14 Minutes! – Le coop en temps réel qui va vous réveiller

Bad Boom Games est une maison d’édition spécialisée dans les localisations francophones et qui n’en est pas à sa première proposition originale. Fliptown avait surpris et séduit l’an dernier, tout comme Le Bal des Chaudrons (notre Just Played), pour ne citer qu’eux.

14 Minutes! Est un titre dont on entend peu parler mais qui est également teinté d’une certaine originalité. Derrière un visuel quelque peu inhabituel, se cache un jeu coopératif en temps réel. Là aussi, le genre ne court pas les rues mais certains titres sont bien connus du public. On se souvient d’Escape : La Malédiction du Temple (notre Test), Space Alert (notre Test), et bien sûr du désormais classique Magic Maze, dont 14 Minutes! aura tendance à se rapprocher et avec lequel je ferai quelques comparaisons dans cet article.

Le projet est issu d’une collaboration d’auteurs encore peu connus : Sylvain Plante & Joe Slack, avec la contribution Tristam Rossin (Tranquility) pour les illustrations. Crazy Like a Box est la petite maison d’édition à l’origine du jeu en VO, dont Joe Slack est le fondateur.

Vous avez tout le contexte. Maintenant que les présentations sont faites, passons à la dissection !

 

Geeks contre geek

Dans 14 Minutes!, vous êtes une équipe d’électroniciens travaillant pour une espèce de savant fou sur le point de mettre au point une machine menaçant l’existence du Monde. Avec vos collègues, vous décidez de pirater son système afin de mettre fin au projet. Pour cela, vous aurez seulement 14 minutes pour parvenir à craquer 7 défenses électroniques avant de vous faire repérer.

Le principe du jeu est assez simple. Vous répartirez un lot de polyominos dans votre équipe, ou bien les prendrez tous si vous jouez seul. La partie durera au maximum 14 minutes comme le titre l’indique, fragmentée en 7 petits défis de 2 minutes chacun. Pour chaque défi vous piocherez au hasard une fiche représentant un circuit électronique qui fera guise de plateau de jeu, ainsi qu’une carte Défi qui vous demandera de relier des points de connexion dans ce circuit.

 

Relier le commutateur avec le point rouge et le point blanc, facile

 

Chaque carte Défi est attribuée d’un niveau de difficulté de 1 à 5, et il y a plusieurs cartes Défi pour chaque niveau. Le jeu propose une dizaine de missions à difficulté croissante et pour chacune vous devrez composer aléatoirement la pile de cartes Défi en fonction de leur difficulté, les plus corsées étant réservées pour les fins de parties. J’ai trouvé plaisant le principe de composer aléatoirement les missions, car aucune ne va vraiment se ressembler. En contrepartie, le hasard va créer des situations inégales (on y reviendra plus loin).

 

La difficulté entre les missions croit très vite.

 

Une fois le top départ donné, avec vos coéquipiers et en temps réel vous devrez vous arranger pour placer les polyominos afin qu’ils forment des circuits reliant les connecteurs indiqués par la carte Défi. Les circuits électroniques sont nombreux et variés et présentent des obstacles que vous devrez contourner non sans difficulté pour créer vos chemins. Chaque fois que vous avez relié les connecteurs indiqués, vous viderez le plateau, changerez de circuit, le combinerez avec la carte Défi suivante et ce sera reparti pour un tour. Pendant ce temps, toutes les deux minutes le savant avancera d’une salle, représenté par son pion avançant sur vos cartes. S’il finit par vous rattraper, vous aurez perdu la partie. Si vous résolvez tous les défis avant cela, vous l’aurez gagnée. Ce n’est pas plus compliqué que ça.

 

 

Le jeu n’a pas besoin d’application mobile mais propose une piste audio téléchargeable sur Dropbox (au passage, on aurait préféré un hébergement sur le site éditeur). Celle-ci va donner un fond musical d’ambiance qui va rythmer les défis. Vous entendrez le savant dévaler les escaliers, ouvrir et fermer des portes, vous indiquant qu’il se rapproche à chaque fois d’un étage vers vous. L’effet est réussi : la musique, les bruits de pas et de battements du cœur accompagnent bien la tension dans le jeu, et on ne s’en lasse pas vraiment. Il est possible de jouer sans l’audio, mais il faudra redémarrer un chronomètre toutes les deux minutes. On apprécie que tout soit géré simplement par une piste sonore (cela rappelle plus ou moins Space Alert).

