À quoi tu joues ? #12 Agricola, Maiko, Deblok, Guardians of Legends, Kitchen rush, Lorenzo Extension, Mountains
Agricola (Funforge)
« À chaque fois que je sors Agricola, je sais pourquoi je l’aime. Il me donne toujours une grande sensation ludique, riche en frustration mais aussi en réussite. C’est un des jeux les plus thématiques que je connaisse, grâce à ses cartes multiples, toutes différentes, qui donnent vie à votre ferme.
Agrémenté de son extension indispensable les fermiers de la lande, d’un draft initial des Savoir-Faire et Aménagements, le jeu brille du début à la fin, chaque mouvement étant pesé.
Ajoutez-y une tablée d’habitués et vous obtenez une grande expérience joliment équilibrée. La règle est finalement bien plus simple que les mastodontes actuels tels Anachrony, The Gallerist ou Lisboa et le tout se cantonne à 2h30 de jeu sans le draft.
Au-delà de ses actions vraiment simples dont l’originalité réside finalement dans le fait que des ressources s’y accumulent (pas tant de jeux font cela avec du recul), actions combinées aux actions gratuites de l’extension qui donnent encore plus de dilemmes et rend la position de premier joueur un peu moins avantageuse (juste un peu :-)), l’ensemble prend tout son sens dans la tension pour nourrir sa famille et chauffer sa maison. C’est là le coeur de la partie : former un moteur pour pouvoir penser à agrandir sa famille et marquer des points sur les différents tableaux. À ceci s’ajoute une surveillance nécessaire des autres joueurs, pour éviter de perdre une case convoitée, ou bloquer les autres.
Enfin, pour terminer cette alchimie, voici les cartes. Les cartes apportent une variété aux actions de base. Une variété qui ne signifie pas victoire car elles coûtent de précieuses actions à poser, voire des ressources. Peser chaque pose de Savoir Faire est essentiel.
Et voilà, vous obtenez une savante alchimie qu’aucun autre jeu ne m’apporte. Si je ne connais pas toutes les sorties de Rosenberg dans la même veine, je connais son évolution initiée avec Caverna pour retirer ce qui fait la vraie originalité du jeu, selon moi, sa difficulté à nourrir pour aller au-delà de cette contrainte.
Agricola est un grand jeu qui n’est pas encore prêt d’être détrôné dans son style. » The Good The Bad and The Meeple, podcasteur fou.
Ndlr : Sachez que pour fêter les 10 ans de Agricola une édition spéciale révisée par Uwe Rosenberg est sortie (en France chez Funforge). L’auteur a épuré les cartes (moins nombreuses dans cette nouvelle version) pour éviter certains bugs ou déséquilibres constatés par les joueurs au fur et à mesure des années. La mécanique du jeu a été optimisée par rapport à la première version du jeu, tout comme le matériel, plus qualitatif. À lire aussi : Just played, Test.
Deblok (Asmodee)
« Deblok (initialement Match Madness de Jeppe Norsker) est un jeu type casse-tête qui s’explique en une seconde : on va ajuster des cubes avec des symboles pour reproduire la combinaison indiquée sur une carte. Plus précisément, chaque joueur dispose de 5 blocs qui comportent chacun
8 symboles. La carte indique un schéma plus ou moins simple à reproduire.
Les cubes se manipulent dans tous les sens, à vous de retrouver les symboles qui correspondent à la figure demandé. On se prend la tête, on croit y arriver et PAF ! ce n’est pas la bonne face… Aaargh ! Observation rapidité… On connait déjà ce genre de principe, il reste excellent, et Deblok ne démérite pas avec 60 défis et 5 niveaux de difficulté.
Seule remarque qui a son importance : au bout de 3 parties, certains autocollants sur les faces commencent à se décoller. C’est bien dommage. » Morlock (oui les Small is beautiful, c’est lui).
Kitchen Rush (GaG)
« Kitchen Rush propose une expérience atypique (pour ceux et celles qui ne travaillent pas dans la restauration du moins) : gérer en coopératif le coup de feu en cuisine d’un restaurant. Les joueurs doivent réaliser différentes actions en gérant deux personnages chacun plus un apprenti commun. Prendre les commandes, acheter des ingrédients et des épices au marché, préparer et enfourner les plats, gérer le stock, épicer les assiettes, faire la vaisselle… le tout en 4 manches de 4 minutes. Il faudra préserver la notoriété de l’établissement, à savoir remplir un objectif de difficulté variable défini en début de partie.
