Final Girl – La refonte sanglante de Négociateur : Prise d’otages

 

Inspiré par leur précédente création Négociateur : Prise d’otages, Final Girl est le nouveau jeu du duo d’auteurs Evan Derrick & A. J. Porfirio, édité par Don’t Panic Games et Lucky Duck Games, illustré par Tyler Johnson (Warp’s Edge) et Roland MacDonald (Western Legends).

Dans ce jeu 100% solitaire, vous incarnerez la dernière survivante d’un film d’horreur, et votre objectif sera de vaincre le tueur en série responsable de la mort de nombreux innocents. Jets de dés, cartes actions, batte de baseball et piège à loups seront vos meilleurs alliés pour y parvenir.

 

 

« A la fin, ce sera lui ou moi ! »

Dans le folklore des films d’horreur américains, les slasher movies sont les films mettant en scène un tueur, psychopathe, masqué, ou créature d’apparence non humaine, revenant des marais, enfers ou autre domicile inconfortable. Celui-ci enchaîne les meurtres en série et agrandit ainsi sa collection de victimes au fur et à mesure que l’intrigue avance. Ici pas d’attentat ou d’empoisonnement à grande échelle, il cherche à empiler les crânes méthodiquement, l’un après l’autre.

Dans ce type d’intrigue, il reste toujours un seul personnage survivant à la fin, bien souvent une femme. Celle-ci réussit finalement à piéger le cinglé, le décapiter à l’aide d’une hache, le faire brûler, tomber dans un ravin, l’écrabouiller sous un gros engin, bref, vous avez saisi l’idée. Si cela vous échappe, allez donc revoir Vendredi 13, Alien, ou Terminator. Vous aurez définitivement la référence.

Cette final girl, c’est vous. La partie vous opposera à un tueur et sur un lieu que vous choisirez (à condition d’avoir des extensions). Votre objectif sera donc de vaincre le tortionnaire en vidant ses points de vie. Si c’est l’inverse qui se passe, fin de la saga et des haricots pour vous. Chaque partie est indépendante et il n’y a pas de campagne.

 

Le jeu respecte scrupuleusement les codes des slasher movies des années 80, en incluant tous les éléments classiques. Citons par exemple :

  • Le cinglé qui arrive toujours à vous rattraper.
  • Les victimes innocentes qui ne cesseront de prendre des décisions stupides, les menant à une mort certaine (alors que la porte de sortie était à 5 mètres…). Les sauver vous apportera des récompenses, les laisser à leur sort rendra le tueur plus fort.
  • Le matériel salvateur qui tombe à pic (les clés du bateau, le couteau de survie, le sifflet…).
  • Les coups de malchance.

 

La mise en place vous guide selon des dispositions thématiques.

 

Final Girl s’inscrit donc à 100% dans la lignée des jeux de type Ameritrash, où le thème est mis en avant et bénéficie d’un effort de recherche particulier. Ici, pas de calcul froid ni d’optimisation de ressources : on gère une main de cartes, on agit armé de dés, on recherche du matériel, on pioche des péripéties… À la fin de la partie, ça passe ou ça casse, mais on vit dans tous les cas un moment immersif. Au passage, la traduction française m’a parue remarquable, avec les tournures de phrases bien retranscrites. On oublie que le jeu est écrit en Anglais à l’origine.  

 

De nombreux rangements refermables en plastique sont inclus dans les boites.

 

« Ce flingue est rouillé, mais ça fera le taf »

Bien que la première lecture des règles paraisse lourde, que les retours au livret soient nombreux durant la première partie, dès la seconde, on affiche moins de 30 minutes au chrono, avec peu de retours au livret. Les règles sont au final digestes et claires. Le jeu est fluide et rapide, pas grand-chose à redire de ce côté-là.

Les mécaniques de base sont les mêmes que celles de son prédécesseur Négociateur : Prise d’otages. Les cartes ont évidemment été révisées et adaptées au thème. Pour parcourir les règles en vidéo, rien de mieux qu’un Ludochrono bien sanglant (je déconne hein).

Chaque tour, on dispose d’une main de cartes représentant des actions. Chaque action consomme du temps et affiche trois issues possibles en fonction du nombre de réussites obtenues sur un jeu de dés (0, 1 ou 2 réussites). Pour résoudre une action, on lance 1, 2, ou 3 dés selon le niveau de Terreur indiqué sur le plateau Tueur. Sur chaque dé, il y a 2 faces échec, 2 faces réussite, 2 faces « presque » réussite. Cette dernière peut se transformer en réussite si l’on défausse 2 cartes Action de sa main. Petit dilemme.

 

 

En fin de tour, on complète sa main en achetant les cartes Action parmi une offre d’une dizaine de cartes, grâce au temps qu’il nous reste sur ce tour. Plus on a économisé de temps, plus on a accès aux cartes coûteuses. Et voilà, le tour est joué ! Vous alternerez votre tour et celui du Tueur (on pioche une carte Terreur et basta) jusqu’à ce que mort s’en suive.

