Adrenaline : Petit massacre entre amis

Interro Surprise ! Filip Neduk, ça vous dit peut-être quelque chose ?

    BUZZZ !

Goblins, Inc*

Bravo oui, c’était lui ! 10 point pour Griffondor !

Oui, un auteur resté plutôt silencieux depuis 2012 jusqu’à ce qu’on apprenne qu’il avait un jeu en cours de développement chez Czech Games (again !). Et oui, pour ceux qui se posent la question, ça veut dire une traduction française chez Iello à venir.

* Lire notre test

adrenaline FPS

Quand on a découvert la bête à la Gencon

 

Depuis qu’on avait tâté le proto de Wolfenstein (notre article ici), on se disait que le jeu de tir à la première personne avait un avenir dans le jeu de société. Ça fait plaisir de voir des thèmes peu usités nous changer des jeux où le cochon se résume toujours à un petit cube rose – où les princesses servent juste à être secourues par des barbares bien huilés – où les plateaux sont toujours un paysage sauvage en attente de réseau ferroviaire, etc.

Vous avez compris l’idée, Adrenaline promet d’écrire sur une page pour ainsi dire vierge du jeu de société (ou à peine déflorée) à savoir le FPS, le First Person Shooter à la Quake. Voilà, c’est dit : on va juste chercher à se wallpaperiser le cerveau façon puzzle, et on assume. On assume d’autant plus que c’est les braves qui ont commis Through The Ages, Alchemists ou Codenames aux fourneaux.

Là, forcément, tout le monde s’assoit.

Ferme la bouche et ouvre la boîte.

Le matériel est clean, solide, lisible, au service d’un univers constitué de perso surréalistes, de corridors aux néons flashy, et d’armes plus impressionnantes les unes que les autres.

On place au centre le plateau modulable, puis chacun choisit sa grosse figurine colorée, et c’est parti. Là, logiquement, tout le monde s’attend à du gros Ameristrash qui tache. Spoiler alert : tout ceci n’est qu’une illusion d’optique.

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Imaginez un jeu de majorité où chaque joueur joue une zone de contrôle mouvante. Chacun pourra collecter des ressources et s’en servir pour acheter des cartes qui définissent un pattern d’acquisition de majorité sur lesdites zones. Par exemple, 2 points de majorité sur les zones situées à 1 case de sa propre zone. Ou encore, 3+2 points de majorité sur une zone sur sa case.

On va gagner des points lorsqu’une zone est remplie : on attirbue alors les points en fonction des majorités de chacun. Vient s’ajouter un intelligent système compensatoire pour éviter l’effet acharnement : plus une zone a déjà donné de points, moins elle en donnera par la suite.
Enfin, le premier à se placer sur une majorité gagnera un bonus, et celui qui la complétera aussi, comme souvent dans les jeux de majorité. 

Quoi ? Ça vous fait pas rêver tout ça ? !

Et bien imaginez maintenant que les zones de majorité soient des guerriers complètement psychotiques et surarmés, que les ressources soient des munitions, les cartes des railguns, des shotguns et autres machineguns à faire ravaler les bulletins de naissance, et enfin, que les points de majorité soient les trous que vous faites dans la peau de vos adversaires. Voilà, c’est ça, Adrenaline, un jeu de majorité qui a pété une durite !

Don’t worry about the background stuff

L’univers, futuriste et décomplexé, est retranscrit dès la lecture des règles, où l’humour, typique des jeux Czech, vient nous expulser de nos habitudes manu militari. En effet, un personnage iconoclaste vient intentionnellement gâcher tous les textes d’ambiance pour nous jeter directement dans le grand bain ludique. Cette pulvérisation du 4e mur à la Deadpool, c’est drôle, inattendu, bourrin, à l’image de la partie.

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Notez qu’on fait tout ceci en s’accordant même l’élégance de regarder ces prédécesseurs de pixels de haut, grâce à l’esquive subtile de tout écueil machiste, pourtant monnaie courante dans les FPS. Les avatars féminins aussi se jettent joyeusement dans la mêlée et ne sont pas des faire-valoir. Petit coup de cœur pour la Banshee : elle n’a pas une tête de porte-bonheur mais on dirait qu’elle va utiliser ses tentacules pour danser avec sa cible. Une évidence. 

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Oui, ce livret de règles-là, c’est bien une façon de nous prévenir : laisse tes charentaises de joueur à l’entrée, à cette table, il va falloir plonger dans un jeu thématiquement-Ameristrash-mais-sans-dé-et-avec-des-méca-très-Eurostyle-et-hyper-interactif. Bref : un jeu hybride. Qui saura séduire les deux publics… ou ne satisfaire aucun réellement pour se concentrer sur ceux qui cherchent autre chose…? 

