Karman Swap : belote spatiale

Quand 49 ans comme moi tu auras, moins en forme tu seras, mais aussi plus d’originalité tu chercheras. Parce qu’après 35 ans d’expérience ludique, ce n’est pas tous les jours qu’un jeu nous surprend. Alors quand j’ai vu Karman Swap, j’ai été intrigué. Semi-jeu de plis matiné de jeu de plateau, il nous amène dans l’espace où nous allons coloniser des planètes pour observer des espèces s’entredévorer, le tout à grand renfort de combo
Son auteur, Serge Magascar, n’en est pas à son coup d’essai, on se rappelle de Seeders, un jeu dans l’espace multigenres. Karman Swap se trouve dans le même univers, chez le même éditeur, Sweet Games. Mr Magascar n’est pas que créateur de jeux, il enseigne les Sciences de la Terre à l’Education Nationale. Autant dire qu’il a une grande expérience des milieux hostiles.

Une vue d’ensemble du jeu.

 

 

Belote dans l’espace

Karman Swap est un jeu de « cartes ». Il y en a de 3 couleurs différentes qui vont de 0 à 8 : les créatures peuplant les planètes. En plus de ces 27 cartes créatures il y a 9 cartes vaisseau pour aller coloniser de nouvelles planètes.
En début de manches, toutes les cartes sont distribuées entre les joueurs et le marché. Sur la table se trouve un plateau planète avec des emplacements vert, bleu et rouge, et des points de victoire associés. Chaque planète est unique avec un nombre variable de slots par couleur. Quand c’est au tour d’un joueur, il va soit jouer une carte créature sur une planète, soit jouer un vaisseau autour de la planète pour lancer une colonisation, soit « passer son tour ».

 

Sur les planètes, les créatures se dévorent pour faire vivre l’écosystème.

Pour jouer une créature, il faut qu’un emplacement de la bonne couleur soit disponible sur une planète. Ensuite nous allons checker la « Prédation ». Les cartes Rouges sont les carnivores qui mangent les cartes Vertes (les herbivores). Les Herbivores vont éliminer les décomposeurs (les cartes Bleues) qui décomposent les carnivores. La boucle est bouclée. Si vous avez un doute, un joli serpent est représenté sur chaque planète pour rappeler qui mange qui dans cette histoire. Mais pour qu’il y ait prédation, il faut que la carte jouée soit de plus forte valeur que la carte exterminée. Dans ce cas je vais récupérer des gemmes. Plus la carte éliminée est forte, plus je reçois de gemmes. Ces gemmes sont à la fois des points de victoire, mais elles peuvent également être consommées avec une carte pour booster sa puissance (bref je sacrifie des points de victoire pour rendre une carte plus forte). Comme les gemmes sont communes aux deux joueurs de l’équipe, il faut bien se mettre d’accord sur la pertinence de la dépense. Cette composante coop ajoute un brin de dialogue sans alourdir le jeu ou nuire à la durée d’une partie. 
La carte éliminée n’est pas retirée de la partie mais va rejoindre le marché. Et oui dans Karman Swap une carte n’est jamais « morte », toute carte retirée peut être potentiellement récupérée par n’importe quel joueur à son tour via des effets de cartes. Une excellente idée qui va ouvrir la voie à de beaux combos comme nous allons le voir.

 

les cartes défaussées sont placées au marché.

 

Car prédation ou pas, chaque carte dispose également d’une « capacité ». Les cartes de faible valeur ont des capacités plus intéressantes que les plus fortes, ce qui rend chaque carte intéressante. Et autant dire qu’entre les effets de swap, de récupération et d’enchaînement, il y a moyen de faire un beau tour de jeu. En effet, chaque carte posée déclenche ses effets quelque soit la façon dont elle est arrivée en jeu. Et c’est là le gros atout de Karman Swap : la satisfaction du beau coup. Comme pour Invention Evolution Of Ideas, dans la même situation avec les mêmes cartes en main, un joueur découvrant le jeu posera une carte et fera une prédation alors que l’expert à l’œil aguerri déclenchera une succession d’effets et pourra réaliser 2 à 3 prédations en un seul tour de jeu.

Deuxième action possible : la colonisation. C’est là que vont intervenir les vaisseaux. Un joueur déclenche une colonisation en plaçant une carte vaisseau près d’une planète. Le joueur suivant va pouvoir jouer à son tour un vaisseau, ou concéder la colonisation à l’équipe adverse. Dans tous les cas la colonisation s’arrêtera une fois un tour de table bouclée, et c’est alors le vaisseau le plus puissant qui l’emporte. C’est dans cette phase que j’ai trouvé le côté coop le plus abouti. Il faut faire attention à ne pas lancer une colonisation alors que notre partenaire n’a pas de vaisseau en main au risque d’offrir une planète à nos adversaires.
Gagner une colonisation procure beaucoup de points de victoire. La planète colonisée n’est plus accessible pour jouer des cartes créatures. Mais les perdants vont pouvoir mettre une nouvelle planète en jeu et prendre chacun une carte du marché, un coup de pouce bienvenu.

