus simple expression afin d’économiser les éléments et surtout, de ne pas créer de redondance inutile.
Si d’aventure cela vous paraît trop simple (et si sur le papier, ça l’est, en pratique, pas du tout), vous aurez le droit d’utiliser les symboles de certains éléments pour vous compliquer la mise. Certains deviendront volatils et seront défaussés si la carte Nature qu’ils n’est pas finalisée à la fin du tour, d’autres altéreront l’ordre du tour. Vous pouvez aussi faciliter l’affaire en remplaçant certaines des cartes néfastes par des jokers, hein. Et enfin, lorsque vous êtes un peu aguerri, vous pouvez prendre une carte de rôle double-face et choisir laquelle utiliser durant la partie. Les rôles offrent un avantage non négligeable mais portent aussi une restriction : une des deux faces ne pourra pas jouer de création de niveau 2 et l’autre, de niveau 3. Aux dire de l’auteur, si cela ne rend pas le jeu beaucoup plus difficile, cela rajoute des données et des interactions. Je n’ai pas eu l’occasion de jouer à cette variante, les pouvoirs m’ont eu l’air alléchant : ils semblent changer le jeu de façon profonde, et obligent à bien regarder ce qui se passe autour de la table.
Parlons des cartes néfastes, comme l’éclair de cyclope ci-dessous. Puisqu’elles sont dans les mains dès le départ, les menaces sont connues et n’apparaissent pas au petit bonheur la chance (les éclosions rapprochées ou éloignées de Pandémie qui peuvent tuer la partie ?), et il incombera aux joueurs de se coordonner pour y faire face pendant le cœur de la partie (ni au premier, ni au dernier tour).
Ressenti
Nous n’étions que trois joueurs lors de mes deux parties de test : nous n’avions à priori que peu d’indices à nous donner, et nous n’allions pas forcément nous couper l’herbe sous le pied. Et pourtant, c’est arrivé à plusieurs reprises dans nos parties, que nous avons toutes deux perdues ! Bon, nous jouions en mode difficile, et sans les pouvoirs de titan/titanide. La menace économique et les cartes néfastes sont vite appréhendées : dès fin de la première partie, on sent le potentiel d’amélioration (et la courbe de progression du jeu, bien foutue).
Légèrement plus court que les Poilus, Kreo est cependant plus dense que le précédent coop de Sweet November, et peut se targuer d’un gameplay millimétré. Un peu comme un Hanabi ++, qui renverserait la problématique des informations et qui changerait ses données économiques ; être associé à Hanabi, il y a pire comme compliment, non ? L’ambiance autour de la table est tendue et on s’immerge dans le jeu dès le premier tour : quelles indications donner ? Quelles ressources dépenser ? Comment – et surtout, quand ? – gérera-t-on les cartes néfastes dans la partie ?
Le choix de Sweet November est très cohérent après Les Poilus, et on a clairement là un challenge de qualité, bien corsé, qui ne devrait pas laisser indifférent. Les modes de difficulté et les personnages laissent présager une bonne durée de vie pour un jeu assez court au final.
Pour un premier jeu, Julien Prothière présente un titre à l’identité forte, au goût singulier, qui ne vous laissera certainement pas indifférent.e si les coopératifs sont votre came.
Bref, la rédaction a bien aimé !
Un jeu de Julien Prothière
Edité par Sweet November
Pays d’origine : France
Langue et traductions : Français
Date de sortie : 2016
De 3 à 6 joueurs , Optimisé à 5 joueurs
A partir de 10 ans
Durée moyenne d’une partie : 30 minutes
Check !
Check, le deuxième jeu que nous a présenté Julien Prothière, est un party game où on va mettre à l’épreuve son street cred : on est entre potes dans les rues new-yorkaises, et on va se rencontrer avec des signes de reconnaissance. Fistbumps, high-fives et autres figures acrobatiques faites avec les mains et les avants-bras, vous voyez le genre.
