Cthulhu, l’éternel rituel ludique : Death May Die

Aujourd’hui, chers cultistes, nous allons cuisiner du poulpe à petits feux.
Pour cet article un peu spécial, j’ai eu envie de faire, comme dirait Jean-Pierre, appel à un ami. Faut dire, le garçon en question a eu l’occasion de bien faire rissoler la bête, ce qui n’est pas encore mon cas, même si c’est en cours. Aussi lui ai-je demandé de venir m’interrompre, d’enrichir, rebondir, contredire mes propos aussi librement qu’il le voulait. Prêt pour parler Deah May Die, TSR ? 

– Oui Madame.

Bon, je vais commencer par une confession inavouable. Cthulhu, je commence à en avoir raz la binette. Il y a suffisamment de jeux tirés du Mythe de Lovecraft pour en remplir une pleine ludothèque (et c’est d’ailleurs mon cas). Achtung Cthulhu, Arkham Horror, Demeures de l’Epouvante, Cthulhu wars, Pandemic Cthulhu, Le signe des Anciens, Auztralia, Cthulhu Realms, Kingsport festival, Arkham Noir, Les montagnes hallucinées, bientôt Ticket to Ride Arkham ou Nyarlathotep va à la plage…? J’ai des poulpes qui dépassent de partout ! Jamais saturé, toi ? 

– En fait pas vraiment. Depuis que la licence est tombée dans le domaine public, effectivement on a vu pousser des tentacules de partout, et ça peut agacer. Mais il suffit juste d’agir avec un peu de discernement (et de lire Ludovox !) et tout cela se passe tout de même très bien.
De nombreux, très, très bons jeux ont été produits pour cette licence. D’autres, moins bons. Il suffit de trier et de filtrer le reste du bruit, et on a quand même un magnifique choix. Après, même si j’aime beaucoup la licence, les romans, l’univers incroyable créé par Lovecraft, je ne suis pas un intégriste, et voir des gens faire des bêtises avec une licence que j’aime ne me met pas dans une rage noire. Jouer et laisser jouer, en quelque sorte.

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Bref, tout ça pour dire que c’est pas le thème qui m’a attirée de prime abord. Perso, pour vous le dire tout net, ce qui m’a mise à la table de Death May Die, c’est les retours pour le moins dithyrambiques d’une certaine garde rapprochée amatrice des dungeon crawl. J’avoue, ils m’ont eu à l’usure, les bougres. 😉

– Là, c’est vrai, par contre, je suis souvent prêt à faire le relou quand j’ai l’impression qu’un jeu ne bénéficie pas de l’intérêt qu’il mérite. C’est pour ça que j’ai franchement insisté auprès de Sha-Man et Shanouillette pour qu’ils essaient ce jeu. 

Et tu as bien fait ! Death May Die, énième Dungeon Crawl coopératif, énième jeu à figurines, énième KS de CMON, énième jeu cthulhien… Cela n’allait pas forcément être simple pour m’aguicher. Mais faut avouer que là, le binôme de choc Lang-Daviau a plus d’un tour dans sa besace pour favoriser une certaine conjonction astrale capable de faire apparaître la magie… 

– C’est pas faux (conjonction, je connais pas ce mot là, c’est quand deux abrutis se rencontrent ?). Mais je me méfie aussi car ces deux noms-là créent des attentes énormes, et il leur est arrivé de me décevoir, par exemple avec Bloodborne le Jeu de Cartes pour Lang et Betrayal Legacy pour Daviau. Je crains donc toujours d’être déçu avec eux.

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Les poulpes sont des animaux très intelligents
[Ce que vous faites dans DMD]

Commençons par un bref aperçu de la bête, chers cultistes.

