ETHNOS Paolo Mori turi te salutant

Ce jeudi, j’étais parti pour aller au ciné quand la Fée Clochette de « vous avez un message » a retenti. « J’ai le nouveau Paolo Mori, si ça te tente t’es le bienvenu« . Je m’étais déjà fait avoir avec le Minivilles by night et voilà que ça recommençait.

Paolo Mori les mecs ! Dogs of war, Unusual suspects  et surtout Libertalia.

Je suis faible…. Qu’est ce que j’ai fait ? J’ai pris mon vélo et pédalé jusqu’à la table de jeu.

 

boite 1

 

La boîte est magnifique, les illustrations de John Howe (qu’on connait bien pour son travail d’illustration sur le Seigneur des Anneaux) donnent le ton. Voici un âge de violence, de baston, « ça va chauffer » comme dit monsieur de la Chose.

Niveau matériel, c’est la même : on n’est pas lésé. Cool Mini Or Not est dans l’affaire, on pouvait s’attendre à de la figurine ou au moins des objets 3D, nous voilà servis avec ces jetons, pas toujours très faciles à attraper,  décorés façon triskel et empilables. Les cartes sont correctes sans plus avec ce bonus de l’illustration. On a donc ici un chouette jeu plein de promesses.

 

 

rangement

Un rangement au top, pourvu que la boite reste dans cette position

 

 

Sun Tzu meets Ticket to Ride : la carte,  les clans, les jetons et les marqueurs

C’est le raccourci le plus évident, si vous connaissez un peu les jeux, que je peux vous proposer pour décrire Ethnos en une phrase. Risk meets les Aventuriers du Rail si vous préférez.

La carte du monde : Carte de territoires qui selon la disposition des jetons score, rapporteront plus ou moins de points. A noter que les 3 plaquettes de points  sont partagés entre les joueurs en suivant les 3 âges du jeu  (Jeton 1 (pour le premier)  puis jeton 1+2 (premier et second) et au final jeton 1+2+3). Si vous êtes  majoritaire, vous gagnez la valeur la plus forte.

Les marqueurs de contrôle (ou MC) : ils représentent votre pouvoir sur un territoire. On les empile à chaque fois que votre contrôle augmente.

 

map

Il n’y a pas foule a Pelagon, il y a peu à gagner.

 

Les factions (allies) : c’est la grande idée du jeu. Chaque faction a ses propres pouvoirs. Elles sont au nombre de 12, on en jouera 6 par partie. Elles ont leur propres pouvoirs et, pour certaines, leur propre façon de marquer avec des plateaux indépendants du plateau central.

Chaque faction contient 12 (6×2) cartes de couleurs et lieux représentés sur le plateau (sauf les Hobbits qui sont 24)

Nous pouvons les classer en deux catégories : les simples et celles avec ajout de matériel.

 

clan

Les belles, mais sombres, illustrations de John Howe

 

Les simples se  composent des Nains (+1 à la gloire pour sa série), les Elfes (vous pouvez garder des cartes en main), les Centaures (vous pouvez jouer une autre série),  Minotaures (+1 pour placer un MC), les Squelettes (joker mais on ne les compte pas en points de gloire), Magiciens (repiocher des cartes), Hobbits (on ne peut pas placer de MC mais comme ils sont nombreux, on peut aisément atteindre le maximum de gloire), les Wingfolks (permettent de placer un MC sans tenir compte des obligations de couleur ou de peuple par rapport aux régions)

Les factions, et c’est le point le plus travaillé du jeu, fonctionnent parfaitement. Si les Squelettes sont quasi inutiles pendant le premier âge, où il est simple de poser des MC, ils deviennent un peuple recherché dans les manches qui suivent. Idem pour les Centaures qui permettent de jouer 2 fois et ainsi de vider sa main et de remplir au minimum le marché, ce que font, d’une façon approchante, les Elfes.

Chaque peuple à son intérêt et  induit sa propre stratégie. Rappelons que pour activer le pouvoir, il faut choisir un personnage qui sera placé sur le dessus de la suite de cartes que vous posez : ce sera le leader. C’est lui également qui indiquera sur quel territoire poser le MC.

Les avec ajout de matériel  bénéficient du même  impact que leurs camarades sur la carte du monde d’Ethnos mais marquent, en plus, des points d’une façon à part.

 

avec ajout

Une façon intelligente de varier les plaisirs avec des pistes alternatives

 

Les Géants (si votre série a un leader Géant, prenez le gros jeton Géant et gagnez deux points. Deux encore si vous le possédez à la fin de la manche. Vous pouvez vous le faire chiper si votre adversaire fait une meilleure série), les Merfolks (chaque série vous fait progresser sur la piste (plateau à part), vous gagnez X points si vous êtes en tête mais surtout, à certains points de passage, vous avez la possibilité de poser, en plus, un MC n’importe où sans suivre les règles de pose), les Orcs (vous placez, en plus de votre MC, un jeton sur la piste Orc, jusqu’à un total de 20 points) et les Trolls (qui gagnent les égalités).

