Oreste, la station spatiale qui décolle !
Oreste est un jeu de rôles de Science-Fiction (actuellement sur Ulule) qui plonge les joueurs en plein XXIIème siècle. Après avoir été attaqués par une race extra-terrestre obscure et malveillante, les Humains découvrent l’Alliance, qui n’est pas moins que LA station spatiale qui rassemble toutes les civilisations de l’Univers et qui gère l’organisation des Mondes alignés. Rien que ça !
Parmi les 25 millions d’habitants de la station, différentes races coexistent et gèrent les aspects politiques, économiques et militaires : les Solariens, les Elfhayms, les Fallens, les Khrones et, depuis peu, les Humains.
Chaque race a ses spécificités. Chaque zone de la station, dont Oreste est la capitale, a ses propres fonctions, mais aussi son propre écosystème. Néanmoins, dans ce monde bien organisé, une puissance maléfique et ancienne menace la population et l’ordre établi : les Seths, dont on ne sait finalement pas grand chose.
Les joueurs, incarnant des humains, vont pouvoir explorer ce monde pour tenter de le comprendre, d’y faire leur place, et peut-être, qui sait, avoir la chance d’être formés au combat et de participer à la lutte contre les Seths.
Premières impressions, à la lecture des livres de règles
L’Univers
L’univers, dont l’idée est rapidement esquissée dans l’introduction, est très dense, complexe et détaillé. Chaque aspect est expliqué, d’un angle qui se veut à la fois pédagogue et omniscient.
On y découvre une Histoire de l’Humanité qui a évolué, avec en filigrane une certaine critique de notre société actuelle, bien sentie et bien amenée. Extrait : « Cette prédominance de la consommation pose néanmoins quelques problèmes, les citoyens nourrissant une certaine tendance à fuir toute forme de responsabilité afin de se concentrer sur la satisfaction immédiate et optimale de leurs désirs propres. »
On y trouve aussi beaucoup de très bonnes idées, comme l’invention de l’Inducteur de sommeil (un appareil qui plonge dans un sommeil profond et réparateur), ou la marque d’Oreste : « Elle s’apparente à une sorte de tatouage rappelant la forme d’une goutte d’eau contenant une spirale en son centre. L’apposition de cette marque constitue la preuve de la citoyenneté d’Oreste, et ses applications dépassent le simple symbole. En effet, ce marquage correspond aussi à l’injection d’un peptide contenant les informations civiques de chaque individu : identité, casier judiciaire, diplômes, passeport, profession, et niveaux d’accréditations aux différentes zones d’Oreste. »
On nous parle aussi, bien sûr, d’une technologie très avancée, d’un Internet aux fonctions démultipliés.
En ce qui concerne les autres races, elles sont largement décrites dans le livre dédié au MJ, et présentées très sommairement dans le livre du système. Si celle du livre du système est concise mais efficace, la version du livre dédié au MJ va à mon sens un peu trop loin dans les détails techniques et rend donc la lecture un peu longuette. Cela étant dit, les races proposées sont intéressantes mais pas forcément hyper originales : les Elfhayms ressemblent à des elfes, les Fallens me font penser aux deckers de Shadowrun pour le côté cybernétique, les khrones à des Orcs, et les Solariens aux protoss de Starcraft.
Je vous en propose une courte description :
- Les Solariens : rachitiques et carapacés naturellement, ils ont le sang noir, pas de nez, et sont asexués. On les dit très vifs et intelligents.
- les Elfhayms : avec leur figure élancée, longilignes, ils ont les traits fins, les yeux bridés et des oreilles pointues. Ils sont tranquilles et plutôt sages, apaisés. Ils sont par ailleurs télépathes.
- Les Fallens : on ne peut donner de caractéristiques physiques globales pour cette race cybernétisée, car elles sont très variables d’une personne à une autre. Avec une part humanoïde, les Fallens font tout de même penser à des machines froides et impassibles. Ce que dément pourtant leur comportement passionné.
