Rats of Wistar : les rats sortent de la boîte

Rats of Wistar est la dernière création Danilo Sabia (connu pour Wendake), et Simone Luciani, génial game designer que l’on ne présente plus. Notez d’ailleurs que ce titre qui nous évoque un lointain royaume d’un monde d’héroic fantasy n’est autre que le nom de la race de rats que l’on envoie dans les laboratoires. Dans Rats of Wistar, les rats se sont échappés du laboratoire et explorent la ferme voisine, ils vont se développer en excavant leur terrier, fabriquer de nouveaux lits, etc.. 

Comme dans Le fabuleux Maurice et ses rongeurs savants la nouvelle de Sir Terry Pratchett, à force d’expériences, les rats sont devenus intelligents et fabriquent des bidules, ce qui va être prétexte à une mécanique de cartes à moteur. Avec Meeplecam on a parcouru la maison, construit des tas de machins, et on vous en parle.

 

 

Atom : J’aimerais revenir sur le thème, dans les eurogames on a souvent des thèmes historiques avec des vieux personnages à la barbe fleurie, ou des moines en train de faire de la binouze. Pour une fois, on a un thème plus léger, des rats qui s’échappent d’un labo et vont développer leurs colonies et fabriquer des trucs, pleins de trucs, ce qui nous offre en plus un univers graphique illustré par Candida Corsi et Sara Valentino très colorés, un peu Ghibliesque avec les petits chapardeurs.

MeepleCam : Le thème dans un jeu est un aspect qui est très important pour moi. C’est souvent ce qui va me donner la première envie de m’intéresser au jeu, plus qu’une belle couverture de boîte. Je suis un peu blasé de vivre des histoires où je suis “un marchand au moyen âge pour vendre des épices”. Avec Rats of Wistar, on a quelque chose de nouveau, d’intrigant, de cocasse même. Ces p’tits rats surdoués, ça donne envie. Et c’est très bien servi par le plateau de jeu représentant une maison avec ses pièces à explorer. Tous les ingrédients étaient réunis pour que je m’installe, prêt à envoyer mes meeples souris à l’aventure. Et en plus, toutes les cartes inventions sont très bien illustrées, pleines d’humour et d’imagination. Ça, j’aime.

Atom : entrons un peu dans le dur, un peu comme Darwin’s Journey le voyage, ici l’exploration a la réputation d’être importante, voir primordiale. Qu’en penses-tu ?

 

L’exploration de la ferme.

 

MeepleCam : Je ne dirais pas que l’exploration est primordiale. Elle est un des éléments essentiels, et probablement la partie du jeu la plus fun. On va envoyer nos petits rats dans les différentes pièces de la maison, à la recherche de bonus, ou à la réussite de missions qui donneront des avantages certains. Avec au bout du chemin (le fond de la cave) : le saint Graal ! Du fromage (12 mois d’affinage). Mais ce n’est pas, pour moi, l’élément central, celui sur lequel il faut se focaliser pour la victoire. Le cœur du jeu est, à mon sens, matérialisé par les cartes inventions. Ces cartes, en plus d’apporter un nombre significatif de points de victoire, vont booster nos actions, donner moult avantages, augmenter notre capacité de jeu, conduire la manière dont on va gérer la partie. J’ai vécu des parties où un joueur avait tout axé sur sa gestion de cartes et il avait réussi à monter un moteur terriblement efficace, menant bien moins d’efforts sur l’exploration. Alors évidemment, tous les éléments du jeu s’imbriquent. Mais négliger l’axe des cartes inventions, c’est se jeter soi-même dans un piège à souris, alors qu’on peut se permettre de ne pas aller au bout des autres axes du jeu (exploration, développement de notre colonie de souris).

Cela dit, j’ai trouvé l’ensemble plutôt fluide dans la façon de jouer, particulièrement aidé par un game design efficace. Tout en étant un jeu expert, je l’ai trouvé particulièrement accessible, du même niveau qu’un Voyage de Marco Polo, où on retrouve un peu la partie exploration. Es-tu d’accord ?

 

La roue d’action qui tourne à chaque manche

 

Atom : En effet, quand on est habitué aux jeux euros, on ne peut pas dire qu’il y ait quelque chose de compliqué, toutes les actions ou presque se font par l’intermédiaire de la roue, mais pas une roue à la Mac Gerdts. Disons que cette roue est surtout une zone d’action de pose d’ouvriers bloquante, elle crée un dilemme premier fort : sur quel espace je vais aller. Et il est divisé en 3 zones : la forêt pour ramasser du bois, la mine pour excaver de la pierre, et la maison pour partir explorer la bâtisse.

On a donc un double dilemme, quelle zone et quel secteur, mais un troisième aussi vient, puisque l’action de la zone dépend du nombre de brioches rats que l’on aura placés. Plus on a de rats et plus forte sera l’action, mais il ne faudra pas être trop gourmand, sans quoi les actions prochaines seront faibles. Bien sûr on peut les déplacer, ou mieux encore, excaver notre terrier et y placer de nouveaux lits pour accueillir plus de rats.

