Essen 2022 : Les retours de Meeplecam
Essen 2022 a fermé ses portes. Quatre jours intensifs de jeux (et d’achats…) dans le plus grand supermarché ludique du monde. 147 000 personnes cette année, pour plus de 1200 jeux proposés sur les tables (et beaucoup plus sur les étalages). Soit une hausse significative par rapport à Essen 2021, édition post COVID très particulière. Si le pass vaccinal n’était plus demandé, le masque était encore de rigueur.
Essen 2022, un bon cru ? Assurément, il y a eu de très bons jeux, mais aucun qui n’est vraiment ressorti comme « le jeu du salon ». Les top listes faisaient ressortir quelques eurogames costauds comme Tiletum, ou Woodcraft, mais ils n’eurent pas, de mon impression, le même engouement que le Ark Nova de Essen 2021. On notera tout de même les trois titres sortis du classement fairplay :
Cat in a box chez Deluxe Edition : un jeu de plis terriblement malin. Terriblement cher aussi, ce qui ne l’a pas empêché d’être sold-out très rapidement.
Les tribus du vent chez La boite de jeu qui était sur toutes les lèvres et sous le bras de beaucoup de gens quittant le salon.
Turing Machine chez Scorpion masqué, qui a su être constant sur les trois premières places du classement toute la durée du salon. Ce jeu de déduction et logique annonce le retour de Yoann Levet sur le devant de la scène ludique, après son fameux Myrmes (2012).
Mais Essen, c’est aussi la démonstration des jeux de demain, pour ne pas dire la présentation des financements participatifs de demain… Le nombre de projets à venir sur Kickstater et Gamefound est impressionnant. Et la bannière du stand de Gamefound, montrant les millions d’euros engrangés par leurs projets, donne le tournis.
Il est utopique pour une seule personne de pouvoir tout couvrir. Malgré ma pré-liste d’avant-salon, et comme d’habitude, je n’ai pas pu couvrir l’ensemble des jeux qui avaient attiré mon attention, souvent en raison du monde et de la difficulté d’avoir une place. Ou plus simplement que devant le stand, mon envie s’est envolée.
Mon compadre El duderino n’a pas hésité à attendre de longues minutes pour avoir une place sur les jeux qui buzzent (Lacrimosa, Tiletum,…) sur lesquels il fera son retour. Je n’ai souvent pas cette patience, préférant m’asseoir devant un jeu qui m’est complètement inconnu, quitte à être surpris dans un sens comme dans l’autre.
Voici un modeste ressenti d’une partie de mes jeux couverts :
AppleJack
Il n’est pas concevable d’avoir un Essen sans sa nouvelle sortie de Uwe Rosenberg. Les derniers titres m’ayant laissé plutôt froid, je m’en suis approché avec un certain scepticisme.
On va se retrouver dans un thème très bucolique autour … des pommes. Pleins de variétés de pommes. À tour de rôle, les joueurs vont acheter des tuiles pommes et les placer sur leur plateau de jeu. Pour marquer des points, on va s’efforcer de regrouper des pommes d’une même catégorie. Cela aura un double intérêt. D’une part, cela permettra de gagner des points en fin de partie, mais aussi de gagner des sous (représentés par du miel) lors des nombreux scoring intermédiaires.
En effet, régulièrement, tous les joueurs gagneront des sous en fonction des groupes d’une catégorie de pomme. L’orientation des tuiles est aussi importante car cela permettra de gagner des sous au placement d’une tuile adjacente. Les petites fleurs sur les tuiles seront aussi un moteur à points/sous. Car, en fin de partie, un sou = un point.
Applejack n’est pas sans rappeler un peu Cottage Garden avec le pion de compte tour qui tourne autour d’un plateau central et qui permet de voir ce qu’on va pouvoir récupérer. Mais pas de polyominos ici, remplacés par les groupes de pommes.
Applejack s’est révélé très fluide, en tout cas à deux joueurs. J’ai cru comprendre que c’était plus longuet à quatre. La réflexion sur les optimisations des placements de tuiles le rapproche d’un jeu abstrait.
