Colorado – qui aurait pu s’appeler CALLorado
Depuis quelques années nous assistons à une recrudescence de jeux de type « roll and write » ou « flip and write ». Laissez-moi vous présenter une nouvelle variante : le call and write.
Modernisation d’une classique de notre enfance
Nous avions déjà Kingdomino qui réinterprétait le jeux de dominos, Tea for 2 qui revisitait la bataille, The crew qui apportait un petit twist au Tarot. Colorado, lui, vient combiner le jeu des 7 familles à un jeu à cocher. Ce n’est plus un lancer de dés qui guidera les choix des joueurs, mais la carte demandée à un adversaire.
Le nom de l’auteur, Joachim Thôme, devrait vous dire quelque chose, puisqu’il est à l’origine de Les tribus du vent dont nous vous parlions l’automne dernier, mais aussi de Wild space et Dicium, si on remonte un peu plus dans le temps (ce dernier étant un joli exercice de style, injustement passé sous les radar, à mon humble avis).
Il était une fois dans l’ouest
Si vous souhaitez le détail des règles, vous pouvez consulter le ludochrono.
Sinon, le principe est le suivant. Chaque joueur a un plateau Exploration divisé en divers territoires de quatre couleurs sur lesquels se trouvent un drapeau et plusieurs cases reliées par un chemin. La plupart de ces cases ont une icône d’action que l’on déclenchera quand elle sera cochée. Au centre de la table se trouve le plateau de récompenses sur lequel sont notés les scores (dans des étoiles de shériff) et la progression sur différentes pistes. La partie se termine quand 7 étoiles de shérif sont remplies par un joueur.
Les joueurs vont avoir en main des cartes de six familles différentes avec des valeurs allant de 1 à 3. Il existe trois types d’actions (deux familles pour chaque). À chaque tour, le joueur actif va demander une carte à un adversaire. S’il l’a, il la donne, et le joueur actif la place devant soi, sinon il doit donner une carte de même valeur ou même couleur. Quoi qu’il en soit, chaque joueur va réaliser l’action de la carte récupérée.
Ces actions sont de trois types :
- gagner une pépite ou en dépenser X pour poser une carte de valeur X et résoudre l’action de la carte.
- cocher une case sur son plateau et résoudre l’action correspondante.
- piocher trois cartes ou en défausser deux de même couleur pour en poser une devant soi et résoudre l’action correspondante.
Chaque joueur résout de son côté ses éventuels combos (seule la première carte est résolue collectivement).
Les joueuses qui ont une famille complète, peuvent cocher un drapeau d’une zone limitrophe et la rendre accessible pour d’ultérieures explorations (cases reliées par le chemin). Elles progressent ainsi sur la piste de score de la couleur correspondante.
Le cowboy qui scorait plus vite que son ombre
Une grande qualité du jeu est sa lisibilité. Puisque la partie se termine quand une joueuse a rempli sept cases étoiles de shérif, il est important de savoir où en sont les adversaires, pour voir venir la fin de partie. Les scores sont notés sur le plateau de récompenses central mais aussi la progression dans les différentes courses. On voit ainsi d’un rapide coup d’œil si ça vaut la peine de se battre pour telle ou telle piste (car seul le ou la première remplira une étoile de shérif). C’est beaucoup plus facile à repérer que de devoir regarder le plateau personnel de chaque adversaire.
Un autre aspect qui m’a particulièrement plu est que l’on joue tous en même temps, puisque chacun résout l’action de la carte échangée entre le joueur actif et l’adversaire détroussé. Certains vont dérouler un combo et enchaîner deux ou trois coches, poser des cartes, voire compléter une famille qui leur débloque un nouveau territoire. Et même pour celui ou celle qui ne pourra faire que l’action initiale, il y aura peu de temps d’attente jusqu’au tour du joueur suivant.
Lonesome cowboy ?
Il est vrai que chacun joue de son côté sur son plateau personnel. Toutefois l’interaction est présente. Premièrement, comme je l’ai dit plus haut, car il faut surveiller la progression de ses adversaires, ensuite car on voit les cartes déjà posées par chacun, donc on sait ce qu’il est plus probable de pouvoir trouver dans la main des adversaires (chaque cartes n’existe qu’en quatre exemplaires). Enfin, si on n’a pas exactement la carte appelée par le joueur actif, on a un peu de liberté dans ce qu’on va lui donner, et on peut donc parfois choisir un type d’action qui nous arrange.
Après quelques parties je me suis rendu compte qu’il n’est pas judicieux de commencer plusieurs familles en même temps, car cela laisse la possibilité aux adversaires de me donner une carte que j’ai déjà devant moi. Je n’ai pas le droit de la garder, je ne progresse donc pas dans la complétion des familles et la pépite que l’on reçoit me semble un faible lot de consolation. De même, avoir beaucoup de cartes en main attire souvent la convoitise des adversaires, qui auront une plus grande probabilité de trouver la carte appelée. Qui possède le plus, est taxé le plus. Logique.
Quelques remarques sur l’édition
Même si ça devient relativement fréquent aujourd’hui, signalons qu’en termes d’illustrations, nous trouvons autant de personnages féminins que masculins, et qui plus est, dans des métiers classiquement représentés par des hommes. Nous avons ainsi une cowgirl, et une chercheuse d’or. Sylex (l’éditeur) a aussi fait le choix de plateaux effaçables (de très bonne qualité) plutôt que des feuilles jetables. Je me demande ce qui est le plus écologique (feutres avec solvant, vernis sur les plateaux). L’utilisation de feutres (par rapport à des crayons ou stylo aux traits fins) a en tout cas le mérite de rendre visible la progression de chacun.
De nouvelles terres à explorer
Comme tout bon jeu qui se respecte, il y a différentes stratégies possibles : les objectifs rapportant le plus de points (coches Wanted ou Saloon, les territoires jaunes) sont plus longs à remplir et il faudra s’y atteler dès le début. On peut aussi, au contraire, viser les objectifs rapides pour déclencher rapidement la fin de partie et couper l’herbe sous le pied des adversaires partis sur une stratégie d’objectifs longs. On peut marquer des points aussi bien en cochant entièrement un territoire qu’en validant un maximum de drapeaux (en faisant des familles de trois cartes de même couleur).
Le mot de la fin
Colorado est selon moi un bon jeu de X and write. Il est l’un des rares dans cette catégorie à créer de l’interaction entre les joueurs : par sa mécanique de récupération de cartes actions chez un adversaire, et par le scoring qui est en bonne partie constitué d’une course aux objectifs. Il n’y a pas de montée en puissance au cours de la partie, mais plutôt une alternance de tours courts et de tours plus longs où l’on arrive à faire des combos. Le nombre de joueurs n’influe pas sur la durée de partie et les sensations de jeu. Le thème western est certes un peu plaqué, mais l’habillage est très joli et le matériel ergonomique.
Il y a quelques années les roll and write étaient simples et courts (Qwixx), puis des jeux tels que Welcome to, Très futé, Cartographers sont venus ajouter une couche de stratégie, et dernièrement nous avons vu arriver des jeux experts (Twilight inscription). Colorado, de complexité intermédiaire, a son identité propre et mérite sa place dans cette famille nombreuse.
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