Circadiens : Ordre du Chaos – Contradiction dans les termes ?

Sur la planète de Ryh, la coexistence harmonieuse entre les Circadiens et les êtres vivants qui l’habitent a touché à sa fin. La paisible exploitation des ressources de la planète a laissé la place à la guerre sanglante et à la course aux reliques : nous quittons les Premières Lueurs pour Circadiens : Ordre du chaos. Dans ce jeu de civilisation de S J Macdonald (auteur des séries Du Royaume de l’Ouest et Du Tigre du Sud) et Zach Smith, chaque joueur incarne une faction qui tente de se développer pour remporter la partie.

Certains avis comparaient Ordre du chaos à Root pour l’asymétrie entre les factions, d’autres le comparaient à Scythe pour la résolution des batailles… Comme j’apprécie aussi bien Root que Scythe, j’étais curieux de voir ce que Circadiens : Ordre du chaos avait dans le ventre. Alors, parvient-il à trouver le bon équilibre entre jeu de civilisation 3x (expand, explore, exterminate), wargame et asymétrie, ou s’agit-il de l’énième dudes-on-a-map dans lequel on lance des brouettes de dés ?

Pour vous familiariser avec la chasse aux reliques, je vous conseille de regarder le Ludochrono.

 

Ressemblances asymétriques

Une partie de Circadiens : Ordre du chaos se déroule en six manches au maximum, chaque manche étant composée de plusieurs phases : fixer les prix, effectuer les actions, résoudre les combats, gagner les revenus et prendre la relique dont le numéro correspond à la manche en cours. Il peut y avoir jusqu’à cinq joueurs, et on fait nos actions à tour de rôle.

Pendant la partie, les joueurs tentent de gagner en contrôlant toutes les reliques présentes sur le plateau en même temps ou en faisant avancer son marqueur de Gloire jusqu’à la dernière case. Pour y parvenir, ils effectuent des actions principales et secondaires, parmi lesquelles rechercher, construire des bâtiments, récolter des ressources, déployer des troupes ou effectuer des mouvements.

Voilà ce que grosso modo partagent les six factions de Circadiens. Quant à la façon dont chaque faction avance sur la piste de Gloire, le nombre de cases sur cette même piste et les attributs spécifiques dont elle dispose pour certaines actions, cela change d’une faction à l’autre, même s’il peut y avoir quelques ressemblances. Ainsi, les IA, les Jrayek et les Oxataya seront plus combatifs, tandis que les Circadiens et les Zcharo viseront leur développement. Les Leyrien, enfin, chercheront à s’étendre sur le plateau.

 

La faction Circadiens gagne la partie lorsqu’elle améliore tous ses attributs. C’est la seule faction qui, au lieu d’avoir une base, a un vaisseau qui se déplace rapidement sur le plateau.

 

La stratégie des prix

Au début de chaque nouvelle manche, chaque joueur fixe le prix d’une action à tour de rôle, en commençant par celui qui détient le pistolet de détresse (le jeton premier joueur). Fixer des prix dans Circadiens : Ordre du chaos n’est pas un choix anodin. En effet, l’action dont nous fixons le prix sera gratuite. En fonction de la tuile que nous choisissons, les autres joueurs devront nous payer et payer à la banque une quantité plus ou moins importante d’énergie (l’une des deux ressources du jeu).

D’un côté, cela nécessite que nous ayons défini des priorités claires pour la manche qui va suivre. De l’autre, il est aussi pertinent de réfléchir aux priorités des autres factions, de façon à rendre leurs actions plus coûteuses. De façon générale, j’ai remarqué que c’est surtout au cours des deux premières manches qu’on risque de manquer de ressources.

Dans les parties à deux joueurs, chacun fixe le prix de deux factions. Ici, la faction Oxataya (violette) a posé la tuile lui permettant de récupérer les tuiles de sa défausse.

 

La mécanique de fixation des prix est maline dans la mesure où nos tuiles – en nombre limité – sont placées dans la réserve à la fin de chaque manche. À un moment de la partie, on est donc obligé de jouer la seule tuile qui nous permet de récupérer celles de la réserve : nous ne gagnerons rien et les joueurs ne dépenseront qu’une énergie. Parfois, on a donc intérêt à mettre de côté l’action que nous voulions réaliser gratuitement pour éviter que les autres joueurs en profitent.

Grâce à la construction de certains bâtiments (fonderies et forteresses), à l’amélioration de notre capacité de récolte et à certains bonus ponctuels, on parvient à ne pas manquer ni d’énergie ni de gemmes. On n’atteint jamais l’opulence à proprement parler, mais les ressources qu’on gagne permettent de réaliser plus d’actions et, tout particulièrement, les plus avantageuses pour notre faction.

