Under Falling Skies – Le ciel vous tombe sur la tête !

Celles et ceux qui me connaissent savent que je différencie les jeux « jouables en solo », incluant les jeux compétitifs quelque peu « rustinés solo » pour des besoins commerciaux, et jeux coopératifs en mode « two handed solo », des véritables jeux imaginés, conçus pour et probablement par des joueurs en solo. La première raison pour laquelle Under Falling Skies a suscité mon intérêt, c’est qu’il fait sans aucun doute partie de cette deuxième catégorie.

La deuxième raison, c’est qu’une fois mis en place, sa disposition verticale ne peut que rappeler le légendaire Space Invaders. Je me revois donc enfant, scrutant les écrans bombés de ces vieilles bornes d’arcades première génération, dans les cafés et salles de jeux, alors que j’arrivais à peine à atteindre la manette et les boutons en tendant la main. Ceux qui l’ont vécu pourront témoigner de cette ambiance tamisée particulière, des bruits électroniques (qui n’étaient pas encore catégorisés dans le rétro gaming à l’époque), des claques sur les flippers au loin (les martyrisés), de « l’insert coin » clignotant qui donnait envie d’aller mendier quelques pièces de cinq francs auprès de sa maman. Nostalgie extrême. Mais ce n’est pas le sujet du jour !

 

 

Le sujet du jour c’est un jeu atypique, par son format (solo uniquement), son volume consistant, et par ses mécaniques de jeu à la fois simples et recherchées.

Under Falling Skies est un jeu de Tomáš Uhlíř (Sanctum), conçu à l’origine pour le concours BGG « 9 card game contest », duquel il a remporté le 1er prix en 2019. Convaincu par le talent de l’auteur, l’éditeur CGE (Czech Games Edition) a décidé d’éditer une nouvelle version de son jeu et de le recruter dans la foulée.

 

La partie de découverte vous mettra bien dans le bain

 

Under Falling Skies emprunte donc le thème de l’invasion extraterrestre et rappellera directement certains blockbusters américains (Independance Day, La Guerre Des Mondes…). Pour remporter la victoire, vous devrez contenir le plus possible cette invasion tout en progressant sur une piste de Recherche scientifique. Dès que vous atteindrez la dernière case de cette piste, la partie sera immédiatement remportée.

Lorsque l’on connait CGE et que l’on sait que Maître Vlaada Chvatil (Mage Knight, Codenames, Galaxy Trucker…) en personne fait partie des murs, on se doute qu’on aura affaire à du lourd en termes de mécaniques et de belle réflexion. Cela ne rate pas : Under Falling Skies est un puzzle game et le placement de dés constitue l’unique mécanique du jeu. Tout est résumé dans cette phrase et la comparaison avec Space Invaders s’arrête à son aspect visuel.

 

Du dé savamment placé

En deux mots, le jeu consiste à enchainer des cycles de trois phases de jeu jusqu’à ce que victoire ou que défaite s’ensuive. Vous commencerez par lancer vos cinq dés, puis les placerez sur des cases Salle de votre base souterraine, faisant descendre par la même occasion les vaisseaux ennemis vers la base. Dans un second temps, le pouvoir de chaque salle avec un dé placé s’active. Enfin, le vaisseau mère extraterrestre descendra d’un cran en direction du sol, déclenchant un effet négatif (dégâts sur la base, recul sur la piste Recherche…).
Plus le temps avancera, plus la partie sera difficile, car l’espace entre le vaisseau mère et la base se réduira, et les aéronefs ennemis auront plus vite faite d’atteindre votre base.

 

Vous pouvez retourner les tuiles Ciel si vous souhaitez corser la difficulté

 

Personnellement, j’ai rarement été conquis par le placement de dés en solo, trouvant les jeux souvent trop dépendants du hasard, ou trop répétitifs. Des titres comme One Deck Dungeon, Le Signe des Anciens, Village Attacks, ne m’ont pas laissé de souvenir impérissable, mêmes s’ils ont leur charme et quelques arguments en leur faveur.

D’autres titres comme Set A Watch, m’ont plus convaincu, car la gestion des dés n’est pas binaire. Qu’est-ce que j’entends par là ? Et bien par le fait qu’un score au dé ne soit pas foncièrement bon ou mauvais. Under Falling Skies s’inscrit clairement dans cette philosophie, car les designers ont trouvé le paramétrage-clé qui fait qu’un dé sera autant avantageux par un score fort que par un score faible. La raison étant que placer un dé impliquera toujours deux conséquences, positive et négative :

  • Positive : L’effet de la salle (combat, recherche, production d’énergie…) où vous placerez votre dé sera d’autant plus fort que le score est élevé. Cool. 
  • Négative : Tous les vaisseaux ennemis de la colonne où le dé est placé se rapprocheront de votre base d’un nombre de cases correspondant au score du dé. Pas cool.

