Atlantes : Sous l’océan, sous l’océan

Dans le monde du jeu de société, il y a plein de thèmes que j’adore, que ceux qui me lisent régulièrement connaissent bien (les dinosaures bien sûr, et le Seigneur des Anneaux évidemment), mais il en existe un que j’ai à moi tout caché et que je garde secret (enfin, gardais, du coup), c’est celui des fonds marins, traités sous l’angle du fantastique. Chaque fois qu’un jeu sur ce thème sort, vous pouvez être sûr que j’y jetterais discrètement un œil. Et donc, pour Essen dernier, ce fut par un heureux hasard que la première table à laquelle je me suis assis fut celle d’Aquatica, connu sous le nom d’Atlantes sous nos latitudes. À l’époque déjà, le jeu m’avait pas mal enthousiasmé. Maintenant qu’il est arrivé chez moi et que j’ai pu y jouer dans un contexte plus propice à l’analyse, voyons voir ce qu’il en est.

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Dans l’océan parfumé, on fait carnaval tous les jours

Comme toujours, la première chose qui attire l’œil dans un jeu, c’est son matériel. Ici, à première vue, et bien ça envoie. Les personnages du jeu ont un style assez sympathique, les grandes illustrations des plateaux sont superbes, et les uniques jetons du jeux, en forme de raies mantas, sont vraiment très sympathiques. On a également des plateaux individuels organisés sur deux niveaux, ce qui aura son importance pour le jeu. Bref, tout cela commence bien.

Et puis, il y a les cartes qui représentent les lieux à explorer. De prime abord on se dit, waouh c’est chouette. Pourtant, personnellement, quand j’y regarde de plus près, et bien le constat est bien plus mitigé. En effet, ceux-ci ont été réalisés en utilisant des éléments 3D qui individuellement ne sont pas transcendants, et qui sont utilisés en copié-collé d’une carte à une autre, dans des agencements différents. Et malheureusement chez moi cela ne prend pas. Certaines cartes ne s’en sortent pas si mal, mais pourtant, si avec cette technique chaque carte est unique (et on comprend ainsi la démarche), elles sont en réalités toutes génériques et par conséquent ne sortent pas vraiment du lot. Bref, c’est finalement assez raté pour moi, d’autant que l’un des types de lieu, les zones volcaniques, est même franchement laid au global. De plus, la qualité matérielle des cartes en elles-mêmes est en-dessous de ce qu’on aurait pu attendre (elles risquent de s’abimer). 

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Bref, le plumage (enfin, les écailles) est un peu décevant sur certains points finalement, même si la vue d’ensemble reste plaisante.

On a le rythme, c’est d’ la dynamite, sous l’océan !

Le cœur du jeu est double. D’une part, il s’agit d’une gestion de main. Chaque joueur commence la partie avec une main de cartes personnages, identique pour chaque joueur à l’exception d’une (ce qui permet de varier un peu les situations de départ). À notre tour, nous jouons une carte de notre main et en appliquons les effets. Une de nos cartes nous permet de toutes les récupérer quand on pense que c’est le bon moment. On aura de plus quatre raies mantas que l’on pourra utiliser ponctuellement pour avoir des bonus. Voilà pour la mécanique générale. Claire comme de l’eau de roche dirais-je, et par conséquent, assez facile à expliquer.

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En effet, les actions que l’on peut jouer avec nos cartes sont assez simples. On pourra acheter de nouveaux personnages dans une rivière ou bien acheter des lieux à explorer. Ces lieux, une fois explorés, nous donneront des points de victoire, à l’instar des quatre objectifs du jeu du type avoir 8 personnages en main ou avoir cinq lieux sur votre plateau (plus vous les remplissez vite, plus ils rapportent). C’est évidement celui ou celle qui aura le plus de points qui gagnera la partie. Cette fin advient selon plusieurs conditions : on révèle le dernier lieu de la pioche, le dernier personnage, ou si un joueur a atteint les quatre objectifs.  

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Plateau perso

 

Le petit twist, c’est que nous avons ici un jeu à moteur, mais un moteur un peu particulier, qu’il faudra déconstruire.
Pour acheter de nouvelles cartes, on aura besoin d’une des deux ressources : de l’or pour les personnages et les lieux, et également des tridents comme façon alternative de récupérer les lieux. Jusque là, rien de surprenant. Mais ces ressources, si elles vous sont parfois fournies en petite quantité par votre carte personnage, ne seront en général pas suffisantes pour acheter tout ce que vous souhaitez. De plus, elles ne sont pas persistantes d’un tour à l’autre : si vous ne les utilisez pas, elles sont perdues. Il va donc falloir les trouver ailleurs.

C’est là que les lieux entrent en scène. Mais attention, on n’est pas ici dans un cas simple où un lieu vous donnera une ressource de façon permanente. C’est un peu tout le sel du jeu. Chaque lieu aura une piste d’exploration composée de cases donnant des bonus différents (dont des ressources). Lorsque l’on récupèrera un lieu, on le glissera dans notre plateau jusqu’au début de la piste. La case suivante donne ainsi un bonus que l’on pourra utiliser quand bon nous semblera. On fera alors glisser le lieu dans notre plateau d’une case de plus, cachant le bonus utilisé et mettant à jour un autre disponible. Cela aura un double intérêt : d’une part, utiliser les bonus bien sûr, mais c’est aussi intéressant parce qu’il faudra avoir totalement parcouru la piste d’un lieu pour l’avoir « exploré » et pouvoir éventuellement le transformer en points de victoire. Certains offriront même de nouvelles mantas.

