♪ Mexica Mexiiiiiica ♫ ♪
Telle la chanson de Luis Mariano, on oublie tout, le seul désir qui nous entraine est d’essayer cette nouvelle version de Mexica. Car en effet, nous sommes ici devant un reboot du célèbre jeu de Wolfgang Kramer et Michael Kiesling sorti en 2002 (lire l’interview de Super meeple à ce sujet). Ce jeu, dernier de la « trilogie du masque » (Tikal 1999; Java 2000 et Mexica 2002), est basé sur un principe de points d’action, mécanique abandonnée depuis car jugée peu dynamique et fastidieuse. Allons vérifier si cette mécanique est vraiment si surannée et si Super meeple a bien fait de tenter l’aventure de la reédition.
Rénovation des pyramides
Tels des bâtisseurs, Super meeple a entrepris de rénover les pyramides Aztèques mais aussi le reste des éléments. Il faut dire que si le matériel était pas mal pour l’époque, 13 ans après, les standards ont augmenté et les joueurs sont plus exigeants. Mais là, il faut dire que Super meeple a tapé fort, en particulier sur les pyramides.
La remarque de chaque joueur prenant en main son sachet a été : « Oh c’est lourd ! ». En effet les pyramides qui étaient en plastique (voir photo de comparaison ci-dessous empruntée au site de Super meeple) en 2002 elles sont désormais en résine. Au-delà du poids, la texture et l’apparence donnent l’impression de pierre.
Et il en est ainsi de tout le matériel, en particulier des ponts qui étaient auparavant de simples pions en carton et sont désormais en relief (on regrettera juste qu’ils ne soient pas eux aussi en résine !) ou les Pili Mexica représentés par des meeples à la silhouette d’Aztèques portant leur masque.
Matériel splendide, plateau rénové, règles bien présentées dans un livret à la taille de la boite, rien que pour ça on a envie d’essayer ce jeu et de s’y plonger. Une réussite de ce côté là.
Le ramage vaut-il le plumage ?
Ce jeu, qui a eu son succès à l’époque, est-il toujours d’actualité ? Certes la mode est au renouveau d’anciennes gloires, certes Tikal a déjà bénéficié de rééditions avec un certain succès, mais un jeu sur un mécanisme désormais abandonné, voire décrié, peut-il encore s’imposer auprès du public ?
Parlons-en, de ce mécanisme. Il a l’avantage de la simplicité et de laisser une certaine liberté d’action au joueur. Ainsi au lieu d’une action par tour, ou d’un nombre fixe d’actions, toutes standardisées et d’un même niveau, le joueur peut, grâce à ce mécanisme, enchaîner plusieurs actions plus ou moins puissantes et donc plus ou moins couteuses.
Quel est l’inconvénient ? Il peut entrainer des longueurs car chaque joueur va essayer d’optimiser la gestion de ses points d’actions, et donc réfléchir pas mal à ce qu’il va faire. La dynamique peut s’en trouver casser et attendre son tour peut être long.
Qu’en est-il ici ? Comme vous pouvez le voir sur l’image ci-contre, la plupart des actions coûtent en fait un seul point. Seul le déplacement libre ( transport par l’aigle ou téléportation 😉 ) ou la construction des pyramides sont plus couteux. De plus, le joueur n’a que 6 points d’actions à dépenser à son tour, cela va donc assez vite, et les tours s’enchaînent assez vite.
Mais rentrons un peu plus dans le détail de ses actions : se déplacer d’une case = 1 point d’action (sont résumées toutes les formes de déplacement sur l’aide de jeu) ; construire un canal = 1 point d’action ; construire une pyramide = 1 point d’action par étage de la pyramide. Le déplacement libre coûte 5 points, et l’on peut économiser 1 ou 2 points d’action qu’on pourra dépenser plus tard lors d’un tour ultérieur. Très simple, et surtout entraînant finalement peu de réflexion quant à l’optimisation de ses points d’action. En revanche, la réflexion viendra de l’optimisation de ses déplacements et du lieu de construction des canaux. Quoi de plus normal pour un jeu de placement/majorité finalement ?
Au final, personne n’a ressenti de lourdeurs et si le mécanisme fleurait bon la nostalgie, le jeu ne nous a pas paru old school et dépassé pour autant. Et justement, qu’a donné cette partie ?
En route pour la construction de Mexica
« Là, où l’aigle, posé sur un figuier de barbarie vivant sur l’eau, mange un serpent, vous vous poserez et construirez votre ville ».