Sur deux parties, je n’ai pas ressenti une interaction forte avec les autres joueurs, on a déjà bien assez à faire avec son plateau. Néanmoins, la mécanique est agréable, et le thème fait ressortir une atmosphère paisible autour de la table. On retrouve l’âme d’Uwe dans Applejack, mais aussi un peu de nouveauté avec cette gymnastique d’esprit de constitution de groupes de pommes.
Applejack a fini dans mon sac, avec le goodies ultime du salon : une pomme bio du jardin de l’animatrice du stand.
Un jeu de Uwe Rosenberg
Illustré par Lukas Siegmon
Edité par The Game Builders
Atiwa
Uwe, le retour.
Atiwa est le second jeu que le célèbre auteur allemand propose sur le salon. Cette fois-ci, on s’adresse à un public plus gamer, avec un jeu plus long et plus complexe, dans la lignée d’Agricola.
Dans Atiwa, on s’envole, enfin, pour de nouvelles contrées. Adieu forêt bavaroise, bonjour le Ghana africain. Nous incarnons une tribu que nous allons développer grâce … aux chauves-souris frugivores de la région. Comme aime le faire Uwe dans ses jeux, nous avons une quantité d’actions possibles impressionnante (une trentaine ! Même si il a déjà fait plus dans des précédents jeux), permettant de la production de ressources (Arbres, fruits, chèvres, moutons), de la conversion, d’agrandir son village et sa tribu avec des cartes sur lesquelles on devra placer nos ressources.
Toutes ces actions se feront avec le placement de nos ouvriers, qui bloquera les actions des autres.
Le twist de ce jeu se situera sur les pistes de ressources car, en fin de manche, les joueurs récupéreront automatiquement des arbres en fonction du nombre de moutons acquis. Puis des fruits en fonction des arbres. Puis des chauves-souris en fonction des fruits. Les chauves-souris permettront de faire des actions complémentaires par groupe de 3 dont on dispose (et de nos fruits disponibles, rappelez-vous, elles sont frugivores). Il faudra aussi nourrir les membres de sa tribu et les spécialiser. L’objectif au bout de 7 tours est de marquer le plus de points et cela se fera essentiellement avec l’agrandissement de votre tribu et de votre troupeau de chèvres, mais aussi via les cartes terrain construites.
Dans Atiwa, on retrouve du Rosenberg pur et dur. Agricola, sors de ce corps ! Les habitués des jeux de ce type ne seront pas dépaysés. Pour ma part, c’est une mécanique que j’affectionne particulièrement. J’ai donc été complètement dans mon élément, et j’ai toujours autant de plaisir à optimiser mes placements.
Le changement de thème n’est pas pour me déplaire, et il sied plutôt bien au jeu. La mécanique de stockage des ressources est aussi intéressante, et je me suis plusieurs fois retrouvé à devoir rendre des ressources impossibles à placer. Je devrai faire mieux la prochaine fois.
Mais (car il y a un mais), après une partie incomplète sur le salon, j’ai eu un fort sentiment de répétition, une impression de faire un peu toujours les mêmes actions. Ma tribu va grandir, mon jeu va monter en puissance, mais je ferai la même chose pour produire plus, nourrir plus, stocker plus.
Il m’a semblé beaucoup moins profond que À la gloire d’Odin ou Terres d’Arle. Il me faudra une partie complète pour voir si ce sentiment se concrétise, et cela a freiné mon envie de repartir avec une boîte.
Un jeu de Uwe Rosenberg
Illustré par Andy Elkerton
Edité par Lookout Games
Dedalo’s
Changeons complètement de catégorie, et partons vers la mythologie grecque pour nous enfermer dans le labyrinthe construit par Dédale.
Chaque année, Egée, le roi d’Athènes devait envoyer dix jeunes hommes et dix jeunes filles en Crète pour que Minos les condamne à se retrouver dans le labyrinthe, où le terrible Minotaure rôde. Un jour, Thésée, fils d’Egée, viendra régler son compte au minotaure, mais nous n’en sommes pas là.
Vous, vous êtes les malheureux captifs dans le labyrinthe, et vous voulez en sortir. Le bon sens voudrait que vous vous entraidiez, mais ce n’est pas du tout votre état d’esprit. Dans Dedalo’s, vous allez explorer progressivement le labyrinthe pour atteindre une des sorties. Premier arrivé, seul sauvé.
