Takenoko & Takenoko Chibis – On tient le bambou

On pourrait s’imaginer que faire pousser des bambous, c’est le job le plus zen qui soit. Le vent qui bruisse dans les feuillages colorés, la géométrie délicate d’une forêt gracile en pleine croissance… Un paradis de calme et de sérénité, hein ? Haha… Non.

Dans Takenoko (« pousse de bambou » en japonais), 2 à 4 joueurs se disputent l’aménagement de la bambouseraie de l’Empereur du Japon. Bien sûr, ils ne sont pas d’accord sur ce qu’ils essayent de faire, et ça va donner du fil à retordre au pauvre jardinier qui se tape le boulot. Il faut aussi compter avec la météo imprévisible. Et puis bien sûr, il y a le panda.

Ouiiiii ! Le panda ! Cette peluche balourde se promène à droite à gauche en grignotant tout ce qui l’entoure, détruisant du même coup les savants alignements végétaux qui faisaient la fierté du jardinier. Non, décidément, ça ne sera pas simple.

 

 

Takenoko – Monsieur Panda avait une grosse faim

Prise en main – C’est tellement beau qu’on en mangerait

Takenoko frappe fort sur la qualité du matériel. Le jardin est constitué de larges tuiles hexagonales superbement illustrées avec des bambous de différentes couleurs. Là-dessus on rajoute des plants de bambous en 3D, constitués de petits tronçons de résine qui s’emboîtent jusqu’à former de magnifiques pousses. On voit ainsi la plantation prendre de l’altitude au cours de la partie. C’est ingénieux, c’est agréable à manipuler, et puis c’est bôôô !

 

garden

Le secret d’une bambouseraie réussie, c’est la peinture que vous déversez dans le sol. Tout ce qui pousse dessus change de couleur. (Réservé aux jardiniers accomplis, n’essayez pas ça chez vous !)

 

On rajoute des figurines moulées et peintes de première qualité pour représenter le panda et le jardinier, des jetons d’action en bois délicatement décorés, des plateaux individuels qui servent d’inventaire et d’aide de jeu, trois petits paquets de cartes Objectif. Aucun texte sur le matériel de jeu. Tout est clair, aéré, d’un esthétisme et d’une légèreté maîtrisée.

Les règles sont dans la même veine. Faciles à expliquer, faciles à retenir, rappelées en permanence sur chaque bout de matériel à votre portée… Tout est fait pour que le joueur s’y retrouve.

 

 

La partie – le jardinage pour les nuls

Au début du jeu, la bambouseraie est réduite à sa plus simple expression : une tuile de bassin centrale sur laquelle rien ne pousse, mais d’où partira toute l’eau nécessaire à irriguer le jardin. Le jardinier et le Panda sont tous les deux placés sur le bassin (l’un essaye certainement de noyer l’autre avant que le jeu ne commence).

À son tour, chaque joueur dispose de 2 actions (différentes) pour construire le jardin autour de ce point de départ.

  • L’action de parcelles permet de piocher 3 tuiles terrain et d’en placer une au choix à proximité d’une tuile déjà posée.
  • L’action d’irrigation permet de prendre dans la réserve un canal d’irrigation et de le mettre de côté dans son inventaire pour être utilisés plus tard. Les canaux se placent entre les tuiles et permettent de les raccorder au bassin central pour acheminer l’eau jusqu’à elle. Il faut en effet qu’une tuile soit irriguée pour que les bambous puissent correctement pousser dessus (mais pas trop, sinon les racines pourrissent – histoire vraie !)
  • L’action de jardinier permet de déplacer le jardinier sur une tuile. Ce brave homme se met aussitôt au travail, et fait pousser d’un tronçon tous les bambous des tuiles irriguées adjacentes de la même couleur que sa tuile d’arrivée.
  • L’action de Panda permet de détruire le travail de vos confrères. Vous déplacez le Panda et dévorez un segment de bambou sur votre case d’arrivée. Ce bambou n’est pas perdu pour tout le monde, puisque vous le placez dans votre inventaire pour plus tard.
  • Enfin, l’action d’objectifs permet de piocher une carte Objectif supplémentaire. Parce que travailler dans la bambouseraie, c’est bien, mais il faut aussi se soucier de ce qui plairait à l’Empereur.

 

À partir du deuxième tour de table, chaque joueur lance le dé météo avant de jouer. La face qui ressort modifie les règles durant le tour en cours (3e action, possibilité d’effectuer deux fois la même, téléporter le panda…) Ça n’a l’air de rien, mais ça rajoute un peu de d’incertitude sous la forme d’un bonus, qui peut être astucieusement employé pour accélérer les objectifs en cours.