- Les Khrones : avec leur ossature incassable, « Les Khrones semblent psychologiquement dépourvus de tout sentiment et les traits de leur visage ne trahissent jamais la moindre émotion. »
La station d’Oreste est décrite de manière détaillée, de son système social à l’aérospatiale. Mais on trouve aussi toute l’histoire des Mondes alignés, écrite comme un roman, et les secrets des Seths, dont seul le MJ doit être informé.
Le Système de jeu
Après m’être immergée dans l’univers d’Oreste, j’avais hâte de découvrir son gameplay. Honnêtement, vue le soin apporté à l’univers, je craignais que ce soit au détriment d’un « bon » système. Et je me trompais, lourdement et très heureusement !
La création des personnages
Sil’introduction aux jeux de rôles est un peu light pour des joueurs néophytes, l’auteur nous prend bien par la main et nous accompagne avec pédagogie et bienveillance pour que l’on s’y retrouve, avec des encarts et des exemples bien vus.
La partie « Imaginez votre personnage » est très bien présentée. Elle invite le joueur à penser son perso et donne des conseils astucieux pour penser son background, de manière très accessible.
D’ailleurs, en parlant d’accessibilité, pendant tout le processus de création, l’auteur montre comment remplir la feuille de perso, étape par étape, et c’est bien venu. Tout est expliqué au fur et à mesure.
La présentation globale des caractéristiques est aussi claire et explicite. On y décrit le Corps, l’Intelligence et l’Esprit.
On arrive alors aux professions. Avec une présentation concise, qui donne juste ce qu’il faut d’informations sans nous noyer, on a une idée assez précise du job mais qui laisse de la place à l’imagination. Et ça c’est bien. On peut donc jouer Agent de terrain (« expert en protection de VIP, infiltration, exfiltration ou éliminations discrètes. »), Ingénieur (« Qu’il s’agisse d’informatique, de technologie embarquée ou de nanorobotique, les domaines d’expertises sont variables et l’ingénieur aura souvent plusieurs cordes à son arc. »), Légende (« agent infiltré, il vit sous une fausse identité, est expert dans un métier qui n’est pas le sien et maîtrise parfaitement la langue d’un pays dont il n’est pas originaire. ») , Pilote (« La grande majorité des pilotes travaillent pour une corporation et assurent des vols long courrier, mais il arrive que certaines personnes souhaitent voyager ou faire convoyer des marchandises discrètement. ») ou Scientifique (« Archéologue, sociologue, biologiste, théologien, professeur ou chercheur… Les mondes d’Oreste recèlent nombre de mystères qui ne demandent qu’à être étudiés « ). Au passage, j’adore l’illustration du scientifique :
Au final, un seul regret, le fait qu’on ne puisse jouer qu’un humain, mais nous y reviendrons.
À propos des compétences
Je trouve l’idée de compétences pré-sélectionnées par profession intéressante. Ainsi on se trouve à faire des choix ou on se laisser guider, ou un mix’ des deux. Par exemple, pour l’agent de terrain, on propose Discrétion/Systèmes de sécurité/ Athlétisme/ Acrobatie/Perception.
Le système de résolutions des actions : le Scan
Lorsqu’un joueur veut faire une action, le Maître du Jeu (MJ) va définir deux choses : le SWOT, et le DO.
Explications, en se basant sur le livre lui-même :
Le SWOT est une étude globale de la situation déterminant les forces (Strengths) et faiblesses (Weaknesses) du personnage, mais prend également en considération les opportunités (Opportunities) ou les contraintes (Threats) par rapport à une situation donnée.
L’OD (Objective Difficulty) est la Difficulté Objective de l’action hors contexte.
Et selon WIKIPEDIA : « Le SWOT est un outil de stratégie d’entreprise permettant de déterminer les options offertes dans un domaine d’activité stratégique. ». Au final je trouve l’idée de l’utiliser pour le jeu excellente ! Ça a en tout cas le mérite d’être original et d’interpeller.
L’auteur explique de façon claire, encore une fois, comment tout cela fonctionne. Le MJ passe donc au scan l’action à effectuer. On regarde d’abord les capacités du PJ, puis les circonstances, cela donne un chiffre compris entre 0 et 10. Il s’agit de la valeur à dépasser pour réussir. Enfin, l’OD donne le nombre de réussites nécessaires au succès, en fonction de la difficulté objective de l’action.