Le jeu se déroule en deux manches (qui, chacune, feront exécuter deux signes à chacun des joueurs). D’abord, on choisit un défi pour les équipes opposantes, qui viendra compliquer la tâche au profit de points supplémentaires.
Puis viennent les tours de jeu où l’on rajoute des cartes à soi et à des adversaires pour complexifier leur signe. Initialement composé de trois cartes, le signe prend de l’ampleur et de la difficulté au fur et à mesure des séquences. Lorsqu’on sent qu’on a atteint les limites de sa mémoire ou qu’on est satisfait du nombre de points que l’on peut engranger, on peut décider d’arrêter un check. Les deux joueurs qui partagent le signe ont alors 45 secondes pour le mémoriser. Lors de l’exécution, les erreurs invalident le reste du signe. Si vous hésitez, vous marquez moins de points que si le geste est fluide. Et si vous réalisez le signe avec la contrainte qu’on vous a imposée, vous gagnez des points bonus !
La partie se termine à l’issue de deux manches. On récolte les points de victoire avec son voisin, certes, mais comme on additionne les deux piles sur lesquelles nous avons checké pour constituer son score personnel, on évite en général les égalités. Entre ça et le fait qu’il y ait deux manches, il est assez improbable qu’il y en ait. (et je suppose qu’il y a un tie-breaker bien thématique)
Le mécanisme de stop ou encore marche assez bien : si l’on continue à jouer et à charger les adversaires, ils peuvent marquer plus de points, mais aussi nous infliger plus de crasses ! On renouvelle les thèmes de la mémoire et de la gestuelle avec des perturbations (les défis). Ces derniers ne sont pas toujours les plus équilibrés, mais on ne va pas chipoter : c’est fun, et c’est encore au stade de prototype ! (Mais, l’auteur nous a dit que ce serait probablement bientôt signé. Affaire à suivre, donc.)
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Shanouillette 05/02/2016
Un petit message pour dire qu’on y a joué avec ShaMan et qu’on a trouvé ça bien foutu !
M3th 05/02/2016
Suis vraiment fan des illustrations de kreo
Fred la loutre 06/02/2016
Les illustrations sont terribles, et la méca tourne bien, c’est plaisant
TheGoodTheBadAndTheMeeple 09/02/2016
On dirait un Hanabi light de loin. ou SOS titanic.
Umberling 09/02/2016
C’est moins light qu’Hanabi : les ressources sont plus limitées et le succès n’est pas quantifiable (comme les points dans Hanabi). Soit c’est gagné, soit c’est perdu. Et le chaînage est + exigeant.
Shanouillette 09/02/2016
Ha oui c’est plus technique que Hanabi où l’on peut toujours arriver à jouer, même mal. Ici, si on ne fait pas les choses dans le bon ordre, couic.
Jules Prototypaire 11/02/2016
Je confirme moins light qu’Hanabi, plus exigeant et technique : du coup certainement moins accessible mais plus gradué avec 3 modes de jeu avancés. Par contre, ce n’est pas tout à fait soit gagné soit perdu car il y a différentes victoires possibles en fonction du nombre d’éléments mis sur la carte planète.
En tout cas, merci pour ces quelques retours qui font chaud au coeur !
Umberling 11/02/2016
C’est vrai qu’on peut se dire qu’on n’était pas bien loin. D’ailleurs sur notre deuxième partie, nous n’avons fauté qu’à cause d’un seul élément ! C’était un plaisir de découvrir, en tout cas.
jim 11/02/2016
Elle peut-être prise à double sens cette phrase 😀 Tu parles d’un élément de l’équipe ?
Jules Prototypaire 11/02/2016
En fait comme dans Hanabi (et puis après je vais arrêter la comparaison avec ce monument ludique) et dans la plupart des jeux coopératifs, la règle du jeu indique différents degrés de victoire. Avec un élément manquant (et non un joueur), nous avions quand même réalisé une planète viable !