Dans ce Dungeon Crawler, au cours de chaque tour de jeu, le joueur actif peut effectuer trois actions (se déplacer, attaquer ou se reposer par exemple), avant de tirer une carte Mythos qui invoque généralement des monstres sur le plateau ou déplace des ennemis déjà en place.
Après la résolution de la carte Mythos, deux options : soit vous êtes tranquille sur votre zone, et alors vous pourrez tirer une carte Découverte qui vous permettra généralement de vous fournir un compagnon ou un objet (looooot), soit vous êtes mal entouré, et les monstres vous attaquent (pouuuutre). Si trois cartes Mythos avec un symbole d’invocation sont sorties, le deck Mythos est mélangé et le Grand Ancien se déplace sur une piste de progression d’invocation annexe, approchant du portail qui le mène dans notre monde.

Afin de tuer ce “big boss”, les joueurs devront d’abord perturber le rituel pour l’affaiblir, puis l’attaquer avec force compétences & objets pour lui faire ravaler son bulletin de naissance. Mais peut-être serez-vous devenu complètement fou avant cela. Ou mort. Tout le monde n’a pas huit bras et une grande intelligence après tout. 

– Notre douce Shanouillette n’est pas étrangère aux euphémismes, et quand elle écrit “perturber le rituel pour l’affaiblir” c’est en fait “faire capoter le rituel, car tant que les couillons de cultistes chantent en rond en se tenant la chandelle, notre ami le Grand Ancien est totalement invulnérable aux armes de ce monde… Bref, il faut s’agiter la soutane sous peine de se faire écrabouiller.

 

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Pourquoi le poulpe, c’est bon

Death May Die, c’est la maîtrise du timing, à tous les niveaux. Déjà, à commencer par une durée d’installation et de partie adaptée, grâce à des scénarios tout prêts et des scripts bien écrits. On est assez loin des mises en route laborieuses de bon nombre de Dungeon crawl…

– Effectivement, on a rarement vu un Dungeon crawl aussi rapide à mettre en place. Le plus long c’est presque de choisir les personnages, tellement il y en a et qu’ils sont tous marrants à jouer. La mise en place prend littéralement 10 minutes, et ça c’est précieux.

Puis, au cœur de la partie, on observe toujours un timing serré dans la gestion même de son perso : ne pas monter trop vite en puissance avec sa santé mentale, pour ne pas se brûler les ailes, mais accepter de devenir un peu fou, malgré tout, pour devenir plus fort.

Et de concert, faire les bons choix dans la répartition des actions de l’équipe pour parvenir à faire face au Grand Ancien avant qu’il ne soit trop tard. Le rythme de tour de jeu aussi, très dynamique (je joue / l’IA répond / je rejoue) qui donne cette impression – pas systématiquement présente dans les coop – d’avoir jamais servi à rien, ni d’avoir dû sacrifier son tour pour une bonne action moins fun.
Et timing encore dans la gestion de son stress : à quel moment je me grille pour me permettre des relances de dés moisis, à quel moment je préfère accepter les dégâts. Tout est question de rythme, Bernadette, et cela nos deux auteurs l’ont bien saisi en imposant un tempo giusto dans tous les recoins de leur jeu.

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Après ne nous leurrons pas : Les auteurs n’ont pas vraiment réinventé la poudre. Personnages asymétriques, map avec tuiles double face, scénarios mettant en jeu des ennemis avec une IA simple mais spécifique, événements à chaque tour, combats aux dés, fouille pour s’équiper de matos divers et devenir plus fort…

Les habitués du genre ne seront pas perdus, clairement. Cela dit, Death May Die propose une recette qui tourne au poil, divertissante et efficace, voire efficacement divertissante. C’est en cela que l’on ressent une grande maîtrise du sujet. En ne multipliant pas inutilement d’office les options, mais en les laissant s’ouvrir au fur à mesure de la partie, les joueurs se lancent sans difficulté dans le bain et se prennent vite au jeu. 

