Purple Brain racheté par Asmodée : quelques questions à Benoît Forget
Benoît Forget a commencé dans le milieu ludique en écrivant des chroniques dans Plato Magazine ou Ravage Magazine, avant de passer du côté édition en travaillant chez Libellud, après quoi il décida de se lancer dans la grande aventure entrepreneuriale avec sa propre maison, Purple Brain Creations.
Purple Brain, distribué par Iello, c’est avant tout l’indéniable succès de la gamme Contes et Jeux, ces boîtes en forme de livre qui recèlent des jeux aussi malins pour les petits que pour les grands. Citons Les trois petits cochons, le lièvre et la tortue, La Cigale et la Fourmi, Le joueur de flûte, Le petit chaperon rouge, Aladin et la lampe merveilleuse, Jack et le Haricot Magique mais encore Oliver Twist, Mange-moi si tu peux, Shino Wat-AAH! ou le Tour du monde en 80 jours dans un autre format.
Nous avons appris la semaine dernière que Purple Brain passait chez le géant Asmodée, qui, depuis qu’il appartient au groupe d’investissement Eurazeo, a réalisé une bonne douzaine d’acquisitions parmi lesquelles F2Z, Fantasy Flight Games, Days of Wonder, Millennium, Heidelberger Spieleverlag…
« Purple Brain a été vendu intégralement à Asmodee Group (comme Pearl Games à l’époque) et devient un studio Asmodee (comme Pearl Games à l’époque !). Donc, je suis désormais Chef de studio chez Asmodee (comme…). »
Peux-tu nous expliquer ce que cela changera pour toi ?
« À part le fait que je devienne salarié à la place d’être mon propre patron ? Et bien, je m’en fiche un peu. Je me suis défoncé seul pendant 4 ans (car Purple Brain, c’est une seule personne) et ça use. Ce que je vois, c’est que je vais pouvoir encore progresser dans mon métier avec le soutien d’Asmodee (après celui de Iello) tout en gardant et en faisant évoluer ma façon de penser les choses. Je fonctionne par palier : après Libellud et Purple Brain, un nouveau palier vient d’être franchi et j’ai du mal à concevoir la stagnation. »
Peux-tu nous dire comment ton départ de Iello s’est-il passé ?
« Bien. La direction de Iello était au courant depuis quelques mois de la non-reconduction de mon contrat Studio avec eux. Je leur avais également dit que j’étais en discussion avec d’autres distributeurs et que le choix se ferait aussi sur la possibilité de former une équipe et de faire passer un cap à Purple Brain. Ce fut une belle aventure avec Iello et ce soutien m’a permis d’être encore là pour en causer. Nous prenons juste des chemins différents. »
Quels sont les éléments qui t’ont amené à cette décision ?
« Comme dit plus haut, le sentiment de devoir se battre seul face aux grands nombres (de sorties, d’éditeurs, etc.). Je pense avoir réussi à émerger et survivre grâce à ma ligne éditoriale bien distincte. J’ai pu gagner ma vie convenablement dans le métier que j’aime et cela plus rapidement que prévu. Mais au bout de 4 ans, il fallait passer la vitesse supérieure, comprenez collaborer avec des gens capables de me soulager de certaines tâches et évoluer vers de nouveaux projets. J’ai donné beaucoup ces dernières années et je donnerai encore beaucoup mais un peu d’aide et de nouveaux horizons, ça motive encore plus ! »
Qu’est-ce que cela engendre comme différences en termes de diffusion pour tes jeux ?
« Jusqu’au 30 avril 2018 (fin du contrat Studio entre Purple Brain et Iello), rien. Après, c’est Asmodee qui reprend la chose. Certains contrats signés avec des partenaires étrangers iront jusqu’à échéance, histoire que personne ne soit lésé. »
Est-ce que cela va modifier ta stratégie éditoriale à l’avenir ?
« Pas pour Purple Brain. Je sortirai un ou deux jeux par an maximum, soit un dans la gamme Contes & Jeux, soit deux dans Contes & Jeux + Classics. Pas question de toucher à cette ligne éditoriale (enfin je dis ça mais ça bougera peut-être comme toute chose qui perdure). Par contre, je suis devenu bicéphale : Responsable de studio pour Purple Brain et Responsable de studio chez Space Cowboys pour des projets dont on parlera courant 2018. C’est donc sur ce dernier point que je vais pouvoir faire de nouvelles choses. Je marche beaucoup aux projets. Ça me donne envie de pique-niquer. »
Que pouvons-nous te souhaiter pour 2018 ?
« Bonne année ? »
Merci et bonne année alors !
TheGoodTheBadAndTheMeeple 28/12/2017
Après 4 ans à trimer avec la paperasse, c’est un vrai changement de boulot pour se recentrer sur le cœur de métier. Intéressant, à mettre en perspective avec Asmodée qui par ce giron « je prends en charge votre administratif » attire beaucoup…
Cormyr 02/01/2018
Effectivement, je crois que pour les petits éditeurs qui sont souvent seuls, éventuellement à 2, se voir soulager des tâches administratives pour se concentrer sur le créatif est une vraie plus value, au prix de la perte d’indépendance (au sens entrepreneurial).
Mais quand tu galères seul, avec une bonne partie de tes soirées et week-end fagociter par la paperasse, je pense que c’est extrêmement tentant. D’autant que, pour l’instant, les studios semblent garder leur liberté créatrice et c’est cela sans doute le plus important.
Maintenant, une telle concentration au sein d’un même distributeur, n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les boutiques. Même si il n’y a jamais eu autant de distributeurs, Asmodee doit représenter pas loin de 50% de la production (en terme de distribution). Peut-être que les distributeurs comme Blackrock ou Iello auraient intérêt à pousser un peu plus loin leur notion de studio et s’inspirer de Asmodee si ils ne veulent pas voir certains de leurs plus talentueux créateurs suivent le chemin pris par Purple Brain ou Pearl Games.