Dire Wolf est un éditeur qui a brillé dans le monde ludique à travers ses grands titres : la série des Clank! & Clank! Legacy et plus récemment Dune: Imperium.

Dire Wolf, c’est aussi une maison de développement de jeux vidéo : Dire Wolf Digital. Celle-ci est spécialisée dans le portage numérique de jeux de société (vous trouverez une liste des titres disponibles sur Steam ici). Jusqu’à récemment, la maison s’est consacrée à l’adaptation de jeux d’autres maisons d’édition, notamment Root et Everdell, mais également dans le développement d’un titre 100% digital, Eternal: Battle Lines. Si on peut souligner la qualité de leurs réalisations, (notamment Root que j’ai pu essayer) il n’y a pas eu jusqu’à présent de grande percée au niveau international.

Le 13 Mars dernier a marqué un point de rupture avec la sortie de Dune: Imperium sur Steam, ainsi que sur Xbox, iOS et Android. Non seulement il s’agit de la première adaptation d’un de leurs propres titres, mais de plus l’accueil du public a été édifiant, à en croire les évaluations « extrêmement positives ». Alors, assistons-nous à la naissance d’un chef d’œuvre d’adaptation digitale d’un jeu de société ? C’est ce que nous allons voir !

Le portage d’un jeu de société : une affaire délicate

Cela ne parait pas comme ça, mais dans le cas d’un portage d’un jeu de société vers une application numérique, le soin apporté à l’interface et l’ergonomie est d’importance capitale. En effet, on prive le jeu de son aspect matériel, de sa manipulation (qui comptent pour beaucoup), mais aussi du moment convivial vécu autour d’une table avec ses adversaires. Autre inconvénient, l’application va au final se focaliser sur la vue d’un plateau de jeu, ce qui peut paraître limité de prime abord. Pour compenser tout cela, l’adaptation en jeu vidéo doit donc proposer autre chose, sans dénaturer l’œuvre originale, si elle veut percer et trouver son public.

J’ai bien souvent été déçu par de précédents portages de jeux de société (nombreux à ce jour), soit par leur réalisation un peu « cheap », soit par le jeu des adversaires automatiques, loin d’être à la hauteur, ou encore par le manque cruel de créativité quand aux modes ou options de jeu proposés. Et bien je dois dire que Dune: Imperium m’a plutôt bluffé sur tous ces points !

Premièrement, l’ambiance sonore est une transcription de celle du film. Les fonds musicaux ne sont pas ceux de la bande originale mais s’inscrivent dans sa continuité. Surtout, les sons si caractéristiques (tel que celui du bouclier, si vous avez la référence), ressortent et nous replongent dans le même univers orchestré par Denis Villeneuve et ses collaborateurs. Les illustrations du jeu de société sont reprises à l’identique, et le style graphique a été finement adapté pour créer des animations, menus, effets visuels à travers le jeu. C’est beau ! En somme, la réalisation graphique et sonore emprunte le meilleur des adaptations de l’œuvre et fait définitivement preuve d’un certain talent artistique.

Côté ergonomique, le plaisir est là. Tout est à portée de clic, vous ne serez pas perdus dans un dédale de menus ou de boutons mal pensés. Toute l’information nécessaire est affichée. De petits halos autour des emplacements vous indiquent le champ du possible, vous évitant de considérer les actions qui ne sont pas envisageables avec votre main. Un bouton d’annulation d’action vous permet de revenir sur votre dernier choix à tout moment, tant qu’aucun élément nouveau du jeu n’a été dévoilé. 

Aussi, aucun geste pouvant être réalisé dans le jeu de société n’échappe à l’interface (comme c’est parfois le cas avec les fameuses adaptations « cheap »). Par exemple, lorsque vous combinez l’effet d’une carte avec celle de l’emplacement sur lequel vous la jouez, vous aurez la possibilité de décomposer toutes vos actions dans l’ordre souhaité : pioche de cartes, amélioration de relation avec une faction, destruction de carte, etc. Egalement, vous pourrez consulter à tout moment les cartes de votre deck (pas dans l’ordre bien entendu), de votre défausse, ainsi que tous les coups précédemment joués par vos adversaires. On sent un travail de finition sérieux.