 

La boite contient 30 circuits différents. Un circuit pioché aléatoirement se combinera avec une carte Défi, pour un grand nombre de combinaisons possibles.

 

J’ai trouvé le design des polyominos ingénieux. Ce n’est pas simplement une collection de répliques de pièces d’un Tetris. Chaque polyomino ou presque est différent et ne connecte pas de la même façon. On a ainsi des formes irrégulières, pas forcément intuitives. On tombe souvent sur des cas où l’on sait qu’il n’y aura pas de pièce toute faite pour créer tel ou tel trajet pourtant simple et il faudra créer des détours pour retomber sur ses pattes.

 

Chaque pièce ne peut se connecter avec les autres qu’à certains endroits.

 

En contrepartie, le design et le thème sont un parti pris risqué. Je ne suis pas convaincu que le grand public accroche à l’histoire des circuits électroniques. Pour ma part cela ne m’a pas rebuté sans pour autant me séduire. J’accroche avant tout à la bonne lisibilité du jeu, et de ce côté c’est réussi.

 

Le spectre de Magic Maze

Côté sensations, comme je le disais en introduction, j’ai trouvé que le jeu se rapprochant le plus de 14 Minutes! était Magic maze. On y retrouve les parties courtes de haute intensité, le stress engendré par le temps limité (amplifié par l’ambiance sonore), la génération aléatoire des niveaux et l’échelle de progression proposée par les règles garantissant un grand nombre de parties et encourageant l’entrainement en équipe. Cela fait beaucoup de points communs ! Il me paraît donc logique de penser que les amateurs de Magic Maze auront de grandes chances d’accrocher à 14 Minutes!

 

À la différence de Magic Maze, le jeu en Solo est aussi bon qu’en multijoueur.

 

En contrepartie, il y a moins de diversité dans le gameplay. C’est droit au but : on ne fait que placer des polyominos. C’est cette différence qui départagera peut-être les joueurs. L’aspect « blâme » est également absent de 14 Minutes! Dans Magic Maze, on peut s’acharner à fixer un coéquipier du regard pour dénoncer son oubli et parfois le pousser au stress, voire même mettre en péril la partie à force de focaliser sur les manquements des autres. Ici, on reste plutôt focalisé sur la résolution du puzzle, à tourner et retourner les polyominos jusqu’à trouver ensemble un pattern qui fonctionne. Car oui, il s’agit en définitive d’un jeu de puzzle pur et dur, où vous devrez simplement reconstituer un chemin.

La présence d’un joueur alpha peut évidemment perturber la partie. En guise de barrière de protection, les règles spécifient qu’il est interdit de toucher aux polyominos de vos partenaires. On peut gentiment suggérer un placement, mais pas plus. Cela n’empêchera pas le « Dos Argenté » de l’équipe de vous dicter quoi faire. Encore une fois, à vous de ne pas l’inviter ce jour-là. Cela dit, je n’ai pas ressenti un effet lourd du joueur alpha comme j’aurais pu le ressentir dans un Pandemic par exemple. Difficile de cerner précisément pourquoi !

 

Le litre de pression

L’intérêt du jeu ne résidera pas seulement dans la résolution du puzzle en soi, mais aussi dans la gestion du temps (et donc du stress), qui fait partie intégrante du gameplay. En effet, les défis faciles ne sont d’aucun ennui puisque le challenge sera de les réussir le plus rapidement possible afin d’économiser du temps pour les niveaux plus difficiles. Comme je le disais plus haut, on peut bloquer plus de 5 minutes sur une fiche, alors résolvons les plus faciles fissa !

Un ou deux jetons Bonus collectés durant la partie vous permettront de souffler en désactivant par exemple un connecteur à relier. On comprendra avec le temps qu’ils ne sont pas forcément à réserver pour les niveaux les plus difficiles, mais qu’il vaut parfois mieux les utiliser pour rapidement débloquer un niveau intermédiaire et gagner du temps.

 

Ce jeton bonus permet de désactiver un point à relier (ici le jaune), un vrai soulagement.

 

Aussi, on peut se retrouver à trembler devant un choix de pièces à poser à quelques secondes de l’échéance et s’embrouiller dans nos choix, perdre du temps, mais tout de même arriver à rattraper la situation en assemblant in extremis un peu n’importe comment les derniers éléments, pourvu que cela fonctionne.