À l’aide de trois actions, vous allez poser des tuiles pour faire des chemins, déplacer votre athénien, voire pousser un concurrent.
Vous pourrez aussi écraser les tuiles déjà posées pour changer la forme du labyrinthe et, par exemple, bloquer un adversaire (« Ahah, tu croyais sortir au prochain tour, hein ? »). Et bien sûr, le minotaure pointera le bout de son mufle et vous poursuivra dans les couloirs. Il ne vous éliminera pas, mais vous renverra au centre du plateau.
Dedalo’s est un jeu de fourbes où la coopération entre compagnons d’infortune n’a pas sa place. Ne cherchez pas de stratégies très poussées, on est sur une partie de détente et de coup bas, avec un chaos très présent.
Les parties sont particulièrement rapides, une vingtaine de minutes, et il y a peu de temps morts. Parfait pour se poser l’esprit. J’y suis retourné plusieurs fois sur le salon.
Je pense que j’aurais aimé un peu plus de contenu, comme des objets à trouver, ou des salles spéciales, mais on va ici à l’essentiel et c’est peut-être suffisant.
À la place de cela, nous avons une figurine de minotaure qui se retrouvera bientôt sous mes pinceaux. Sortie d’un éditeur espagnol, Dedalo’s ne semble pas avoir encore de localisation hors de ces frontières. Vous aimez les jeux fun où on se fait des crasses ? Plongez dans le labyrinthe de Minos.
Un jeu de Javier García Berenguer, Ramón Rodríguez Muñoz
Illustré par Lorena Gestido
Edité par Atomo Games
Aeolos
Restons dans la mythologie grecque et allons faire un petit tour du côté de Éole, le dieu des vents. Celui-ci vous propose une petite compétition, celle d’atteindre le mont Olympe avec vos bateaux.
Pour cela, vous allez devoir jouer avec les vents pour placer vos bateaux sur le plateau de jeu et progresser sur différentes pistes. Le plateau est composé d’îles numérotées où accoster pour y effectuer des actions. A votre tour, vous allez jouer une carte Vent de votre main sur le plateau. Celles-ci sont de deux couleurs différentes et séparées sur le plateau. La somme des deux (celle posée et celle de l’autre couleur non recouverte) indiquera sur quelle île voguera votre bateau.
Les îles vont vous permettre de construire des bâtiments (pour augmenter la taille de votre main), d’obtenir plus de bateaux, des gemmes de différentes couleurs, des cartes Pouvoir bien utiles, ou encore des pions Vent pour modifier la somme des cartes Vent. Tout cela dans l’objectif d’envoyer nos bateaux sur les axes fluviaux qui mènent aux temples olympiens, généreux en points de victoire, mais dégressifs en fonction de l’ordre d’arrivée.
Oui, les dieux de l’Olympe aiment les points de victoire. Comme nous.
Aeolos est un mélange entre un jeu de placement d’ouvriers pour le positionnement sur les îles, de gestion de sa main de cartes, et de course pour naviguer plus vite que les autres sur les pistes.
Les illustrations du jeu nous mettent bien dans le thème, et la mécanique du jeu est fluide. Tout se joue sur les cartes Vent, et la gestion de ses pions Vent sera primordiale pour réaliser les actions souhaitées. Le jeu est plutôt léger pour sa catégorie, et se comprend rapidement. Il n’y a pas une profondeur pharaonique olympienne, mais il apporte tout de même un vent de fraîcheur (merci Éole).
Tout le sel du jeu va être de jouer ses cartes ent au bon moment, et choisir les axes de progression que l’on veut privilégier. Quelques modules complémentaires permettent de compléter le jeu sans trop le complexifier, avec des plateaux joueurs asymétriques, ou des bonus/malus sur chaque île.
Ce n’est pas le jeu du salon, mais un de ceux que j’ai le plus apprécié.
Un jeu de Arve D. Fühler, Guido Eckhof
Illustré par Marco Armbruster
Edité par SPIEL DAS! Verlag
Dogfight !
Dogfight ! est la prochaine sortie de PSC, l’éditeur de Blitzkrieg!
