Manhattan project – war machine : de toutes les matières, c’est la war qu’elle préfère

The Manhattan Project de Brandon Tibbetts est sorti en 2012. Marabunta le traduit en 2014 dans une version France/Allemagne avec les extensions Nations et Second Stage intégrées. Le thème peut faire hurler puisqu’on y fabrique des bombes atomiques. Jeu de pose d’ouvriers, on se place, on prend la ressource, on bloque la case, on achète des cartes pour améliorer ses employés, transformer les matières, on espionne ses voisins avec le soutien de notre pays, et si ça coince, on déclenche des frappes aériennes. Jeu d’optimisation au visuel coloré, presque cartoon, Manhattan Project aura une descendance avec Energy Empire (2016), Chain Reaction (2016), Minutes to Midnight (2018)…. ainsi qu’ une série d’extensions liées aux différents titres.

 

 

Une lignée qui se continue aujourd’hui où, via souscription, un nouvel opus vient nous rappeler que la guerre, ça se prépare. Et ça se prépare dans des entrepôts avec une main d’oeuvre qualifiée et une production impeccable. Ici, plus question de bombe, on gère la logistique. Le jeu s’adresse clairement aux fans de la gamme, même si tout le monde peut s’y coller. Il en reprend le fond et le décor, tentant d’édulcorer sa matière première : la suprématie militaire, les armes. On fera même attention à « nettoyer la pollution que vous créez » !! Un terme qui prête à sourire (balancer des bombes oui, mais en respectant l’environnement ?) mais qui, en réalité, concerne l’énergie nucléaire et les fuites radioactives. C’est vrai qu’au milieu de cette déferlante de thème nature (Cascadia, Forêt mixte, Harmonies, Evergreen…), il faut faire bonne figure.

Le matériel est soigné et ne déçoit pas avec ses poignées de dés gravés, ses 60 tuiles bâtiment, ses plateaux personnels modulables double épaisseur, et ses pions en forme de poutrelle, pièce d’or… L’esthétique du jeu divise pourtant. Collant, pour ma part, au visuel de l’époque, on peut effectivement la trouver trop datée. On ne pourra, par contre, pas lui reprocher sa lisibilité avec un résumé des actions du plateau et des petits détails bien utiles pour savoir quand vous avez activé un bâtiment par exemple.

 

une boîte sobre et stylisée

 

Early war

Comme dans toutes guerres, il y a des dégâts collatéraux. C’est la règle qui se les prend de plein fouet. Si la précaution liée à la pollution prêtait à sourire, le reste est moins drôle. Cela commence par le descriptif de la mise en place qui n’est pas à côté de la photo, c’est loin d’être pratique. Cela continue par des flous permanents sur comment jouer. À quatre joueurs, il y a 9 places pour 12 dés. Comment se débrouiller avec ça ? Le décompte de fin est flou lui aussi sur les points des ressources. Il faut alors chercher dans les vidéos, les forums où on nous renvoie vers la règle en VO et surtout la clarification qui lui est consacré. Bref, la partie n’a pas commencé qu’on a déjà envie d’arrêter. La VF s’est contentée de traduire le livret sans le relire, c’est dommage. Y aura-t-il une V2, ce serait fort utile.

Lors de la première partie, la mise en place est laborieuse, beaucoup de plaquettes composent le plateau personnel. Une fois encore, ne pas avoir les explications à côté de la photo n’est pas très confortable. Avec un peu de patience, on trie les plaquettes pour reconstituer, en suivant les numéros, l’installation des différents modules. Votre plateau est donc un grand rectangle composé de plusieurs zones (Cargaison/Entrepôt/Structure). Les deux principales, visibles, concernent les pistes de production de ressources, dés, et les emplacements des différents bâtiments. Les tuiles extensions donnent un dé supplémentaire, un agrandissement des pistes ressources et points de victoire ainsi que la place pour de nouveaux bâtiments. Tout cela, il faudra le construire. Elles sont, pour le moment, face cachée.

 

les multiples éléments du plateau personnel

 

Pour créer une légère asymétrie, deux cartes (Entreprise et Subvention gouvernementale) sont conservées par chaque joueur, activant, via un dé, un pouvoir et donnant un bonus de fin. Chacun commence avec trois dés. Ce sont les ouvriers de votre usine, symbolisés par un logo lié à leur activité : industrie, commerce, gouvernement. Une face génère également de l’énergie (joker) et du nucléaire (polluant mais qui sert également de joker). Un marché des bâtiments est à disposition.

 

 

 

Mid war

Le tour de jeu est fluide. On lance ses dés, on se place sur une des trois zones du plateau central pour faire ses actions (actions générales) puis, avec les mêmes dés, on active ensuite les bâtiments de son plateau personnel. Il faut donc penser global et ne pas se retrouver avec des symboles de bâtiments que vous ne possédez pas. Dit comme cela, ça coule de source. Il aura fallu quelques recherches (avec des erreurs sur des replay de parties live, ouf on se sent moins seul) et quelques discussions pour comprendre que les dés ne bloquent pas les emplacements. On fait toutes les actions et les autres peuvent suivre. War Machine est un jeu à moteur, d’optimisation avec des chaînages entre structures. Le plateau est divisé en 3 zones correspondant chacune à un type d’action.

Les dés affichent des faces différentes : un chapeau Haut de forme, une clé à molette et une étoile, chacun de ses dés agit sur une partie du plateau, pour en fonction des zones, récupérer de l’argent et faire évoluer nos plateaux, augmenter nos production, nettoyer la pollution, etc. Sans oublier l’énergie nucléaire qui sert de joker. Par contre, elle donne des malus.

