Above – Échec et mat au pantheon de l’Olympe

Rien de tel pour parfaire son parcours de reviewer padawan, que de sortir de temps en temps de sa zone de confort. Moi qui suis d’ordinaire plutôt spécialisé dans les jeux coopératifs ou en solitaire, avec Above, c’est chose faite ! Pour être franc, il fait même presque figure d’OLNI, car il se place dans la niche des jeux abstraits en duel. Sortis de Patchwork, de Stratego, et bien sûr des jeux traditionnels type jeu d’Échecs, Go, jeux de Dames ou autres Awale, il faut dire qu’ils ne sont pas foule dans ma ludothèque.

Dans ce jeu aux parties courtes et pouvant se jouer également en équipe de 2 joueurs, vous allez contrôler à tour de rôle des divinités du panthéon grec, pour être le premier à faire atteindre l’une d’entre elles le sommet du mont Olympe.

Above est un jeu atypique, déjà par le format étonnant de sa boite, grande, fine et plate, et puis par son goût de jeu d’échecs revisité avec des mécaniques modernes. Above, c’est aussi « cocorico », un titre 100% français : par son auteur Yves Charamel-Lenain (avec son premier jeu édité), son illustratrice Maëva da Silva (Deus, Château Aventure, Yggdrasil Chronicles…) et son éditeur Don’t Panic Games.

Allons regarder tout cela de plus près…

 

Simple mais classe

Côté matériel, c’est épuré presque minimaliste : 1 plateau à assembler (à l’aide de stickers double face qui collent très bien), 1 livret de règles, 8 figurines, 16 cartes, 24 jetons, c’est tout ! Si le prix peut sembler un peu élevé, c’est sans doute à cause de son format inhabituel. Le plateau est un assemblage de 7 tuiles circulaires, très larges pour certaines, formant le mont Olympe en relief. Côté esthétique, rien à redire, les illustrations sont bien fraîches et de qualité. Les figurines en caoutchouc rigide son agréables à manipuler. En bref, c’est un beau jeu !

 

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Contrôler des Divinités pour les Nuls

Le livret de règles est très clair, aéré et agréable à lire. Elles sont de plus faciles à assimiler. L’objectif est simple : dès qu’une figurine atteint le sommet, le joueur dont c’est le tour gagne immédiatement la partie. Pour un tour des règles en vidéo, avec ce Ludochrono c’est du tout cuit.

Après une mise en place générant le placement aléatoire des 8 divinités et de 8 jetons sur le plateau, chaque joueur dispose du même lot de 8 cartes représentant chacune une divinité, dont la figurine est située au départ au bas des marches du mont Olympe. Les joueurs agiront sur les mêmes éléments de jeu (jetons et divinités). Placer un jeton ou avancer une divinité peut donc aussi bien vous donner un avantage que le donner à votre adversaire. Ainsi, les joueurs commenceront chaque partie avec un égalité de chances totale.

Le tour de jeu est expliqué en une demi-page. Je vous le transmets en trois lignes. Chaque joueur effectue son tour en 3 étapes :

  • Retourner une carte Divinité pour activer celle-ci
  • Déplacer la figurine de cette divinité d’une case vers l’avant ou sur les côtés
  • Activer le pouvoir de cette divinité.

 

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Chaque divinité à un pouvoir unique. Par exemple, Zeus placera un jeton Foudre n’importe où sur le plateau, ce jeton empêchera une divinité arrivant sur une case adjacente de déclencher son pouvoir. Aphrodite permettra à une autre divinité de se déplacer en plus d’elle-même. Hades fera vous fera placer un jeton Portail sur le plateau, qu’une autre divinité pourra emprunter…

Chaque carte ne pourra être activée qu’une fois par joueur, jusqu’à ce que ce dernier les retourne toutes face épuisée. Il retournera alors toutes ses cartes face disponible, puis elles seront à nouveau prêtes à être activées. Vous savez tout ! 

Des débuts difficiles

Cela dit, ne vous fiez pas à la simplicité des règles. Above va demander de nombreuses parties pour se faire la main. À la manière d’un jeu d’échecs (vous remarquerez que cette comparaison est récurrente dans l’article !), pour savoir jouer, il sera nécessaire de connaître sur le bout des doigts le pouvoir de chacune des 8 divinités et d’avoir une vue d’ensemble des possibilités qui s’offrent à vous lors de votre tour. Il faudra également s’approprier cette notion de tempo imposé par les cartes Divinités, qui se renouvellent une fois toutes épuisées. Et plus encore, il faudra assimiler et accepter le fait que dans un jeu compétitif, vous et votre adversaire agissiez exactement sur les mêmes éléments du plateau. Pas simple !

