Unconscious Mind : Thérapie par le jeu ?

Ce qui est beau avec le jeu de société c’est qu’il aborde des sujets et thématiques très différents, et le temps d’une partie, on peut se retrouver dans les méandres du cerveau de Rats intelligents qui fabriquent des “trucs”, ou dans celui de Psychanalystes qui explorent les rêves de patients torturés dans le cas de Unconscious Mind.

Ce jeu est né dans l’inconscient d’un quatuor d’auteurs : Laskas, Jonny Pac, Yoma, Antonio Zax, le tout illustré par deux grands artistes : Andrew Bosley et Vincent Dutrait. Il est édité par Fantasia Games et traduit en français par Lucky Duck Games. Je dois avouer que l’amateur d’eurogames que je suis frétillait un peu de voir comment le jeu allait traiter le sujet “légèrement” controversé.

Je sais que ce n’est qu’un jeu, mais cela me rappelle le traitement de Carnegie représenté comme un bienfaiteur alors qu’il a fait tuer des ouvriers qui osaient faire grève. On ne peut extraire Freud de son époque, mais sachez mesdames que selon Freud si vous êtes frustrées, c’est parce que vous n’avez pas de pénis. Ou encore que ses travaux sur l’hystérie ont permis d’enfermer des femmes qui osaient se rebeller. C’est un jeu c’est vrai, mais rien n’interdit d’ajouter du contexte historique, c’est comme cela que le jeu de société gagnera en maturité.

 

 

Plongée dans les rêves

Nous sommes à Vienne en Autriche dans les années 1900, nous incarnons des disciples de Freud et nous allons accueillir des clients aux esprits troublés que nous allons soigner afin de marquer le plus de points de victoire avant la fin de la partie. Mais on pourra aussi établir des théories et même publier des livres que l’on va ensuite compiler sous forme de traité. 

Unconscious Mind se termine quand le marqueur de réputation de Freud atteint les 10 points. Ce marqueur évolue à chaque fois qu’un joueur réalise un des objectifs du jeu faisant ainsi évoluer sa réputation et celle de Freud. Il y a donc une course sur ces objectifs. Si vous souhaitez vous faire une idée plus précise de la mécanique, je vous invite à visionner le Ludochrono. Ici nous n’allons pas aller dans les détails du jeu, mais plus sur certains axes qui nous ont plus et d’autres un peu (beaucoup) moins.

 

Objectifs qui ramène des trophées.

 

Des clients perturbés

Principalement, le jeu réside dans l’accueil et le soin de clients, chacun ou chacune d’eux arrive avec un trauma appelé ici couche de douleur, représenté par un plastique transparent qui se place sur la carte client. Ces clients vont être soignés en traitant leurs rêves manifestes, puis leurs rêves latents. L’occasion d’admirer de magnifiques illustrations qui ne dépareillerait pas dans un Dixit par exemple. 

 

Deux clients à soigner.

 

On va pouvoir agir en jouant avec nos intuitions. Celles-ci sont de trois types, et grosso modo on déplace sur notre roue d’intuition des perles afin de payer le coût de la carte, c’est très visuel et le gameplay mécanique est intéressant. Cela demande un petit défi d’optimisation, on n’a que sept perles pour débuter, il ne faut donc pas faire n’importe quoi.

 

La roue d’intuitions.

Si vous atteignez l’icône de catharsis sur sa piste de soin, vous pouvez enlever la couche de douleur (le plastique transparent), le client est presque guéri. Ceci va déclencher des effets qui vous permettront peut-être de préparer la guérison d’un autre client ce tour-ci ou un tour prochain. Un client soigné vous donnera un bonus pour le reste de la partie et évidemment des points de victoire. Petite chose amusante, on peut aussi dépenser des piluliers pour le soigner, c’est une ressource assez rare, on ne pourra donc pas le bourrer de pilules, mais parfois ça permettra de finir un patient 🙂 

Couche de douleur, Catharsis, salle de consultation, intuition, rêves latents et manifestes, pilules. Si on prend le jeu par son aspect thématique, on est pleinement intégré dans son univers, et c’est vraiment un des points forts du jeu, ça et le travail d’illustration. L’édition est vraiment incroyable, ce n’est pas la version Deluxe et pourtant ça y ressemble fortement car tout est de qualité supérieure, plateau double couche, rangement gametrayz, etc.