 

Scénario sur mesure

Prenez la simplicité et la modularité du système – qui est assez exemplaire. Chaque partie sera un mix d’éléments (scénario avec ses Objets & Mythos, ennemis, Grand Ancien, règles spéciales) faciles à imbriquer (pas de campagne fixe ici). C’est ce que CMON appelle le « mix and match »… 

cthulhu-death-may-die-2– Ouais, soyons honnêtes, non seulement les auteurs n’ont pas inventé le système, mais ils l’ont carrément repompé sur le Modular Deck System des Sadler Brothers (auteurs de l’indispensable Street Masters).
Ce système est déjà plus ou moins présent dans d’autres jeux, il permet de démultiplier les expériences de jeu de manière élégante, mais nécessite un gameplay aux petits oignons. Qu’on a ici sans problème.

En tout cas, ce principe assure une petite rejouabilité (la boite de base offre 6 scénarios avec 2 boss, de quoi garantir une durée appréciable), d’autant plus que l’éditeur a des Anciens supplémentaires disponibles en magasin évidemment. 

Tout cela se pose par dessus un système de base très simple. Ainsi, tout se déroule sans heurts, sans qu’il y ait beaucoup de questions ou de contradictions dans les règles. Dans chaque partie, vous aurez quatre types d’ennemis. Quatre, c’est bien : c’est un bon chiffre. Ce que je veux dire par là, c’est qu’on n’a pas trouzmille règles d’IA à intégrer pour que tout roule de façon fluide dès le premier round.

Par exemple, si tel monstre parvient à infliger des blessures, on invoque un copain à lui dans sa zone. Si tel autre survit à une attaque, le joueur qui l’a offensé perd une santé mentale en rab. Bref, côté vie des méchants, ça reste simple à suivre.
Pour le reste de l’IA, les cartes Mythos vont intégrer des effets qui nous font obstacle selon notre objectif en cours (par exemple cette carte qui mélange les jetons invités alors que vous êtes en train de leur courir après sur la piste de danse) et des effets classiques qui activent les monstres pour nous les envoyer sur la binette.   

– On pourrait même aller jusqu’à dire qu’il n’y a pas vraiment d’IA. Les monstres sont plus des obstacles mobiles et dangereux que de véritables êtres doués d’intelligence. La plupart passeront la partie à ne rien faire si ce n’est vous en coller une si vous avez le malheur de vous approcher trop près, et ensuite de vous morpionner avec assiduité jusqu’à ce que (votre) mort s’en suive.
J’ai plutôt tendance à détester cela, mais ici, pas de problème. Cela simplifie énormément le jeu, le rend très fluide, prédictible et du coup, cela vaut vraiment la peine de réfléchir à son prochain mouvement puisque l’aléatoire, est, somme toute relativement réduit
.

 

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Il est parti par là !

 

En tant que joueur, nous avons toujours nos actions basiques, auxquelles s’ajoutent celles offertes par le scénario choisi, les compétences particulières natives du héros que vous aurez envie d’incarner (on salue la diversité et la parité dans les personnages au passage), les capacités dues aux objets (liés aux scénarios)… Tout cela combiné permet un panel de choix à la fois facile à appréhender mais toujours varié. 

J’ai apprécié le fait que tout soit aussi bien construit autour du scénario. Même si le thème me fait plus ni chaud ni froid de prime abord on l’aura compris, force est de reconnaître qu’ici il est traité avec une belle cohésion, et non sans humour, tant et si bien qu’au final, il fait mouche, bien au-delà des phrases un peu random de fluff que l’on peut lire dans nombre de jeux estampillés Lovecraft… Je crois que tu as particulièrement kiffé le traitement du thème ? 

Oui parce qu’encore une fois, je ne suis pas un intégriste et je pense qu’on a le droit de traiter cet univers de façon un peu moins “pompier” que ne l’a fait FFG (même si je n’ai pas de gros problème non plus avec cela. Je n’ai pas de problème de manière générale. Amusons nous !). Le traitement du Mythe est ici pince-sans-rire (enfin tentacule-sans-rire) et très réussi ! Le peu de texte que l’on a est outrancier, du genre : “Et bah voilà, on ne peut pas laisser des cultistes seuls deux minutes sans qu’ils tentent de vous organiser la fin du monde façon Apocalypse…” ou “vous pensez que je suis enfermé ici avec vous ? Mais c’est vous qui êtes enfermés ici avec moi, AHAHAHAHAHAHAH !”.