Le joueur actif place son ouvrier, les autres joueurs peuvent, ensuite, effectuer une action dans la même zone. Cela permet de minimiser l’attente durant la manche, et d’avancer. Par contre, le gain est minimisé par rapport à celui d’un ouvrier. Chacune de ses zones permet l’achat de bâtiments que l’on va ajouter sur notre plateau personnel.

 

 

Revenons aux bâtiments, ils sont de trois types : industrie, commerce, gouvernement. On les achète dans leur zone, même si c’est possible ailleurs en payant plus cher. Une fois acquis, ils sont placés sur le plateau personnel et vont être activés avec les dés que l’on vient d’utiliser (énergie et nucléaire compris). Ces tuiles ont des conditions d’activation, nécessitant souvent un ou deux dés. Elles peuvent être activées plusieurs fois si précisé ou produire des bonus d’adjacence avec des gains immédiats ou de fin de partie et lié à leur corps de métier. On pourra produire des ressources, les transformer, acheter des PV, nettoyer la pollution etc. Certaines tuiles copient ou améliorent les tuiles voisines. (Un descriptif de chaque bâtiment est disponible en pdf sur le site BGG).

Les cartes Subvention et Entreprise distribuée en début de partie offrent une petite asymétrie au jeu. Les premières peuvent recevoir un dé nucléaire et donnent des PV, des réductions … tandis que les secondes sont des objectifs de fin de milieu ou fin de partie (posséder 10 minages/5 PV par usine…).

La fin de partie survient au bout de x manches, dépendant du nombre de joueurs (4 à 4/5 à 3/6 à 2). On compte les points et le vainqueur peut être fier, grâce à lui sa nation est devenue la première puissance militaire mondiale.

 

plutôt shopping que mine ?

 

Late war

Une fois la guérilla ludique des règles terminée, nous voilà face à un jeu classique et agréable. Classique car il s’agit d’un principe d’optimisation où l’on essaie de créer un moteur, de s’adapter, de construire des bâtiments qui se correspondent et se répondent, de générer des ressources, de débloquer des améliorations et de récupérer au plus vite des dés supplémentaires pour activer plus de bâtiments etc. Agréable car le matériel est au niveau, sa manipulation confortable et le tout bien lisible.

 

 

Le jeu est rapide puisqu’on peut, à certains moment, quasi jouer en simultané. Le joker énergie permet de ne pas attendre bêtement son tour, c’est appréciable et permet une meilleure interaction, même si cette dernière reste légère. Si la partie affiche 4 tours à 4, il faut en réalité, les multiplier par deux, puisque nos dés vont être utilisés une fois sur le plateau central et une fois sur les bâtiments construits. On pourra donc investir dans la production pour bâtir un bâtiment que l’on active en replaçant ses dés par exemple. Il faut choisir ses actions en anticipant sur ses constructions, si on le peut. Car les dés, même si on peut les modifier représentent un élément de chance qui peut faire pester, surtout dans ce type de jeu. On peut toujours évincer deux dés (un seul si on a modifié son plateau) pour en mettre un autre sur la face désirée. Une autre bonne idée, si on n’a pas le bon ouvrier, est de pouvoir jouer des symboles énergie qui se placent n’importe où. Bien sûr, on gagne moins ou on génère de la radioactivité, mais c’est déjà ça, et, en plus, ils permettent d’activer les bâtiments, ce qui reste puissant.

Le jeu est fait pour trois, quatre joueurs. À deux, le marché des bâtiments se régénère moins vite, ce qui peut bloquer quand on a un plan en tête. On peut aussi se dire qu’on peut mieux anticiper et adapter son plan d’action par rapport à ce marché moins mouvant, mais en fin de compte, ça coince. Le mieux est d’ajouter à chaque tour un bâtiment ou de défausser le dernier du marché (règle non officielle). S’il y a peu d’interaction directe, il faut quand même regarder ce que fabrique le voisin pour voir ce qui peut l’intéresser et ne pas viser la même chose sous peine de voir disparaître la tuile espérée.

Le jeu, comme dit, reste classique avec pose, ressources, transformation. Débloquer des améliorations est évidemment primordial et une des premières actions visées est de récupérer un dé supplémentaire. Si jamais on ne peut pas le placer sur le plateau central, il peut activer un bâtiment ou servir à modifier la face d’un de ses collègues. Les symboles énergie sont un vrai plus, permettant de ne pas être  victime d’un mauvais lancer. Améliorer sa piste de points de victoire est assez original pour être souligné. Niveau rejouabilité, le déroulement est assez cadré, mais ce sont les objectifs, les contraintes de fin de partie et l’ordre dont apparaissent les bâtiments sur le marché qui vont créer le renouvellement, car il faudra jongler avec ceux qui tombent pour optimiser. Le jeu est donc exponentiel car plus de dés, plus de structures, plus d’améliorations et plus d’effets. Encore une fois, la fin arrive vite et on aurait bien aimé en faire plus. Cela servirait-il le jeu ? Pas forcément.

 

des visuels adaptés à l’époque

 

S’il s’inspire de la gamme Manhattan Project, War Machine s’y glisse sans soucis, sans non plus bouleverser le concept, restant dans les clous de ce type de jeu en mélangeant des mécanismes éprouvés. Il aura donc fallu batailler pour réussir à se frotter à cette machine de guerre. Le résultat est plaisant. Si on est habitué à ce type de jeu, il sera sans réelle surprise, si on est fan de Manhattan Project, on lui préférera d’autres titres de la gamme, si on cherche un jeu d’optimisation fonctionnel, il conviendra.

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1 Commentaire

  1. ihmotep il y a 11 jours
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    J’aime beaucoup le design du jeu, dans un style qui me rappelle les dessins animés Batman ou Fallout ^^.

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