Comme dans le jeu original, vous pouvez décomposer vos actions dans l’ordre souhaité

La découverte

Dune: Imperium est sans conteste un jeu expert, avec son lot de règles à apprendre. Hors de question de devoir lire un livret de règles en entier pour un jeu vidéo. Pour cela, un tutoriel en 3 étapes est proposé. Celui-ci décompose les étapes d’apprentissage sous forme de mini objectifs à atteindre. Et plus vous avancerez dans ces étapes, plus il vous donnera de la liberté, jusqu’à vous laisser jouer quelques tours seul(e) vers la fin. Tout est pensé pour que l’assimilation des règles via le tutoriel se fasse en douceur, et le tour sera joué en moins d’une heure.

Une fois cela fait, nous sommes prêts pour découvrir ce que le jeu propose. J’espérais autre chose qu’une partie aléatoire contre l’IA et des parties en ligne sans grand monde sur le serveur. Je n’ai pas été déçu du voyage.

En l’état actuel, l’effort est en majeure partie porté sur le jeu en Solo, avec pas moins de 3 modes de jeu que je vais vous détailler.

L’IA : une prouesse à faire rougir le Jihad butlérien !

Le mode Versus IA équivaut à tout ce que l’on connait des portages de jeux de société. Vous pourrez y configurer votre partie customisée et le niveau de vos adversaires. Du classique, à l’énorme détail près que l’IA est un adversaire redoutable. J’ai tout de suite eu l’impression de rivaliser avec des joueurs réels qui semblaient même élaborer de vrais stratagèmes. Trois niveaux de difficulté sont proposés : Facile (que je n’ai pas essayé), Normal ou Expert. L’IA au niveau Normal maîtrise bien les bases du jeu et voit venir vos coups. Elle ne commet pas de faute absurde et ne bénéficie pas de bonus artificiels de départ pour compenser un manque de neurones. Après une vingtaine de parties, je ne gagne pas à tous les coups contre deux adversaires. Il me faut soigneusement préparer mes tours pour cela et c’est toujours satisfaisant de l’emporter. J’ai pu améliorer mon niveau sur le jeu, sans devoir trouver une faille dans l’IA à exploiter pour y parvenir. 

Le niveau Expert, comme son nom l’indique, a réellement une posture d’expert ! J’ai à peine le niveau pour rivaliser, il me faut un peu de chance et surtout ne rien laisser passer, pour espérer une seconde, voire une première place (sur un malentendu !). Si vous êtes en quête de défi et rêvez d’affronter des adversaires automatiques bien affûtés, sachez que vous allez être servis ! Encore une fois, la réalisation technique sur la conception des adversaires est remarquable.

Dans une note de patch de février dernier, j’ai lu l’expression « fine-tuning AI», discrètement posée dans le texte. En intelligence artificielle, ce terme désigne l’entrainement automatisé d’un modèle d’IA par machine learning. Dire Wolf ont-ils mis à disposition des outils d’IA tels que le Reinforcement Learning (Apprentissage par Renforcement, cf. AlphaGo) pour concevoir leurs bots ? Ce serait une prouesse notable. Pour y voir plus clair, j’ai écrit à la maison d’édition à ce sujet. Si une réponse me parvient, nous mettrons à jour cet article.

Fait intéressant, l’automa du jeu de base a également été fidèlement retranscrit dans l’application. Vous pourrez donc affronter la famille Hagal. L’option est à saluer, même si l’effet attractif des adversaires IA est plus fort pour moi.

La phase de Révélation vous laisse la possibilité d’observer tous les éléments : défausse, deck, cartes jouées.

Une longue campagne

Le mode campagne a été un coup de cœur pour moi. Il vous propose une série de 13 défis sur des parties indépendantes, en difficulté Normale (deux adversaires de niveau normal) puis Héroïque (3 adversaires de niveau Expert). Dans chacun de ces défis, un point de règle est changé, et orientera votre gameplay ou vos objectifs. Par exemple, dans « Duel Ancien », chaque joueur ayant déployé au moins une troupe durant la manche pioche une carte Intrigue, vous incitant à toujours prévoir de la garnison. Dans « Le Kwisatz Aderach », vous débutez avec un seul agent mais avec la carte ultime Kwisatz Aderach en main. Good luck !

Ce mode vous permet de vous perfectionner au fil du temps en variant le gameplay et en ajustant votre jeu, tout en vous proposant des objectifs de plus en plus corsés. De quoi tenir en haleine un moment.

