Gentes : Un jeu civilisé
Gentes est une création de Stefan Risthaus, surtout connu jusqu’ici pour Arkwright.
Une première édition du jeu est sortie en 2016 chez Spielworxx – éditeur d’Arkwright également. Une nouvelle version est arrivée chez Game Brewers / TMG avec un petit coup de ripolinage, pour rendre le tout visuellement moins austère. Les plus fous (chanceux ?) auront même acquis la version “Deluxified” avec ces jetons en bois et ces pièces en métal. On ne se refuse rien !
Gentes est un jeu de civilisation, mais surtout un eurogame. Qu’on se le dise : l’interaction y est froide, à aucun moment on ne va planter son épée dans le corps fumant des légions de son adversaire. Il fallait de suite balayer cette ambiguïté car le côté « civilisation » pourrait laisser penser autre chose.
CIV classique
En 6 tours, nous allons tenter de construire la plus belle des civilisations. Nous allons faire évoluer celle-ci à travers 3 ères, construire des forges, des catapultes, des ports, des routes, mais aussi des statues ou des monuments et enfin des pyramides, écoles, mausolée, etc, grâce à nos citoyens spécialisés, mais aussi nos cités. Tout cela pour montrer la grandeur de notre civilisation, quelle ambition ! Certaines actions nécessitent deux types de ressources : de l’argent, mais aussi des jetons sablier qui symbolisent le temps qui passe.
Sans rentrer dans les détails, Gentes est un jeu de pose d’ouvriers un peu twisté. Au lieu de poser un ouvrier sur le plateau central pour réaliser une action, on va plutôt prendre une des tuiles actions présentes sur le plateau. S’il n’y a plus de tuiles pour cette action, cette dernière n’est plus réalisable pour la manche en cours. En jeu, nous allons donc chacun notre tour, prendre une tuile action sur le plateau central et la poser sur notre plateau pour accomplir l’action, jusqu’à ce l’on décide de passer.
Oui mais quelles actions ?
On pourra construire une de nos cartes civilisation que l’on a en main, acheter de nouvelles cartes civilisation, collecter des impôts, prendre le marqueur premier joueur, construire une cité, ou recruter des citoyens.
Ces citoyens sont de 6 types différents : des érudits, des religieux, des commerçants, des artisans, des guerriers et des nobles. Pour pouvoir poser les cartes civilisations il faudra respecter des prérequis c’est à cela que servent les citoyens.
Ma civilisation en carton
Ces cartes civilisation sont le cœur du jeu. Une fois posées elle nous offriront des points de victoire, mais aussi des bonus immédiats à la construction, des actions potentielles que l’on pourra déclencher pendant son tour ou pendant la phase de déclin (nous y reviendrons).
À chaque ère on découvrira de nouvelles cartes civilisation pour une vraie montée en puissance. Mais pour pouvoir les poser devant soi il faudra respecter les conditions de la carte. La plupart du temps ce sont des citoyens d’un certain type, par exemple la mine requiert 3 citoyens artisans.
Rome ne s’est pas faite en un jour
Mais construire une civilisation ça prend du temps (demandez aux égyptiens combien de temps pour les pyramides !).
Quand on prend une tuile action, on la positionne sur notre plateau et en plus de dépenser de l’or on va aussi poser des marqueurs sabliers. Et oui toutes les actions ne prennent pas le même temps et quand on n’a plus de temps sur sa ligne d’action, on est obligé de passer et attendre le prochain tour. Dure est la vie, mais c’est la loi du jeu !
Petite subtilité que propose Gentes : quand une action coûte plus d’un jeton sablier, on peut en poser deux sur son plateau, sur une même case. Mais au début du tour prochain, vous devrez bloquer une case et vous ferez donc une action de moins. Une action potentielle de plus pour ce tour, mais une de moins pour le prochain. À nous de voir si le jeu en vaut la chandelle, quoi qu’il en soit, avoir le choix de prendre ce petit risque est appréciable, cela peut nous offrir un départ boosté.
Une civilisation sans cité, c’est comme un poisson sans bicyclette
Que serait une civilisation sans d’antiques cités ?
Nous pouvons construire sur la carte nos cités et y placer nos meeples, pour dire « c’est chez moi désormais ! ». Et surtout on prend le bonus qui correspond, essentiellement de l’or, toujours le nerf de la guerre, ou des points de victoire (encore mieux).
Quand on construit une nouvelle cité dans la même région, on réactive toutes les cités de la région. C’est intéressant bien sûr, mais un peu antagonique avec la phase de déclin où on activera qu’une cité par région.
Après l’apogée vient le déclin
Le déclin, parlons-en. Pour marquer la fin d’une manche, nous allons réaliser une phase de déclin qui est une phase d’entretien classique. On repose nos tuiles ouvriers, on enlève nos jetons sabliers et on gagne un revenu pour chaque cité dans des régions différentes, plus nos éventuels revenus sur des cartes civilisation. Si on change d’ère, on défausse les cartes de l’ère précédente et on y place celle de la nouvelle ère. Chaque joueur enlève un jeton cadenas, on pourra réaliser plus d’actions. Si vous avez plus de 3 cartes civilisations en main vous devez placer un sablier sur une des cases de votre plateau.
