Joe Dever’s Lone Wolf : ça Kaï ou c’est hot ?

Aaaah, Loup Solitaire. Des livres dont vous êtes le héros comme on n’en fait plus depuis bien longtemps. Il faut dire que le genre a fleuri dans les années 90 pour s’éteindre comme un vulgaire feu de paille. Encore prisé des collectionneurs, il connaît un petit renouveau grâce à la lecture numérique. Je me rappelle encore la bibliothèque municipale qui n’avait que l’Héritage de Vashna et la Tour de Cristal… soit le 16e et 17e volumes de la série.

Trêve de nostalgie. En faisant mon édito sur le jeu solo il y a quelques semaines, je suis tombé sur l’appli Joe Dever’s Lone Wolf, qui me fournissait des graphismes ad hoc. Et devinez quoi. J’ai téléchargé ladite appli, un jour un peu pluvieux comme on en a eu beaucoup en cette fin de printemps. Parce que nostalgie, envie de lire et de me divertir, tout ça tout ça.

Qu’est-ce que ça vaut ? Bien plus qu’on ne pourrait le croire !

 

Histoire

L’histoire vous met dans la peau de Loup Solitaire, qui règne sur ses terres avec peu de fermeté, puisqu’il laisse de maléfiques Giaks les envahir. Du coup, il mène l’enquête et en dessoude par dizaines. On retrouvera aussi les emblématiques Drakkarim, ennemis récurrents de la série.

Si elle a une bonne odeur d’épique, l’intrigue n’est pas d’une grande subtilité au comparé de certains livres. Il faut reconnaître qu’elle fait le taf de façon honorable, et surtout, qu’elle plonge le joueur dans une sensation de tension perpétuelle qui n’est pas anodine : n’importe quelle situation peut se transformer en piège mortel. Je ne vous divulgâche pas plus avant : vous découvrirez qui sont les adjuvants et opposants bien assez tôt !

lone_wolf_illu

Les illustrations pleine page comme celle-ci sont animées. Oui, c’est la classe.

 

Ergonomie

L’ergonomie de l’appli est vraiment travaillée pour faire croire à un livre. Il faudra tourner les pages comme sur un vrai, sans que ça ne devienne lourdingue à la longue. Les polices et langues sont interchangeables, la trad semblait plutôt agréable pour ce que j’en ai vu (mais j’ai vite passé l’appli en anglais par envie). La direction artistique de l’ensemble prend des couleurs sépia, et les images parsemées dans la narration font penser à des pinceaux d’encre : très joli et plaisant à l’œil.

Les objets, leurs effets et tutti quanti sont bien indiqués. Et que dire des choix en narration, présentés dans un menu radial de toute beauté ? Vraiment, tout est parfaitement clair : on est en terrain connu, entre jeu de rôle et livre dont vous êtes le héros (car non, le système n’est pas le même que dans les livres. Pas du tout), et chaque progression est indiquée d’une barre ou d’un cercle dont le pourtour se remplit. Vraiment, on s’y croit, ça marche : que du très bon.

Cependant, il y a une ombre au tableau. Les combats, en tour par tour se font en semi dynamique et parfois, il est difficile de savoir ce que l’on va faire. Les menus radiaux sont, du coup, peu pratiques car très nombreux.

lone_wolf_map

Où aller ? Dois-je méditer ?

 

La transition entre livre et combat en 3D est très agréable, quoi qu’elle fasse souffrir le téléphone. C’est vraiment beau ! Par contre, mobile oblige, peu de diversité dans les ennemis et les décors. Mais ce n’est pas si grave et on finit par s’y faire. Pendant les chargements, il y a de bonnes idées pour vous inciter à incliner le téléphone : le combat ne démarrera que si l’écran est tenu horizontalement (alors qu’on lit les pages à la verticale). Cet espèce de mini-jeu raccourcit le temps de chargement et permet une prise en main du combat vraiment agréable.

 

Choix

Grosso modo, au démarrage de l’histoire, on nous demandera de créer notre Loup Solitaire en nous orientant dans trois directions :

  • La force brute, avec plein de points de vie, des coups puissants mais des risques pris assez forts. Au final, vous roulez un peu sur les combats mais au prix d’un chouïa de choix et de sérénité par ailleurs.
  • La dextérité : esquives, jauge d’endurance pour faire plein d’attaques, acrobaties. L’habituel panel de roublardises, avec plein de couteaux de lancer et de flèches tirées.
  • La magie : outre le pouvoir d’abuser du Glaive de Sommer et des pouvoirs Kaï, elle permet de méditer (se reposer entre deux zones) en risquant moins de se faire attaquer, et aussi d’éviter certains pièges. Ah, et en combat, notre tour dure plus longtemps.