Des défis hebdomadaires

Enfin, le mode Escarmouche s’adresse aux joueurs solitaires aguerris en quête de plus de défis. Vous disposerez de 3 tentatives pour relever un défi qui changera chaque semaine. Un peu à la manière du mode Campagne Héroïque, vous affronterez 3 adversaires Experts avec une légère modification de règle. Un score de classement global vous sera attribué et qui sait, vous permettra de rivaliser au tableau avec les meilleurs joueurs. Rien n’oblige à jouer pour la compétition cela dit.

Des promesses de développement à tenir

Pour l’instant, la fréquentation du serveur pour le jeu en ligne est encore faible et héberge des parties customisées classiques : un joueur ouvre un salon puis attend que d’autres le rejoignent. En guise de promesse, Dire Wolf annonce dans leur roadmap la possibilité pour les compétiteurs dans l’âme de jouer prochainement en mode « Ranked ». Pour ceux qui ne connaissent pas, cette notion a été largement démocratisée par l’e-sport (Startcraft, League of Legends…) et introduite si je ne m’abuse par le jeu d’échecs.

Le principe est de vous attribuer un score Elo, un système d’évaluation comparatif par rapport aux autres joueurs. Avec ce score, un algorithme de match making peut vous trouver en direct en ligne des joueurs d’un niveau équivalent au votre, afin de toujours vous proposer un défi à votre hauteur. Ce système de compétition addictif vous permet de vous perfectionner sur le long terme. L’avenir dira si la communauté de joueurs s’installera de façon suffisamment stable pour que la version digitale propose une bonne plateforme d’affrontement en PvP.

D’après Dire Wolf, le système de jeu en ligne va prochainement évoluer

Outre le mode Ranked qui peut avoir un gros potentiel d’adhésion parmi la communauté de gamers sur Steam, Dire Wolf annonce la sortie de Dune: Imperium – Rise of IX en version digitale pour l’été 2024. L’extension est déjà achetée dans ma tête. Je ne vais pas pouvoir résister. On vous donne peut-être rendez-vous d’ici quelques mois pour en reparler !

Dire Wolf Digital : un dormeur qui s’est réveillé ?

Je suis d’ordinaire frileux lorsqu’il s’agit d’essayer une application tirée d’un jeu de société. Peu jusqu’ici m’ont convaincu soit par une réalisation faisant économie de moyens (ergonomie aux fraises, son et visuel entrée de gamme), soit par la faiblesse des opposants automatiques. Dune: Imperium est par ailleurs un titre que j’ai eu peu d’occasions d’essayer (merci à Astien au passage pour la découverte !), faute de joueurs et de temps. Cette version digitale vient bouleverser mon rapport à ce jeu.

Bien qu’il s’agisse « juste » d’un jeu de société, la réalisation de l’application est sans faute en comparaison à ce que j’ai connu. Tant de qualités sont à relever : le son, l’image, l’ergonomie, le mode campagne Solo et bien sûr l’IA surprenante. Je me vois là en présence d’un hit, d’un must.  

À travers cette application j’ai pu découvrir la profondeur du titre, avec tout le confort d’un jeu vidéo en solitaire et avec des adversaires dignes de ce nom. D’ailleurs, s’il plait à la communautés de gamers sur Steam, c’est certainement parce qu’il s’agit au fond d’un véritable jeu vidéo, chose que l’on ne pourra pas dire facilement pour d’autres portages de jeux de société.

À travers de nombreuses fonctionnalités de l’application et une maintenance pour l’instant bien active des développeurs, Dune: Imperium s’inscrit dans la durée. En Solo, la variété de configurations proposées par la campagne ainsi que les défis hebdomadaires corsés du mode Escarmouche renouvellent le jeu. En multijoueur, les parties en ligne classées vous sélectionneront des adversaires de votre niveau. Vous pourrez si vous le désirez tenter de gravir les échelons de la compétition internationale. Aucune date d’ouverture n’a été communiquée pour l’instant.

En deux mots, si vous avez accroché à Dune: Imperium et que vous aimeriez vous faire les dents plus souvent avec de bons adversaires, vous risquez fortement d’appréciez cette version et risquez aussi d’y jouer longtemps.

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