Après douze ans d’existence, le studio montréalais Triton Noir tire sa révérence. Dans un long message publié récemment, son fondateur revient sur les raisons de cette fermeture. Un dernier mot mêlant bilan économique, regard sur le secteur mais aussi fierté du travail accompli.

Fondé en 2013 par Thibaud de la Touanne, vétéran du jeu vidéo ayant œuvré sur une vingtaine de titres depuis les années 1990, Triton Noir s’était donné une mission : créer des jeux de société exigeants, immersifs et portés par une vraie vision d’auteur. La maison s’est fait connaître en 2016 avec V-Sabotage, un jeu tactique d’infiltration coopératif dans l’univers de la Seconde Guerre mondiale, qui donna ensuite Assassin’s Creed: Brotherhood of Venice, adaptation ambitieuse de la licence vidéoludique d’Ubisoft, parue en 2021.

Dans son post mortem détaillé, l’éditeur met des mots clairs sur une série de coups durs qui ont fragilisé l’entreprise au fil des ans, malgré ses réussites. Déjà des difficultés avec un premier distributeur français qui traversait lui-même une crise sur V-Sabotage, entraînant la perte d’un tiers du stock du titre, et un manque à gagner de plus de 25 000 dollars. Puis, la crise du fret maritime post-COVID, qui a fait exploser les coûts logistiques sur Assassin’s Creed: Brotherhood of Venice : de 34 500 à plus de 218 000 dollars US, soit six fois le budget initial. Malgré une contribution supplémentaire demandée (et le remboursement complet en cas de refus), l’opération s’est soldée par une perte nette de 102 000 dollars. À cela s’ajoute la faiblesse du dollar canadien, un marché saturé et une difficulté croissante à émerger face à des milliers de nouvelles sorties chaque année. Le refus d’aller sur Amazon, et une communication parfois « trop discrète » ont sans doute aussi contribué à limiter la visibilité de la maison, explique encore Thibaud de la Touanne. 

La dernière campagne, Gods Heist, devait être un nouveau départ pour les salariés du studio montréalais. Ce fut finalement le coup d’arrêt : la campagne n’a atteint qu’un tiers de son objectif, malgré un jeu quasiment finalisé.

Au final, Triton Noir tire le rideau la tête haute. Dans un contexte de crise de plus en plus délétère, ils peuvent se targuer d’avoir vécu douze années d’indépendance sans investisseurs, avec deux jeux phares et neuf extensions livrées, toutes les campagnes Kickstarter honorées – y compris la dernière, Assassin’s Creed: Apocalypse, livrée malgré un trou de 65 000 dollars dans la trésorerie.
Un grand bravo à l’équipe pour le chemin parcouru !  

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