Dans le cambouis jusqu’aux tentacules  

Techniquement, c’est simple : quand vous faites des dégâts, vous posez des jetons de votre couleur en forme de goutte (très réussis) sur le plateau du joueur touché. Le first blood rapporte un bonus, mais le coup de grâce aussi. Quoi qu’il en soit, tous ceux qui ont participé à la piñata gagneront des points de victoire, en fonction du nombre de dommages infligés.

À votre tour, vous réalisez deux actions : vous pouvez déplacer votre avatar, ramassez de l’équipement tels que des armes ou des munitions, ou shooter. 

Explication par monsieur Paul Grogan (co-responsable des extensions Mage Knight, entre autres activités ludiques) :

Côté Ameritrash, on aimera blaster, on aimera comboter nos effets, on aimera blaster (je l’ai déjà dit ?) et gérer nos déplacements, trouver les positions les plus avantageuses, presque comme dans un wargame, mais en mode huit clos hyper moulant, voire suffocant.
Côté Euro, on aimera le côté gestion de ressources, l’optimisation des majorités, les mécanismes malins de compensation.

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Sachez-le, Adrenaline est presque aussi cérébral qu’un Tash-Kalar. Là aussi on va se positionner sur la grille pour tâcher de formuler nos patterns de cartes au mieux. Si vos joueurs foncent dans le tas sans réfléchir, ils se feront massacrer (sauf s’ils sont tous dans le même état d’esprit à la table). Mais si un seul joueur anticipe ses mouvements et ceux des autres, mémorise un peu les cartes détenues par ses adversaires, optimise ses ressources et ses effets de cartes, vise les bonus utiles et lance ses grosses attaques quand il faut et où il faut, alors ce joueur gagnera irrémédiablement.

On ne résout pas les combats aux dés et le hasard est limité à sa portion congrue (c’est-à-dire au tirage des cartes et des ressources, néanmoins ces tirages sont ouverts et visibles : on choisit en connaissance de cause). Tout est parfaitement logique et s’imbrique implacablement. Mais gérer tout ça pourrait faire freezer le cerveau et ralentir le rythme des parties (ôh soeur analysis paralysis, ne vois-tu rien venir ? Attends je réfléchis). Le temps d’attente entre les tours est proportionnel au nombre de joueurs et surtout fonction de leur style. Mais oui, c’est un risque. 

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Rise of the Phoenix

La mort est plus ou moins aussi virtuelle que dans les jeux vidéo. Tu meurs ? Tu respwan. Le truc, du coup, c’est qu’on ne peut pas tellement parlementer entre nous style : « Ne me tue pas, et je te tue pas, ok ? », ou « Ne me tue pas, on m’a déjà tué, allez vas-y, steuplééé, fais pas ton peripatetikós ! ».

Ces discussions-là de pleureuses marchandes auront lieu, bien sûr, mais ne seront absolument pas décisives, ce qui est rarissime dans un jeu à forte interaction directe. La règle a tout prévu, on évite les acharnements et les kingmakings (le tu gagnes trop, tu me saoules, donc je te fais perdre pour faire gagner Maurice qui a rien compris depuis le début).

Comment ? Avoir pris des bastos en pleine tête vous rendra plus fort (un peu comme le système d’expérience de Zombicide) et mourir vous rendra moins attirant pour les autres, question points. De plus, on peut savoir un peu où en sont les joueurs en termes d’avancement de score, mais le gros des points est maintenu caché, façon Smallworld. Bilan, on n’est jamais 100% sûr de savoir qui est l’ennemi public numéro 1. Un peu d’incertitude sur la cible à abattre ne rend que nos choix plus difficiles à faire. 

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Je t’aime moi non plus

Ses défauts font ressortir ses qualités, comme les ombres la lumière. Le bémol de cette partition ludique provient de sa richesse : le nombre important d’icônes différentes pour les effets de cartes, gosh ! Quand on a intégré la grammaire, on se débrouille pour tout déchiffrer. Tel un enfant qui apprend la lecture, ça va de plus en plus vite. Mais au départ, l’eau est froide. Si vous aviez l’impression de passer votre code en apprenant Race For The Galaxy, vous risquez de mal le prendre avec Adrenaline.

Personnellement, j’ai mis quelques tours à retourner fouiller dans les règles. Après je partais pour de l’ameristrash, je me suis retrouvée en terrain eurostylé, soit. La sérendipité ludique, ça existe, esprit ouvert il faut garder. Bref, pour briser la glace, mieux vaut commencer par le mode standard en 8 tours, qui tiendra en une heure, voire moins.