C’est ainsi que commence la règle, par une introduction historique nous expliquant non seulement le thème mais aussi nous racontant l’histoire de la Tenochtitlan, capitale de l’empire Aztèque et comment elle devint 2 siècles plus tard la ville de Mexico.
Nous incarnons donc Pilli Mexica, nobles Aztèques, qui allons construire des quartiers et bâtir des pyramides afin de briller auprès de notre empereur. Le prestige gagné pour avoir participer à la construction de la capitale déterminera le vainqueur. Pour construire un quartier, il suffit de l’entourer de canaux (le lac formant également une frontière naturelle pour les quartiers). Construire des canaux ou des ponts, ne nécessite pas la présence du Pilli Mexica. Ces basses oeuvres sont réalisées par des ouvriers et un noble n’a pas à s’en mêler. On peut donc anticiper et construire de loin.
Mais construire un quartier ne suffit pas, il faut également le fonder et pour cela le Pilli Mexica doit être présent. Attention à ne pas bâtir trop vite et voir débarquer, porter par l’aigle, un autre Pilli Mexica qui fondera à votre place le quartier que vous aviez commencé à bâtir (comme sur la photo ci-dessus où le Pilli Mexica blanc construira le dernier canal et se téléportera pour bâtir le quartier au nez à à la barbe du joueur noir qui aura bâti le reste pour rien).
Mais le plus important n’est pas simplement de fonder des quartiers (on gagne le prestige correspondant au second chiffre sur le pion de fondation) mais aussi d’honorer les dieux en bâtissant des pyramides. Bien sûr, là aussi le Pilli Mexica doit être présent. Ainsi la première pyramide sera édifiée par le Pili Mexica rouge.
Une pyramide de 3 étages pourra rapporter 11 points si vous restez majoritaire dans ce quartier. En effet, à la fin de chaque manche (la partie se joue en 2 manches), les joueurs remporteront du prestige en fonction de la majorité du nombre d’étages de pyramide dans chaque quartier.
Les joueurs vont donc fonder des quartiers et y bâtir des pyramides. Si chacun commence par construire des pyramides dans les quartiers qu’il a fondé, il va falloir se rendre dans les quartiers adverses pour s’y implanter.
Car le second et troisième majoritaire gagnent aussi du prestige. Ainsi sur la photo ci-dessus, si le joueur majoritaire marquera 12 points, le second en marquera 6 et le troisième 1. On comprend alors qu’il est important d’aller s’implanter un peu partout, mais aussi que prendre la majorité à un autre joueur peut faire une sacrée différence. Dans ce même quartier, le joueur blanc viendra s’implanter (voir photo ci-dessous) en construisant 4 étages de pyramide alors que le Pilli Mexica noir en avait construit 3.
Ainsi, c’est 6 points que ce dernier marquera en moins, et 12 points que marquera en plus le joueur blanc. Passer de second à premier peut entrainer une grosse différence de points au final.
C’est donc un vrai jeu de placement et de majorité auquel on a à faire. Une des subtilités vient des déplacements par canaux. En effet, si avancer d’une case coûte un point d’action, passer d’un point à l’autre ne coûte qu’un seul point d’action. Les déplacements peuvent donc être rapides, d’autant plus qu’on peut passer par le lac. Les retournements de situations sont nombreux. La tentation est grande d’aller prendre la majorité dans les grands quartiers. Mais la stratégie consistant à s’assurer la majorité dans beaucoup de petits quartiers est viable également. D’ailleurs sur cette partie, le premier joueur a viré ex aequo à la première manche grâce à de grands quartiers. Mais lors de la seconde manche, alors que son opposant direct s’ingéniait à construire de nombreux étages (donc coûtant beaucoup de points d’actions) pour prendre la majorité dans les grands quartiers, celui-ci construisait de nombreux petits quartiers et l’emportait finalement grâce à ces points marqués tout seuls qui compensaient largement la perte de la première place dans les grands quartiers.
Finalement, qu’en est-il alors ?
On a passé un très bon moment et tous les joueurs à table ont apprécié la partie. Les 6 points d’action donnent suffisamment de liberté sans obérer le temps d’attente des autres joueurs. Alors évidemment, si vous tombez sur des fous du calcul qui veulent en plus estimer ce que vous pourriez faire, on peut arriver à de l’analysis paralysis. Mais Mexica reste un jeu familial+, et cela devrait écarter ce genre de joueurs. Personnellement, j’ai beaucoup aimé et c’est un jeu que je ressortirai sans aucun mal tant il a plu autour de la table. De plus, montrer le matériel donne immédiatement envie d’y jouer.
