Get on Board : Locomotion Cérébrale
Cela devient sans doute un lieu commun, mais ce n’en est pas moins vrai, le Roll and Write (ou Flip and Write) est un genre populaire, depuis Welcome to et Très futé qui ont remis cette famille de jeux au goût du jour en 2018. Cette mécanique permet toutes les folies créatrices ; après tout, elle nécessite assez peu de matériel, des cartes et une feuille de marque qui peut servir à construire des habitations dans Welcome, colorier des dinosaures dans Demeter/Varuna, cartographier des territoires dans Cartographers, pêcher des poissons dans Fleet Dice et j’en passe. Si elle permet de faire jouer plusieurs personnes à la fois, elle a souvent un petit défaut, le manque d’interaction. Certains titres essaient d’y remédier de façon plus directe (Penny papers), mais le plus souvent elle réside dans la course : le premier à atteindre tel objectif aura tant de points, les autres un peu moins.
Dans Get on Board, nous jouons des compagnies de Bus et nous allons sillonner la ville pour transporter des voyageurs et les déposer dans les destinations de leurs choix : les Hommes d’affaire dans les Entreprises, les Touristes dans les Musées, les Etudiantes dans les Universités… Nous avons pour cela 12 tours de jeu, signifiés par 12 tickets de bus.
À chaque tour, nous tirons une carte Ticket qui nous indique le type de trajet que nous devons réaliser, car oui nous ne sommes pas libres de nos mouvements. Fait étrange au premier abord, mais les feuilles de route ne sont pas toutes les mêmes pour les joueurs. Pour le dire autrement le « Ticket 3 » chez un joueur donnera un tracé droit, pour un autre, un tracé avec une bifurcation.
Quelques contraintes s’ajoutent : On doit impérativement prolonger le trajet que l’on a commencé, et réaliser le tracé lié au Ticket, et si l’on peut partir dans la direction souhaitée, revenir en arrière ou même croiser son propre chemin sont interdits (sans quoi la défaite serait immédiate). En réalité, par cinq fois dans la partie on va pouvoir désobéir un petit peu, transformer un virage en ligne droite ou vice versa, comme une forme de dérogation. Cela aura un impact négatif (en points de victoire) mais c’est parfois intéressant de jouer avec.
Nous sommes dans un Flip and Write, nous inscrivons donc toutes les informations sur notre feuille personnelle. En revanche, on concrétise nos tracés de bus par des petites bâtonnets placés sur un plateau commun. Voilà ce qui change : la ville est à nous mais aussi aux autres joueurs. Dans l’ordre du tour, on évolue dans les rues et si l’on passe sur des lieux déjà visités par le ou les autres joueurs, alors on génère des bouchons, source de pénalités en points de victoire en fin de partie si on les accumule.
Vous l’avez compris, chaque type de passagers aura son propre scoring, et c’est ce qui va vous donner votre feuille de route (itinéraire) si j’ose dire. Les Hommes d’affaires et les Touristes demandent à être déposés dans les Entreprises pour l’un et les Lieux touristiques pour l’autre, et plus ils seront nombreux et plus vous marquerez de points.
Concernant les Etudiantes, c’est assez simple, en fin de partie vous marquez autant de points que leur nombre multiplié par le nombre d’Université par lesquels vous êtes passé. Un léger aspect combinatoire avec les Hommes d’affaires puisque selon le nombre de salariés qui descendent vous pourrez cocher une Grand-mère, un Touriste ou bien une Etudiante en plus. En terminant sur un Feu de signalisation on peut aussi prolonger son tracé, d’un bâton supplémentaire qui plus est dans la direction de son choix.
L’interaction est donc bien présente, puisque le plateau se charge rapidement et vous devez subir quelques embouteillages. De même deux Objectifs publics vous obligeront à bifurquer pour être le ou la premier·e à avoir dans son bus 5 passagers d’un type.
Pour ajouter un peu de dilemme, en début de partie vous avez aussi un objectif secret qui vous impose de passer par telle ou telle zone, si vous le réalisez vous avez dix points de plus, sinon rien, à vous de voir si l’enjeu mérite le détour. 🙂
Bilan du voyage
Le jeu original est sorti en 2018 et s’appelait Let’s Make a Bus Route, mais il n’y a pas que le nom qui a changé, Iello a fait un joli travail d’édition, à l’origine il n’y avait pas un plateau commun avec des bâtons à sa couleur, mais une feuille commune plastifiée où les joueurs dessinaient leurs trajets. Nous n’avons pas pu jouer à cette version, mais on imagine sans peine que l’on pouvait perdre en lisibilité quand tout le monde réalise ses tracés. Avec les petits bâtons, c’est très clair. Quand vous aurez utilisé toutes les feuilles (qui sont double face) vous pourrez trouver une version imprimable sur le site de l’éditeur (petite attention que l’on apprécie).
