Dans les rouages d’Inventeurs du Tigre du Sud
Inventeurs du Tigre du Sud de Shem Philips et S. J. Macdonald est le dernier opus de la trilogie du même nom. Souvenez vous, on avait commencé par Voyageurs du Tigre du Sud en 2022 (notre article), suivi de Érudits du Tigre du Sud en 2023 (vous pouvez lire l’excellent article de Saka Saka qui malheureusement nous a quittés).
Après Pillards de la Mer du Nord, Shem Phillips et sa maison d’édition Garphill Games, collabore avec S. J. Macdonald pour réaliser la trilogie de l’Ouest, puis celle du Sud et prochainement vers l’Est. Chacune de ces trilogies a son twist mécanique, et dans celle-ci c’est l’utilisation des dés (entre autres choses). Avec cet opus le fameux duo parviendra-t-il à réinventer le genre ?
La boite couleur jaune nous présente deux personnes sous une tente qui admirent un oiseau de métal avec quelques outils, des plans, etc. Le ton est donné : nous allons inventer des tas de “trucs”, les fabriquer, les éditer, les tester. Il nous faudra former nos artisans, développer nos ateliers, tout cela afin de marquer le plus de points de victoire. Cet opus fourmille de nombreux concepts qu’il faudra appréhender. À son tour, on peut poser un de nos ouvriers sur le plateau afin de réaliser une action, ou bien utiliser un ou plusieurs dés pour réaliser une action.
Nos dés sont placés sur notre plateau sur quatre étages : tout en bas ils sont épuisés, on ne peut pas les utiliser, au-dessus, ils sont prêts à l’utilisation. On peut moyennant action, les monter d’un étage à l’autre. Plus ils sont hauts, et plus on peut jouer avec leur valeur.
Les dés de la discorde
Ces dés vont donc nous servir à activer nos ateliers, présents sur notre plateau, mais pour cela il faudra avoir la couleur et la valeur des dés requises sur les tuiles ateliers. C’est un petit point un peu chagrinant, mais avoir des hautes valeurs reste toujours mieux que de petits dés. On n’a pas comme dans un “Feld” d’avantages à avoir des dés faibles. Cependant, c’est rarement handicapant, on a toujours un moyen de s’en sortir.
Surtout, avec ces dés, on va inventer des objets ou les fabriquer ou les publier (éditer). C’est un peu l’élément interactif du jeu car un objet inventé par un joueur pourra être fabriqué par un autre. Jusqu’à l’édition. Une fois édité, un objet donnera des points (2 ou 4) aux joueurs fabricants et éditeurs si la condition est atteinte.
Chaque élément aura son avantage, ainsi en inventant un objet je vais placer une de mes cartes en main sur une tuile objet, celle-ci peut me donner de l’influence sur un ou plusieurs minarets qui vont me donner des points en fin de partie (selon une majorité) mais aussi être utilisée de différentes manières. Si vous avez joué aux deux précédents opus, vous avez l’esprit. On y placera une de nos tuiles inventions de notre choix. Quand l’objet sera fabriqué par un autre joueur ou nous-même, alors on déclenche cet effet et le joueur aussi. Ces Inventeurs nous poussent un peu à jouer ensemble, mais en réalité ça crée plus des moments d’opportunisme.
La tour du progrès
Pour fabriquer un objet, il nous faudra l’aide de nos artisans : chaque objet requiert trois types d’artisans, et il faudra les payer, ce faisant ils montent en compétence et on les déplace sur notre plateau sur la tuile supérieure.
En vidant la tuile la plus basse, on va déclencher un effet, et cette tuile est retournée et placée tout en haut. Mais en plus cela augmentera notre revenu pour la prochaine manche. C’est un des éléments que j’ai trouvé le plus ludique, comment monter nos artisans en compétences, lesquels réactiver, etc. Plus on monte dans les étages et plus ils rapportent de points, mais il faudra aussi les payer… pas facile.
Enfin, tester un objet consiste à placer un de nos dés sur un des objets édités ou fabriqués, et cela déplacera notre bateau, avec lequel on gagnera des tuiles ateliers qui vont se placer sur notre plateau et nous permettre de construire un moteur plus efficace.
On pourra aussi réaliser des recherches qui nous donneront des bonus à chaque fois que l’on réalisera telle ou telle action. On en pioche trois et on en choisit une, c’est un élément de hasard pas toujours heureux, d’autant que certaines tuiles semblent plus intéressantes que d’autres.
