Voyage en Assyria
Le long de l’Euphrate et du Tigre, les populations nomades cherchent leur place dans le désert. Les immensités naturelles inhospitalières attendent l’arrivée des hommes qui rêvent de s’établir en leur sein. La vie est rude dans ces contrées, et y survivre sera un véritable défi.
Sous la protection du dieu Assur, les tribus s’unissent pour créer une puissante et prospère cité, du nom de la divinité, aux portes du désert. Parviendrez-vous à trouver votre place en ces lieux ?
Edité en 2009 par Ystari, Assyria vous propose de prendre le contrôle d’une tribu nomade de Mésopotamie, et d’établir votre influence sur le désert. Jouable de 2 à 4 opposants, le jeu propose un mélange entre placement et gestion, à travers différentes stratégies possibles associées à une once de tactique.
Le plateau central est de toute beauté et parsemé de nuances ocres. Il se compose d’une vaste étendue de terres où serpentent deux fleuves, découpant la zone de jeu en une partie sèche et en une partie humide (entre les fleuves). Sur chaque hexagone constituant cette zone, figure un symbole indiquant la denrée demandée par la case.
Outre cette partie centrale, on retrouve également un côté dédié aux dignitaires de la cité d’Assur (qui permettra d’intriguer dans la capitale), une échelle indiquant la monnaie disponible pour chaque tribu (décomptée en nombre de chameaux), un niveau d’offrandes faites au dieu Assur, un ordre du tour, et une piste de score sur le pourtour du plateau. Comme à son habitude, Ystari nous gratifie d’une iconographie claire avec de nombreuses aides de jeu disséminées autour de la zone de jeu.
Par ailleurs, chaque tribu dispose de marqueurs, de huttes, ainsi que d’éléments de ziggourats sur trois étages, le tout en quatre couleurs différentes (une par joueur) rappelant les tons du plateau. Ces éléments en 3D sont du plus bel effet, une fois dressés dans le ciel d’Assyrie.
Les règles ne sont pas en reste : d’une limpidité à toute épreuve, elles regorgent d’illustrations et d’exemples afin de clarifier les rares zones d’ombre pouvant subsister à leur lecture. La dernière feuille présente un résumé des différentes phases du jeu, un petit plus bien pratique pour qui n’a pas le cœur à se plonger dans l’intégralité des règles. Bien entendu, cela reste un classique d’Ystari, et la mise en page peut paraître un peu trop sobre.
Nous nous lançons dans une partie à 4 joueurs. Cela fait longtemps que le jeu n’avait pas quitté son étagère, et un rapide retour dans les règles nous est nécessaire, afin de bien nous remémorer les différentes phases d’un tour de jeu.
En début de partie, chaque joueur choisit un emplacement de départ sur ceux disponibles en fonction du nombre d’opposants. Chaque tribu dispose également d’une ressource initiale à choisir dans le sens inverse du tour de jeu, en plus d’une carte charrue (exclusive à chacun) et qui sert de denrée joker.
La mise en place pour notre partie à 4 joueurs.
La partie est découpée en 3 ères constituées de 2 tours de jeu pour la première, et de 3 tours de jeu pour la seconde et la troisième. En début de tour, on propose des denrées disposées par couples de cartes (un choix de plus que le nombre de joueurs). Ces ressources sont classées par ordre d’importance (il existe des cartes de 1 à 3 unités pour chacune des 5 denrées et des jokers). Le choix du lot affectera directement l’ordre du tour : un lot intéressant sera contrebalancé par le fait de jouer plus tard dans le tour (et ce n’est pas sans importance, vu que le placement est capital à Assyria) .
Une fois l’ordre du tour défini par le choix de chacun, la phase de jeu suivante commence. Un à un, les joueurs placent le nombre de huttes indiqué par une carte d’expansion (de 2 à 4 huttes), nourrissent ces huttes (en fonction des symboles apparaissant sur les différentes cases), puis calculent un revenu en chameaux (on obtient 3 chameaux pour sa première hutte sur un fleuve, puis 2 chameaux pour les suivantes), ainsi que des points de prestige (1 point par huttes en zone sèche, 2 points par huttes en zone humide, et 1 point par élément de ziggourats) .
Fin du placement des huttes pour ce premier tour de la première ère : le joueur marron a pris position sur l’accès direct au fleuve du joueur jaune. Le rouge a remonté l’autre fleuve en direction du marron. Seul le orange se développe tranquillement de son côté.
Après cette phase de placement, les joueurs peuvent dépenser des chameaux pour réaliser différentes actions.