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On est donc bien ici sur un jeu à moteur, mais avec un moteur en perpétuel mouvement : vos cartes personnages qui servent à amorcer le moteur seront certes réutilisables, mais il n’en sera pas de même pour le reste du moteur qui devra se ré-inventer en permanence. On a donc ici un double timing à gérer : celui du rythme de nos cartes qui va devoir aller de pair avec les bonus disponibles des lieux de façon à ce que ceux-ci se combinent au mieux. Certains lieux auront également des cases vides à passer, il faudra donc utiliser des effets pour avancer d’un cran … ou bien utiliser ces mêmes effets pour accélérer l’exploration et transformer plus rapidement un lieu en points de victoire.

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C’est un aspect du jeu qui m’a vraiment séduit. N’aimant pas trop les jeux à moteur, celui-ci me plaît beaucoup plus car on est constamment en train de repenser sa zone de jeu. En ce sens, il me fait un peu penser à l’excellent Paper Tales. Il faudra toujours osciller entre planification sur le long terme et adaptation à la situation actuelle. Certes, on montera en puissance, mais les tours faibles seront toujours présents et il faudra les gérer au mieux. Faudra-t-il minimiser nos tours morts, c’est-à-dire ceux où l’on récupère nos cartes, ou bien allons-nous au contraire maximiser l’utilisation de nos cartes les plus fortes en les récupérant plus fréquemment ?

On déambule, on fait des bulles…

Le dernier point sur lequel je voudrais revenir, c’est au sujet de l’interaction. Celle-ci est assez limitée si on parle d’interaction directe. Quelques personnages comme le Meg vont embêter les autres joueurs, d’autres vont leur donner des bonus mais dans l’ensemble, elle est assez peu présente à la table.

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En termes d’interaction indirecte en revanche, on trouvera, bien sûr, le fait de prendre ou de défausser les cartes convoitées par nos adversaires, mais surtout une course aux objectifs. Enfin une course… tout dépend avec quelle configuration vous jouez. Et oui, le jeu vous réserve une petite surprise, dans le sens où vos premières parties n’auront rien à avoir avec vos parties suivantes, en termes de rythme. Si vous relisez le retour qu’avait fait Atom après le festival de cannes, il nous disait : « Comme c’est une course il faut se concentrer sur ses objectifs et ne pas trop se disperser. » et en effet, les premières parties avec la configuration de base sont bien des courses : il faudra atteindre les objectifs le plus rapidement possible, et un joueur qui serait dans une optique de prendre son temps risque fort de prendre une sacrée raclée. C’est ce qu’il s’est passé sur mes deux premières parties : un rush ciblé vers les objectifs m’a permis de laisser mes adversaires loin derrière en termes de points.

Et puis, pour la troisième, on a remplacé les objectifs de base par des objectifs « avancés » (avoir 10 personnages dans la défausse, avoir un trésor de chaque famille, etc). Confiant, après mes deux premières parties, et jouant en partie avec des débutants, je me suis axé sur la même stratégie… ce qui m’a valu de finir bon dernier. Bon, j’avais mal ciblé mes premiers objectifs, mais clairement, la dynamique du jeu n’était plus la même. La partie, avec ces objectifs là, est beaucoup plus pensée pour durer, et en ce sens, des stratégies sur le long terme deviennent largement viables, voire meilleures.

Le jeu n’est alors plus autant une course, et le gagnant ne sera plus forcément celui qui a accompli les quatre objectifs. Ce n’est d’ailleurs pas forcément ce qui mettra fin à la partie. Et le catch-up (Ndlr – possibilité offerte par le jeu de revenir dans la partie même si on a fait un mauvais départ), très malin d’ailleurs, qui nous force à laisser une de nos mantas quand on remplit un objectif, aura alors beaucoup plus de sens.

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Tout l’monde est heureux sous l’océan…

Atlantes s’avère donc un très bonne découverte pour moi. Si je ne suis pas aussi emballé qu’initialement par son look, ce titre est parvenu à me surprendre. On a peur d’avoir fait le tour du jeu après les premières parties, très rapides. Pourtant, les changements importants qui surviennent lorsque l’on passe aux objectifs « avancés » permettent de modifier en profondeur la physionomie du jeu.

J’ai une petite inquiétude sur sa durée de vie néanmoins : je crains qu’on fasse trop rapidement le tour des personnages, et que sans véritables « identités » les lieux finissent par se ressembler tous. Cela dit, peut-être qu’approfondir le jeu viendra là encore démentir cette impression et que certains lieux orientent plus les stratégies qu’on pourrait le croire à première vue. 

Soulignons que le jeu est clairement prévu pour avoir des extensions, que ce soit de nouveaux lieux ou de nouveaux personnages, mais aussi probablement une extension pour jouer à cinq, comme le laisse suggérer le plateau et ses cinq emplacements par objectifs.

À voir donc, dans le temps, si on aura envie de replonger… et ce que les probables futures extensions apporteront à cette base intéressante. Rendez-vous dans un futur Test ! 

 

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