 

lone_wolf_choice

Un choix à cinq options ! Je pense utiliser la communication animale plutôt que l’intelligence ou la force.

 

Si, bien entendu, les statistiques favorisent un type de combat particulier, ce sont surtout les conséquences hors combat qui sont le plus intéressantes, car on entrevoit une narration légèrement différente.

Parfois, dans la multitude de petits choix à faire, une décision clef vous est proposée et signifiée comme telle. On en voit toujours la conséquence à un moment ou à un autre, et les dilemmes proposés sont bien entendu classiques : Libérer ce condamné à mort, ou pas ? La moralité reste assez superficielle et le scénario n’est pas non plus très audacieux dans ses propositions. Mais c’est quand même bien fichu. 

 

Se battre contre les meutes adverses

Le combat est un des points les plus tendus de Loup Solitaire. Au tour par tour dynamique, façon Final Fantasy sous caféine, vous vaincrez des ennemis, souvent en groupe. Quand je parle de combat « à la Final Fantasy », je veux évoquer la barre de vie, de mana, les actions à programmer sans tactique aucune : on ne parle pas de déplacement, mais de gestion de combat. Lorsque vous déclenchez une attaque, s’ensuit une série de manipulations pour la faire réussir, la rendre plus forte, ou pour enchaîner les combos. En gros, un Quick Time Event (QTE) comme on en connaît pléthore dans le jeu vidéo ; et vous en aurez aussi pour parer ou esquiver, ou même encore pour vous relever après un mauvais coup. À noter, un twist intéressant : parfois, le QTE vous demandera de sacrifier de la vie pour être réalisé ; il s’affichera en rouge et vous obligera à prendre une décision rapide, brisant l’éventuelle monotonie qui peut s’installer dans un tel système.

 

lone_wolf_combat

Screen éditeur d’un combat un peu tardif.

 

Pour moi, cette façon de combattre a une saveur assez étrange : on quitte le petit monde cosy des livres dont vous êtes le héros pour adhérer aux us et coutumes du jeu vidéo. Le mélange s’avère déstabilisant au premier abord, mais on s’habitue et au final, il permet l’avènement d’une version moderne du livre dont vous êtes le héros.

Il pourra vous arriver de mourir, certes : le chemin est ardu ! Mais dès que c’est le cas, on vous propose de revenir en arrière (un peu dommage, mais bon), de vous rééquiper pour essayer le combat différemment, de réitérer avec les mêmes circonstances, ou encore de changer le mode de difficulté. Mais passer le jeu en facile, cela veut dire moins de récompenses à la fin… Encore un choix. Bon, le jeu n’a pas envie de vous bloquer, mais on vous fait clairement comprendre que si vous voulez débloquer tout le contenu proposé, il faudra plutôt s’aventurer au mode difficile et ne pas trop descendre. De quoi satisfaire les plus hardis des joueurs !

lone_wolf_darkkarim

Le livre s’anime et devient un champ de bataille en 3D !

 

Le système de combat surprend, certes, et mélange deux mondes apparemment insolubles. De l’épure sans dés proposée par les livres, on se retrouve à jauger avec quatre ressources. Et parfois, question maniabilité, ce n’est pas ça : il faut prendre chaque décision sans temps mort, et cela peut poser problème dans certaines situation où il existe un dilemme. Mais quelle satisfaction lorsqu’on réussit ses combats en mode difficile !

Les scènes de baston se font d’ailleurs dans un décor en 3D qui mettra (peut-être) à mal les smartphones les moins costauds, mais qui changent radicalement de l’univers du papier jauni et de l’encre sépia, le tout via une scène d’animation des plus réussie.

 

Son

Les sonorisations sont honnêtes, pourrait-on même dire de bonne qualité. Mais j’ai vite coupé la musique, qui bouclait assez vite, et qui était un peu fade à mon goût. Manque de panache et de diversité malgré une qualité indéniable (mais je suis chiant là-dessus ; il se pourrait que vous adoriez). Le bruitage est propre, et les rares voix à parsemer l’aventure, bien jouées.

La bande-son s’écoute sur Soundcloud. Jetez-y une esgourde si le cœur vous en dit.

 

Modèle économique

Lone Wolf a un modèle économique assez surprenant. On peut acheter l’application à un prix fixe ou télécharger la version gratuite. C’est de cette dernière manière que j’ai procédé.