Bien souvent, la paralysie due au stress est un toboggan vers l’échec. Il paraît évident que les joueurs qui ne supportent pas jouer avec la pression auront du mal à apprécier 14 Minutes! Il faut aimer ça.

 

Alea et difficulté

La question pertinente qui arrive est : ce jeu est-il familial ? Peut-on y jouer avec des enfants de 8 ans et plus comme précisé sur la boite ? Peut-on y jouer avec des non joueurs ? Pour répondre à cela, j’aurais tendance à dire qu’il s’agira plutôt de savoir si le public en question aime les casse-têtes ou les puzzles et s’il aime jouer sous la pression du temps. C’est avant tout cela qui définira le public, la difficulté du jeu pouvant être ajustée ensuite. Donc en définitive, 14 Minutes! peut être vu comme familial même s’il parlera sans doute plus à un public initié.

Le hasard de la pioche aura une part importante dans la difficulté de la partie. Il n’y a pas de mystère à cela. Certaines combinaisons de cartes circuit et de cartes Défi seront bien plus difficiles à gérer que d’autres. Il peut arriver que l’on roule à toute allure sur les 6 premières cartes défi et que l’on perde en passant plus de 8 minutes sur la dernière. C’est rageant, mais c’est le jeu ! Il y a une solution à chaque puzzle et c’est à nous de la trouver.

Inversement, on va retenter la même mission et la réussir bien plus facilement. Ce hasard ne m’a cependant pas gêné outre mesure, car il créé du relief et de la surprise. Il encourage aussi quelque part la persévérance. Si une mission est trop difficile pour vous, vous pourrez la retenter autant de fois que possible jusqu’à tomber sur des combinaisons plus favorables qui vous donneront un espoir de percer.

Le jeu gagne de plus à être maîtrisé. À force de jouer, on sait que certaines pièces sont peu souvent utiles, alors que d’autres vont être de véritables couteaux suisses. On les conservera au maximum pour faciliter la terminaison du circuit sans griller tous nos jokers au début. On apprend également à reconnaître certains patterns sur la fiche du circuit électronique qui se marieront mieux avec certaines pièces. Cependant, il n’y aura jamais de solution toute faite, et c’est je crois en partie ce qui fait que ce jeu fonctionne bien !

 

 

Verdict

Je n’attendais rien de 14 Minute! Simplement à cause d’un délit de faciès. Le thème électronique dominant dans toutes les illustrations, un jeu de polyominos sans trop de règles, m’ont fait entrevoir un titre peu accrocheur et ennuyeux. Rien de tout cela, au contraire.

Avec peu de choses, quelques polyominos, quelques cartes et quelques fiches, Sylvain Plante et Joe Slack ont créé un jeu que j’ai trouvé assez addictif et plaisant à jouer.

Le principe est épuré, sans maladresse dans les règles. Une fois dedans, on joue à fond, à retourner les pièces pendant 14 minutes. L’échelle de progression crée une expérience intéressante à travers un savoir-faire qui s’acquiert avec le temps. La rejouabilité et la durée de vie sont garanties par les 10 missions proposées à difficulté croissante.

Le hic avec ce genre de jeu, c’est que le coup de cœur sera réservé à un public qui aime jouer sous la pression du temps et aussi se casser la tête sur un puzzle. Les amateurs de Magic Maze pourront donc certainement s’y retrouver. Il reste malgré tout suffisamment original pour se démarquer de ce classique et avoir sa propre identité.

Un petit teaser en guise de mot de fin : sa configuration est idéale pour le jeu Solo. Je vous en reparlerai donc dans une prochaine chronique !

 

 

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4 Commentaires

  1. morlockbob 17/05/2024
    Répondre

    je trouve que relier des circuits  est un thème qui fonctionne toujours, ce jeu me rappelle Flickwerk de Friese, sur le même principe, sans la pression.

    • Groule 17/05/2024
      Répondre

      Et bien j’y croyais pas trop et pourtant…

      Je ne connaissais pas ce Flickwerk. Merci pour le tuyau. En effet il y a comme un air de famille, mais c’est pas très très bô ! 🙂

  2. Shanouillette 18/05/2024
    Répondre

    Ça donne envie !

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