 

notre terrier et les nombreux pouvoirs que l’on pourra activer

 

Si le jeu semble attiré vers le voyage, ce qui est tout de même une marotte de Simone Luciani (comme tu le fais remarquer avec Le voyage de Marco Polo), produire des rats est quand même très fort aussi pour optimiser et réaliser des actions encore plus puissantes. D’autant aussi que creuser son terrier et installer des lits donne aussi des points.

 

Les cartes objectif, plus complexes pour les suivants.

 

Meeplecam : Effectivement, notre jeu va prendre son essor avec une bonne optimisation de la roue d’actions. Si l’on optimise bien les déplacements de nos rats autour de cette roue, on peut faire des tours d’actions vraiment forts. Et le tout dans une fluidité très agréable. Avoir l’initiative est aussi un avantage indéniable. On a plusieurs voies pour progresser, une multitude de choix, sans couche superflue de complexité.

Atom : C’est surtout l’imbrication de tout cela qui est bien réussie, et le jeu propose à la fois une composante analyse de setup et un peu d’inconnu. Certaines choses sont connues comme les cartes objectifs qui donnent un sacré bonus si on les réalise, et tout le monde peut le faire et aura le même gain, sauf que ça sera de plus en plus dur à réaliser. Et cela induit une petite course intéressante. À côté de ça, avec l’exploration, on a une zone inconnue, on ne sait pas sur quoi on va tomber, et on doit s’adapter. J’ai apprécié ce mélange des deux justement, cela crée des surprises. Et justement les cartes Invention dont tu parlais tout à l’heure. Toi qui a joué beaucoup plus que moi, tu avais des réflexions là dessus, notamment un certain effet de cartes.

 

Les cartes inventions

 

MeepleCam : Comme je le disais au-dessus, les cartes sont un axe central du jeu. Mais il y a quelques cartes “d’attaque” qui permettent de pénaliser un joueur. Par exemple, celui qui a le plus de lits construits perd une ressource quand la carte est jouée. J’ai trouvé que cela n’apportait rien au jeu, voire que c’était contre-productif. À chaque fois, j’ai eu un sentiment d’injustice inutile quand un joueur en était la cible. J’ai fini par les sortir de mes parties et ça ne réduit pas l’expérience du jeu.  

Atom : Je te rejoins sur ce sujet, faire des cartes « Take that » dans un eurogame de deux heures ça n’a pas de sens, c’est ce que je reprochais à l’extension de Bitoku. Si je veux chipoter, je trouve l’ordre du tour vraiment très fort, limite trop pour moi qui aime les jeux ou être premier à des avantages, mais dernier aussi. Ici, il faudra se décider à un moment à perdre un tour pour passer premier joueur. Je dis perdre, mais en vrai, la compensation n’est pas négligeable non plus.

MeepleCam : Clairement, prendre la place de premier joueur, c’est avoir un double bonus très intéressant, en plus d’être prioritaire au prochain tour pour se positionner. Ce n’est pas l’action du pauvre comme on peut le voir dans d’autres jeux, on ne perd pas son tour.

 

Quelques cartes lieux

 

Le mot de la fin

Atom : J’attendais beaucoup de ce titre, surtout après la semi-déception de Anunnaki, (autre co-création des deux auteurs) Après la surprise de Wendake, je voulais voir à l’œuvre Danilo Sabia et je ne suis pas déçu. Il est vrai que sur le papier on retrouve des éléments connus, de la pose d’ouvriers et des combos mais tout cela est mis en œuvre avec élégance, on a un espace de décision très important, où il faudra construire sa stratégie tout en s’adaptant, ce n’est pas uniquement de l’analyse de setup. L’univers m’enchante et offre une belle rejouabilité avec tous ces machins à construire et une bonne courbe de progression aussi. Pour ma part, c’est un coup de cœur qui ne demande qu’à être confirmé. Je le privilégierais à deux ou trois joueurs, pour ne pas que les sessions s’éternisent.

MeepleCam : Rats of Wistar est incontestablement une des mes plus belles découvertes Eurogame de ces derniers mois. Je ne m’y attendais pas, mais j’y ai beaucoup plus joué que d’autres titres qui, sur le papier, m’attiraient beaucoup plus (Evacuation, Planta Nubo), même si j’ai aussi bien aimé ces derniers. Rat of Wistar contient tout ce qu’il faut pour me donner envie d’y revenir à plusieurs reprises : un peu d’aventure, de l’optimisation, de l’interaction à plusieurs niveaux, des axes de progression variés, le tout sur plein d’imagination sur ce que sont capables de faire nos p’tis rats. J’ai apprécié toutes les configurations que j’ai essayées, de 2 à 4 joueurs. Il me reste le solo à tenter, à l’occasion d’un prochain Solo is beautiful. Ce dernier semble assez poussé avec un système de cartes pour faire fonctionner l’IA. À suivre…

Article écrit à 4 mains avec Meeplecam.

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2 Commentaires

  1. Ihmotep il y a 6 jours
    Répondre

    Il me fait bien envie du coup ce jeu, avec en plus un très jolie design.

    • morlockbob il y a 6 jours
      Répondre

      tout pareil. Pas accroc des jeux experts forcément, celui-là réunit plusieurs critères qui sont tentants

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