Heavy Cardboard : Réveillez l’éléphant qui est en vous
Après le focus sur quelques podcasts ludiques francophones par l’ami Damien (c’est ici si vous avez raté ça), traversons l’Atlantique et intéressons-nous, une fois n’est pas coutume, à un contenu dans la langue d’Alex Randolph.
Reproduction des logos et portraits avec l’aimable permission expresse de Heavy Cardboard.
Welcome to Denver, Colorado
Heavy Cardboard est un podcast américain créé en 2014 par deux résidents de Denver issus du même groupe de joueurs : Edward Uhler et Anthony Fryer.
Dès son plus jeune âge, il est nommé en 2014 et 2015 dans la catégorie « Meilleur Podcast » de l’année aux Golden Geek awards. Cette performance notable, forcément gage d’une certaine qualité, est toutefois difficile à décrypter très précisément quand on compte le nombre important d’élus : autour d’une quinzaine pour cette catégorie. Un chiffre qu’il serait intéressant de mettre en rapport avec le nombre total de podcasts ludiques existants en 2014/2015 (en admettant que quelqu’un dispose de ce type de métrique).
Attention, la langue utilisée est – vous l’aurez compris – de l’américain, ce qui constitue une sérieuse barrière pour les auditeurs non-anglophiles. L’absence d’accent marqué et le débit très raisonnable permettent cela dit de suivre les débats sans trop de problème pour qui est un minimum à l’aise en anglais.
Ce relatif inconvénient pour nous autres francophones peut donc se transformer en une belle opportunité : entretenir son oreille tout en s’enrichissant sur la chose ludique. Le vocabulaire et les expressions consacrées du hobby (les jeux de société, donc) reviennent souvent à l’identique, et on trouve rapidement ses marques.
Avec des auditeurs sur les cinq continents, la dimension internationale de Heavy Cardboard n’est plus à démontrer. Naturellement, le poids des U.S. reste palpable, que ce soit à propos de la distribution/disponibilité des jeux (pas toujours équivalente de l’autre côté de l’Atlantique), du côté des sponsors (site marchand nord-américain) ou encore à travers la couverture de conventions sur le sol américain (GenCon et BGG.CON en tête). Mais la nouveauté 2016 avec une présence à Essen est un signe d’ouverture concret sur l’Europe.
Quelques auditeurs ont joué au jeu de la géolocalisation
We’re your hosts
On comprend que le domaine de prédilection est ici constitué des jeux « lourds », mais pas n’importe lesquels. Car ces américains plébiscitent essentiellement les « eurogames », et bien consistants de préférence !
Amanda & Edward
Edward est le créateur et le pilier du podcast. Sa femme Amanda, initialement présente en pointillés, rejoint le navire de manière plus proactive en remplaçant Tony (cf. ci-dessous) à partir l’épisode 45.
Le couple n’est pas si ancien dans le hobby du jeu de société (cf. interview ci-après), mais s’y est lancé pour le moins de manière intensive. A quelques nuances intéressantes près, ils sont tous deux particulièrement adeptes de simulations économiques, de jeux de train et d’enchères profonds. Une partie de 4 à 5 heures (et plus) ne les effraie pas du tout, du moment que le challenge apporté par le jeu en vaut la chandelle.
Le domicile des Uhler se trouve naturellement être à la fois le QG d’enregistrement du podcast et le point de ralliement pour leur large groupe de joueurs.
Tony
S’il a quitté le line up officiel depuis l’épisode 44 (mars 2016), une partie l’âme du podcast lui revient indubitablement, tant son duo de départ avec Edward fonctionnait bien.
Encore en contacts rapprochés avec l’équipe, il continue à intervenir ponctuellement sur certains épisodes en tant qu’invité spécial.
Assez tranché dans ses goûts, il aime les jeux implacables, à l’interaction piquante. Pour lui, Trajan est du léger-gentillet, qu’il daigne jouer avec sa femme uniquement faute de plus corsé. Sans concession dans ses analyses pointues, ses tirades à boulet rouge sur les mécanismes ne lui convenant pas sont généralement de grands moments.
« We revel in being immersed in multi-hour games with long-reaching strategic goals and weighty tactical decisions » Heavy Cardboard
Autres constantes notables :
- s’ils apprécient d’autant plus les titres à thèmes originaux et bien intégrés, ils reconnaissent volontiers que cette dimension leur est secondaire. Les mécanismes, l’interaction (même abstraite) et les sensations de jeu passent avant tout.
- même combat pour l’habillage graphique : sans cracher sur la beauté du matériel lorsqu’elle se présente, un artwork spartiate ne les dérange absolument pas du moment que l’ergonomie de jeu est bonne.
- ils sont a contrario assez tatillons sur ce point de l’ergonomie, dont ils estiment qu’elle est une priorité pour faciliter l’accès aux jeux de cette complexité.
- s’ils sont naturellement attentifs aux précédentes réalisations des auteurs pour s’intéresser à un jeu, ils n’hésitent pas à explorer en dehors des sentiers battus ou à remonter loin dans le passé sur des titres parfois anciens. La découverte de pépites relativement méconnues ou initialement peu engageantes est un de leur grands plaisirs.
Les auteurs dont les productions sont régulièrement appréciées se nomment ainsi Martin Wallace, Jeroen Doumen et Joris Wiersinga (Splotter), Vital Lacerda, Nuno Sentieiro et Paulo Soledade, mais aussi des individualités un peu moins sous les projecteurs comme Phil Eklund, Thomas Spitzer, Alban Viard, Krzysztof Matusik…
What makes this podcast heavy?