Si les peuples cités sont plus remarqués à cause de leur matériel supplémentaire, ils n’en sont pas forcément plus remarquables : 2 points pour le Géant, c’est gentil, surtout s’il faut jouer à la « patate chaude » pour en gagner deux de plus au moment du décompte. Les Merfolks sont puissants, mais ils sont tellement convoités que c’est difficile de progresser avec… Les Trolls sont ceux qui font le plus mal.

Il est vrai que ces « univers parallèles » ajoutent au décorum et aident à rendre le jeu plus immersif. Cette débauche de peuples et d’effets est ce qui donne un véritable attrait au jeu et, ne le cachons pas, fait plaisir aux joueurs. Nous nous retrouvons avec un jeu protéiforme sortant du cadre de ce qu’il a lui même initié et ça c’est fun.

 Avec un peu d’expérience, vous verrez quelle faction s’accommode avec quelle autre (Les Centaures et les Elfes par exemple) pour produire un meilleur effet.

 

dragon

Les dragons prêts à se glisser dans le paquet et déterminer le moment de la fin de manche

 

 

On n’a pas lésiné sur la couleur, on se croirait chez Benetton

Les factions, la couleur, tout ça se mélange, Jammin’ Jah Rastafari… Mais oh, on n’est pas là pour se faire des bisous, on est là pour se mettre sur la tronche comme le montre la boite !

 

Leçon 1 : comment imposer sa présence au reste du monde ?

 

ETH001-mise en place rectif

 

Tout le monde tire une carte de départ, et on place sur le marché (nombre de joueurs x 2) les cartes de faction tirées au hasard. Pour créer un décompte aléatoire, on glisse 3 cartes dragon dans la deuxième partie du paquet. Si on joue des peuples particuliers, on ajoute les jetons/plateaux supplémentaires. Chaque joueur prend ses marqueurs de contrôle (MC).

Les tours sont très simples : soit vous prenez une carte (du marché ou de la pioche), soit vous posez des cartes et placez un MC sur le plateau (et s’il vous reste des cartes, vous alimentez le marché). On ne peut pas stocker plus de 10 cartes en main.

 Pour poser un MC, il suffit d’une carte du territoire choisi. Si vous voulez ajouter un étage à votre MC, vous aurez besoin de 2 cartes (3 étages  = 3 cartes, etc.) ; d’où la notion de série, obligatoire au bout d’un moment.

 

Si piocher ne mérite pas d’explication (je suppose), poser se fait selon quelques règles bien précises : vous pouvez jouer autant de cartes que vous voulez si elles sont de la même couleur ou de la même faction (même nom). Nous appellerons cela une série (band of allies).

Choisissez un leader et appliquez son effet.

Placez ensuite un MC sur le territoire visé et videz votre main pour remplir le marché.

 

serie 2

 

Ci-dessus, un joli coup : le joueur pose un centaure. Il place un MC sur Rhéa et peut donc rejouer (pouvoir du Centaure). Il rejoue un Centaure et place un MC sur Althéa et peut rejouer. Il choisit de renforcer son contrôle sur Rhéa en jouant les Elfes, qui permettent de garder en main 1 carte par Elfe posé. Le joueur n’alimentera pas le marché.

 

Lorsque le troisième dragon apparaît, la manche est finie. C’est le décompte : Les points de gloire par série. Et les majorités par territoire. S’il y a égalité, les joueurs additionnent les valeurs et divisent par le nombre de joueurs en concurrence. Sinon,  le premier gagne le maximum de points, le second la valeur inférieure.

 

gloire

Les séries et les points de gloire correspondants

 

Vous avez tout donné, vous repartez à zéro ou presque, puisque vos MC restent sur les territoires occupés. Deuxième âge, on remet ça. Puis une dernière fois. Vous l’aurez compris, le déroulement d’une partie d’Ethnos est assez rapide ; une heure environ.

 

décompte

Décompte des séries au 3e âge : Magiciens (0), Géants (3 +2 (jeton)) pour les Géants, Hobbits (10), Orcs (15 ; il manque un MC pour avoir les 20 points)

 

 

Paolo, ceux qui vont mourir te saluent

Voilà un jeu que je n’arrive pas à cerner. Le résultat est mitigé, le ressenti est mi-figue mi-raisin pour la plupart des joueurs (les autres détestent). On sent les bonnes idées, l’expérience de l’auteur, ça tourne, mais…  Je vous avoue que sur celui là, on n’y rejoue pas réellement par plaisir, mais pour comprendre son intérêt : 4 parties en 3 jours.