Bref, les héros sont barrés, de la nonne à la dague affûtée en passant par le flegmatique officier britannique, ils sont tous plus tarés les uns que les autres, complètement psychotiques, et diablement attachants, même avec 3 lignes de texte au dos de la fiche de personnage. Du grand art en matière d’écriture pour un jeu de société.

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Clairement. Ce que j’ai aimé aussi dans un
Death May Die, c’est qu’on arrive à mettre du sens un peu partout. Si vous êtes un joueur qui aime filer les métaphores thématiques, vous devriez être à vos aises. Les scénarios et leurs ennemis propres (avec leur IA) et leurs objets, ont un lien avec la situation. Il n’est pas rare que les différents Objets/Compagnons que vous croisiez dans la partie interagissent entre eux, pour le meilleur et pour le pire.

Dans une partie, j’ai sympathisé avec une dame lors d’un bal masqué, puis croisé le mari, jaloux. Cocasse. Le choix fait au début avec l’un aura un impact direct sur le choix laissé avec le second. Bref, on a parfois de vraies mini décisions dans les Découvertes, ou de vraies conséquences sur nos choix, sans que cela ne soit jamais au prix d’une certaine lourdeur mécanique. 

cthulhu-death-may-die-8– C’est vrai mais il faut se donner un minimum de mal pour que ce contenu imprègne vraiment le jeu. Le fait de mettre ce contenu, aussi bien écrit et bien pensé soit-il, sur les cartes d’équipement fait que l’on a vite fait de sauter le texte et de juste se dire “cool ! je lance deux dés verts de plus en combat !”. C’est fait de manière si subtile qu’on en est presque à un niveau “Easter Egg”. Dommage.


Chaque scénario pose aussi un contexte, un objectif, et tente de proposer une idée originale. On pense un peu à
Descent, mais ici, le 100% “bourre dans le tas” n’est que rarement valorisé (en tout cas, peu dans la première partie des scénarios). Chaque mission a sa dynamique qu’il faudra percer et dompter pour en venir à bout.

– Oui, et certains scénarios sont particulièrement retors ! Et les sessions sont mécaniquement vraiment en deux parties : la première, où la mécanique qui domine est clairement celle du scénario puisqu’il faut à tout prix stopper le rituel, et la deuxième où le Grand Ancien impose sa loi sur le plateau.

Malheureusement, je trouve que d’un point de vue mécanique, souvent, la première partie est supérieure à la deuxième, qui consiste souvent, notamment pour les personnages sans armes à distance, à aller se crasher sur le Grand Ancien en lui faisant le plus de dégâts possible avant de mourir. Cinématiquement et narrativement riche, mais ludiquement un peu pauvre.

 

La folie : une force et une malédiction

Revenons un peu sur nos personnages. Nous avons dans Death may Die un certain effort de fait sur l’originalité des caractères. Rasputine, la Gamine, monsieur Ahmed, Soeur Beth, Fatima Safar, John Morgan, Lord Benchley, Sergent Welles, Miss Borden, Elisabeth Ives : voilà la galerie haute en couleurs qui nous attend. Tu as des chouchous toi ? 

– J’en ai deux : les deux femmes clairement psychotiques que sont la Nonne Beth avec sa dague de 2 pieds de long, et la “Desperate Housewive” Miss Borden avec… sa hache à incendie. Pas d’armes à distance pour moi, j’aime le contact 🙂 !

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On peut noter qu’ils débutent tous relativement faibles, et tu l’as dit, un brin timbrés. Tout le long, il faudra garder un œil attentif sur trois jauges : nos points de vie, notre stress (permettant les relances – on apprécie cette souplesse dans un jeu qui roule avec le hasard – mais aussi de payer certaines cartes Découverte) et notre santé mentale. 