 

player

Le plateau individuel d’un joueur : en haut l’aide de jeu du dé météo, puis le choix des actions, puis l’inventaire du joueur. Clair ou pas clair ?

 

 

Marquer des points – on ne jardine pas pour des prunes !

Chaque joueur commence avec une main de 3 cartes Objectif, correspondant à des consignes qu’il se doit d’accomplir. Certains objectifs concernent la disposition des parcelles de terrain dans la bambouseraie (des tuiles d’une certaine couleur disposées de telle façon). D’autres demandent qu’un certain nombre de bambous de la bonne couleur atteignent une certaine taille. D’autres disent que le Panda doit manger une certaine combinaison de tronçons de bambous.

Lorsqu’un objectif est atteint, le joueur le révèle et obtient des points de victoire. Lorsqu’un joueur complète son 7e objectif, on termine le tour de table et on effectue le décompte final.

 

winner

Et nous avons un vainqueur ! Le premier à totaliser 7 objectifs ne gagne pas forcément, mais reçoit en bonus la carte « Faveur de l’Empereur » (en haut) qui donne un coup de pouce.

 

Les stratégies sont étonnamment variées pour un système aussi simple. Les joueurs essayent en général de se spécialiser dans un type d’objectifs.

  • Les objectifs bambou sont attractifs parce qu’ils rapportent beaucoup de point par carte, et qu’on peut compter sur les actions des autres joueurs pour faire pousser les bambous dont on a besoin. Mais la chaîne de production est longue (placer des parcelles, les irriguer, déplacer le jardinier à répétition pour faire grandir les bambous…) et le résultat est incertain : un panda malvenu ou un bambou qui pousse trop haut compromet l’objectif et vous obliger à rectifier l’erreur avant de pouvoir le marquer. Long mais gratifiant, ces objectifs sont faits pour les joueurs qui visent les scores haut perchés. 
  • Les objectifs de terrassement sont un peu plus vite atteints (pas besoin de se soucier de la pousse des bambous, dès qu’une parcelle est irriguée elle compte pour votre objectif). Ils ne sont pas soumis aux allées et venues du jardinier ou du panda, et peuvent eux aussi réutiliser les efforts de vos adversaires, voir de vos objectifs précédents (quelle est la différence entre un objectif à 3 tuiles vertes et un objectif à 4 tuiles vertes ? Tout juste. Une tuile verte !). Cependant, il suffit qu’un de vos rivaux place une tuile au mauvais endroit et vos ambitions paysagères tombent à l’eau. En dépit de ce risque, jouer parcelles est la meilleure façon de réussir votre rush aux 7 objectifs et de couper l’herbe sous la sandale des autres joueurs.
  • Les objectifs panda sont pour les méchants. Alors oui, d’accord, c’est une façon très régulière de prendre des points et personne ne peut vous en empêcher (tous les deux ou trois déplacements de panda, vous récupérez une carte). Mais surtout, ça vous permet de casser les pieds à ceux qui jouent bambou. Le problème, c’est que vous devez tout faire tout seul, et qu’à chaque nouvelle carte vous devez recommencer de zéro. Du coup en fin de partout vous vous retrouvez à marquer plus lentement que vos adversaires. 

 

Et ça, c’est les cas d’école avec des joueurs puristes. Dans la pratique, chaque joueur commence avec 1 carte de chaque type, et doit faire des actions différentes à chaque tour ou presque, donc poursuivre un seul type d’objectif n’est pas toujours le plus optimisé. Il vaut mieux miser sur un mixte de stratégies et savoir s’adapter au sens du vent. Le ratio gain / difficulté des différents objectifs est bien calibré, donc au final la différence se creusera dans votre capacité à rentabiliser chaque action, chaque résultat de dé, et à récupérer au maximum les actions de vos rivaux pour vous épargner du travail.

 

La partie s’arrête quand un joueur a 7 objectifs, mais cela ne signifie pas qu’il gagnera pour autant. S’il n’a que des petits objectifs à 3 ou 4 points et que derrière lui un joueur en a des deux fois plus gros, il est possible qu’il se fasse souffler la victoire au moment du décompte. 

 
L’extension Chibis – Voici venue la saison des amours

chibi

Bientôt sur les étagères, cette extension va introduire dans la bambouseraie une accorte maman panda et sa ribambelle de bambins. En entendant la nouvelle, le jardinier a transmis sa lettre de démission à l’Empereur, qui s’est impérialement assis dessus.