 

Et voilà, je pourrais presque finir mon article ici ! Car tout le concept du jeu repose sur ce compromis difficile. Vous serez donc tout le temps partagé(e) entre placer un dé fort sur une de vos salles au risque de trop faire descendre les vaisseaux de la colonne, et placer un dé faible au risque de ne pas déclencher un effet de salle suffisamment important.

 

Construire un robot utilise un dé, mais vous gagnerez 1 dé bleu qui agira gratuitement sur une salle durant plusieurs tours. Un effet bénéfique à retardement

 

De l’Analysis paralysis… mais satisfaisante !

Les conséquences d’un mauvais placement de dés peuvent être importantes, car si un vaisseau atteint votre base, elle subira 1 point de dégâts (vous n’aurez pas plus de 4 à 6 points en réserve selon le scénario joué). Mais aussi et surtout, les cases du ciel sur lesquelles les vaisseaux ennemis finiront leur déplacement peuvent déclencher un effet positif ou négatif. Par exemple, il peut faire descendre le vaisseau mère d’un étage, ou bien se placer en pleine ligne de mire d’un de vos tirs aériens. Il faudra donc bien calculer votre coup.

 

Si vous parvenez à placer des vaisseaux ennemis sur des cases Explosion, et qu’en plus vous placez un dé sur une salle Chasseur, c’est le combo ! Vous les détruirez tous si le montant est assez fort

 

L’ensemble des effets croisés à prendre en compte lors du placement d’un dé ne sera pas évident à maîtriser durant les deux ou trois premières parties, qui brilleront sous le signe de la constipation neuronale, à la recherche du compromis idéal pour placer vos dés. Un public non averti peut trouver la bouchée bien pâteuse et ne pas persévérer sur les parties suivantes, car il y a tout de même un petit cap à franchir. Par la suite, à mon agréable surprise, cet effet s’estompe à mesure que l’on se familiarise avec le concept.

Avec l’habitude, trouver une bonne combinaison avec sa main de dés est en soi satisfaisant. J’insiste sur ce point, car c’est précisément ce que nous sommes nombreux à chercher dans un jeu de société. Je dois même avouer que je n’ai jamais ressenti un sentiment d’injustice ou de malchance en lançant les dés, pour les raisons évoquées plus haut et parce qu’il y a toujours une combinaison à trouver avec le résultat du tirage. C’est ce qui différencie pour moi Under Falling Skies de la plupart des jeux du genre, avec lesquels j’ai râlé plus d’une fois.

 

Dès qu’ils sont placés, les dés blancs obligent à relancer tous les dés suivants. Si vous n’y tenez pas, jouez-les en dernier. Twist intéressant !

 

Un jeu petit, mais expert

La difficulté est échelonnée de 0 à 4. Pour estimer cette dernière, on totalise les étoiles ou demi-étoiles indiquées sur certaines pièces du jeu. Si le jeu est abordable pour des joueurs amateurs au niveau 0, il devient très rapidement hardcore aux niveaux 2 et au-delà, destinés aux stratèges aguerris. Moi qui pensais le plier en « deux temps trois mouvements », j’ai rapidement déchanté. Je parviens à atteindre la victoire in extremis et en sueur au niveau de difficulté 1. Je n’ose même pas imaginer les niveaux 3 et 4.

Entre l’exercice mental associé au placement de dés et la difficulté même du jeu, Under Falling Skies est à classer parmi les jeux experts, tout en restant dans un format réduit, ce que j’ai trouvé appréciable.

En effet, contrairement à la plupart des jeux solo experts, la mise en place est rapide (deux minutes). Il y a juste une piste à déployer, le temps de retrouver les bonnes tuiles, et quelques jetons à placer. Pour la mise en place d’un épisode d’une campagne, on piochera aléatoirement quelques éléments, mais pas plus. Le petit format se fait également sentir sur la durée d’une partie, qui avoisinera les 30 min, à part la première (compter le double voire le triple si comme moi vous êtes sujets à « l’AP » !).

 

 

Des épisodes, comme à la télé !

Un autre point fort d’Under Falling Skies est sa durée de vie. Pour un jeu à ce tarif (aux alentours de 25 euros), le matériel est abondant. J’ai été surpris du poids de la boite, qui a failli me glisser des mains. Elle est effectivement remplie, en particulier de tuiles, avec une variante sur chacune de leur verso. Je ne suis pas particulièrement sensible à l’argument du poids, mais il n’est jamais désagréable d’imaginer le nombre de configurations possibles pour une partie à la découverte du contenu.