 

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Vous l’aurez compris, c’est un jeu qui demande de l’entrainement, et qui n’apportera vraiment du plaisir qu’avec le temps, en le pratiquant régulièrement avec son ou ses partenaires. À l’inverse il peut laisser perplexe après les premières parties, où les ficelles du jeu ne seront pas maîtrisées. Il ne m’apparaît donc pas comme un jeu que l’on sortira une fois par an, aux anniversaires ou à Noël !

Un manque de starter ?

Il faut le dire, les débuts de parties sont un peu erratiques. Les divinités étant situées très loin de la dernière marche du mont Olympe, il n’y a à première vue aucune opportunité qui se dessine suite au placement aléatoire des jetons, aucune menace adversaire qui plane, aucune trame stratégique à élaborer à ce stade, sauf si l’on s’appelle Kasparov et que l’on peut calculer 10 coups d’avance avec de nombreuses évolutions possibles. Il y a une infinité de possibilités de départ… et aucun vrai dilemme. C’est là le principal hic qui me pose problème avec Above.

Dans le doute, je mets cela sur le compte de mon manque d’expérience et décide de m’entraîner sur plusieurs parties. Au final, je me rends compte que les débuts se ressemblent : on passe les 6 à 10 premiers coups (un bon tiers de la partie) de manière quasi-aléatoire : « Je ne vois pas trop quoi jouer en particulier, allez, au pif, je joue ça… ».

L’explication me semble être la suivante : comme je le dis plus haut, en début de partie l’objectif de victoire est lointain. Il n’y a pas de parcours facilement traçable pour y parvenir, pas d’objectif intermédiaire ou d’avantage à acquérir en cours de partie, qui pourrait motiver une stratégie de départ. Non, tout s’intensifie seulement à l’approche de la tuile supérieure, et on sent la partie vraiment démarrer qu’après sa première moitié. Je pense que c’est sur cet aspect qu’Above peut diviser. C’est assez perturbant pour un joueur comme moi. J’ai personnellement besoin de pouvoir me construire une stratégie de départ, et d’être tenu en haleine tout le long de la partie pour pouvoir accrocher à un jeu. Est-ce la même chose pour vous ?

 

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Euuuuh. Qui dois-je avancer en premier ?

 

Il me manque peut-être quelques grosses dizaines de parties supplémentaires (et peut être quelques neurones) pour maîtriser le jeu à la perfection et commencer à percevoir des opportunités jusque dans la matrice de départ. Seulement, j’admets qu’il n’est pas dans ma nature de m’investir autant si je n’ai pas été galvanisé pour le faire.

 

Je n’en suis pas encore là !

Je n’en suis pas encore là !

 

Comme je ne peux m’empêcher de proposer des remèdes, je pense qu’il aurait pu être judicieux de placer les divinités plus haut sur les marches lors de la mise en place (ou si vous préférez de supprimer quelques marches), faisant démarrer la partie au plus proche de l’action, de la tension, évitant ce départ quelque peu flottant et hasardeux. Mais je ne voudrais pas faire du design de comptoir et je respecte les choix de l’auteur !

 

Il ne peut en rester qu’un !

Bref, cela dit, les premières stratégies naissent une fois le cap du début de partie franchi. Elles tournent autour des deux idées suivantes :

  • L’alternance des tours. Cela parait logique avec ce type de jeu : il faudra se projeter plusieurs tours à l’avance et prévoir un enchaînement de déplacements de divinités et de leur pouvoir. Toujours sans donner l’avantage à votre adversaire, ce qui n’est pas facile à appréhender.
  • Le tempo des cartes Divinité. Il faut observer avec acuité les cartes retournées ou disponibles aussi bien chez vous que chez l’adversaire. Athéna vous permettra d’accélérer votre propre rythme en vous faisant retourner 2 cartes, alors que Héra vous permettra de retourner une carte adverse, contrant les plans de l’adversaire.