Le joueur lance alors un nombre de dés (d10) égal à la somme des deux caractéristiques liées au test, par exemple Esprit + Corps. Il ajoute à ses résultats le niveau de sa compétence testée.
S’il obtient au moins le nombre de succès demandé, l’action du joueur est une réussite, et elle pourra être plus rapide, plus puissante ou plus intéressante en fonction du nombre de succès. Les exemples et le résumé sont bien présentés, et permettent de comprendre facilement le concept.
À propos du Système de Combat
Le déroulé d’un combat est (lui aussi) bien expliqué. Les PV s’appellent « Résilience », un choix original qui me parle. Le choix des actions de combat est par contre un peu léger, j’aurais aimé en voir plus, comme bousculer, se cacher, viser, encourager, protéger, charger, ce genre de choses.
Les armes ont deux caractéristique : cadence et visée. La cadence définit le nombre d’attaques que vous pouvez porter avec votre arme en un tour. La visée est le score à égaler ou dépasser sur chaque attaque pour qu’elle touche sa cible.
À son tour, on choisit une action et on peut faire des actions gratuites en plus, telles que par exemple se déplacer ou dégainer une arme équipée.
Un encart propose des options d’Initiative intéressantes, à discuter avec les joueurs : un seul jet pour tous les ennemis, un jet pour les joueurs soit pour le tour soit pour le combat entier, ou la possibilité d’échanger son initiative entre perso. Original.
Le fonctionnent des armures (dont certaines sont connectées), boucliers et mods équipés sont expliqués. On trouve aussi des états négatifs, comme blessé, inconscient ou ralenti.
Sachez qu’un système alternatif de combat, avec des cartes, est proposé. C’est étonnant, un peu iconoclaste, mais peut s’avérer intéressant et apporter un aspect encore plus ludique et tactique au combat. Les illustrations des pouvoirs sont en vue subjective :
Un grand tableau liste les types d’affrontements possibles que les joueurs pourront rencontrer.
Enfin, l’auteur fournit une fiche de PNJ vierge, toujours pratique.
Ressenti, après une première partie
J’ai proposé à trois amis de tester Oreste. Il faut savoir que ce sont des joueurs aguerris.
Max est fan de Science-Fiction sous toutes ses formes et supports, il a joué à de nombreux jdr (Agone, Stormbringer, fading sun, Nephilm,Warhammer et bien d’autres) en tant que joueur, et en tant que MJ, Deadland et des jeux de rôles de sa création.
Vincent apprécie les univers contemporains fantastiques, la SF, et le médiéval fantastique « pas trop classique. » Il a joué récemment à L5R, le Dés sur la table, Oltrée, 7ème Mer, Delta Green ou encore Eclipse Phase et alterne entre joueur et MJ.
Quant à Hervé, ses jdr préférés sont Vampire, Shaan, Cthullu, Star Wars et L5R. Parfois joueur et parfois MJ, il aime les univers variés avec une préférence pour le médiéval-fantastique.
Cela vous permet de cerner un peu mes joueurs 😉
Après avoir étudié le scénario du livre et imprimé les perso pré-tirés, nous nous sommes donc réunis. Je leur explique alors les grandes lignes de l’univers, le contexte humain et les autres races, avec images à la clé. Puis chacun choisit son perso, et on commença enfin à jouer.
La partie s’est bien déroulée, avec amusement des deux cotés de l’écran, on a indubitablement tous passé un bon moment. Le scénario était un peu dirigiste, mais c’est compréhensible pour un scénario d’introduction.
Vrai regret : ce scénario ne laisse pas présager de l’ampleur des bonnes idées et de la richesse de l’univers, et mes PJ sont un peu restés sur leur faim. On aurait pu en effet imaginer un peu plus de descriptions, d’explorations, et d’indices pour aider à l’immersion et mettre en valeur les éléments SF originaux (sinon on reste un peu trop en terrain balisé pour des habitués).
Mes joueurs ont bien sûr trouvé une issue à l’histoire qui n’était pas du tout prévue ! Et il m’a fallu beaucoup improviser, ce qui me plait bien.