Troisième possibilité : passer. Cela permet de défausser 2 cartes pour en récupérer une du marché, ou de simplement défausser une carte. Nous n’avons pas trop perçu l’intérêt de cette action qui reste assez anecdotique. Généralement il est plus intéressant de jouer une carte sauf si cette dernière ne nous rapporte rien alors qu’elle offre à nos adversaires une opportunité.

Pour les règles complètes, saut dans l’hyperespace par ici

Dans l’espace, personne ne t’entendra compter

Quand la pioche des planètes est vide ou qu’un joueur n’a plus de cartes en main, l’équipe avec le plus de points l’emporte. Il y a également deux autres façons de remporter la partie : faire un certain nombre d’extinctions, ou coloniser 4 planètes. Si une équipe remplit l’un de ces deux objectifs, c’est la victoire immédiate. De quoi garder la pression tout au long de la manche, un retournement de situation est toujours possible.
Deux manches gagnées par une équipe et c’est la victoire !!! (feux d’artifice dans le ciel, défilé de vaisseaux, bisou au coin du feu entre notre sœur et notre meilleur ami, bref la fiesta)

 

En haut la piste extinction. En bas la piste colonisation : 2 façons de gagner immédiatement une manche.

 

 

Un design peu engageant

Vous le savez surement, le marché du jeu de société attire les foules, et pas que du côté des joueurs. L’abondance de nouveaux titres fait qu’ il devient très difficile de se faire remarquer même avec un bon jeu. Alors le visuel peut avoir un impact. Même si c’est la beauté intérieure qui compte, un bel habillage attire le regard de l’acheteur compulsif. L’art est subjectif par essence, personnellement j’apprécie la patte de l’illustrateur, Gaël Lunarien. Il a déjà œuvré sur Cardline et Ginkgopolis.
Par contre, une fois le jeu en place le style est assez austère. J’avoue que de prime abord cela ne vend pas du rêve. Mais bon, Brian Boru a démontré qu’un jeu peut être moch…visuellement discutable, mais d’une grande qualité ludique.
Niveau pictogrammes, je les ai trouvés clairs mais cela n’a pas été le cas de tous les joueurs à qui j’ai fait essayer ce jeu. Sur ce point les avis sont partagés, dans tous les cas une aide de jeu est là pour vous aider.

 

La liste des capacités du jeu.

 

Enfin les cartes ne sont pas vraiment des cartes mais des tuiles. Cependant leur format les rend faciles à prendre en main, agréables à manipuler et permet une pose plus stable sur les planètes. Un bon point pour ce partie pris original.

 

les cartes tuiles du jeu.

 

Bien que Karman Swap soit jouable de 2 à 4 joueurs, c’est dans cette dernière configuration qu’il prend toute sa saveur. Qui dit plus de joueurs dit plus de vie sur le plateau, plus d’interactions, un brin plus d’incertitude sur qui peut bien avoir quelle carte, et surtout à 4 joueurs nous allons jouer en 2 contre 2, un paramètre qui ajoute une petite dose de collaboration bienvenue. Les partenaires peuvent communiquer mais pas se montrer leurs cartes.
À 3 joueurs, j’ai trouvé que le jeu devenait trop « chaotique », un adversaire pouvant bénéficier de « cadeaux » offerts par un autre belligérant qui pour le coup n’est pas notre partenaire.

 

Kamoulox spatiale

J’avoue que j’ai bien apprécié la sensation générale dégagée par le jeu. La satisfaction du combo bien pensé, les différentes façons de l’emporter qui maintiennent une tension tout au long de la manche, et le jeu par équipe qui ajoute une petite composante façon belote dans l’espace m’ont séduit.
Et puis il a son identité. Certes d’autres jeux combinent jeu de cartes traditionnelles et jeu de plateau, mais pas comme le fait Karman Swap avec son système de marché qui maintient toute carte jouée dans la partie.
Si je devais le rapprocher à un jeu se serait Brian Boru. Toutefois ce dernier tourne autour d’une mécanique de jeu de plis là où Karman Swap associe jeu de plis (avec les colonisations) et gestion de main / combos avec les cartes créatures.
Cependant deux ombres viennent ternir le tableau, tel l’oiseau de proie Klingon guettant le vaisseau de la Fédération.
Les règles n’ont pas été pour moi d’une grande clarté et certains doutes subsistent pour lesquels je n’ai pas trouvé de réponse à ce jour, même auprès de l’éditeur.
Deuxième ombre plus embêtante, les extinctions s’enchaînent assez facilement, rendant les planètes peu « habitées », ce qui nuit aux effets de certaines cartes. Un fait peut-être dû à notre novicitude vu que l’extinction est une façon simple et directe de scorer.
Je sors donc mitigé de cette expérience ludique, avec l’espoir peu probable d’un Karman Swap 2 qui rectifieraient ces défauts tout en gardant ses bonnes idées.

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