L’autre belle idée du jeu, rappelant The Others paru en 2016 (sorti des mains de M. Lang), réside dans cette pression permanente entre perte de points de santé mentale et prise d’expérience. Les deux jauges étant… la même, plus vous vous rapprocherez de la mort, plus vous débloquerez des pouvoirs intéressants et serez capable de lancer nombre de dés durant vos Tests et Combats. Cette piste progresse à chaque symbole tentacule que vos dés vous sortent. Oui, c’est ce qu’on appelle jouer avec le feu… Nous y reviendrons, mais il n’est pas rare de se griller complètement en toute fin de partie dans un sacrifice ultime qui décrochera une victoire sur le fil. 

Du coup, on débute souvent la partie en mode petits bras, “ok je me déplace d’une case, je lance 3 dés, je tue un cultiste, et voilou”, et on termine en apothéose du style : “je traverse la moitié du plateau, j’encaisse 36 dégâts, je lance 5 dés, je relance 4 fois, Cthulhu est quasi mort, j’attaque gratuitement dans une zone adjacente et je déplace ce cultiste ici au passage”. En bref, la montée en puissance de nos personnages est extrêmement concrète sur nos actions mais ce fait toujours au prix d’un “stop ou encore” dangereux.

Et puisqu’on parle de “stop ou encore” dangereux, revenons une minute sur la jauge de stress. Chaque fois que vous souhaitez relancer un mauvais dé, vous pouvez le faire (ouh bonheur !) mais cela vous coûtera un stress (ha, ouch !). Oui, ouch. Car si vous êtes trop stressé, vous finissez avec des dégâts disons plus difficiles à cautériser. Heureusement, si d’aventure vous vous trouvez un coin au calme dans toute cette pagaille, vous pourrez toujours vous reposer et vous soigner (récupérer 3 stress/blessures). 


Edition C’mon C’mon

Sinon, côté édition, rien à redire, c’est le « niveau CMON » attendu : des figurines de superbe qualité, le soin porté dans les détails, l’ensemble est solide, bien ficelé, avec une lecture parfaite. Seule micro faille, pour ma part, quitte à se pavaner comme ça dans le luxe, les plateaux perso ajourés auraient été un plus, vu le nombre de fois où je renverse mes petits marqueurs (mais à moi d’apprendre à me servir de mes bras hein).
Mais je sais que certains ont un autre grief, qui perso ne m’agace pas spécialement, tu en parlera mieux moi !

– Alors pour commencer : si tu avais backé la version Kickstarter, tu aurais ces magnifiques plateaux où les pions se logent avec le confort et la volupté de… non rien.

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Par ailleurs, si tu fais partie des regrettables boulets (tels que moi) qui n’ont pas backé le KS, de très bons ersatz existent :

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Bon, maintenant, parlons du Shub-Niggurath de l’éléphant dans la pièce.

C’est quelque chose qui me rend à moitié dingue à chaque partie. Oui, les figurines sont magnifiques, comme d’habitude avec CMON. La qualité de production est incroyable ; les illustrations évocatrices, les tuiles un peu sombres mais bon, c’est pour l’ambiance, toussa toussa… Mention spéciale pour l’insert “à la Mechs vs Minions” qui facilite la mise en route et le rangement du jeu, il est juste incroyable et j’ai placé un pentacle cierge dans l’espoir que l’industrie adopte cette merveilleuse habitude.

J’ai juste une question… Est-ce que quelqu’un chez CMON a joué avec le matériel final au moins une fois ? Parce que faire des figurines avec des socles de 10 cm de diamètre, c’est chouette (quoique). Mais si elles pouvaient en plus tenir sur les tuiles, ce serait merveilleux. Invariablement, on finit par avoir beaucoup trop de figurines à placer sur une tuile et on doit les poser à côté, avec leur pions de dégâts, qu’on confond, et c’est le Bronx. Je sais que je peux avoir l’air de pinailler, et c’est exactement ça. Mais quand on a dans les mains, un jeu aussi bon, avec un niveau de production aussi élevé, c’est quand même dommage de provoquer de l’irritation pour quelque chose d’aussi stupide.