Le orange décide d’acheter une carte de 3 raisins (pour une valeur de 2 chameaux comme indiqué sur le coin supérieur gauche), et d’ajouter un étage à sa ziggourat (le premier étage coûtant 6 chameaux, le second 3 chameaux, et le sommet 2 chameaux, sachant que deux niveaux ne peuvent pas être bâtis pendant le même tour) .
Le jaune a opté pour la construction d’un puits, rendue possible par la présence de trois huttes autour de l’angle d’une case. Cette construction rapporte immédiatement 6, 5, ou 4 points en fonction de l’ère en cours (valeur décroissante avec le temps) et rend impossible la création d’une base de ziggourat sur les cases adjacentes.
Le rouge a effectué sa première offrande aux dieux en sacrifiant 2 chameaux : il avance de deux cases sur la piste (cette action étant limitée à 3 cases par tour). A la fin de l’ère en cours, on utilisera le coefficient du pallier atteint pour le multiplier par le nombre de ziggourats du joueur, afin d’obtenir des points de prestige.
Rouge et Orange ont également utilisé leurs actions pour exercer leur influence à la cours de la capitale. Il s’agit de négocier avec des dignitaires afin d’obtenir des points de prestige et certains bonus à la fin d’une ère.
Très rapidement dans la partie, il faudra faire des choix stratégiques qui dépendront principalement du nombre de ziggourats que vous souhaitez construire. Les différentes orientations sont toutes viables, et le jeu est très bien équilibré. Rassurez vous, rien n’est définitif, et une stratégie n’est jamais gravée dans le marbre. Il vous faudra régulièrement vous adapter en fonction des coups de vos adversaires et surtout de leur placement sur le plateau : en effet, dans Assyria, l’interaction est forte sur tous les plans !
Le joueur jaune a bien du mal à se développer tant la pression du joueur marron est importante. Heureusement, le Rouge poursuit sa progression vers les deux belligérants, ce qui obligera le Marron à surveiller cette invasion inattendue. Pendant ce temps, le Orange, ne rencontrant aucune opposition, continue d’engranger des points de prestige.
À la fin d’une ère, on effectue une phase de crue. On calcule les points liés aux offrandes aux dieux, puis on fait le bilan des influences effectuées à Assur, et enfin on retire toutes les huttes se trouvant sur les fleuves.
La fin de la première ère : le joueur Orange prend la tête sur la piste de score, après avoir engrangé de nombreux points sur le placement de ses huttes. Les Rouge et Jaune tentent de suivre le rythme avec des stratégies mixtes, pendant que le Marron s’oriente clairement vers la construction de ses 4 ziggourats, espérant les rentabiliser par les offrandes.
Au fur et à mesure que la partie avance, les stratégies se dévoilent, et les rivalités apparaissent.
La zone d’influence des dignitaires est largement saturée à la fin de la deuxième ère, et la concurrence est rude. Le joueur Orange se désespère d’avoir raté le coche, pendant que ses rivaux marquent d’importants points de prestige.
Influencer les dignitaires d’Assur est particulièrement rentable lors des secondes et troisième ères. On calcule les points d’influence de chacun en fonction du placement des huttes : une hutte sur le dignitaire supérieur rapporte 3 points, 2 points sur le dignitaire du milieu, et 1 point sur le dignitaire inférieur (les égalités se tranchent par le nombre total de huttes, puis par la hutte située le plus en haut). Le joueur ayant le plus d’influence marque un nombre de points égal à la somme des cartes d’expansion (on note qu’une carte bonus de 4 est introduite dans les parties à 4 joueurs pour encourager les rivalités), le second marque ce nombre auquel on déduit la valeur de la carte la plus forte, …
Par ailleurs, un placement sur le dignitaire supérieur offre des points de prestige supplémentaires (1 point pour une hutte, 4 points pour deux huttes, et 8 points pour trois huttes), un placement sur le dignitaire intermédiaire permet de récupérer sa carte charrue (joker exclusif au joueur), et un placement sur le dignitaire inférieur donne un revenu en chameaux.
La fin de la deuxième ère (après la crue) : les scores sont toujours aussi serrés et les stratégies sont désormais difficilement modifiables. Comme prévu, les joueurs Orange et Marron s’en tiennent à leurs plans initiaux, pendant que les Rouge et Jaune se montrent plus dans l’attente d’opportunités.
Photos de la partie avant la crue finale à gauche, et des positions définitives à droite.
À l’aube du dernier décompte, le Orange a pris largement la tête (au point que son marqueur de score n’apparaît pas sur la photo ! ) , mais il reste de nombreux points de prestige à distribuer.
Rien n’y a fait : le joueur Orange avec sa stratégie de placement, l’emporte de deux points sur le joueur Marron et sa stratégie basée sur les ziggourats. Les Rouge et Jaune sont en retrait, n’étant pas parvenus à trouver leur place dans le désert assyrien. À noter que le vainqueur du jour n’a que 8 ans ½ (il faut toujours se méfier de ceux qui paraissent faibles ! ) .