 

Combats sophistiqués

Lorsque tous les joueurs ont réalisé leurs déplacements, vient la phase de Combat qui a lieu dans tous les hexagones où plusieurs factions sont présentes. Circadiens : Ordre du chaos parvient bien à éviter l’écueil de la brouette de dés, en proposant une résolution de combat plus complexe, mais aussi contre-intuitive. L’issue d’un combat va être déterminée par plusieurs facteurs : le nombre d’unités, la présence d’un – ou pour les Oxataya – de plusieurs Leaders, les éventuelles cartes Tactique que nous jouons et la roue de combat.

C’est surprenant et difficile à assimiler lorsqu’on découvre le jeu, mais, pour déterminer le gagnant, on ne regarde ni les points d’attaque, ni les points de défense, mais les points de force. La roue de combat nous offre plusieurs choix, parmi lequel celui – désavantageux mais parfois nécessaire pour sauver la peau d’un Leader – de perdre le combat en battant en retraite. La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons superposer une carte Tactique à la roue de combat pour la rendre plus puissante.

 

La roue de combat comporte une carte Tactique préimprimée que nous pouvons remplacer en jouant une carte de notre main.

 

Perdre un combat peut avoir des conséquences lourdes, parmi lesquelles la perte d’un Leader et de nos bâtiments – ce qui rapporte de la Gloire à certaines factions. Il convient donc de réfléchir à deux fois avant d’engager une bataille et, en cela, être le dernier à se déplacer peut avoir la plus haute importance. Cela comporte le double avantage de donner la possibilité de réagir aux mouvements de tous nos adversaires et d’aller se battre pour la Relique de la manche en cours, si nous en avons besoin.

 

Problèmes d’ergonomie sur la planète Ryh ?

À n’en point douter, Circadiens : Ordre du chaos est un jeu à réserver aux experts et probablement aussi aux passionnés de jeux de civilisation. En effet, une partie dépasse facilement les deux heures, surtout à partir de quatre joueurs. Le travail d’illustration du matériel et la qualité de celui-ci est soignée et contribue à l’immersion dans cet univers de science-fiction belliqueuse. La traduction des règles comporte quelques erreurs d’orthographe, mais elles n’empêchent pas la compréhension du texte.

Malgré quelques finesses mécaniques et la recherche sérieuse d’asymétrie, Ordre du chaos ne m’a pas complètement convaincu. Tout d’abord, le livret de règles comporte, à mon sens, des défauts majeurs d’organisation et de mise en page rendant difficile l’accès et la compréhension du jeu. Les pictogrammes ne sont pas clairs et certains sont trop ressemblants (le déplacement et le redéploiement, les leaders et les combattants… pour ne citer que quelques exemples). Finalement, ils rajoutent de la confusion au lieu de nous aider à nous orienter dans le jeu.

Le plateau et l’aide de jeu des Leyrien avant la mise en place.

 

Il en va de même pour les aides de jeu qui, si elles sont exhaustives et bien rédigées, ne permettent pas de saisir rapidement les particularités des factions. Cela est sans doute dû au fait que l’asymétrie, dans Circadiens : Ordre du chaos, vient principalement de variations de mécaniques centrales du jeu. Toutes ces variations constituent un nombre trop important d’exceptions pour que tous les joueurs saisissent aisément et sans confusion le fonctionnement des factions en jeu. Résultat : certains joueurs oublient les attributs de leurs factions, surtout lors d’une première partie.

Enfin, le jeu lui-même, avec les différentes phases dont se compose une manche, les actions qu’on réalise une par une, et à tour de rôle, me semble manquer de fluidité. Je suis pourtant habitué de gros jeux historiques et de gestion, mais là, j’ai parfois eu le sentiment que l’ensemble des mécaniques était un peu grippé.

En contrepartie, même si les interactions entre les factions sont intéressantes et qu’on gagne à connaître et à exploiter les spécificités de chacune d’elle, je n’ai pas l’impression que l’expérience de jeu en vaille vraiment le coup. En effet, les actions autour desquelles s’articule le jeu sont les déplacements, les combats et, dans une moindre mesure, la construction de bâtiments.

 

En somme, Circadiens : Ordre du chaos récompensera probablement ceux qui disposeront d’un groupe pour le sortir régulièrement et s’approprier les mécaniques du jeu et les caractéristiques de chaque faction pour pouvoir y jouer avec fluidité et développer des stratégies poussées. À mon avis, les amateurs de jeux de civilisation, avec des mécaniques frontales de combat et de conquête et une bonne dose de volonté d’expansion peuvent y trouver leur compte.

Pour ma part, je suis resté sur ma faim en termes d’équilibre entre la longueur d’une partie (je déconseille la configuration à cinq joueurs), le coût d’entrée et le déroulement d’une manche, d’un côté, et de l’autre côté, les sensations de jeu, l’élégance mécanique et la complexité – un jeu peut être complexe, sans être compliqué ! Mais, si son univers ou certaines de ses mécaniques vous attirent, je ne saurai que vous conseiller de lui donner une chance.

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