Haha. Sinon un petit Xanax et hop ! 

 

Verdict, la mort ne peut pas attendre 

Le jeu ne cherche pas à en faire des tonnes : il sait se reposer sur des bases qui ont fait leur preuve, il sait être simple et accessible – d’aucuns le considèrent même comme un jeu « passerelle » dans son style. C’est ton cas ? 

– Pour moi clairement. Avec son rythme effréné, ses règles simples mais efficaces et laissant l’action “réfléchie” primer sur une analyse froide, Death May Die est un jeu passerelle. Si vous avez des amis non « gamers » mais férus du Mythe (je ne suis pas sûr que cela existe), ce jeu est fait pour eux. S’ils ne connaissent pas le Mythe mais savent apprécier un univers sombre mais teinté de beaucoup de reliefs, alors le jeu leur plaira aussi.

Sinon… Changez d’amis.

cthulhu-death-may-die-7C’est vrai ça, on oublie souvent de vous le dire ! 
Je suis d’accord, le jeu s’avère très accessible (sauf sans doute ce thème) tout en étant toujours dynamique, tendu et thématique (chaque scénario raconte sa mini-histoire pas si mal filée). La mécanique qui imbrique le fait de devenir plus fou et le fait de devenir plus fort nous met sur la brèche. J’ai aussi trouvé les tours de jeu étonnamment rythmés, fluides et vivants, avec cet aller-retour entre nos actions et l’IA du jeu. Ce Death May Die sait doser l’action et la réflexion un peu comme les meilleurs blockbusters.

Les grands allergiques au hasard passeront leur chemin, les amateurs d’aventure monteront à bord d’un bond. Je n’ai que peu de sessions à mon actif à l’heure où ces lignes sont tapées, mais chacune s’est conclue sur le fil du rasoir, dans un baroud d’honneur épique, “climactic” comme dirait Lovecraft. Ça s’est souvent passé comme ça pour toi aussi ? 

– Bizarrement, on a assez peu perdu, ou alors très tôt dans la partie, le temps de comprendre les ressorts du rituel et la meilleure stratégie pour l’empêcher – ce qui peut prendre quelques essais. Sans spoiler, je peux vous dire que mon groupe et moi avons rejoué “les Capulets et les Montaigus” (ceux qui ont joué le scénario le reconnaîtront) un certain nombre de fois avant de voir la couleur du Grand Ancien… Mais effectivement, mécaniquement, on gagne toujours sur le fil parce que le niveau de pouvoir nécessaire pour faire la peau à Poulpy coïncide en général avec un niveau de folie élevé, et une proximité certaine avec le trépas.

Sinon pour conclure, j’ai encore trois questions à ce stade auxquelles tu pourras répondre avec ta palanquée de parties jouées.
D’abord, est-ce qu’on trouve des déséquilibres dans les capacités des héros ?

– Oui, bien sûr ! Chaque héros a un archétype assez classique : un Tank, un Soigneur, un joueur de soutien, etc. Et ils ont chacun un pouvoir spécifique qui, au niveau 3, est totalement cassé. Ça c’est fait exprès. Ce niveau de pouvoir change tellement de choses sur le plateau qu’il va complètement influencer votre stratégie. Et en plus il est outrancier, ce qui ajoute à l’atmosphère pince-sans-rire du jeu.

cthulhu-death-may-die-10On est d’accord. Deuxième question : se lasse-t-on du déroulé des scénarios, toujours constitués de deux grands mouvements ?

– Les scénarios sont bien conçus et intéressants. Si le déroulé n’est pas le même à chaque fois, la stratégie pour les résoudre reste en effet sensiblement la même, même si, comme je l’ai mentionné plus haut, les pouvoirs des héros vont sensiblement influencer votre approche du problème. J’ai une vingtaine de parties à mon actif, et oui, au bout d’un moment, elles se ressemblent beaucoup de ce point de vue.