Chibi (« bébé » en japonais) se présente sous la forme d’une poignée de tuiles et de cartes objectifs à mélanger au jeu de base. Il y a également la figurine de la maman panda, fort coquette avec sa fleur dans les cheveux (ça a des cheveux, les pandas ?) et une série de disques en carton qui figurent ses petiots. N’oublions pas une petite réserve bienvenue de segments de bambou supplémentaires.

 

 

Ce qui change

Bonne nouvelle pour le jardinier, déjà : plus de pandas ne veut pas dire plus de ravages dans la bambouseraie. En effet, la femelle ne mange pas, elle ne fait que se reproduire. Les petits ne mangent pas non plus. (Ça doit être bizarre, les repas dans la famille Panda.)

Comment ça se passe ? Lorsque vous accomplissez une action panda, vous avez le choix entre déplacer Monsieur Panda qui va se remplir la panse, ou Madame Panda qui va rejoindre son mâle pour procréer. Si vous choisissez la deuxième option, vous devez dépenser un tronçon de bambou de votre réserve comme cadeau de noce, et en échange vous récupérez un jeton Chibi. Chacun de ces jetons vaut 2 points de victoire lors du décompte final, et vous accorde également un petit bonus.

Vous remarquerez qu’entre l’action de manger un tronçon de bambou (un déplacement de Monsieur Panda) et celui de faire des bébés (un déplacement de Madame Panda), il faut 2 tours pour faire un chibi, et c’est globalement moins rentable que de poursuivre un objectif de panda (qui donne grosso modo 2 points par tronçon bouloté). Oui mais voilà : c’est une possibilité offerte à tout le monde, sans avoir besoin de tirer une carte objectif. Les bonus accordés peuvent faciliter les jeux parcelles (avec des canaux d’irrigations gratuits) ou bambous (avec des aménagements de tuile plutôt balèzes). Du coup ces deux jeux (qui n’ont aucun intérêt à bouger le panda à part pour retailler un bambou trop long de temps à autres) ont une excuse pour jouer plus agressif, puisqu’attaquer les bambous plantés par les autres joueurs permet à présent de ramasser des points de victoire pour pas cher. Sans constituer une stratégie viable en elle-même, la reproduction des pandas élargie donc la gamme de coups à la disposition des joueurs. Et puis lorsque la fin de partie approche et qu’il est trop tard pour entamer un nouvel objectif ambitieux, c’est toujours agréable de pouvoir ramasser quelques points à la va-vite en liquidant son stock de bambous.

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Les Chibis ! Si vous êtes du genre à craquer sur des vidéos de châton, ces boules de poil vous feront sauter au plafond.

 

Les tuiles spéciales rajoutées par l’extension servent également de facilitateur à différent niveaux.

  • Le bassin céleste : cette tuile agit comme un deuxième bassin central qui apparaîtrait en cours de partie. Rien ne pousse dessus et elle est considérée de couleur neutre. Toutes les parcelles adjacentes sont irriguées et il est possible d’en faire partir des canaux d’irrigation. Du coup, elle donne un sacré coup de main aux stratégies à base de parcelle qui demande d’irriguer de vastes étendues de terrain. Il est aussi bon de signaler que la présence du Bassin Céleste dans la bambouseraie est une condition d’accomplissement de quelques nouveaux objectifs pandas ou bambou (histoire de ne pas faire de l’anti-jeu en la cachant bien profond). 
  • Le jardin des kamis : cette tuile est là pour rendre tout le monde content. Elle porte les trois couleurs simultanément, et du coup trois bambous poussent dessus en même temps. Ca rend la vie plus facile aux joueurs parcelles (ouah ! une tuile joker qui rentre dans tous mes objectifs !), aux joueurs bambous (ouah ! trois bambous d’un coup), et aux joueurs pandas (ouah ! Quand je bouffe ici, j’ai le choix des plats !) Fort sollicitée, cette tuile devient l’un des principaux points chauds du plateau où jardinier et pandas se succèdent allégrement.
  • La cabane du jardinier : elle est toute mignonne, cette cabane ! Pittoresque, et tout ! Et elle a un super pouvoir : quand vous envoyez le jardinier souffler cinq minute chez lui, vous pouvez piocher une objectif de chaque pile, et en choisir un à garder. De quoi réorienter votre stratégie au vol. Problème : personne ne veut poser la cabane. Ben non ! Pourquoi utiliser votre action de parcelle pour poser une tuile qui n’avance pas vos objectifs et vous donne exactement le même avantage qu’aux autres joueurs ? Du coup, la malheureuse cabane traîne souvent un bon moment dans la pioche et ne s’exprime pas autant qu’on pourrait le souhaiter.
  • Les statues de la fertilité : cette tuile existe en trois exemplaires, un par couleur. Dès que le jardinier s’arrête dessus, il fait pousser d’un tronçon tous les bambous de la couleur correspondante du jeu. Tous ! Ça fait beaucoup de bambou, ça ! Et ça tombe bien, parce que les nouveaux objectifs bambous exigent parfois des forêts gigantesques pour être remplis, qui prendraient un nombre considérables d’actions de jardinier pour être remplis. 