Les sabliers représentent nos commis de cuisine que l’on retourne sur l’action choisie du plateau. On doit ensuite attendre de façon plus ou moins impatiente la fin de l’écoulement du sablier avant de l’envoyer sur une autre tâche. Ce principe marche très bien et rend la partie très fun. À nous de bien décider en début de manche qui fait quoi mais cela se passe souvent avec les imprévus, style : “Au secours, y a plus de légume pour mon plat, qui va acheter des légumes ? Vite…”…”Euh, pas le temps, je dois enfourner d’abord…” ou bien “Qui fait la vaisselle ? Y’a plus d’assiettes propres…”. Bref, le temps qui s’écoule met bien la pression et le mode panique n’est jamais très loin…
En fin de manche, on décompte plus calmement la pertinence culinaire des plats servis donnant des points de prestige et des sous nécessaires au paiement de nos employés. Le jeu offre du défi et demande une bonne coordination, la réussite est tout de même pas mal liée au tirage des cartes commandes et leurs ingrédients demandés qui peuvent être déjà disponibles ou pas…
La mayonnaise prend bien et le jeu est pimenté par plusieurs éléments additionnels : les cartes événements, des nouveaux plats à base de poisson, des objectifs de niveaux de difficulté variés, une mini extension introduisant le vin… de quoi bien s’amuser ! Attention, à force de préparer tous ces bon petits plats, le jeu creuse l’appétit et donne envie d’aller au restau, mais du côté de la salle à manger et non plus la cuisine ! » Zuton, gourmand intrépide. À lire aussi : Just played, test.
Lorenzo il Magnifico : extension Houses of Renaissances (Cranio)
« Lorenzo il Magnifico est une création de Flaminia Brasini, Virginio Gigli et Simone Luciani. Une mécanique de pose d’ouvriers, et de construction de tableau. On va acheter des cartes pour des bonus immédiats ou bien pour les activer plus tard et gagner des ressources, des points de victoire, etc.
Les actions sont impactées par la valeur des 3 dés lancés au début de la manche. Ces dés sont les mêmes pour tout le monde. Zuton nous en avait déjà parlé dans son article (Just played, test), je ne vais donc pas y revenir plus en détail, je veux juste parler du cas de l’extension. Est-ce que celle-ci est indispensable ?
Elle propose d’abord une plus forte asymétrie, au début de la partie on peut ajouter des familles. Pour les acquérir un système d’enchères qui induit nos ressources de départ. Celles-ci ont un pouvoir qui peut être intéressant d’utiliser pour la partie. Nous avons aussi de nouvelles cartes leaders, ainsi qu’une tour supplémentaire avec des cartes en plus.
Pour cette extension, les auteurs ont fait le choix de la modularité. Et en effet couplé au jeu de base, il y a peu de chances que vous fassiez la même partie. J’ai beaucoup apprécié le système des familles qui induit une façon de jouer, pour le reste, cette 5e tour je la trouve un peu dispensable, en plus selon où vous serez placé à la table vous risquez de la snober.
En même temps, comme elle ajoute un nouveau lieu elle réduit un peu l’interaction (à 4 ça diminue un peu l’interaction douce amère du jeu). Le gros problème de ces nouvelles cartes, c’est que certaines ajoutent des jetons que l’on pioche au hasard. Ceux-ci donnent des ressources, des effets, tout plein de trucs super chouettes, mais bon, déjà vous aurez noté le côté hasardeux, il m’est arrivé dans une partie de prendre que des bonus inutiles pour moi, par rapport à mon jeu (si si)… Mais le gros problème c’est qu’ils vont vous obliger à plonger dans la règle pour les comprendre. On s’est retrouvés dans la situation où on était 3 joueurs à ne pas avoir la même interprétation sur un jeton et on n’a pas trouvé de réponses dans la règle. Finalement un peu penauds, on a choisi de faire tirer un nouveau jeton. Carton rouge.
Mis à part ce détail, nous sommes dans un jeu qui a fait ses preuves et avec ou sans l’extension, il est vraiment très bon si vous aimez pester, râler, souffrir car toute la partie vous devez sans arrêt arbitrer vos choix à la lumière des actions des autres joueurs. J’aime. » Atom, chroniqueur masochiste.
Mountains (Haba)
« Moutains nous propose de prendre l’air et de partir en rando, le joueur qui aura collecté le plus de tampons sur son passeport remporte la partie.
Tous les joueurs commencent avec 4 cartes en main qui représentent des objets dont nous avons besoin pour partir en randonnée : des lunettes de soleil, un thermos, des crampons, etc.