 

Quelques cartes rêves latents.

 

 

Pour bien commencer notre petite journée, il nous faudra du café 🙂

Au lieu de traiter des clients, on peut aussi à notre tour réaliser une pose d’ouvrier sur le plateau commun où l’on va placer nos jetons (ici des pions idées) afin de réaliser les actions du jeu : faire naître des intuitions, les faire évoluer, réaliser des recherches, publier des traités, etc. Ou placer des tuiles Carnet sur notre plateau personnel.

 

Le plateau d’actions.

 

Ces tuiles carnet vont nous permettre de constituer un moteur de jeu.

Le petit dilemme intéressant : ces actions vont faire avancer notre marqueur encrier de 1,2,3 ou 4 cases sur notre plateau, ce qui va déclencher sur celui-ci des bonus soit ceux inscrits sur le plateau soit ceux des tuiles carnets que l’on aura placées. Vous comprenez ici que cette gestion est assez fine, et il vaut mieux placer des tuiles carnet qui vont fonctionner entre elles.

J’apprécie beaucoup les dilemmes multi-niveaux et ici on doit jongler entre poser un simple ou double pion d’action, où le placer pour réaliser l’action et gérer le déplacement de son pion encrier (pas de panique une ressource permet de gérer son déplacement de +1 ou -1). En déplaçant votre marqueur vous allez déclencher des effets bonus, de nombreux effets bonus, attention d’ailleurs à ne pas perdre le fil).

 

Quelques cartes livres.

 

Arrive le moment où l’on doit récupérer nos jetons idées, en général  dans un jeu c’est un moment un peu faible. Ici quand on rassemble ses idées, si on l’a un peu planifié, on peut réussir des jolis coups. En effet, on va pouvoir réaliser l’action dans le quartier où notre personnage où Freud se trouve. Action que l’on va pouvoir accomplir de manière plus ou moins puissante en fonction des clients que l’on a soignés par exemple ou des livres que l’on aura récupérés. Cette phase de récupération nous permet en plus de gagner du café en fonction du nombre de pions placés, cela ajoute encore un dilemme dans la pose. Le café est important, il nous permet de nous adapter, d’éviter de dépenser un jeton intuition, ou d’acheter des tuiles carnet, etc.

 

Le plateau Vienne.

 

C’est ici que le bât blesse, tous autour de la table on était d’accord pour dire que ce plateau Ville ajoutait une surcouche qui alourdissait le tout.
N’espérez cependant pas gagner sans en tenir compte, car on peut marquer beaucoup de points sur ce plateau. Il permet aussi de réaliser des actions autrement, ce qui est souvent une bonne idée, ça évite d’avoir qu’un seul moyen pour arriver à ses fins.

 

Un traité

 

Surcharge cognitive

Malheureusement, tout cela a tendance à nous disperser, d’autant que ce plateau Ville demande une lecture supplémentaire et une surcharge d’informations. Si vous aimez les combos, dans Unconscious Mind elles sont légion et il n’est pas rare que ça constipe sévèrement du neurone, car elles peuvent se déclencher en chaîne. Spécialement sur le plateau ville (mais pas que) où vous pouvez avoir à réaliser jusqu’à cinq actions, la aussi attention à ne pas perdre le fil.

Pour pouvoir jouer à Unconscious Mind il faudra avoir une grande table et de bons yeux, il faudra aussi se lever fréquemment afin de surveiller les nouveaux clients et leurs bonus qui arrivent, les cartes rêves latents et rêves manifestes pour là aussi essayer de bien les combiner, le plateau ville, notre plateau personnel, la piste de réputations aussi, etc. Beaucoup trop d’informations à processer.