Le plus gros problème à mon sens est que la structure des parties est sensiblement la même à chaque fois. On lutte, on réfléchit comme des dingues et on prend des risques pour résoudre le scénario, et ensuite le Grand Ancien déboule et là on retombe sur les problèmes des gros Dungeon Crawlers Ameritrash classiques. On fonce sur le Boss et on lui met tout ce qu’on a jusqu’à ce qu’on meure ou qu’il meure.

La bonne chose est que c’est limité à la portion congrue et que là encore, le timing est plutôt bon ; le combat contre le Grand Ancien (la rapide apothéose qu’il est censé être) ne dure pas plus de 20% du temps de la partie elle-même. Mais le rythme, le gameplay, sont d’un si bon niveau que finalement, on joue pour s’amuser et pas pour se challenger. Incroyable, non ? 

– Arrive-t-il que l’on meurt durant la première partie (alors on est éliminé) ?

Seulement dans deux cas ; quand le jeu s’aligne contre les joueurs comme dans tous les jeux coopératifs, et lors des premières parties (on fait encore des erreurs du type “foncer dans le tas”).
L’expérience est calibrée pour que le jeu ne soit ni trop difficile, ni trop facile en moyenne. Et parfois, les facteurs aléatoires du jeu s’alignent contre les joueurs et rendent le tout impossible à battre. Cela arrive, mais le plus important ici, c’est que lorsque cela arrive, cela prend une demi-heure et on peut recommencer la partie dans la foulée. Et c’est très rare, donc aaaaaaall good.

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Comme tu tiens le micro, je te laisse le mot de la fin ! 

– Death May Die est probablement la meilleure surprise de ce début d’année pour moi. Le Dungeon Crawl est un genre que j’apprécie particulièrement, le fait qu’il soit coopératif, et qu’il propose une approche du Mythe sensiblement différente de ce qu’on a pu voir avec d’autres jeux, fait clairement partie de sa valeur, mais c’est surtout le game design qui porte ce jeu jusqu’à des sommets rarement atteints de plaisir ludique pur. Je le recommande chaudement à tous ceux qui ne sont pas totalement hermétiques au plaisir de l’Ameritrash et qui ne sont pas trop usés par le thème.
Pour les autres, essayez peut-être le jeu avant de l’acheter vu son prix, et sachez que la rejouabilité n’est pas absolue, mais pour moi c’est vraiment un coup de cœur.

Pas mieux. 😉
Merci à toi TSR !

 

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5 Commentaires

  1. Umberling 03/06/2020
    Répondre

    Pour ma part, j’ai une certaine mesure à apporter à ces propos : l’édition est superbe sous toutes les coutures (vraiment), la progression de perso est aux petits oignons (vraiment, sauf cette question d’encombrement avec les petites tuiles qui servent en plus de goulet d’étranglement), le tout est accessible (vraiment) mais quelques petites choses m’ont fait tiquer. Tout d’abord le prix : aux alentours de 100€ prix recommandé, ouch. Et finalement le mix n’ match qui change certes des choses mais pas tant que ça. Sur les six scénarios de la boîte de base, est-ce qu’on refera tout à chaque fois ? Au final, je crois que je préfère une expérience plus granuleuse (Betrayal Legacy) sur laquelle je me ferai un certain nombre de parties avec une histoire qui se file. Parce qu’au final, même si la narration fait sens, elle reste ténue et ne va pas gratter hors des conventions : ça ne reste qu’un excellent dungeon crawler qui ne vient aucunement bousculer les conventions du genre, ou nous faire basculer du côté de la folie. Bref, je crois qu’au vu de la bête, j’attendais légèrement plus fou.