Quand c’est notre tour, nous allons attaquer une randonnée, c’est-à-dire prendre une des cartes randonnées sur le plateau. Pour réussir notre escapade, il nous faudra avoir les objets représentés sur la carte. La carte randonnée que j’ai tirée me propose un réchaud, un piolet, et un briquet, ça tombe bien, j’ai le réchaud et le piolet, mais il me manque le briquet. Je vais donner un cube (ressource du jeu) à un joueur pour qu’il me prête pour cette expédition le briquet, s’il l’a il la pose face visible et je réussis mon périple. S’il ne l’a pas je peux arrêter ou demander à un autre joueur en lui donnant un nouveau cube. Je peux aussi arrêter là pour ne pas dépenser de cubes.
Les cartes rando sont organisées par difficulté et on choisit à quoi on va se confronter. Des cartes faciles qui ne demandent que 2 ou 3 objets, ou bien plus. Quand on réussit une randonnée, on gagne la récompense : des cubes, mais aussi les tampons que l’on va pouvoir appliquer sur son passeport.
Plus on avance et plus on va mémoriser qui possède quoi. Pendant la partie, on pourra peut-être acheter (toujours avec nos cubes) de nouvelles cartes qui vont nous donner de nouvelles possibilités pour aller chercher les autres objets plus loin sur la piste.
Mountains est un jeu de mémoire malin, qui demande un peu de concentration. On se rappelle que Vincent a un piolet, c’est Mathilde qui a le réchaud et Julien les crampons. Les petits cubes que l’on dépense tournent de joueur en joueur, vous n’êtes jamais bloqué, car on aura besoin de vos objets c’est inévitable.
La partie avançant, on va probablement mémoriser qui possède quoi, mais c’est aussi le moment où il faut prendre plus de risque et aller chercher les cartes les plus chères, du coup elles demandent aussi bien plus d’équipement… De plus, il est probable qu’un ou plusieurs joueurs aient enrichi leur main entre temps.
J’ai vraiment adoré son mécanisme et son interaction sympathique, son seul défaut, que l’on retrouve dans la plupart des jeux de mémoire : compliqué d’enchaîner les parties, car notre mémoire va être polluée par la session précédente !
Mountains a pour lui un thème agréable et peu usité et un matériel sobre mais efficace, le tout avec un thème cohérent.
Un vrai coup de cœur pourtant dans un style qui n’est pas mon genre de prédilection. » Atom, randonneur de table.
Maiko (Don’t panic games)
« Maiko revisite le Memory dans un univers japonais graphiquement très stylé (que l’on doit à Jemma Salume).
Vous voilà geisha et devez rassembler des paires d’objets à votre couleur. Le plateau est grand et si vous jouez à 3 ou 4 joueurs, vous aurez pas moins de 81 tuiles à installer avant de pouvoir jouer. Une fois ceci fait, vous pourrez, à l’instar d’un Mémory classique, commencer à retourner deux tuiles en espérant tomber sur des paires.
Un peu comme Gigamon, Maiko propose un Mémory avec des pouvoirs. Certaines tuiles ne sont pas des objets, mais des « amis » qui vous donnent des jetons Kamon, dépensables chez l’un des 4 « Professeurs » pouvant vous aider dans votre objectif. La subtilité de Maiko réside dans le fait qu’il vous faut compléter votre tableau personnel avec des paires d’objets demandés, mais assortis à votre couleur. Le décompte final des points est tranchant : si vous avez des paires d’objets d’une couleur qui n’est pas la votre, ils vous vaudront -1 point par tuile. Donc rusher sur les paires sans prendre cela en compte vous enverra droit dans le mur.
Je ne vais pas vous mentir : Ma première partie de Maiko fut interminable (et aurait bien pu être la dernière). Nous étions deux joueuses averties et avons surtout foncé sur le pouvoir du Professeur qui permet de voir secrètement 6 tuiles, dépensant nos Kamons là-dedans dès que possible. Quand on cherche la les bonnes tuiles dans tout ça, c’est indubitablement un pouvoir très intéressant. Mais retenir secrètement 6 tuiles, c’est beaucoup, c’est trop, et à la longue, ça ralentit le rythme de la partie. À la fin de cette session découverte, j’étais dubitative sur le jeu car il ne s’était pas passé grand chose en dehors d’un Mémory où l’on peut, parfois, regarder 6 tuiles en secret. Peu d’interaction, peu de fun.