 

Le matériel une fois toutes les campagnes dépunchées

 

Le jeu propose une campagne divisée en quatre épisodes de deux batailles. Chaque épisode rajoutera progressivement du matériel : nouvelles villes, nouveaux personnages, nouveaux scénarios, nouvelles tuiles Ciel ou nouvelles tuiles pour votre base. Une petite variante sera également ajoutée au gameplay (évacuer des citoyens, protéger des satellites posés sur certains cases, etc).  Cependant, il ne s’agit pas d’un jeu Legacy, car tout le matériel reste intact et peut être utilisé dans le cadre d’une partie normale.

Fidèle au concept du puzzle game, Under Falling Skies ne proposera pas réellement de trame narrative. Un fragment de bande dessinée introduira chaque épisode et illustrera aussi le recto de chaque tuile scénario. N’étant pas fan du contenu un petit peu naïf de l’histoire, je n’y ai pas prêté d’attention particulière. Cela dit, comme à son habitude, Kwanchai Moriya nous livre un rendu très lisible et contrasté. 

 

Chaque épisode est scellé, vous ajouterez progressivement son contenu au jeu de base

 

Il y a peu de chances qu’un épisode d’une campagne ne donne la même configuration que lors d’une partie précédente, car ses deux batailles qui le constituent seront générées aléatoirement, avec un scénario, un personnage et une ville, piochés aléatoirement parmi un lot imposé. Si vous voulez explorer la totalité du matériel, vous allez donc devoir effectuer plusieurs fois chaque épisode.

 

Episode 1 : Résultat du tirage, à vous de choisir

 

Comme je le disais plus haut, le matériel des campagnes pourra évidemment être mixé pour générer une partie indépendante customisée. Afin de faire votre tri, vous aurez plusieurs options disponibles pour paramétrer la difficulté (face des tuiles, scénarios, etc.). Le nombre de combinaisons possibles garantit une très grande quantité de configurations différentes. Aura-t-on cependant envie d’enchainer des dizaines de parties ? Pas sûr. Le gameplay reste le même à quelques variantes près, et peut devenir répétitif. Mais cela est vrai pour tout jeux en solo de ce gabarit. Je dois malgré tout dire que pour sa catégorie, Under Falling skies associe très bien durée de vie et « goût de reviens-y ».

 

En résumé

Under A Falling Skies est pour ma part un titre incontournable pour les joueurs en solitaire amateurs de puzzle game, de mécaniques recherchées et de difficulté. Il reste tout de même abordable par un public amateur ne souhaitant pas se fracturer le cerveau, en restant au niveau de difficulté initial.

La mécanique du placement de dé est centrale et plutôt exigeante, ce qui peut mener à des hésitations lors des premières parties. Cela dit, la mise en place et la maintenance du jeu demeurent très légères. Il est donc fluide, rapide à jouer, avec de rares retours aux règles après deux parties. Une fois le cap du début passé, les sensations sont plutôt satisfaisantes. Mixez le tout, et vous obtenez un jeu auquel on a envie de rejouer régulièrement. C’est pour moi le signe d’une réussite !

 

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8 Commentaires

  1. morlockbob 15/06/2021
    Répondre

    Pour info, si vous êtes fan, Plato offre un goodie pour le jeu sous forme de ville supplémentaire avec Prague

  2. atom 15/06/2021
    Répondre

    Superbe critique pour un super jeu. Je ne suis pas amateur de jeux solos, mais ici il y a l’avantage d’une mise en place rapide. La mécanique en elle-même n’est pas compliquée et il y a très peu de maintenance.

    • Groule 15/06/2021
      Répondre

      Merci, je suis bien d’accord, le côté simple et rapide fait la différence avec d’autres jeux de la même catégorie.

  3. TheGoodTheBadAndTheMeeple 15/06/2021
    Répondre

    Un grand jeu qui restera dans mon coeur comme un souvenir de me l’etre fait expliquer et d’avoir joue sous l’oeil aiguise de Vlaada Chvatil dans un coin calme lors de Origins 2019 🙂

    Il se case aux cotes des tres peu nombreux solo que j’adore

    Coffea roaster, Sprawlopolis et Cartographers

    • Groule 16/06/2021
      Répondre

      Si tu l’as découvert dans ces circonstances, je ne suis pas étonné que tu aies un sentiment si particulier pour ce jeu 🙂 . Pour ma part, il est possible que je l’apprécie encore plus avec le temps. L’avenir le dira !

  4. Salmanazar 16/06/2021
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    Je te rejoins sur l’aspect répétitif de ce type de jeu avec de bons exemples comme one deck dungeon, signe des anciens. J’ai fait le même rapprochement !

    • Groule 16/06/2021
      Répondre

      Merci 😉 C’est le format qui veut cela. La rejouabilité d’un jeu petit format sera forcément limitée, mais je trouve qu’il se défend très bien pour sa catégorie.

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