Wildlands est une des dernières productions de l'auteur Martin Wallace. Si ce nom ne vous dit encore rien, il est grand temps de courir vous renseigner et surtout essayer ses jeux. Capable du pire mais surtout du meilleur, cet auteur est un des plus originaux et talentueux depuis les années 90'. On lui doit, entre autre, des titres comme Age of Steam, A Few Acres of Snow, God's Playground. Du lourd je vous dis. En cette année 2018, ce n'est pas moins de trois gros titres qui rejoignent les étales. Deux provenant d'un Kickstarter : Auztralia et le nouveau Brass : Lancashire et un sortant directement en retail : Wildlands. C'est d'ailleurs de ce dernier que l'on va parler ici.
Wildlands est sorti donc pour Essen 2018 chez Osprey Games. Osprey Publishing est un éditeur anglais assez surprenant. Peu connu du grand public, il est spécialisé dans l'édition de livre ou de règles de jeu. Il est notamment à l'origine de célèbres wargame / jeu de figurines comme Frostgrave, Dracula's America ou Bolt Action. Il n'en délaisse pas pour autant le jeu de plateau, de part sa branche Osprey Games, avec des titres comme Escape For Colditz, The Lost Expedition, London (encore un Wallace). Un éditeur qui cherche depuis quelques années à sortir du lot.
Mais de quoi ça parle Wildlands ?
Suite à une lutte acharnée entre le bien et le mal, la capitale du royaume s'est vue ravager. C'est effectivement en plein milieu de ce territoire que la lutte finale a eu lieu. La victoire du bien ne fut pas sans conséquence et la capitale fut emportée laissant des terres sauvages dévastées.
Aujourd'hui, des factions ennemies s'y retrouvent pour la recherchent de trésor, de gloire et de renommée. Cela tombe bien car vous incarnez une de ses factions et votre but est de vous imposer face aux autres.
Wildlands est donc un jeu de 2 à 4 joueurs, basé dans un univers fantasy. Chaque joueur incarne une faction composée de plusieurs figurines (5 par faction dans la boîte de base). Il y a en a quatre de base (une par joueur c'est bien fait hein). Chacune propose un gameplay assez différent. Pas dans le fonctionnement, mais dans la façon de les appréhender et de les maîtriser. Pour vous imposer ? Rien de plus facile. Il vous suffit d'être le premier à remporter 5 points. Un point vous reviendra si vous arrivez à récupérer un cristal de votre couleur ou si vous mettez hors jeu une figurine adverse. Une figurine hors jeu ne pourra bien entendu pas revenir. Une fois qu'un joueur perd toutes ses figurines, il a perdu. Donc gare aux aventuriers trop téméraires.
Dans le jeu, il y a deux types d'actions : les basiques (regular) et les drapeaux (flags).
Quand vous jouez une carte avec le symbole de votre personnage, vous pouvez réaliser des actions regular : soit se déplacer sur une case adjacente, soit collecter un diamant sur sa case (en défaussant trois symboles identiques de son personnage donc potentiellement trois cartes), soit les deux.
Quand vous jouez une carte pour un flag, la figurine associée peut réaliser l'action indiquée sur le drapeau qui suit le symbole.
Chaque carte dispose de plusieurs symboles. Quand une carte est jouée, vous ne pouvez activer qu'une seule figurine peu importe l'image et le nombre de symboles. Eh oui, tout le jeu repose sur le choix. Faire telle ou telle action va vous priver d'autres choix.
Vous avez aussi des cartes Wild qui vous offre trois choix (en plus de celle du personnage dessiné) : déplacer n'importe quel personnage, piochez deux cartes or interrompre. Interrompre est un autre mécanisme de jeu assez malicieux. Grâce à une telle carte, vous pouvez intervenir dans le tour d'un adversaire.
Une fois qu'il a fini une action (n'importe laquelle), vous pouvez jouer une carte pour sa capacité interruption afin de jouer comme si c'était votre tour. Mais attention, lui aussi peut faire de même, tout comme un autre joueur. Très vite, tout peut s'enchaîner et faire mal. Une fois que chaque joueur a fait son interruption et jouer ses actions, on revient au joueur actif actuel.
C'est tout ? Presque. Le jeu vous laisse la liberté de jouer autant de cartes que vous voulez mais à la fin d'un tour vous ne repiocherez que trois cartes (et quand vous interrompez le jeu d'un joueur vous ne repiocherez pas avant la fin de votre tour).
Présenté comme un jeu d'escarmouche (affrontement de petites bandes), Wildlands offre finalement un peu plus que cela. On peut tenter de tuer les personnages de l'autre faction mais on peut aussi très bien l'emporter sans faire un seul dégât en ramassant les cristaux de sa couleur voire un mix des deux. Il faut sans cesse faire attention à ce que fait l'autre. L'interaction est très forte surtout avec la menace potentielle d'une interruption à son tour.
Nous sommes clairement dans un jeu qui ne plaira pas à tout le monde. Ses points forts peuvent aussi devenir ses faiblesses. L'impression d'un chaos omniprésent (lié à la mécanique d'interruption), la forte présence de hasard (lié à la pioche de cartes qui vont déterminer les actions possibles), la victoire immédiate sans finir le tour, la facilité d'accès sont autant de points qui peuvent faire peur voire éloigner bon nombre de joueur.
Mais Wallace est un auteur reconnu pour mélanger savamment des mécanismes de jeu dit « à l'allemande » avec de l'ameritrash. Wildlands ne déroge pas à la règle.