Mais j’ai voulu lui donner une seconde chance, qui fut suivi de plusieurs autres parties. Cette deuxième partie s’est déroulée très différemment, avec zom et MiniSha. Nous avons piqué les objets des autres, parfois volontairement mais le plus souvent non, puis avons utilisé le pouvoir permettant d’aller les récupérer sur les plateaux adverses. Surtout, nous avons beaucoup ri en particulier devant nos propres erreurs (« Mince j’étais certaine que c’était mon kimono, bon désolée, je te prends le tiens ! »). Remplir son plateau d’objets dépareillés n’est pas une bonne chose mais il y a des moyens de nettoyer ça. Attention, récupérer un objet qui vous appartient chez le copain, c’est aussi lui faire le cadeau de lui enlever un point négatif… Donc à vous de voir. Au final, je craignais que la configuration 3 ou 4 rende le jeu interminable mais il le rend surtout plus vivant. » Shanouillette, qui a encore perdu son éventail.
Guardians of Legends (Lubee)
« Avec Guardians of Legends, je n’avais vraiment pas d’attente. Encore un petit-fils de Dixit avec de la communication par image interposée ? Après Mysterium, Shadows Amsterdam, Greenville 1989, One key, Detective club… Ouch voilà un segment bientôt aussi saturé que les roll & write ! Autour de la table, mes deux partenaires de jeu y allaient franchement à reculons, pour cette raison. Et personnellement, la grande chasse au trésor lancée par l’éditeur et permettant de gagner plus de 200 000€ aura eu tendance à me mettre sur la défensive. Quel jeu a besoin d’une telle orchestration pour exister ? Bref, laissons tout cela de côté, et jouons !
Premier tour, on râle encore un peu, pour la forme : « Comment vais-je bien pouvoir vous faire devenir quelle île est la mienne avec tout ça ? ». En effet, un ensemble de tuiles représentant des îles minutieusement illustrées sont placées devant tous les joueurs. Vous avez chacun trois cartes Lieux qui secrètement indiquent quelles îles sont les vôtres. Puis, nous sortons des cartes postales qui sont en fait de très grandes illustrations (belles et détaillées). Là dessus, nous plaçons de petits jetons, comme des flèches, pour montrer un détail de l’image à nos camarades. Ce détail est censé leur dire quelle île est la notre. Montrer le serpent, la couleur de l’eau, la forteresse en bois… Trouver sur l’image un lien, « le » détail, quelque chose qui permettra, si possible du premier coup, aux autres de définir quelle est votre île parmi la vingtaine présente.
Tout le monde joue simultanément : aucun temps mort. Et dès que vous avez terminé, vous pouvez commencer à chercher vous-mêmes les indices laissés par vos copains, histoire de trouver leur île, sachant que vous aurez un bonus si vous y arrivez en premier. Vous avez donc intérêt à vous dépêcher et cette pression du temps est, comme dans Shadows Amsterdam, un vrai plus pour le dynamisme de la partie.
Par rapport à ses aînés, Guardians n’est pas une révolution, mais il apporte ce que les politiques appelleraient du changement dans la continuité ! On ne montre plus une image en espérant que les autres trouvent le détail qui tue, on montre nous-même le détail qui tue, en espérant que les autres puissent lui donner du sens et saisir ce qu’on a voulu dire dans un ensemble d’images. Et ça marche ! Avec la pression du temps, dès le deuxième tour, je peux vous dire que plus personne ne perdait son temps à maugréer autour de la table : on jouait tous la gagne oui !
Bref, ce Guardians of Legends, très joliment édité et illustré avec soin, s’avère une belle surprise dans son style, nerveux et compétitif. Il nous reste à voir ce que donne le jeu avec les pouvoirs spéciaux, car oui, il existe un mode un peu plus poussé où quand un joueur fait découvrir son île, il active son pouvoir qui offre un malus ou un bonus. » Shanouillette, en quête de trésors.
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morlockbob 02/06/2019
Pas convaincu non plus par cette extension LOrenzo. Déjà les leaders du jeu de base ne sont pas tous du même intérêt, ici c’est démultiplié. Je jetterai bien un oeil sur le KS, par curiosité, mais ce jeu se suffit à lui même.
znokiss 06/06/2019
Merci pour cette chronique, qui présente autant des trucs récents que des anciens qu’on ressort, ça change un peu dans ce raz de marée de nouveauté qui arrose le loisir.
J’ai maintenant envie de refaire un Agricola, et Mountain est passé en haut de ma liste d’achat.