Traditionnellement pour un Ameritrash, la chance aux dés aura un poids fort sur votre réussite. Un jet de dé raté (disons 2 face échec) sera souvent irrécupérable et peut mettre fin à votre tour, avec des conséquences catastrophiques. Allergiques au hasard, passez donc votre chemin.

 

Je sacrifie deux cartes pour transformer mon dé en réussite. Du coup, double réussite et je peux marcher loin.

 

Évidemment, il y aura des options de contrôle mais elles sont limitées. Certaines cartes vous offrent des relances. D’autres comme « Organisation » vont ajouter des dés à votre futur lancer. Ces solutions sont coûteuses, ne garantissent rien et sécuriser tous vos jets ne sera pas tenable sur la partie. L’issue d’une action reste déterminée par un jet de dés sec avec un taux de réussite relativement faible. La part de chance reste donc omniprésente : quand ça ne veut pas, ça ne veut pas, et quand ça veut bien, ça saigne !

 

Le plateau personnage et la gestion du temps.

 

Le thème domine et occupe la place principale dans l’intérêt du jeu. Si vous aimez retrouver les références aux films d’horreurs, vous allez vous faire plaisir. Cela prime par conséquent sur l’équilibrage des cartes et de leurs effets. Certains objets, en particulier les armes, ont clairement plus d’impact que d’autres. L’arc permet de cibler très loin et de faire des dégâts ravageurs. Certaines cartes Terreur vont vous mettre la tête dans le sol, et d’autres glisser comme une lettre à la poste. L’objectif ici n’est pas l’équilibrage et l’optimisation, mais la fidélité au thème et l’immersion. Je pense que vous m’avez compris et que vous savez déjà vous positionner par rapport à cela.

 

Les cartes Terreur et Événement auront des conséquences variables sur la partie.

 

Qui dit film d’horreur dit collection

Final Girl est un jeu qui se nourrit clairement de l’apport en extensions. Avec le Kit de Démarrage pour environ 35 euros, vous aurez de quoi vous tenir en haleine durant quatre à six parties (ce qui peut être considéré comme correct !), voire dix si vous êtes jusqu’au-boutistes. À force de tourner sur un seul site, un seul tueur et deux héroïnes, on sent très rapidement le besoin d’agrandir la collection.

Je ne peux pas m’avancer à ce jour sur l’intérêt général du jeu une fois étoffé de boites supplémentaires. Je pressens tout de même qu’il s’agira plus d’un enrichissement thématique que du gameplay, sans arrivée de mécaniques révolutionnaires. On va globalement tourner sur les mêmes cartes action. Mais je voudrais volontiers me tromper. Sentez-vous libre de me donner tort ou raison dans les commentaires !

Voici à ce jour les titres disponibles en français sur la gamme Final Girl :

  • Boite de base* (obligatoire)
  • La Colo de L’Horreur*
  • La Manoir Hanté
  • Le Bosquet Sanglant
  • Massacre à la fête foraine
  • Cauchemar sur Maple Lane

 

Les deux boîtes marquées d’une * constituent le Kit de Démarrage dont je vous parle aujourd’hui. À l’exception de la boite de base, chaque boite propose un nouveau site, un nouveau tueur, deux nouvelles survivantes. On ne mélange pas le contenu entre les extensions. Chaque objet, événement ou carte Terreur sera propre au site ou au Tueur. Il sera bien évidemment possible et recommandé de combiner les sites, tueurs et héroïnes comme bon vous semblera.

 

Le plateau Tueur. Piochez la mauvaise carte Terreur et tout peut basculer.

 

Sensations et gameplay

Le plus important dans un jeu Ameritrash est l’immersion. Ici, le jeu n’est pas narratif, mais l’interprétation des cartes et de leurs icônes, agrémentés du petit texte décoratif, traduit bien les situations connues des films.

L’inégalité des effets des cartes Terreur et événements va forcément provoquer des parties faciles, d’autres impossibles, des moments de relâche et des moments d’intensité. À certains points, j’ai eu même droit à quelques lâchages épiques : toutes les cartes réunies, le jet de dés qui va bien, la gigantesque patate qui passe crème en pleine face du tueur. Mais à cela seront forcément associés des ratés à répétition, malgré une bonne préparation. Je ne referai pas le débat du hasard dans les jeux, mais de mon point de vue, si on fait abstraction du hasard, les sensations sont au rendez-vous.

 

Énorme jet d’attaque, avec la grosse hache et préparé à l’avance : tu vas prendre cher !

 

Comme dans tout film d’horreur, quand le tueur meurt et que l’on est à la 45e minute, c’est qu’il n’est pas mort. Le jeu inclut également le dernier sursaut. Le moment venu, le dernier jeton de PV doit être retourné et vous indique ce qu’il va se passer. Le tueur récupérera en général quelques points de vie, mais il peut quand même être vraiment mort, et c’est la même chose pour vous. Gloups.