Sur les quatre chapitres que propose le scénario, le premier se fait entièrement gratuitement, avec un accès total aux fonctionnalités, puis vous pourrez payer 4€50 pour débloquer le chapitre suivant ou 6€ pour tout débloquer. Moui. C’est pas très cher pour le season pass et c’est très bien, mais le prix par épisode est juste prohibitif. Ce genre de pratique commerciale pour me faire avaler la pilule et me faire considérer l’achat total pour une bonne affaire a tendance à me hérisser, mais bon.

Comptez 2h au calme pour vous faire un chapitre, et vous aurez au final une appli d’excellente qualité, bien au-dessus de ce qui se fait d’habitude.

Oui, on paie clairement pour la qualité de la réalisation, car il faut bien admettre que le prix est un peu plus élevé que la moyenne, surtout pour cette durée de vie-là. Mais vous allongez la main au porte-monnaie pour valider un modèle économique très juste (prix unitaire/épisode excepté). Le season pass, lui, est carrément raisonnable.

lone_wolf_narration

Une page, avec un combat résolu au milieu.

Bilan

Joe Dever’s Lone Wolf est donc une application complète, à cheval entre jeu vidéo et livre dont vous êtes le héros. L’alliage des deux est très bien réalisé, et on se roule dans l’appli comme dans une bonne couette chaude en hiver : avec délice.

Entre l’ergonomie hors combat vraiment parfaite, le look manuscrit soigné, la foule de bonnes idées pour identifier les choix, on s’amuse vraiment bien. Les bémols à noter sont le classicisme pépère de l’histoire, qui peine à captiver complètement, et le combat parfois un poil brouillon (à cause du temps limité et du nombre de choix dont on dispose). Et si l’on veut s’épargner trop de galères, il est toujours possible de rendre le combat plus simple.

Bref, le portrait brossé est élogieux. Très. En attendant, je vous laisse. Je retourne occire du Giak et sauver Sommerlund !

lone_wolf_fin_combat

On ferme boutique !

Le site officiel

LUDOVOX est un site indépendant !

Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :

9 Commentaires

  1. Shanouillette 20/06/2016
    Répondre

    Cette app c’est la grande classe.

  2. atom 20/06/2016
    Répondre

    la musique est superbe ça donne envie

  3. elniamor 20/06/2016
    Répondre

    Intéressant ! Sur G Store, la totale est plutôt à 12€ sauf erreur de ma part…

  4. Antyova 22/06/2016
    Répondre

    Quelle claque!

     

    Merci de m’avoir fait découvrir cette appli ^^

     

    Pour information, sur Google play, le premier acte est disponible gratuitement. Ce qui représente, à ma vitesse, deux bonnes heures de jeux (je crois).

     

    De plus, je ne sais pas ce que représente le pack complet à 12 euros sur google, mais une fois la version d’essai installée, on peut acheter le season pass (acte 2, 3 et 4) à 6 euros. directement via l’appli. Je ne sais pas si le contenu est identique, mais si c’est le cas, préférez l’achat via l’appli ^^

  5. Umberling 23/06/2016
    Répondre

    Voilà. Si vous téléchargez l’app gratuite c’est moins cher 🙂

  6. reveur81 30/06/2016
    Répondre

    C’est sûr que c’est plus beau que Lone Wolf Saga.

    Mais Lone Wolf Saga, c’est gratuit et il y a tout… https://play.google.com/store/apps/details?id=com.GDVGames.LoneWolfBiblio&hl=fr

    • Sha-Man 04/01/2017
      Répondre

      C’est pas que beau, c’est pas juste un livre dont on est le héros.

      Y a un travail sur l’esthétique globale et sur l’animation des illustrations 2D c’est sur, mais c’est aussi un gommage total de l’aspect mécanique du LDVELH au profit de l’immersion narrative et de l’action.

      On fait des choix, ça nous amène à des situations, quand on a des combats on charge ses attaques, son endurance, son Kaï et on tapote pour lancer ses actions.

      Bref, ce que je veux dire par là, c’est que ce n’est pas vraiment la même expérience que de faire un LDVELH, chose qui ne m’intéresse plus vraiment aujourd’hui, alors que ça j’ai vraiment aimé…

  7. Sha-Man 04/01/2017
    Répondre

    J’ai fini le jeu y a quelques jours.

    C’était bien, je suis allé chercher sur internet partout s’ils comptaient faire la suite parce que quand même on pourrait faire la suite…

    Et là sur la page Facebook de l’éditeur je découvre que Joe Dever est mort le 30 novembre 2016.

    Voilà…

    C’était vraiment une année de merde 2016.

Laisser un commentaire