C’est mon crémier qui a acheté ce jeu. Lui, sa bible de référence sur la VO c’est BGG. Quand une note dépasse les 7/10 il fait confiance. Et puis Paolo, Libertalia, hein…

Reprenons.

1e partie, 4 joueurs. Factions en place : centaures, elfes, minotaures, squelettes, hobbits, nain

2e partie à 5 joueurs. Factions : hobbits, wingfolks, magiciens, elfes, centaures, squelettes

Ces deux parties sont catastrophiques. Le jeu fonctionne par vagues. Une fois le marché vide, on pioche en espérant ramasser la bonne carte. À un moment, on pose tout ce que l’on peut poser en ne laissant presque rien au marché. Le jeu hisse le hasard à un niveau inacceptable pour ce genre d’entreprise. Nous sommes, certes dans un jeu familial un peu évolué, mais quand même, Ethnos (pouvoirs mis à part) c’est au niveau des 7 familles et de la bataille.

A 5 joueurs, c’est encore pire puisque le marché n’a pas le temps de revenir à vous, quand on a la chance qu’il soit rempli. Vous continuez à vider la pioche dans l’espoir de tomber sur la bonne carte. Hasard, hasard encore du hasard.

Après réflexion, on se demande si ce n’est pas dû aux Centaures qui permettent de jouer 2 séries au lieu d’une, et aux Elfes, qui vous permettent de garder des cartes, bloquant ainsi le flux du marché ?

On termine l’après midi en faisant la moue. Le jeu est un ratage où la stratégie est inexistante et le hasard omniprésent. Comment est ce possible (Paolo Mori, succès sur BGG ?!) Nous relisons la règle 4 fois (le fameux syndrome du « qu’est ce qu’on fait mal ? »), nous restons stupéfaits d’une telle note pour ce jeu. D’accord, les factions sont bien pensées, ok, il y a John Howe (j’en viens même à me demander si ce n’est pas pour rattraper le coup), ok, je vois la référence plus qu’évidente aux Aventuriers du Rail. Ce jeu ne serait-il qu’un coup de pub basé sur le nom de l’auteur ?   

 

20170519_172244

Fin de la manche 2. Plateau Merfolk, séries, majorités sur les territoires et le foutoir sur le marché

 

Ça nous énerve, ça nous travaille. On peut se la jouer « toi et moi contre le monde entier » « les autres sont des suiveurs »  mais on veut en avoir le cœur net !

Deux jours après, on remet le plateau sur la table pour montrer à d’autres personnes le nouveau Paolo.

3e partie à 5 joueurs : hobbits, trolls, magiciens, wingfolks, orcs, elfes

4e partie à 5 joueurs : géants, merfolks, orcs, magiciens, centaures, elfes

Bizarrement, ces deux parties sont plus réussies. Ça coince toujours sur le fait de tirer la bonne carte, c’est un jeu de chance, on ne pourra pas lutter contre. Les plateaux des merfolks et des orcs permettent quelques bons coups à ceux qui réussissent à récupérer les cartes. Si le géant est anecdotique, la faction qui fait la plus mal est le troll : gagner les égalités est un couperet sans appel. Perso, je suis vite dépassé dans la 3e partie, et je n’essaie pas de m’implanter sur les territoires, je ne vise que la gloire et les points des orcs. Au 3e âge je finirai par accumuler (ce qui est bien) 50 points avec 2×6 hobbits (15×2) et un plateau orc complet (20 points). Je finis second.

 Dans la 4e partie, le combo centaures/magiciens est celui qui fait le boulot (poser des cartes et en reprendre autant). Cette partie est la plus équilibrée des 4, et  la fin tombe brutalement, précipitée par la pioche intensive des magiciens. Pas de souci, c’est le jeu.

 

À MOITIÉ CONVAINCU

Pourquoi les deux premières parties ont-elles été aussi calamiteuses ? Y aurait-il des configurations qui fonctionnent mieux que d’autres ? Nous le pensons. En tous cas, il y a plusieurs façons de faire des points, en fonction des peuples présents.

Le gros problème concerne ce marché que nous avons, malgré tout, du mal à alimenter. Comme vous le verrez si vous y jouez, ce jeu rappelle les Aventuriers du Rail, mais la question se pose alors : Pourquoi ça marche si bien dans les Aventuriers et pas ici ?

Oui désolé de revenir au jeu d’Alan R. Moon, mais l’affiliation est tellement énorme qu’il va bien falloir comparer. Pour ceux qui ne connaissent pas les Aventuriers du Rail, vous avez un principe de marché où vous prenez des trains de couleur afin de remplir des tronçons reliant des villes.