« Elle va vouloir avancer Déméter, mais si je lui retourne sa carte avant qu’il ne la joue, elle va devoir attendre de retourner toutes ses cartes pour pouvoir la jouer de nouveau. Pas bête la belette… »

Rien qu’avec cela, il y a matière à cogiter à l’infini… Les tours prendront plus de temps, on observe tout le plateau en détail, les cartes de l’adversaire, on essaye de percevoir son jeu et de le désamorcer. C’est une bataille de cortex pure et dure sans aucun facteur aléatoire venant la parasiter.

 

J'ai capté ton jeu, baby

J’ai capté ton jeu, baby

 

Ensuite, on escalade un peu plus le mont Olympe et la tension monte subitement. À quelques encablures de la dernière marche, laisser une opportunité à l’adversaire vous sera systématiquement fatal. Ainsi, Above est typiquement un jeu au déroulement en crescendo, avec des débuts de parties hésitants et des fins tendues et exigeantes sur la réflexion.

 

Avancer Arès sur la dernière marche, c’est donner à l’adversaire la possibilité de finir la partie… Mais non, regardez, il ne peut pas le jouer, et ma carte Arès sera disponible avant la sienne… Capitch ?

Avancer Arès (en rouge) sur la dernière marche, c’est donner à l’adversaire la possibilité de finir la partie… Mais non, regardez, il ne peut pas le jouer, et ma carte Arès sera disponible avant la sienne. Donc c’est gagné !… Capitch ?

Et à 4 joueurs ?

Il manque une pièce à mon échiquier. Hélas, je n’ai pu tester Above à 4 joueurs. Sans vouloir ne m’appuyer que sur des rumeurs, j’ai entendu et lu que les sensations de jeu étaient plus plaisantes en équipe.

Quelle différence ? Une de taille. Les équipes se répartissent aléatoirement les divinités en début de partie. Il est donc possible que les équipes aient deux cartes de certaines divinités et aucune d’autres, créant un jeu asymétrique. Ne serait-ce pas là la source du plaisir ? 

De plus, les cartes ne sont pas retournées mais défaussées dans une défausse commune. Il est possible aux équipes de récupérer des cartes de leur choix lorsqu’ils refont leurs mains et donc de supprimer des possibilités aux adversaires. Encore plus d’options stratégiques donc, à condition d’être bien réveillé !

 

Le verdict

En résumé, Above est un joli objet de collection, avec sa direction artistique fraîche, ses figurines agréables à manipuler et son beau plateau tout en relief. C’est un jeu atypique, vraiment destiné aux amateurs de jeux abstraits en duel dépourvus d’issue aléatoire.

Bien qu’il n’ait pas été un coup de cœur pour moi, il semble faire l’unanimité ou presque chez les joueurs de jeux abstraits plutôt cervelés [NDLR : ne cherchez pas, ce mot n’est pas dans le dictionnaire]. C’est pourquoi il est important que vous vous forgiez votre propre idée sur ce jeu. Il est très probable qu’en tant qu’amateur du jeu d’Echecs, vous allez accrocher à Above car il met en branle la même réflexion logique, en ajoutant des mécaniques nouvelles comme la gestion des cartes.

À l’inverse, un public qui n’est pas particulièrement attiré par ce type de jeux pourrait avoir du mal à s’y plonger, car il ne va pas vous tendre les bras. Les débuts de parties peuvent être laborieux ou déstabilisants, et le fait de contrôler tout le jeu en commun avec son adversaire est difficile à appréhender. Malgré des règles simples, il nécessite un réel effort d’apprentissage et il faudra y jouer un certain nombre de fois pour commencer à l’apprécier à sa juste valeur.

Alors serez-vous prêts à franchir le pas, ou plutôt la marche, la réponse c’est maintenant vous qui l’avez !

 

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2 Commentaires

  1. Polpoy 15/05/2020
    Répondre

    Sans avoir essayé, et c’est sans doute un poil plus laborieux, il est possible d’appliquer la règle pour 4 joueurs en y jouant à 2 (avec 2 mains de cartes donc).

    • Groule 15/05/2020
      Répondre

      Bonjour Polpoy, je me suis dit la même chose en écrivant cet article, à quelques mots près : « pourquoi ne pas essayer de répartir les cartes aléatoirement à 2 joueurs ? »

      On aurait ainsi  une partie du plateau qui serait identifiée comme appartenant à l’adversaire (les divinités dont il possède les cartes en double). Cela aiderait probablement à orienter un peu plus les choix stratégiques. Et de plus le mode 4 joueurs à de bons retour. J’encourage à tester 😉

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