Attention cependant, le système de déplacement malin fait que les mauvais coups sont nombreux et qu’il est assez facile de se faire piquer la majorité. On est donc face à un bon jeu de placement/majorité à la portée de tous mais peut-être pas pour tous. Si vous aimez construire dans votre coin et qu’on ne vienne pas vous embêter, passer votre chemin, ce jeu n’est pas pour vous.
Une bonne idée donc que cette reédition d’un très bon jeu qui reste d’actualité. Si vous n’aimez pas les jeux de placement/majorité, si vous recherchez un bon gros jeu de gestion, oubliez. En revanche si vous aimez les jeux avec du beau matériel, aux règles simples, d’un calibre moyen (1h-1h30 la partie) qui permettent de faire des vacheries à ses camarades, alors foncez sans hésiter.
Un jeu de Michael Kiesling, Wolfgang Kramer
Illustré par Franz Vohwinkel
Edité par super meeple
Langue et traductions : Allemand, Français, Autre
Date de sortie : mi avril 2015
De 2 à 4 joueurs
Durée moyenne d’une partie : 90 minutes
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atom 06/04/2015
Je sens que je vais regretter de ne pas l’avoir pris quand il y avait une super offre promotionnelle. Merci pour l’article.
Slaine 06/04/2015
Testé a Cannes (2 fois !), je suis tombé amoureux de ce jeu, a la mécanique plutôt simple, a la réflexion plus que satisfaisante, et aux crasses et coups de pute jouissifs avec ses amis. Résultat aussitôt rentré du salon je l’ai commandé et j’ai hâte de le recevoir !
TheGoodTheBadAndTheMeeple 06/04/2015
Par rapport à Médina, le terrible, qu’en penses-tu ? Je n’ai jamais testé Mexica, mais Java ne m’avait pas emballé y des années.
Cormyr 07/04/2015
J’avoue, avec un peu de honte, ne pas connaître Medina, si ce n’est de nom. En revanche, par rapport à Java, on est, de mon point de vue, dans un jeu plus léger et donc plus dynamique. Le jeu n’est pas d’une grande profondeur, mais ni plus, ni moins qu’un jeu familial, familial+. Si je devais le mettre sur une échelle, je le placerai entre les aventuriers du rail et Five Tribes. Donc si tu recherches un jeu profond et riche, passe ton chemin. Si tu recherches un jeu de ce calibre, c’est du tout bon. Attention, l’énorme intérêt, selon moi, est dans l’interaction permanente et les luttes pour les majorités. Un vrai jeu d’enfoirés. À peut-être éviter avec des calculateurs/optimisateurs fous qui voudraient vérifier et compter tous les points à chaque tour.
TheGoodTheBadAndTheMeeple 07/04/2015
Du coup, Je pense que tu devrais essayer Medina (aussi réédité à Essen dernier justement) 😀 car le jeu est aussi un jeu de pose et de majorité à très forte interaction. Mais Médina, c’est très mechant. J’essaierai avec plaisir Mexica qui manque à ma connaissance ludique !
Grovast 07/04/2015
Merci Cormyr pour ce JP fort instructif.
La réédition m’attirait pas mal visuellement, mais je nous pense finalement un peu hors cible (on aime pas trop les coups bas à répétition).
Cormyr 07/04/2015
Je ne parlerai pas de coup bas au sens de trahison, mais de profiter du dos tourné pour récupérer une majorité que l’autre avait chèrement acquise. Si vous aimez bien construire votre quartier dans votre coin, que vous n’aimez pas être spoliés, effectivement ce jeu n’est pas pour vous 😉
Slaine 20/04/2015
Reçu le jeu cet A.M, l’édition est magnifique, j’ai hate d’y jouer.
Shanouillette 20/04/2015
Top tu nous diras ce que tu en as pensé !
atom 22/08/2015
je l’avais acheté, on avait testé a deux joueurs (avec un joueur neutre) mais aucune occasion de jouer a plus. Cette semaine on en a fait deux parties a 3 joueurs. Et j’adore, déjà le plateau qui se construit au fur et a mesure, le fait de passer par le lac qui donne plein de possibilités.
il faut surveiller les autres joueurs, réfléchir dans son coin a ce que l’on est prêt a perdre et ce que l’on veux rafler.
Le jeu est fluide. Le jeu se termine quand un des joueurs a posé toutes ses pyramides et que tout les jetons calipuli (qui servent a fonder des quartiers) ont été utilisés. (les autres joueurs ne jouent pas) Du coup c’est VRAIMENT important de surveiller ou en sont les joueurs. Medina ou Mexica, moi je dirais un peu des deux en alternance !!