Dans les Aventuriers du Rail, il y a une notion très importante de vitesse. Je peux attendre d’avoir plus de wagons pour faire un tronçon plus long et marquer plus de points MAIS si je me fais piquer la route, ça me pénalise. Voilà la vraie différence. Dans Ethnos, on n’est pas pressé. On est majoritaire, tant que personne ne nous menace, pas besoin de bouger, autant se concentrer ailleurs. Mieux, selon les jetons points, on peut même viser la deuxième place (un principe  déjà vu dans Airlines, du même Alan R. Moon, décidément !).

Je réitère mes félicitations sur la construction des pouvoirs,  même si j’ai des doutes sur l’utilisation de  certains, comme les merfolks, les trolls ou les centaures.

 

Nous avions imaginé  une variante basée sur la plus haute majorité du territoire. Si un joueur à 2 étages, il vous faut poser 2 cartes pour mettre un MC si vous n’êtes pas présent, une façon d’installer une notion de vitesse dans le jeu,  nous ne l’avons pas encore testé. (Elle ressemble, nous l’avons vu après coup, à la règle pour 2 joueurs.)

 

ethnos promo

Les fées (cartes promo). Vous pouvez échanger une fée contre un leader adverse si la série est de même taille ou plus petite.

 

 

Notre avis s’est amélioré sur Ethnos, sans atteindre des sommets pour autant. C’est un jeu familial qui se prête aux combos dans une petite mesure, lorsqu’on connait les factions et que l’on adapte son jeu en fonction des peuples choisis (il est facile de gagner 15 points de gloire quand les Hobbits sont en jeu, il ne faut pas faire l’impasse sur les Trolls quand ils sont présents). Malgré toute cette panoplie d’idées, le jeu est trop sujet au hasard. Si le postulat d’apparition du dragon sonnant le glas de l’âge est explicite et fournit une bonne dose de tension en fin de paquet, le fait de ne pas avoir un marché qui tourne et de piocher en espérant que tout ira bien, est un frein. C’est cette notion de hasard permanent qui aura le plus fait débat dans les discussions d’après-partie.

Ethnos a donc de beaux attraits, de bonnes idées, des factions travaillées et des mécanismes de jeu éprouvés, mais pour nous, l’alchimie n’est pas toujours au rendez-vous et les parties trop inégales pour adhérer totalement.

 

Vous aimez la civilisation ? => Récapitulatif des jeux de civ‘ et de ce qu’ils ont de spécial par kabrateo

Les Aventuriers du Rail vous titillent => Les Aventuriers du Rail – Autour du monde par Grovast

 

LUDOVOX est un site indépendant !

Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :

Et également en cliquant sur le lien de nos partenaires pour faire vos achats :

acheter ethnos sur espritjeu

4 Commentaires

  1. Zuton 12/07/2017
    Répondre

    Une seule partie à 6 au compteur sur ce jeu dont je n’avais jamais entendu parler et on a tous bien aimé : rapide, fluide et scores finaux extra serrés, c est vrai que le marché se vide rapidement bloquant son développement et ses possibilités,  le hasard est en effet très présent mais il faut prendre le jeu pour ce qu il est : un jeu simple de majorité et familial avec quelques combos selon les peuples…je ne peux pas lui en vouloir, il a permis à ma femme non joueuse (et qui plus est non attirée par le thème) de jouer pour une fois avec nous…, et elle a gagné d’un point devant nos regards médusés… score final très serré : 75-74-74-71*-70-61

    Après, mon avis pourrait différer après plusieurs parties si elles devenaient plates ou bloquées comme tu sembles l’évoquer, en tout cas j’ai apprécié son côté accessible et sa durée cassez courte, même à 6.

     

  2. snaketc 12/07/2017
    Répondre

    Article énorme, précis et bien expliqué, félicitations pour le travail. Étant pour ma part déjà resté un peu sur ma faim avec dogs of war (trop beau mais peu se perdre au premier tour) j’étais curieux du nouveau de l’auteur surtout dans cet univers. Mais ça sera sans moi je pense.

  3. limp 14/07/2017
    Répondre

    Pourquoi viser la seconde place dans une région, puisque les jetons sont triés par ordre croissant  (un oublie de votre part ?) et que le premier gagne toujours plus que le second ?

    • morlockbob 14/07/2017
      Répondre

      Concernant l’ordre des jetons, je ne l’ai pas précisé, la photo du plateau me semblait assez parlante, à tort ?

      Pour quoi viser la seconde place ?
      Si l’ordre des jetons est croissant, on peut, puisqu’il sont tirés au hasard se retrouver avec ce genre de configuration : 2/6/6.
      C’est typiquement le genre de jeu où il est parfois plus intéressant d’être placé sur plusieurs lieux en seconde position (et à moindre coût) que de s’échiner à être premier sur un seul lieu.

      Cela peut aussi être une conséquence indirecte si je joue plutôt sur les plateaux alternatifs et suis donc moins combatif sur le plateau principal

Laisser un commentaire