Enfin, dernière action possible, placer notre tente sur le plateau ce qui nous donne un bonus immédiat mais cela revient à passer son tour. Enfin, pas tout à fait, si on ne peut plus inventer, fabriquer, éditer, on peut toujours utiliser nos ateliers ou “éclaircir” nos dés. Bref, passer plus tôt peut procurer des avantages pour préparer la manche suivante.
Les Rouages d’inventeurs du Tigre du Sud
Inventeurs du tigre du Sud finit dans une salade de points, les influences sur les minarets rapportent des points, on en gagne aussi selon nos tuiles ateliers, les objets créés ou édités, les objectifs, etc. Ce qui donne une sensation un peu étrange, tout ou presque donne des points et il est un peu difficile de définir une stratégie. Il faudra plutôt faire preuve d’adaptation et d’opportunisme. Je n’ai rien contre cela, mais ici cela peut donner la sensation parfois de profiter plus d’un bon coup que de le mériter, surtout quand la victoire se joue à un point.
L’édition est de qualité, absolument rien à redire, surtout pour le prix, comptez 40€ alors que l’on est plutôt habitué à dépenser 60€ actuellement pour ce genre de propositions. Je me suis réconcilié avec le trait de The Mico qui dans cette trilogie me semble plus doux, différent de ses autres jeux, peut-être parce qu’il dessine ici des objets et non des “gueules”. Comme dans les précédents de la gamme, on a une quantité d’icônes incroyable, mais on ne se perd pas pour autant (peut-être parce que l’on est habitué maintenant).
On est dans un jeu purement mécanique, et il est difficile de trouver des justifications thématiques à certains éléments, spécifiquement avec les dés. Pourquoi un dé orange donne un bonus pour les objets inventés ? Pourquoi nos dés sont déterminés ou inspirés ? Il est quand même difficile de tout lier ensemble.
Toutefois, on a plaisir à fabriquer des objets un peu loufoques, tel ce puzzle automatisé. Même si on les construit en fonction de leur connexion et les gains d’influences surtout. La mécanique de monter des artisans peut se justifier avec la montée en compétence.
Une partie d’Inventeurs est assez longue, comptez bien une heure par joueur, avec des risques de paralyses analysantes, on peut se noyer dans les possibilités du jeu, il faut le savoir. Le jeu peut se jouer en trois ou quatre manches. On conseille trois manches, du moins pour commencer. L’avantage dans cette configuration, c’est que l’on va avoir un bonus de départ et des gains immédiats quand on aura atteint un objectif ce qui peut donner une direction à son jeu.
L’ensemble tourne admirablement à deux joueurs, et vu la durée d’une partie c’est même selon moi la configuration idéale. D’autant qu’à chaque début de manche on tire une carte du “Figurant” (sorte d’Automa) qui ajoute de l’influence sur les minarets et bloque certains lieux pour la manche. On a la présence d’un 3e joueur sans l’attente qui va avec. :p
Inventeurs du Tigre du Sud est le plus compliqué de la trilogie, il montre un poids de 4.38 sur l’échelle BGG, contre 3.81 pour Voyageurs et 4.06 pour Érudits. À titre de comparaison, la trilogie de l’Ouest oscille entre 2.76 et 3.71. La compréhension de la règle et son explication est longue, pourtant on ne peut rien reprocher au livret de règles, mais il faut ingurgiter tout cela.
Pour conclure
J’aurais apprécié de voir le thème bien plus présent, par exemple ces objets que l’on invente auraient pu nous donner d’autres possibilités, mais en réalité cela reste simplement des points de victoire. Bon, j’imagine que cela aurait été compliqué d’équilibrer tout cela et de ne pas alourdir davantage le jeu.
La conception est intelligente, et plutôt originale, on ne peut pas leur enlever cela, mais cela manque un peu d’élégance par certains aspects à mon sens, comme le hasard sur les dés. À la table, on sort un peu partagés : pour ma part je le trouve un peu trop lourd et long (je pense que ça ne correspond pas complètement à mes goûts actuels). Ceux qui apprécient les grosses mécaniques bien costaudes ont plus apprécié la résolution du puzzle mécanique offerte. Personnellement, j’attends maintenant de voir comment les auteurs vont se réinventer avec la prochaine trilogie qui s’en ira dans l’Est.
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