Yokohama Duel : face à face sous l’ère Meiji
Peu de temps après sa consécration sous la forme d’un Spiel des Jahres pour Bomb Busters, l’auteur japonais Hisashi Hayashi revient dans l’actualité des sorties ludiques.
Il ne s’agit pas pour autant d’un nouveau design, puisque Yokohama Duel est déjà paru en 2018 chez Okazu Brand au Japon, ainsi que chez Tasty Minstrel Games aux US, nous vous en parlions dans cette news.
Dans la foulée de la refonte graphique de Yokohama en 2024 (voir notre Just Played), Synapses Games propose un relooking équivalent – et des règles en Français – pour la version Duel.
Le temps d’enfiler un costume de négociant, et on fonce arpenter la ville à la recherche de pigeons à plumer commandes profitables.

Bien pratique : le plateau principal est en deux morceaux,
qui peuvent se disposer comme bon nous semble, en vertical ou en horizontal.

Une fois ces plateaux repliés, le matériel tient dans une petite boite format « Kosmos à 2 ».
First cont(r)acts
De prime abord, nous sommes face à un classique jeu de collecte de ressources et validation de contrats, propulsé par une pose d’ouvriers plutôt conventionnelle. Pourtant, dès les premiers choix, des subtilités surgissent.
Les simili-ouvriers prennent ici la forme de 4 cartes « Influence ». Ces cartes sont de valeurs d’influence échelonnées, et à son tour, on doit utiliser sa plus faible carte restante. Les enjeux sont doubles : d’une part, il s’agit d’anticiper ses actions les plus puissantes à venir en fin de manche. D’autre part, de faire bon usage des premières actions « faibles », qui consisteront souvent en de la préparation.
Mais à l’exception de deux lieux toujours disponibles, la pose est bloquante : être gourmand et retarder la prise d’une action pour viser la puissance maximale, pose le risque de se voir fermer la porte entre-temps par l’adversaire.

Les cartes Influence du joueur rouge de valeur 1 à 4,
et ses 12 bâtiments à construire éventuellement.

Les ressources du jeu, de 4 sortes, ainsi que les caisses « Marchandises importées ».

À chaque ressource correspond un lieu de collecte, avec des barèmes graduels.
Le cuivre est la ressource la plus chère : 3 d’influence pour en obtenir au moins 1 unité.

Plutôt que de récolter maigrement, une carte de valeur 1 ou 2 peut permettre
d’aller chercher une nouvelle commande (sans trop de choix pour le coup),
ou bien d’acquérir une technologie « cheap » (en mettant un peu au bout).
La puissance de la tech
Yokohama Duel ne cherche pas à s’affranchir des poncifs du jeu de récolte de ressources + transformation en PV. Il fait plutôt le choix d’adosser une vraie dimension stratégique à cette base très convenue.
Les 20 « Technologies » en jeu sont immuables, ce qui interroge à première vue en termes de renouvellement. Étant mises à disposition aléatoirement par lot de cinq pour chacune des 4 manches de la partie, leur ordre de sortie est le seul élément significativement variable du jeu.
Six de ces technologies sont en réalité des points de victoires conditionnels, dont l’apport est relativement essentiel au score final (de l’ordre de 20%). Et c’est justement leur faible nombre – doublé de la certitude triviale qu’une carte pas encore apparue reste à venir – qui dessine les grandes lignes stratégiques du jeu.

Commandes à gogo, Boutiques, Église, Marchandises importées en masse,
Technologies à outrance… choisis ta ou tes voies.
Investir dans une telle carte en première manche est contre-intuitif, en ce sens où l’on préférerait lancer sa partie avec un avantage économique permanent. Mais à l’inverse, miser sur un axe dont la technologie idoine n’est pas encore acquise induit le risque de se la voir subtiliser à son apparition.

Le reste des technologies procure des pouvoirs spéciaux utilisables plus ou moins fréquemment,
ainsi que quelques rule-breakers.
Tout et son contraire
Yokohama Duel est bourré d’incitations contradictoires ; les choix rarement totalement optimaux n’en deviennent que plus intéressants.
Les technologies à points de victoire impliquent de pousser à fond l’un des aspects du jeu. Sauf que, par ailleurs, se trouve un très puissant encouragement à la généralisation : les Négociants étrangers. Ils sont automatiquement acquis lorsqu’on atteint un plancher minimum dans des rubriques variées. On est donc appelé à faire un peu de tout : réaliser des Commandes bien sûr, mais aussi deux cartes Église, acquérir 3 Technologies, sans oublier de retourner 2 Marchandises importées.
D’un autre côté, le principe de construction de bâtiments nous rend plus influent sur un lieu donné. Optimiser un bâtiment signifie revenir en ce lieu, et donc se spécialiser. Sans compter qu’activer un lieu avec une influence de 5+ offre un bonus. D’accord, mais les commandes demandent des ressources de diverses sortes. Rien ne sert de stocker 10 poissons s’il n’y a pas de débouché. On planifie, on conjecture, on tente de tout goupiller sans gaspiller, on se ménage un plan de secours, et on serre les dents pour que lieux et technologies convoités restent disponibles.

Les cartes Main-forte sont des boosts one-shot pour nos cartes Influence.
Les Négociants étrangers offrent carrément une action supplémentaire,
de valeur 3 Influence et – suprême privilège – possiblement sur un lieu déjà occupé.

L’acquisition de cartes Église peut être l’occasion
de rentabiliser des ressources en surplus.
Alors que les versions « duel » plus ou moins pertinentes fleurissent pour bon nombre de titres, celle-ci préserve de manière surprenante le feeling et la mécanique du jeu d’origine. Elle élude les enjeux spatiaux et le principe d’égrainage d’assistants à la Istanbul (2014) pour aller à l’essentiel. Mais à part ça, elle s’écarte assez peu de son aînée. L’interaction indirecte est conservée voire exacerbée avec du blocage, de la préemption d’éléments, une course aux Négociants étrangers (un des joueurs ne pourra pas tous les avoir), et les deux majorités finales. Les technologies, pour la plupart, sont tout simplement celles de Yokohama à l’identique.
Quoi qu’il en soit de cet héritage, le gameplay fait la part belle aux micro-optimisations et à l’anticipation a minima sur les 4 actions de la manche. Il incite à garder une ligne stratégique cohérente, au-delà des aspects tactiques de priorisation des placements. Sur une durée ramassée pour le genre, il parvient à dégager un sentiment de montée en puissance, que ce soit au cours d’une manche (cartes jouées dans l’ordre croissant) ou globalement sur la partie (amélioration des « ouvriers », bâtiments, technologies).
C’est pour nous une réussite qui donne envie d’y revenir de temps à autre. Il a pour lui un format de boite compact, un visuel des plus convenables, et un ratio profondeur/durée bien positionné.
Un jeu de Hisashi Hayashi
Illustré par The Creation Studio
Édité par Synapes Games
De 2 à 2 joueurs
A partir de 12 ans
Durée d’une partie constatée : 50 à 60 min
Durée d’installation constatée : 6 min
Prix boutique conseillé : 25€
Date de sortie : septembre 2025
***
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morlockbob il y a 27 jours
voilà un avis que j’attendais, je n’ai spécialement accroché et je me demandais ce qu’on pouvait lui trouver. On va donc réessayer…