 

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Les nouvelles parcelles de l’extension : le nouveau bassin, le jardin des kami et ses trois couleurs, et la cabane du jardinier. En dessous deux statues de la fertilité.

 

 

Conclusion – Sauvez un bébé panda, jouez à Takenoko !

Takenoko est le jeu familial par excellence : clair, attractif, mignon, fluide. Il se joue en moins d’une heure avec un groupe de taille modeste (2 à 4 joueurs). Il n’y a aucune confrontation directe entre joueurs, ce qui permet d’épargner les susceptibilités les plus chatouilleuses. Très directif, le jeu guide le joueur à travers une succession de choix restreints qui forment un espace de jeu confortable et lisible. Tour après tour, les joueurs prennent des décisions aisées basées sur leurs buts à court terme, et sans qu’on comprenne trop pourquoi une bambouseraie luxuriante se répand sur la table. Si l’on était pas si occupé à aligner les plants et à s’inquiéter de la météo, on pourrait prendre cinq minutes pour admirer ce petit écosystème coloré qui a surgi tout seul durant la partie.

Les gros joueurs reprocheront au jeu son manque de croquant et sa répétitivité, et c’est là que Chibis entre en scène. Les stratégies sont plus pointues et plus versatiles. Bien que le jeu reste résolument pacifique, les multiples accélérateurs qu’il contient désormais mettent une pression plus palpable dans la course aux points de victoire. Tout cela s’opère au prix d’un jeu plus complexe à lire et à comprendre (cartes au contenu plus compliqué, tuiles à effets spécial, plus d’exceptions à gérer). Les options à considérer sont plus nombreuses, et la possibilité constante d’abandonner un objectif pour un autre demande de s’interroger beaucoup plus sur la rentabilité de chaque action. Pas forcément souhaitable pour tout le monde, cet élargissement sera cependant très apprécié par les joueurs plus exigeants. 

 

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 Takenoko et son extension Chibis

Un jeu de Antoine Bauza
Illustré par yuio, Picksel, Nicolas Fructus
Edité par Bombyx, Matagot
Distribué par Bombyx
Date de sortie : 01/01/2012
De 2 à 4 joueurs
A partir de 12 ans
Durée moyenne d’une partie : 60 minutes

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3 Commentaires

  1. atom 27/08/2015
    Répondre

    J’ajouterais que le jeu permets deux variantes, donc une que l’on utilisais déjà avant l’extension, celle de donner des points en plus par trio d’objectifs différents pour obliger a la diversification. Et l’autre que l’on a découvert avec l’extension qui s’appelle je crois fin gourmet, et le panda ne mange plus les bases des bambous, du coup cela complique les choses, j’ai l’impression que ça allonge un petit peu le jeu. ça oblige a changer de stratégie je trouve et a prévoir ses coups différemment, j’ai bien aimé et vu que l’on peut y jouer sans l’extension je retenterais comme cela.

    On a trouvé avec l’extension que la face du dé : prenez un aménagement, devenait carrément inutile en fin de partie car il n’y en avait plus, vu que l’on peut les récupérer avec les chibis. J’ai trouvé cette extension agréable et moins gadget que je le pensais a la lecture des règles.

    • Umberling 29/08/2015
      Répondre

      +1 : le renouvellement est plus profond qu’il n’y paraît, casse un peu les stratégies ancrées du jeu de base (rush jardin/panda, stratégie tardive aux bambous) avec les nouveaux objectifs. Le tout avec une belle économie de moyens.

  2. Jibee007 31/08/2015
    Répondre

    Très bonne extension ! Et si vous souhaitez y jouer avant sa sortie, je vous signale la soirée jeux de la Ludothèque Le Dragon Bleu – avenue Jean Béranger 78160 Marly Le Roi qui vous proposera de jouer à Takenoko Chibis dès 20h jusqu’à minuit le samedi 5 Septembre…  C’est 2€ par personne et il faut avoir au moins 13 ans 😉

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