Les illustrations sont signées de Monsieur Z alias Richard Zielenkiewicz (Monsieur Z c’est plus facile ^^), un professionnel qui a travaillé sur des affiches publicitaires pour des villes à fort potentiel touristique. Son style coloré et pastel est rapidement reconnaissable et surtout très lisible. Les tickets de métro poinçonnés sont du plus bel effet et donnent la petite touche en plus. J’émettrais toutefois une petite critique sur la règle du jeu qui nous a donné du fil à retordre de par son organisation. On pourrait toutefois regretter les clichés qui font que nous avons des étudiantes et des grands-mères, mais des hommes d’affaires et des touristes masculins. À tout le moins, cela reste lisible en jeu.
Je bifurque pour faire un petit hors sujet sur l’édition justement ; il nous est plaisant de constater que parfois les éditeurs français ne se contentent pas de simplement traduire le jeu, mais retravaille l’ergonomie, les illustrations, l’équilibre, la rejouabilité, etc. Ce fut le cas de Khôra chez Iello (Improvement of the Polis), de Iki chez Swaf, Recto Verso chez Super Meeple et Tiki, et de ce Get on Board. Changer quelques détails peuvent parfois tout changer 🙂
Alors à qui s’adresse ce titre ?
Il possède tous les ingrédients pour un jeu familial (8+) mais il faudra passer par le livret qui n’est pas idéalement présenté. Je conseille pour les premières parties de laisser tomber l’Objectif secret et de l’ajouter pour les suivantes quand on aura mieux appréhendé le plateau. De même, avec les enfants, restez souple sur l’élimination si l’on coupe le trajet pour ne pas trop les frustrer.
Si la mécanique reste relativement simple, elle peut aussi être un peu plus tendue avec des joueurs plus aguerris qui essayeront d’optimiser leurs mouvements. Mine de rien, on essaie de maximiser son trajet, d’autant que si les Tickets arrivent au hasard et ne sont pas les mêmes pour tout le monde, on sait qu’ils interviendront tous. Ainsi, quand on enchaîne les sessions, on réussit à mieux planifier ses trajets, on n’ira pas dire que l’on maîtrise le hasard, mais il nous impacte moins fort. On pourrait regretter la faible quantité de cartes Objectifs, mais cela va modifier à la marge l’expérience de jeu, juste la variabilité.
Au final, chez moi, ce Get on Board a été adopté par la famille parce qu’il coche toutes les cases ; un jeu interactif avec une légère combinatoire, et un peu de flexibilité via les autorisations (dérogations) qui laissent une touche de contrôle appréciable.
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Phoebus77 18/01/2022
Bonjour,
Je ne sais pas pourquoi mais les rolls & Write ou flip & write me laissent froids et ne me procurent aucun plaisir ludique, peut-être parce qu’ils sont de pur casses têtes et que cocher des cases sur une feuille ne m’invite pas assez au voyage, tant j’ai besoin de matériel pour m’exprimer (des cartes, des Meeples, des ressources, des cartes….même des dés…et un plateau). J’ai essayé Welcome to, Cartographer et Rajas of the ganges dice Charmer, mais bien que sympathique il fait pâle figure comparé à son grand frère que j’adore. Pour ce Get on board je ne suis pas sûr qu’il me fasse changer d’avis même s’il possède un plateau…Mais à l’occasion je l’essaierai bien pour voir. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, pour sûr….
atom 19/01/2022
Vu ce que tu dis, je pense que celui-la ne te convaincra pas plus, ça reste un jeu cérébral, familial intéressant, mais on ne peut pas dire que l’on va vivre quelque chose non plus, on optimise son trajet surtout. je te rejoins sur Rajas of The Ganges que j’aime beaucoup, mais si j’aime moins sa version RW, c’est pas parce qu’elle est sous forme de papier, mais plutôt qu’elle est limitée, très peu ouverte finalement, un sérieux manque de profondeur.