En tout cas sachez au passage que le jeu offre plusieurs niveaux de difficulté et variantes, avec par exemple le mode dit Turrets où il faut défendre une partie du plateau. Bref, une fois que le vocable est acquis, il nous servira à tout, presque à demander son chemin ! Seul vrai regret : pas de mode 2 joueurs. On sait qu’ils ont essayé d’en trouver, en vain. Aussi, si la boîte indique 3-5, c’est peut-être moins vendeur, mais c’est un vrai choix (d’autres, moins scrupuleux, auraient sans doute pas hésité à mettre un 2-5 plus fédérateur, pour nous servir ensuite une variante 2 joueurs à l’intérêt moindre).  

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Shoot em up

L’agressivité aveugle n’aura ici pas de sens. On va comboter nos cartes et se positionner intelligemment. Chaque joueur va alterner entre les tours de shoots intensifs et le besoin de se recharger en lieu sûr. C’est le palpitant du jeu : nos armes et notre position. Comme cela rappelle bien les FPS tactiques de la fin des années 90 hein ? On mesure à quel point le thème est respecté, au-delà de son approche Euro. Certaines armes vont arroser sur plusieurs cases, au corps à corps ou à distance, traverser les murs, rebondir, pousser ou tirer la cible au passage, etc. Les possibilités sont énormes et découvrir de nouvelles armes est toujours émoustillant (ai-je vraiment écrit cette phrase ?). Elles sont plus ou moins coûteuses en munitions, plus ou moins faciles à jouer, et toujours limitées en nombre dans votre main. Pour plus de souplesse, certaines permettent de se télé-transporter ou encore de booster des dégâts.

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Et j’ai crié crié Adrenaline

Adrenaline a été travaillé, et ça se voit à des points de détails (qui n’en sont absolument pas) telle que la règle sur les lignes de vue, si intuitives avec ce plateau lui aussi bien pensé (on est toujours sous pression, potentiellement à portée) : une fois l’introduction passée, le joueur ne se pose pas de mauvaise question mais peut se concentrer sur ce qui compte. Qui dois-je défourailler ? Comment puis-je l’atteindre ? Dois-je vider mon chargeur dans sa mouille ? La vie, la vraie.  

Pourtant, loin du défouloir régressif que l’on pourrait attendre, (nos adversaires sont de la tranche de couenne à canon, oui mais ils ont le mauvais goût d’être de fins tacticiens aussi ! Enfin, normalement !), Adrenaline n’est pas hypnotisant et provoc comme un Doom l’était. Certes, mais il incarne la sobre et puissante combinaison de 20 années d’école Ameristrash et Eurogame. Certains diront qu’il hésite, d’autres (dont je fais partie) qu’il synthétise. Reste à voir dans quel camp vous jouez.  

On regrette l’absence d’un mode deux joueurs, mais on sait que c’est pour la bonne cause. Et d’autres modes, il y en a, plein, à voir sur un futur test ce que ça donne. Si Adrenaline trouve son public malgré son positionnement finalement ajusté, on peut aisément imaginer des extensions avec de nouvelles tuiles terrain, de nouveaux effets, tels que le soin, des pouvoirs asymétriques, etc. On leur fait confiance. En tout cas, pour une fois qu’un jeu où on se met sur la binette n’engendre pas de pleureuse, je vote pour. 

 

Adrenaline

Un jeu de Filip Neduk
Edité par Czech Games Edition, iello
Langue et traductions : Anglais, Français
Date de sortie VO : 10-2016
De 3 à 5 joueurs
A partir de 12 ans
Durée d’une partie entre 30 et 60 minutes

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6 Commentaires

  1. Achéron Hades 25/11/2016
    Répondre

    Le matos a l’air top, par contre l’impasse sur le 2 joueurs, dommage, il y aurait moyen de faire quelque chose.

    Sinon j’ai adoré le  »
    Et j’ai crié crié Adrenaline »
    😉

  2. TSR 26/11/2016
    Répondre

    Alors merci à Sha-Man de m’avoir fait essayé cet OLNI, direct dans mon caddie :).

    Très fun, pas trop brain burner, vraiment bon !

  3. Meeeuuhhh 29/11/2016
    Répondre

    J’ai fait une (petite) partie de ce jeu à Essen ; il avait tout pour me plaire (jeu allemand habilement déguisé en américain) et je ne saurais pas dire pourquoi, je suis complètement resté sur ma faim.

    Il faudra que je le retente.

  4. Sab Rine 13/03/2017
    Répondre

    C’est indiqué « De 2 à 5 joueurs  » dans le recap à la fin… C’est parce que ce mode fait envie à tout le monde? 😉

    je craquerais bien malgré le 3 joueurs mini (pour moi c’est relativement rédhibitoire). il a l’air trop génial ce jeu !

    et le mode solo? 😀

     

  5. Davsan 25/01/2021
    Répondre

    Concernant le mode 2 joueurs, il y a possibilité de rajouter des bots que chaque contrôle à la fin de son tour. Cela fonctionne aussi en solo. Tous les détails sont sur Board Game Geek.

    Salut à vous tous

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