 

Les cartes rêves émergents pour le plaisir des yeux.

 

C’est le genre de jeu où le tour peut durer longtemps avec le risque de désengagement, c’est ce qui m’est arrivé dans une partie, d’autant que l’interaction est quand même assez faible, la pose d’ouvriers étant relativement ouverte (ce qui n’est pas forcément négatif). Et à peu de choses près, on va juste surveiller l’avancée des autres joueurs sur les objectifs, l’aspect course est cependant important.

On va surtout se concentrer sur son jeu, on ne prête pas vraiment attention aux autres joueurs. On cherche à réaliser notre puzzle mental et c’est d’ailleurs très plaisant, mais on ne joue qu’assez peu avec les autres, par conséquent je le conseille plutôt à deux ou trois joueurs maximum.

J’apprécie en général les jeux qui n’ont pas de tour fixe, mais ici, ça ne fait qu’ajouter du temps de partie, c’est long, très long, trop long. J’ai apprécié la construction du moteur, le soin des clients qui ne sont finalement que de la réalisation de contrats, mais c’est bien intégré et thématique et ça fonctionne très bien. D’autant que les clients peuvent se combiner entre eux. Mais au final ça devient plus secondaire, ce n’est pas tant le cœur du jeu et il faudra tout faire ou plutôt faire de tout. C’est dommage, car pour moi c’était la bonne idée du jeu qui se retrouve noyée dans tout le reste.

 

 

Il semblerait qu’il y ait des passages obligés, on ne peut pas se passer par exemple de remplir son plateau de  carnets, c’est beaucoup trop de points (48 points au max plus une réputation). La salade de points finale est assez indigeste, on va gagner des points en fonction de notre avancée sur la piste de réputation, avec un avantage au joueur ayant la meilleure réputation, les lignes des carnets complétés, les intuitions à notre couleur que l’on aura placées dans les quartiers, ou encore les icônes de lieux différentes selon un principe de collection, et je vous épargne les les publications scientifiques qui sont très thématiques mais ajoutent encore au scoring.

Le jeu manque d’épure, est-ce q’il avait besoin de tout cela ? J’ai l’impression que c’est une dérive actuelle dans les jeux experts, rajouter des couches au jeu pour le gonfler, au lieu de s’en tenir à sa mécanique. Le principe est intéressant et j’aurais bien envie de réitérer l’expérience, mais uniquement à deux. Je suis comme mes compagnons de jeu, persuadé que l’on aurait une expérience bien meilleure si le jeu avait été rationalisé. Dommage, car on a un jeu avec un bel univers visuel et un thème bien mis en valeur avec les illustrations de Andrew Bosley et Vincent Dutrait.

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2 Commentaires

  1. Flemeth il y a 2 jours
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    Merci pour l’article. Vincent Dutrait est un grand artiste mais me lasse depuis des années, son identité graphique étant toujours la même (une palette de bleu et de orange) et tellement reconnaissable que j’ai souvent l’impression de voir un « jeu de Vincent Dutrait ». Cela me perturbe, là où je voudrais d’abord apprécier une mécanique. Je trouve qu’on le voit juste trop souvent. Vive la diversité !

    • atom il y a 1 jour
      Répondre

      Merci

      Je me demande si ce n’est pas le cas de tout artiste. Dans le podcast Marilyne parlait des auteurs itératifs et des auteurs défricheurs et j’aime bien cette définition. Moi j’avais une définition plus sèche, les génies et les faiseurs. Mais en vrai itératif c’est moins péjoratif et tout aussi vrai. Dans l’art n’y a -til pas ces deux types la ? Je comprend parfaitement ce que tu veux dire sur Vincent Dutrait j’ai le même problème avec The Mico.,d’autant qu’il est (ils sont tous les deux) partout, moi je dirais que ça dépends des projets, sur Unconscious ça va il me semble un peu plus loin que d’habitude et ça se mélange avec la patte de Andrew Bosley, mais sinon j’ai aussi une forme de saturation aussi.

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