Quant au système, je l’ai trouvé, en tant que MJ, assez fluide. Un peu en mode « bricolage » au début, mais c’est allé tout seul par la suite. Certains à la table l’on trouvé un peu simpliste, d’autres (dont moi) l’ont apprécié pour son aspect accessible à tous et efficace.
Verdict
Après des premières impressions vraiment très bonnes en ce qui me concerne, les retours de mes joueurs m’ont un peu plus refroidie, mais faut dire qu’ils sont devenus exigeants en la matière.
J’étais embêtée de ne pas avoir réussi à leur communiquer toute la richesse de l’univers. Sans vouloir accuser le scénario d’introduction, il est vrai qu’il aurait mérité de montrer un peu plus le contexte, les tensions entre les tenants et les aboutissants parmi d’autres aspects, et faire voir du pays.
Sachez tout de même qu’Oreste est un monde à secrets, les joueurs vont pouvoir découvrir petit à petit ses mystères, à la discrétion du MJ, et ça, c’est toujours quelque chose d’assez fort d’un point de vue narratif.
Je pense honnêtement qu’Oreste est un bon jeu de rôles, écrit comme un bouquin et magnifiquement illustré, accessible, regorgeant de bonnes idées, et qui a un système de jeu original, mais dont le contexte global est peut-être trop ‘classique’ pour les spécialistes de Science-Fiction qui verront aisément les nombreuses références. Mais comme ça n’est pas mon cas, personnellement je me suis éclatée à découvrir ce monde. Je pense qu’un scénario peut-être plus orienté « découverte » de l’univers pourrait être un vrai plus.
Dommage tout de même de ne pas pouvoir jouer une autre race qu’un humain, mais c’est justement parce que l’auteur veut voir le cas de l’Humain émerger au centre de cet univers, que l’humanité n’a rejoint que récemment et dans lequel elle doit trouver sa place. Et puis, peut-être que le jeu permettra plus tard (par exemple dans des extensions) de jouer d’autres races… L’auteur lui-même n’est pas contre l’idée !
Si Oreste ne révolutionne pas le monde du jdr, il y ajoute une pierre personnelle et vivante. Peut-être pas pour les gros joueurs qui sont incollables en Science-fiction, mais pour tous les autres, il peut s’avérer une expérience intéressante, un bon moment à passer, accessible et fun. Et c’est ça, le jeu de rôles, non ?
Oreste est un jeu de rôles créé par Sébastien Moricard et illustré par Johann Blais, Jonathan Noyau, Sylvain Aublin et Cédric Cavé.
La campagne Ulule a commencé le 2 octobre, et vous pouvez aussi consulter la page Facebook du jeu ici et le site web en cliquant ici.
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Shanouillette 05/10/2018
Un grand merci à Tielcalys 🙂
Umberling 05/10/2018
Super retour !
Macnamara 05/10/2018
Merci pour ce retour, je suis curieux se savoir pourquoi les retours des joueurs sont mitigés : à cause de l’univers, du scénario,des règles?… Et avez vous testé le système de cartes? Un avis sur ce dernier?
Tielcalys 12/10/2018
Bonjour, merci pour votre commentaire. Les joueurs ont en fait été un peu déçus que le scénario d’introduction ne montre pas la richesse de l’univers, du coup ils n’y voyaient pas son originalité ni sa complexité au niveau du background. Je n’ai pas pu tester la version avec les cartes, mais je pense que ça peut apporter un plus, plus de ludique et plus d’immersion. Et c’est assez original pour avoir envie d’essayer. En espérant avoir répondu à vos questions 🙂
Duinhir 08/10/2018
ça fait beaucoup penser à la cité des milles planètes tout ça. Faut juste rajouter Valerian et Laureline 🙂
Sedenta 09/10/2018
C’est à Mass Effect que j’ai pensé en premier, car l’humain arrive à la Citadelle en dernier 🙂
Shanouillette 08/11/2018
La campagne cartonne super bien en tout cas. Pour info, elle se clôture demain et ils visent un objectif 500% !
Shanouillette 05/06/2019
Pr info, il y a un site éditeur dédié à Oreste (avec un late pledge apparemment).