    • Umberling 03/06/2020
      Répondre

      Et j’en rajoute une couche sur le thème : je suis en général très déçu par les thèmes lovecraftiens, qui se roulent dans le corpus originel en omettant un truc particulier. Le monstrueux lovecraftien est « censé » être impossible à représenter car trop étranger à notre logique, trop ineffable pour entrer dans nos cadres de représentation. Deep Madness s’en tirait très bien de ce côté en incarnant les peurs des personnages, mais représenter les grands anciens plutôt que de les suggérer affaiblit le thème et sent le réchauffé. Ça restera toujours plus sexy que la collecte de la gabelle aux XIIe siècle (jeu allemand power) mais, d’un autre côté, l’histoire est rarement inspirée et comprend souvent mal ce qu’elle fait. La narration dans le jeu a besoin de progresser… vraiment. et Cthulhu: DMD me donnait envie d’y croire, quelque part, parce que justement, il se donnait les moyens de tout faire bien.

    • fouilloux 03/06/2020
      Répondre

      Un peu comme toi (je n’ai qu’une partie à mon actif hein donc prendre mon ressenti avec des pincettes), je suis réservé, mais pas pour les mêmes raisons. Bon, Cthulhu, moi aussi j’en ai mare, surtout parce que c’est devenu l’alpha et l’oméga de l’horreur. Impossible de faire un truc sur ce thème sans retomber là dedans (j’exagère un peu je l’avoue).

      Mais surtout, si la partie était plaisante, je n’ai rien trouvé dans la méca qui m’ait vraiment dit « tiens ça sort du lot ». Non j’ai trouvé ça assez classique, voir plan plan. (je précise: on a perdu la partie, peut être qu’on a raté un truc). C’était pas désagréable,, j’ai passé un excellent moment, et si on me le re-propose je dirais oui… mais ce n’est probablement moi qui irait le chercher. Si on le compare avec les demeures de l’épouvante, j’ai vraiment du mal à voir ce qu’il apporte de différent. Dans la réalisation peut être, mais dans l’intention, j’ai vraiment eu l’impression de jouer au même jeu.
      (Ahhhhhhh pour une fois que je suis pas d’accord avec TSR, ça me rassure 🙂 )

      • TSR 10/06/2020
        Répondre

        C’est parce que tu n’as qu’une partie à ton actif :). Clairement, la méca n’est pas particulièrement nouvelle, on le dit bien, mais elle a été épurée aux petits oignons et c’est bien agréable.

  2. Shanouillette 18/06/2020
    Répondre

    Clairement hein ce qui sort du lot ce n’est pas l’originalité du thème en lui-même (je crois avoir bien insisté la dessus ^^) mais en revanche, au contraire je suis heureuse (soulagée même !) de ce système qui permet d’avoir une rejouabilite sans campagne qui nécessiterait encore de rassembler les memes joueurs à intervalles réguliers  : j’ai déjà beaucoup trop de j2s dans cette catégorie (campagne, legacy…) qui par cette caractéristique ne sortent pas assez. C’est immersif oui mais ça reste une meta contrainte lourde. DMD veut être efficace : il s’écarte donc volontairement de tout ça.

    Ce qu’il faut voir dans DMD c’est pas une claque d’originalité, je crois en effet qu’on l’a dit, c’est bien une efficacité redoutable dans la mise en œuvre. Ça ne sautera peut-être pas aux yeux à la première partie.

    Et pourtant. On met en place le jeu en deux deux, on le comprend en deux deux, on s’amuse immédiatement à se rendre fou et à tomber sur des rencontres en tout genre, et ça finit en apothéose.

    Hier soir, on a fait un Reichbuster, et bah quasi 1h de mise en place/expli. Le jeu a plein de côtés intéressants hein, il est sûrement bien plus tactique, bcp plus puzzle game, etc. Oui.
    Mais si tu veux un D-Crawler qui soit dans le fun et qui va droit au but en ce sens (avec un niveau de contraintes in /out game minimum et un vrai sens du rythme), bref si tu veux du fun efficace et bien mené, DMD n’a pas d’équivalent aujourd’hui à mes yeux sur ce registre là. Il va aux basiques avec une maîtrise de vieux roublard.
    Et quant au prix, oui c’est pas donné..(après la barre des 100 balles ça fait longtemps que CMON l’a faite voler) mais vu le matériel et la finition, c’est pas volé. On est très loin des fig degeulasses de Betrayal :p

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