D’ailleurs en fin de partie, pas de sortie triomphante de l’héroïne, chemise débraillée, couverte de suie, allumant sa clope, sur fond d’explosion. La fin est abrupte : un jet de dé réussi place définitivement le méchant en PLS et adieu ! J’ai eu un petit regret de ce côté-là. Les moments les plus épiques ne sont pas en fin de partie, mais plutôt au milieu donc.

Dans l’ensemble, comme c’est souvent le cas pour les jeux à thème fort issus du financement participatif, je trouve que l’engouement suscité autour de Final Girl surcote un peu le jeu. Côté immersion, c’est réussi. Coté mécaniques, je le trouve correct mais sans rien d’exceptionnel non plus. On tend à souvent répéter les mêmes schémas d’un tour à l’autre et l’aléatoire est toujours dominant. Les choix qui s’offrent à nous sont globalement : sauver des victimes, chercher des objets, approcher et attaquer le tueur. Rien de nouveau sous le soleil. Au fil des parties, les surprises sont donc de moins en moins nombreuses. Encore une fois, on ne pourra juger le plein potentiel du jeu qu’en cumulant suffisamment d’extensions, ce qui n’est pas mon cas à ce jour. À suivre donc !

 

Dans la lueur du soir, retrouver son petit copain est réconfortant. Sauf qu’ici, le voir mourir peut aussi sacrément vous motiver !

 

Il reviendra…

En résumé, Final Girl, s’inscrit dans la lignée de Négociateur : Prise d’otages duquel il emprunte et peaufine quasiment toutes ses mécaniques. La thématique des slasher movies des années 80 est bien exploitée, et la plupart des références y seront retrouvées.

Les mécaniques étant répétitives, l’aléatoire étant assez présent sur les jets de dés et la pioche de cartes, je déconseillerais ce titre aux eurogamers, tout comme aux joueurs en recherche d’originalité, qui passeraient probablement à côté de ce que le jeu propose. En revanche, il correspond parfaitement à un public amateur d’Ameritrash. Je peux parier que plus vous serez attaché(e) au thème et aux références des films d’horreur, plus vous passerez un bon moment avec Final Girl, plus vous aurez envie de le collectionner.

Final Girl – Le Kit de Démarrage vous occupera durant 4 à 6 parties. Le jeu présente un intérêt limité si l’on se cantonne à ce lot. Il incite clairement à  l’accumulation d’extensions pour ajouter des lieux, tueurs et bien entendu des survivantes.

Je ne suis pas la cible de ce titre, mais en tant qu’ancien amateur de ce type de jeu, je le trouve de qualité correcte. Il a un goût de reviens-y du fait qu’il soit facile à installer, immersif et rapide à jouer. Pour ma part, je pense en avoir fait le tour et ne pousserai pas plus loin l’aventure, mais j’espère vous avoir donné suffisamment de matière pour que vous puissiez vous-même vous positionner.

 

Liens

 

 

Les textes décoratifs sont parfois hilarants !

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4 Commentaires

  1. Tonio Lagoule 06/09/2023
    Répondre

    J’adore Final Girl et pourtant je n’aime pas les jeux où il y a trop d’aléatoire. Mais ici on a plusieurs moyens pour mitiger les résultats des dés grâce aux actions, à la piste Horreur et en gardant toujours 2 cartes d’avance en main pour transformer un 3-4 en 5-6 !
    Et aussi, merci Groule pour le lien vers mes vidéos 😉

    • FX 15/09/2023
      Répondre

      merci pour ton retour, je lurkais ce jeu depuis un moment en attendant un package d’occasion pas trop cher, et l’aléatoire me fait peur, ton commentaire vient moduler l’avertissement de Groule. J’hésite encore…

      • Groule 15/09/2023
        Répondre

        Je dirais que tout dépend où tu places ton curseur de tolérance sur ce point. J’ai abordé ce jeu confiant car j’avais lu qu’il y avait des recours justement. Pour ma part, je recherche de l’originalité, des dilemmes intéressants.

        J’ai constaté en jouant que même en étant prudent, même en essayant de gratter la piste d’horreur, l’impact du hasard était trop fort à mon goût. On ne peut pas toujours moduler, parfois les mauvais coups s’enchainent (comme les bons). Les dés donnant 1 et 2 c’est le fail quoi qu’il arrive et c’est fréquent. On est au même niveau que la plupart des jeux dits « ameritrash » existants avec une modulation de hasard sur les dés que je qualifierai de raisonnable. Ca reste du classique. Il n’y a pas de mitigation plus recherchée, du niveau de ce qu’on peut voir avec certains jeux basés sur des cartes (Gloomhaven, etc) ou d’autres jeux contemporains qui ont fait un effort de design particulier la dessus.

        Encore une fois c’est une histoire de goût, de tolérance face au contrôle. De ce côté, je m’attendais à un peu mieux que ça.

        Le mieux dans ton cas, c’est de regarder une vidéo de gameplay de Tonio pour te faire une idée 😉

  2. Groule 06/09/2023
    Répondre

    De rien Tonio, eh oui c’est un débat sans fin ces dés 🙂

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