Les épisodes « standard » sont diffusés à une fréquence approximative d’un toutes les trois semaines, pour une durée de une à deux heures. Ils s’articulent généralement autour de trois rubriques :
Les jeux acquis
Sauf sans doute pour les plus atteints d’entre nous, c’est l’occasion de se rassurer sur sa propre consommation en comparaison. Edward en particulier est un collectionneur. Bien qu’il fasse individuellement attention au prix de chaque achat, guettant les bonnes affaires, il semble néanmoins disposer d’un budget global conséquent.
Cette séquence se termine généralement par une liste des jeux visés voire « chassés » – pour les plus difficiles à débusquer (la fameuse hunting list).
Les parties récentes
Ce passage en revue des parties jouées depuis l’épisode précédent fait état de rapides impressions à chaud. Assez souvent il s’agit de premières parties de jeux plus ou moins récents, et la prudence est donc de mise. Un jeu ne sera véritablement chroniqué qu’à partir d’un minimum de cinq ou six parties, et dans des configurations différentes. Au regard de la profusion actuelle, synonyme d’éparpillement potentiel, autant dire que ce seuil est assez important.
Certains jeux ne pouvant prétendre à la dernière rubrique – en particulier du fait de leur « poids » insuffisant – sont donc parfois traités ici de manière un peu plus approfondie.
Le jeu chroniqué
C’est le plat de résistance de l’épisode. Là, on entre dans le détail. Après un court résumé des mécanismes du jeu de manière à donner un contexte, la cible est passée au crible selon différents angles :
| Le barème 1 : Ne le revendez même-pas, brûlez-le. |
Exercice d’équilibrisme
Quasiment dès le départ (puisqu’il a connu assez peu de modifications structurelle de son format), le podcast a su trouver à mon sens une approche équilibrée sur de nombreux aspects.
L’ambiance est sympathique sans être folklorique, le ton sérieux sans être coincé. Le discours est préparé sans être trop récité, le propos complet sans tomber dans les digressions ou le bla-bla. Il n’y a pas de réelles longueurs, mais le temps est pris d’aller au fond des choses, d’expliciter précisément les impressions et les ressentis. Le dialogue et les contradictions inhérentes au format en duo rendent l’ensemble vivant, sans partir pour autant dans tous les sens.
Une information intéressante à laquelle nos podcasteurs sont sensibles est le retour sur investissement de tels jeux. Certains gagnent à être joués de nombreuses fois, et ne délivreront leur meilleur que pratiqués de manière répétée sur une fenêtre de temps assez courte, de préférence avec le même groupe de joueurs. D’autres, après une ou deux premières parties enthousiasmantes, retombent comme un soufflet.
Le ratio entre consistance et temps de jeu est également un indicateur examiné de près. Autant un peu d’aléatoire ou d’opportunisme ou un challenge de moindre profondeur sera jugé tolérable sur un jeu de moins de 2h, autant il sera beaucoup plus difficilement pardonné sur des titres de plus longue haleine.
Recommandations
Au printemps est désigné l’Eléphant d’Or, c’est à dire le jeu « lourd » de l’année précédente. Ont ainsi reçu les honneurs pachydermiques :
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Complétons le tour d’horizon du type de titres abordés, avec ces noms plus ou moins célèbres, cités de manière récurrente en termes spécialement positifs : | |||||||||||||||||||
Age of Steam (cf. épisode 44) | Indonesia (cf. épisode 21) | Kanban (cf. épisode 14) | |||||||||||||||||
Brass (cf. épisode 11) | Container (cf. épisode 25) | Die Macher (cf. épisode 3) | |||||||||||||||||
Mais aussi du plus confidentiel : | |||||||||||||||||||
Three Kingdoms Redux (cf. épisode 12) [JP] | Craftsmen (cf. épisode 8) | Lignum (cf. épisode 41) | |||||||||||||||||
Les jeux plus légers ne sont pas non plus totalement écartés du scope, et se retrouvent occasionnellement évoqués. Trois titres plutôt rapides approuvés par l’éléphant : | |||||||||||||||||||
Neue Heimat (cf. épisode 36) | Arboretum (abordé dans l’épisode 23) | Paris Connection (« SNCF » en VO) | |||||||||||||||||
Enfin, sachez qu’il est également question des 18XX, cette famille de jeux de trains monstres réservés à un public très averti, de par leur complexité, leur longueur, et leur côté implacable pouvant vous disqualifier à la moindre erreur d’appréciation. L’écoute intégrale du podcast en ordre chronologique permet d’ailleurs de vivre la montée en expérience de nos lurons sur ce type de jeux. Initialement plutôt débutants en la matière, les bougres y prennent de plus en plus goût. | |||||||||||||||||||
Hors-série 18XX épisode 29 |
Parole au maître des lieux
Normalement, à ce stade vous devriez savoir si ce podcast pourrait être fait pour vous. Que ça soit le cas ou par simple curiosité, n’hésitez pas à aller jeter une oreille !
Voici donc le site officiel et surtout le flux RSS :
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TheGoodTheBadAndTheMeeple 29/12/2016
excellent article sur un excellent podcast 🙂
Djinn42 29/12/2016
Très intéressant. En particulier la partie concernant l’ouverture des auditeurs au monde entier. On peut imaginer aisément des expatriés ou pour le moins anglophones, mais je me dit qu’ils ratissent un peu plus large. Comme le font les gens de Shut Up & Sit Down.