Jeu pour deux joueurs, on reste sur une thématique de guerre, mais dans le ciel. Le jeu est excessivement simple, tout en restant tactique. Chaque joueur dirige un avion qui tourne autour du plateau central. Ceux-ci tournent dans le même sens. À chaque tour, les joueurs révèlent simultanément un pion indiquant de combien de cases leur avion avance, et le nombre de dégâts infligés à l’adversaire si celui-ci se trouve sur l’une des trois cases devant lui.
Les pions joués étant défaussés pour la partie, il faudra être tactique pour se positionner le mieux possible et jouer le bon déplacement au bon moment. Mais l’adversaire fera de même ! Il sera aussi possible de faire des loopings pour surprendre l’avion ennemi et se retrouver dans son dos. Le premier ayant subi sept dégâts est éliminé.
Dog Fight ! est un jeu très rapide, une quinzaine de minutes. On se court après, on se surprend. On s’amuse. Pour moi, un indispensable pour jouer à deux, et un petit coup de cœur. Dans la boîte finale, des avions avec des capacités différentes seront proposés (répartition des jetons, pouvoirs spéciaux). Titre à suivre pour 2023.
Un jeu de Carlo A. Rossi
Illustré par Paul Sizer
Edité par PSC Games
TerrorsCape
Adeptes de films d’horreur, ce jeu est pour vous.
Dans ce jeu asymétrique, les joueurs vont incarner des personnages de série B dans un vieux manoir, pendant qu’un autre joueur va être l’abominable tueur qui veut éliminer les gentils héros. Les deux camps auront leur propre représentation des salles du manoir, séparé et caché par un paravent central. Enfin, un paravent … un énorme manoir en 3D qui fait office de paravent, de porte-cartes et de tour à dés. Visuellement, on est obligé de s’arrêter tant c’est intriguant.
Les deux camps vont jouer successivement. Les héros doivent réussir à s’enfuir du manoir avant que le tueur n’élimine l’un d’entre eux. Pour cela, ils doivent soit trouver cinq clés, soit lancer un appel radio et tenir quelques tours. Ainsi, il peuvent faire deux actions par personnage pour se déplacer, fouiller ou réparer la radio. En fonction des actions, cela pourra faire du bruit dans les salles, et on en informera le joueur jouant le vilain méchant. Celui-ci aura aussi deux actions pour trouver où sont les héros et les attaquer. Si l’attaque est réussie (cette dernière étant plutôt favorable au tueur), le héros concerné est blessé, puis meurt à la seconde blessure.
Terrorscape est un jeu de chasse au chat et aux souris. Les gentils tâcheront de tromper le tueur sur leur emplacement tout en réalisant les objectifs. Le tueur cherchera à acculer les héros en bloquant des passages et en se rapprochant d’eux.
Le manoir est tout petit avec beaucoup de pièces reliées, donc les rencontres sont inévitables. Heureusement, des objets pourront servir pour se protéger. Dans Terrorscape, l’ambiance est là. Rien qu’avec le décors, on est déjà dedans.
Le jeu refait très bien ressortir l’atmosphère de poursuite avec la mort au bout du chemin. Néanmoins, j’ai peur que le jeu s’essouffle un petit peu rapidement, surtout au vu du matériel proposé. Mais il est possible de modifier les parties, plusieurs héros sont disponibles avec chacun leurs capacités personnelles, et surtout plusieurs catégories de tueurs sont possibles.
Le jeu de démonstration se jouait avec le vilain pas beau à la tronçonneuse, mais les figurines sur le côté de la boîte laissaient voir des sœurs jumelles fantomatiques assez effrayantes, avec un gameplay probablement bien différent. Terrorscape est un futur projet de financement participatif et cela sera une grosse boîte (il faut bien faire tenir le manoir…).
Un jeu de Jeffrey CCH
Edité par ICE Makes
Ensemble
Illustré par Daniela Giubellini
Edité par Arclight Games, Ediciones MasQueOca, Ergo Ludo Editions, Schwerkraft-Verlag
Tindaya
Un jeu de Lolo González
Illustré par Javier González Cava
Edité par Funforge, Red mojo
Pour finir, une petite galerie de photos illustrant certains autres jeux de cette édition 2022. Plus que 355 nuits avant l’édition 2023 (du 5 au 8 octobre).
Et pour vous, un autre épisode de cette année 2022 à Essen à lire dans quelques heures, sous la plume d’El Duderino, dont c’était la première visite au pays du Père Noël.
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