Le hasard est bel et bien présent, que ce soit dès la mise en place ou en plein jeu, ce sont les cartes qui vont vous permettent de réaliser vos actions. Parfois quand vous avez pas la main, cela peut vous faire rager. Mais c'est aussi une des volontés du jeu, vous obliger à vous adapter à chaque situation. Il est quasi impossible de se retrouver coincé si vous savez changer de stratégie au bon moment.
La capacité d'interrompre le jeu d'un autre apporte, il est vrai, un peu d'effet de surprise mais on est loin du « grand chaos ». Réaliser cette action est à la fois dangereux pour l'adversaire mais aussi pour vous. Car si vous ratez votre coup, vous allez commencer votre tour fortement amoindri niveau possibilité. Et ça peut faire mal.
Pour ce qui est de la victoire immédiate, finalement peu rare pour un jeu d'escarmouche, cela rajoute une vraie pression au jeu.
Wildlands semble un jeu simple, trop simple. Et pourtant non.
Il a l'énorme avantage d'offrir une forte accessibilité. Les règles sont courtes mais surtout très facile à appréhender. Même si vous pouvez expliquer le jeu en moins de 5 minutes, ce n'est pas pour autant qu'un joueur le maîtrisera. Chaque faction offre une jouabilité très différente dans ses réactions. Par exemple, tandis que l'une va aller plus vers l'affrontement au corps à corps, l'autre va aller vers l'esquive et la vitesse. Il va falloir essayer de vous adapter au mieux face à un adversaire qui va tout faire pour prendre l'avantage. Il n'est pas rare de réfléchir pour essayer de voir qu'elle est la meilleure utilisation de sa main et quelle carte on doit jouer ou non. L'interaction est réellement omniprésente. Que ce soit à votre tour ou à celui des autres, il faut toujours avoir un œil sur la situation.
La liberté et l'adaptation sont deux mots qui collent parfaitement bien au jeu. Vous avez beaucoup de choix, et vous disposez d'une grande liberté pour les accomplir. Mais chaque action sera faite au détriment d'une autre. Il va donc falloir bien réfléchir et accepter le fait qu'on ne puisse pas tout maîtriser. En même temps, ce n'est pas le but de ce type de jeu où le take that est très ancré.
Contrairement à ce qu'on peut penser, le jeu est court, voire très court si on ne fait assez attention. Cette durée permet donc d'éviter l'impression de ne pas maîtriser et la frustration qui peut découler de voir ses actions échouer alors que le plan de l'autre se déroule sans accro. Mais elle offre aussi la possibilité d'enchaîner les revanches et d'essayer les différentes factions sans pour autant avoir une impression de lassitude. Encore faut-il, bien entendu, aimer le style de jeux.
Mais au fait, que trouve-t-on dans la boîte ? Une fois n'est pas coutume, c'est à la fin de cet article que je vais vous parler du matériel. A l'intérieur de la boîte, on va donc retrouver les quatre factions accompagnées de leur deck de cartes et de socles de couleur, des gemmes, des tokens dégâts et un plateau recto/verso. Oui c'est tout. Il n'y a pas forcément besoin de plus mais c'est vrai que pour le prix du jeu cela peut surprendre. En allant un peu plus loin dans l'inspection, on peut avoir des pistes pour comprendre. Le matériel général sans être exceptionnel est de bonne facture. Le plateau recto/verso offre deux terrains d'affrontement avec des points de règle légèrement différents. Le rendu est propre. Un soin tout particulier a été donné aux figurines. Pour le coup, malgré un style un peu retro pour certaines, elles sont belles, fines et détaillées. Elles ont bénéficié d'un lavis noir (plutôt bien fait) qui leur donne un véritable cachet (un peu comme dans Merchs vs Minions). Bon pour être franc, quand on retire les inserts (plastiques), ça fait quand même une grande boîte vide. Des inserts un peu plus petits et permettant d’accueillir les futures extensions auraient été appréciables. On espère aussi dans le futur de nouveaux socles de couleur pour éviter d'avoir à les retirer, à la fin de chaque partie, de nos figurines (au risque de les abîmer).
On sent bien quand même que Osprey a pris soin de faire du beau boulot et a voulu offrir un jeu visuellement attirant et ce au détriment d'un prix élevé.
Wildlands est un jeu un peu trop passé à la trappe suite à Essen 2018. Il n'a clairement pas eu le succès qu'il aurait mérité. Le prix n'y est malheureusement pas étranger selon moi. C'est vraiment dommage d'autant plus qu'il s'agit d'un bon jeu et ce peu importe le nombre de joueur. A deux, il va vous offrir un challenge plus tactique. A 3 ou 4, la tension est plus importante et les retournements de situation peuvent survenir à n'importe quel moment.
Même s'il est vrai que le thème est vite oublié, le jeu est nerveux, immersif, fun, rapide, malin et bien fourbe. De part sa forte accessibilité et ses règles simples, il pourrait facilement servir à initier les non habitués au jeu d'escarmouche.
Wallace et Osprey ont d'ors et déjà annoncé suivre leur gamme. Une première extension est sortie peu de temps après : The Undead. Celle-ci offre une nouvelle faction (composée de 6 figurines) qui peut être utilisée à la place d'une autre ou qui peut servir en tant que rencontre neutre. Attention tout de même, cette extension ne permet pas de jouer à 5. En 2019, d'autres extensions sont prévues : que ce soit des nouvelles factions (the adventures party avec de nouvelles règles) ou de nouvelles map.
Une très bonne surprise, si vous avez l'occasion de l'essayer n'hésitez pas une seconde.