Ainsi, la partie avançant, on monte en puissance, notre moteur de jeu est lancé… ou connait des ratés. Les cartes civilisation de l’ère finale donnent beaucoup de points de victoire, mais attention si elles ne sont pas posées devant nous à la fin de la partie, on aura une dernière chance au moment du décompte final, mais on en n’en gagnera que la moitié (arrondi au supérieur, oh vous êtes trop bon monseigneur !).
Et si on ne peut pas les réaliser du tout, alors on perdra la moitié de ces points de victoire. La vie est dure, je le disais 🙂
La course en avant
En sus, nous avons 3 conditions pour gagner des points de victoire supplémentaires qui induisent une course entre les joueurs, car le premier aura 8 points de victoire, les suivants se contenteront de 4 points. Quelles sont-elles ? Le premier qui aura 8 cartes civilisation, le premier qui aura construit ses 6 cités et enfin le premier qui aura augmenté tous ses marqueurs citoyens au bout (soit 18 manipulations).
Un jeu un peu trop civilisé ?
Il existe 3 éditions du jeu, la toute première avait un aspect très austère et froid, l’actuelle chez TMG/Game Brewers a un certain cachet qui lui donne un charme suranné, ce qui est pas si mal, n’oublions pas que le jeu se déroule dans l’antiquité. Si en plus on s’est offert la version Deluxified on va profiter des pièces en métal et des jetons en bois.
Les règles sont plutôt claires et la mécanique très épurée, on rentre rapidement dans la partie. La rejouabilité est quant à elle assurée par les différentes cartes civilisation et les choix dans la partie. Gentes est un jeu où il faut s’adapter.
J’ai réalisé plusieurs parties et j’ai pu essayer des stratégies tout à fait différentes, et en découvrir de très audacieuses chez mes adversaires. À tout moment (sauf à 2 joueurs) on peut regarder les cartes des ères futures et planifier le devenir de notre civilisation, on a toujours un contrôle sur les choses. Les dilemmes sont nombreux, et bien sûr on ne pourra pas tout faire. Mais on ressentira une vraie montée en puissance d’ère en ère, de tour en tour.
Le terme civilisation peut paraître un peu abusif et il l’est quelque peu, l’interaction étant plus celle d’un jeu à l’allemande, froide, indirecte. Cependant, on construit bien une civilisation et on prend plaisir à voir celle-ci évoluer. Le thème s’évanouit donc un petit peu dans la partie, même si quelques éléments nous permettent de nous y accrocher un peu. Les citoyens sont de 6 types et ils sont placés sur 3 lignes, avec des antagonismes, par exemple il est tout à fait possible si l’on augmente fortement les nobles de réduire les artisans, de même avec la guerre et les commerçants ou les religieux et les scientifiques.
Mais en réalité on se casse surtout la tête pour optimiser et grappiller un maximum de points de victoire. Si l’on veut un jeu de civilisation avec de l’interaction forte il faudra se pencher sur Nations, ou bien Civilisations (le bien nommé) ou encore l’excellent, mais très exigeant Through The Ages. Pour autant l’interaction n’est pas absente ici, on passe son temps à se surveiller, que ça soit pour les objectifs, mais aussi les cartes et les tuiles actions. Il n’est pas rare que l’on doive changer son fusil d’épaule parce que la tuile convoitée a disparu.
Nous avons beaucoup aimé Gentes par chez nous, d’autant qu’à deux joueurs ça tourne très bien et en une heure on peut plier une partie (dans cette configuration). On s’en doute, la tension est beaucoup plus forte à 3 et 4 joueurs.
Au final Gentes est un excellent eurogame avec une mécanique ingénieuse de gestion du temps. Il devrait plaire à ceux qui n’aiment pas trop la confrontation directe dans les jeux de civilisation. Il s’avère exigeant et propose une rejouabilité intéressante. Finalement le seul bémol demeure le thème qui s’estompe rapidement.
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Garion 14/05/2019
Avec un Z !
atom 14/05/2019
Je découvre que cela s’écrit avec un z. Pour le coup il y a aussi celui la : http://ludovox.fr/jeu-de-societe/civilisation-210/
Garion 14/05/2019
Bel article. Pour ceux que Through the Age effraie, l’application pc/smartphone est très bien faite et à haut niveau l’IA peut être redoutable (pour mon humble personne en tout cas !)
6gale 14/05/2019
Civilisations ou pas, Gentes est un excellent jeu de développement accessible.
Zuton 15/05/2019
Le jeu m’a plu dès la première partie et c’était pas gagné au vu des graphismes peu avenants… les sabliers gérant le temps m’ont fait un peu penser à Olympos (la comparaison s’arrête là car Gentes induit beaucoup moins d’inetarction) et j’aime bien cette gestion du temps qui colle bien au thème. J’ai quand même l’impression que côté cité , on se jette en premier sur celles rapportant 2PV afin de bien en profiter à chaque décompte. J’ai aussi beaucoup apprécié le système de pose de cartes et la gestion de ses citoyens. Pas mal d’icones à retenir sur les tuiles et parfois pas très intuitifs, mais au final une bonne surprise avec un bon rapport plaisir de jeu/temps imparti.