A Handful of Stars est le dernier jeu de la trilogie « Handbuilding/Deckbuilding » de l'auteur Martin Wallace. Cette trilogie avait été initiée par A Few Acres of Snow puis par Mythotopia. Comme souvent avec cet auteur, le mécanisme classique est transformé en un mélange assez intéressant. Dans cette série de jeux, Wallace s'amuse avec le deckbuilding. Wallace va donc partir sur le mécanisme que l'on connaît mais on va vite se retrouver avec une jouabilité assez différente.
A Handful of Stars est un jeu jouable de 2 à 4 joueurs. L'histoire se passe dans un univers de science fiction. On incarne une faction, une espère alien et notre but est de s'imposer dans la galaxie. Nous sommes dans un jeu d'affrontement très stratégique. A Handful of Stars est un jeu qui ne pardonne pas surtout à deux joueurs où le contact est encore plus brutal. A trois ou quatre, les forces en présence peuvent s'équilibrer et la diplomatie, non officielle, joue un rôle non anodin.
Esthétiquement, le plateau et le rendu général est beau. Ca paraît bête à dire mais les jeux de Wallace ne sont pas réputé pour leur graphisme surtout ceux édité par Treefrog (dont c'est le dernier ici). Mais rassurez-vous on replonge dans le « normal » avec notamment les pions vaisseaux.
Chaque joueur commence sur un monde natal, une planète de base choisi parmi une sélection de système. On incarne une des sept races aliens disponibles. Chacune étant asymétrique. A la mise en place, les planètes qui composent la galaxie sont placée de façon aléatoires. Ceci assure une énorme rejouabilité, car même les routes qui relient les zones de planètes peuvent se retrouver bloquées par des trous noirs. La disposition initiale du plateau ne sera que rarement identique. Cela va donc influer aussi sur le démarrage des joueurs. En effet, d'une partie à l'autre, vous pouvez avoir de la chance et tomber sur un départ avantageux... ou, si vous n'en avez pas, assez désastreux. Mais va falloir faire avec. On ne devient pas Empereur de la Galaxie sans challenge.
Chaque planète sous votre contrôle vous rapporte des cartes. Ces cartes vont constituer notre deck. N'oubliez pas que nous sommes à l'origine devant un deckbuilding... mais auquel on a intégré un système de 4X... ou l'inverse... Plus vous allez vous étendre dans la Galaxie et conquérir des systèmes, plus vous allez être présent sur le plateau. Or plus vous allez grossir, plus votre deck va grossir. Le besoin de l'épurer ou de tomber sur LA carte qu'il nous faut va donc s'amoindrir en fonction de votre appétit guerrier. Cet aspect, niveau thématique, fait penser à un Empire perdu au milieu de la bureaucratie et à son inertie dus à la quantité de monde à contrôler.
La notion de deckbuilding est assez important dans le jeu. Mais pas de la façon traditionnelle. En effet, ici pas de rivières de cartes à acheter. Les cartes qui vont former votre deck vont provenir de vos conquêtes ou de votre capacité à investir dans la technologie. Avec 6 cartes en main par tour, vous allez pouvoir en jouer autant que vous le souhaitez. A la fin d'un tour, vous ne repiochez que jusqu'à à avoir de nouveau 6 cartes. Eh oui, on peut garder des cartes d'un tour sur l'autre. On n'est pas obligé de jouer toute sa main lors d'un tour. Mais plus on garde de cartes moins on renouvelle sa main. Afin de permettre de planifier de futures actions ou de mettre de côté des cartes jusqu'au bon moment, on retrouve l'action chère à Wallace de Réserver. Dans A Handful of Stars, sur le plateau joueur individuel, nous avons deux emplacements « Réserve ». Le premier emplacement permet de stocker des cartes en fonction de sa capacité limite. C'est une des actions possibles et ça vous débarrasse votre main ou votre deck tout en gardant la capacité de les jouer plus tard. Le second emplacement est lui réservé à certaines cartes qui auront un effet permanent tant qu'elles seront visibles. C'est une notion très importante dans le jeu et surtout très utile.
A l'aide des ressources présentes sur les cartes, on va donc peu à peu construire notre civilisation. Chaque carte peut posséder plusieurs ressources mais on en utilise qu'une lorsqu'on la joue. Le choix peut parfois être difficile. Il y a quatre ressources disponibles. Développer sa recherche, permet d'acquérir de nouvelles cartes technologies. Récupérer des sources d'énergie permet de se déplacer. Acquérir une espèce de matière spéciale qui sera utilisée lors des affrontements. Enfin, capturer ou pacifier les populations permettront de s'installer sur de nouveaux systèmes.