Assyria a véritablement sa place dans les meilleurs titres Ystari. Alliant avec finesse placement (blocage également) et gestion, le jeu s’élève au panthéon ludique.
Nombreux sont les choix cruciaux au cours d’une partie d’Assyria, même si les mauvaises décisions sont rarement rédhibitoires. Cela rend le jeu exigeant, et même parfois un peu trop calculatoire (attention à l’analysis paralysis !) , certains le jugeront tout simplement trop abstrait. Malgré la victoire du jour de notre jeune joueur, il est par conséquent à réserver à un public averti.
Et pourtant, les mécanismes s’imbriquent élégamment dans la thématique, et on vit véritablement l’établissement de tribus au sein du désert, la vie de nos bâtisses éphémères étant rythmée par les crues des fleuves. Ainsi, on est irrémédiablement voué au nomadisme à cause du manque de denrées et du débordement de cette eau, pourtant source de vie.
Bref, vous l’aurez compris, c’est pour moi un coup de cœur que je vous invite à découvrir !
Merci à GraphLSD pour les photos et les illustrations de cet article.
Un jeu de Emanuele Ornella
Illustré par Arnaud Demaegd
Edité par Rio grande Games, Ystari Games
Langue et traductions : Anglais, Français
Date de sortie : 2009
De 2 à 4 joueurs
A partir de 12 ans
Durée d’une partie entre 45 et 90 minutes
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Totof Le Saiyen 19/05/2016
Merci pour cette article. 🙂 Pour ceux que ça intéresse, on peut jouer à ce jeu sur le site Board Game Arena. Ainsi qu’à Amyitis, autre très bon jeu d’Ystari. ^^
Grovast 19/05/2016
L’article est à la hauteur du jeu : très bon.
Selon ma subjectivité aussi, Assyria mérite sa place dans le « Big 4 » des Ystari « purs » (avec Caylus, Amyitis et Myrmes).
J’avoue être encore à convaincre par la stratégie « Offrandes », qui est l’axe qui me semble le plus faible/difficile à jouer. Preuve que le jeu devrait sortir plus souvent. Quel dommage de ne pas avoir plus de parties au compteur de cette pépite.
Et dire que je ne l’ai même pas cité dans la Mécanique du Jeu sur l’Ordre du tour….
Bref : merci pour cette piqure de rappel, et en espérant que ça puisse inspirer ceux qui n’y ont pas encore goûté.
Jonathan Deprouw 25/05/2016
Totalement d’accord avec ton « Big 4 ».
Le Zeptien 21/05/2016
Dans le Big 4 des Ystari purs ? Alors là mon cher, pas pour moi. Assyria est un jeu agréable certes, mais en-dessous à mon avis des jeux que tu cites, et même d’autres comme Sylla, Olympos ou Ys. Je trouve qu’il a globalement une intensité moindre. J’en ai joué une dizaine de parties et sur la dernière (j’ai relu le CR), je m’aperçois que j’avais encore écrit que je trouvais Assyria un peu trop « sec » et moins dense que d’autres Ystari. Bon, évidemment, c’est très personnel hein… 🙂
Grovast 21/05/2016
Si on est d’accord sur le Big 3 c’est déjà pas mal 🙂
Mais merci de me contredire, c’est toujours intéressant d’avoir le contrepoint d’un connaisseur.
Sylla est dans mon Big 5 (en position 5 donc). Olympos et Ys un cran en dessous.
Les gouts changent mais les grands jeux restent 🙂
6gale 21/05/2016
Vous sous-estimez Spyrium ;).
Le Zeptien 22/05/2016
Que nenni, Grovast et moi parlons des « grosses boîtes »… ou alors, il faudrait parler aussi de Mykerinos et de Caylus magna carta. A propos de boîte, je réalise qu’on n’a pas cité de « carrées » : Mousquetaires du roi, Skakespeare ou Bombay… d’ailleurs, quand je pense Ystari, je ne pense pas spontanément à celles-ci… c’est curieux.
Velvetlad77 25/05/2016
Un fort bon jeu découvert également récemment pour moi. Il est plus tactique que stratégique, encore que l’article a raison de s’appesantir sur l’aspect blocages. Il y a aussi une science du tempo: savoir quand se mettre 1er joueur en fonction de la valeur des cartes d’expansion retournées, savoir quand privilégier le placement sur les dignitaires ou récupérer de la nourriture en vue de la phase suivante afin de maintenir les huttes.
Assyria, c’est des règles simples, un plateau lisible, un vrai must have!
tapimoket 31/05/2016
Bel article ! Bravo