Les actions possibles sont assez nombreuses : mettre des cartes en réserve, se déplacer, récupérer des cartes technologies, jouer des cartes technologies, créer des avants postes, s'installer sur les planètes habitables, développer ses troupes, retirer une seule carte, se défausser d'une carte ou passer. Pour être franc, les trois dernières actions ne sont guère utiles dans ce jeu. Parmi tout ça, on ne pourra en choisir que deux par tour.
Un des points importants du jeu est l'affrontement. Pour devenir Empereur, la paix c'est bien beau mais ça ne dure pas éternellement, surtout quand les autres ont le même but que vous. Du coup, ça pose vite problème. On se rend compte que la Galaxie n'est pas si grande et que si certains pouvaient disparaître ce ne serait pas si embêtant que ça. L'attaquant va donc se rendre sur la planète neutre ou appartenant à un autre joueur. Pour cela, il doit dépenser de l'énergie pour déplacer ses vaisseaux ou ses bases. Chacune ayant une force de combat propre. On a alors deux possibilités. Si la cible est neutre, on regarde sa force sur le token. Si l'attaquant a au moins +1, il gagne. Il peut rester pour éventuellement plus tard s'installer. Si c'est un joueur, la lutte peut devenir plus sanglante. Une fois que l'attaquant s'est déplacé, le défenseur a la possibilité de faire de même (en payant aussi de l'énergie). On regarde aussi les potentielles cartes technologiques. On compare les forces. On massacre la moitié de chacune des armées (arrondie à l'inférieur ou au supérieur suivant qui gagne). Le gagnant reste, le perdant fuit chez lui (sinon il périt). C'est un jeu violent. Ceux qui n'aiment pas souffrir ou être attaqué passez votre chemin TOUT DE SUITE ! Dans l'espace, la loi du plus fort règne en maître.
Mais comment se termine donc cette lutte acharnée ? Là aussi, Wallace a créé un système assez malin. La mécanique centrale est donc le deckbuilding. Chaque joueur possède son propre deck. Une fois que son deck est vide, il le remélange. Jusque là tout va bien. Sauf qu'une fois qu'un joueur (n'importe lequel) mélange son deck, on avance le compte tour d'un cran. Lorsque celui-ci rejoint la case de fin de partie (dépendant du nombre de joueur), c'est la fin. La gestion et la vitesse avec laquelle on va ou non jouer ses cartes, vont énormément compter. Si on joue trop vite, ou que notre deck est trop petit, la partie va avancer beaucoup plus vite.
A Handful of Stars est un jeu extrêmement malin. Wallace a réussi une fois encore à créer un jeu unique dans ses mécaniques tout en s'inspirant fortement de ce qui existe ailleurs. La tension est omniprésente. Le jeu est méchant, brutal et ne pardonne pas grand chose. La rejouabilité y est énorme que ce soit lors de l'installation, le choix de sa faction, sa façon de jouer... L'interaction est très forte. Il faut sans cesse faire attention à ce que fait l'autre. Sa place dans l'univers, sa capacité à se déplacer, le nombre de fois qu'il met pour mélanger son deck. Beaucoup de facteurs à prendre en compte pour un jeu qui finalement n'est pas si calculatoire. Avec ce jeu, on sent qu'il est arrivé au bout de sa démarche. Transcender et transformer l'essence du deckbuilding pour le rendre encore plus intense et concret. Attention, la durée des parties est assez importante. Un jeu qui ne peut pas vous laisser indifférent mais qui demandera plusieurs parties pour se laisser apprivoiser.
Ce jeu a aussi un petit goût d'amertume. Même s'il est très bon, il aura toujours cette petite saveur de fin. En effet, avec lui, Wallace termine, non pas de créer des jeux fort heureusement, mais l'aventure de Treefrog. C'est peut être anecdotique mais ça compte pour moi. Ce jeu est un peu passé inaperçu lors de sa sortie et continue à être difficile à trouver. Peut être est-ce dû un peu à cela... En tout cas, si vous aimez le système 4X et le deckbuilding foncez les yeux fermés on est face à un excellent jeu.