Très futé – Jurisprudence renard !
Très futé est sélectionné cette année au KennerSpiel des Jahres. De quoi attirer nos regards de ludistes affamés malgré l’opulence de titres qui se bousculent au portillon. Pourtant, à première vue le jeu ne paie pas de mine. Une maigre feuille de papier, six dés, quatre feutres. Entre Blood Rage, mastodonte recommandé au KSdJ en 2016 et Très Futé, il y a un monde. D’aucuns, goguenards, clament déjà à la « jurisprudence renard », qui voudrait que mettre des renards dans un jeu conditionne l’obtention d’un prix dans le monde du jeu de société (Maitre renard, Nom d’un renard…). D’autres se posent des questions sur le prix, dont la notion du « Kenner » semble tourner son curseur du côté “familial +”, ou de l’“Expert moins moins”.
Mais décortiquons la bête.
Le thème, c’est #so2017
L’éditeur Schmitt – et l’auteur du jeu, Wolfgang Warsch – ont tout naturellement choisi de ne parer ce roll & write d’aucun thème. Roll through the Ages ? Welcome, sur lequel nous sommes enthousiastes ? La route des vignes ? Steamrollers ? Eux sont habillés, avec succès, mais point le titre teuton. Le seul semblant de thématique semble être ces renards que l’on débloque dans le jeu (parce que renard = futé). Voilà. C’est tout.
Plongés dans l’austérité d’un tableau Excel, les joueurs n’auront rien d’autre que les mécanismes à éprouver. En effet, la fiche est remplie de cases, de chiffres et de zones à colorer. Côté design ça pique. On pourrait presque songer à un prototype quand on le voit pour la première fois.
On gagne en ayant le plus de points possible. Pour les gagner, il faudra… cocher des cases sur sa feuille personnelle. Mais pas n’importe comment : chaque couleur de dé est liée à un des cinq modules de scoring, qui permettent chacun de gagner des points de façon différente. Une grille de bingo, une courbe gaussienne avec la somme de deux dés, une ligne de valeurs fixées, une ligne libre et une ligne de valeurs croissantes, voilà le menu. Cela n’a pas l’air très fin au début, mais en fait ces divers modules ont des liens entre eux.
Rollin’ right
Lorsqu’on est le joueur actif, on jette les dés, en choisit un qu’on résout. Si je prends le dé orange, j’inscris le chiffre orange dans l’espace suivant de la ligne, si je prends le jaune, je coche une case équivalente au résultat obtenu, etc.
Mais. Y a une première p’tite contrainte fut fut. Si l’on jouera 3 dés lors de son tour, on devra écarter de tout jet de dés futur (et de toute sélection future) les dés dont le résultat est inférieur au dé sélectionné. De quoi causer quelques petits nœuds au cerveau. Fort heureusement, on pourra débloquer des relances, qui mitigeront le hasard, sauf si vous êtes comme moi un poissard fini.
Lorsque vous regardez le joueur actif cocher comme un foufou, vous attendez avec impatience la fin de son tour : lorsqu’elle advient, vous pouvez utiliser un de ses trois dés non sélectionnés (trois, donc, ou peut-être plus s’il a dû écarter plusieurs de ses dés) pour votre tableau. AHA. Sauf qu’il vous a sûrement laissé les trucs les plus nazes, ceux qu’il ne veut pas. Peut-être aura-t-il laissé le dé blanc qui tient lieu de joker.
Ce mécanisme permet de garder tout le monde dans la partie (en théorie, parce que l’on doit quand même regarder le joueur actif réfléchir, cocher, faire un peu d’analysis paralysis sans pour autant avoir d’interaction avec nous), et peut même être poussé un peu lorsque vous brûlez des bonus obtenus (les +1) pour copier n’importe quel dé (même un sélectionné par le joueur actif). Ça n’a l’air de rien, mais jouer hors de son tour est toujours agréable. La plupart des roll & right permettent de jouer simultanément, là, non, mais on a cherché tout de même une compensation.
La course
Parfois, lorsque vous cochez une case particulière ou que vous remplissez totalement une ligne de bingo, vous obtenez un bonus, qui vous donne une relance, un +1, une coche gratuite sur une couleur, ou un scoring de plus. Et si vos premiers tours s’avéreront plan-plan, dès que vous mettez le turbo parce que vous atteignez une case qui vous permet d’en cocher une autre qui vous permet d’en cocher une autre qui vous permet d’en cocher une autre, vous gagnez les points au quart de tour et vous sentez véritablement une installation d’un système de combos. À moins de véritablement se foirer on finira inévitablement par déclencher une tempête de points, assez pour faire une grosse boule de neige si on gère vraiment bien.
La partie s’arrête après un nombre prédéfini de manches (toujours quatre), et on fera alors le décompte de chaque module. Si on atteint des symboles “renards” sur les diverses pistes, on déclenche un scoring supplémentaire : on marquera le plus bas score des mini-jeux multiplié par le nombre de renards obtenus. Et voilà, c’est tout !
Un bon jeu solo
Au final, Très futé s’apparente vraiment à un jeu solo : on n’a aucune interaction, même indirecte, avec les autres joueurs. On profite juste de leurs lancers de dés, on ne performe pas tellement contre eux, mais en parallèle d’eux, sans avoir l’élégance d’un Welcome qui donne les mêmes ressources à chacun.
Je comprends l’attrait fort pour ce jeu : le casse-tête proposé est du genre malin, la sensation d’accomplissement lors du déclenchement des combos est assez jouissive, malgré une scénarisation assez évidente de la montée en puissance. Mais Très Futé manque vraiment de profondeur pour moi. Malgré son fonctionnement « très futé » (haha) et un « combo effect » assez satisfaisant, ce titre me semble proposer des questions stratégiques plutôt élémentaires pour des eurogamers. De plus, au-delà de l’absence totale de thème, de l’interaction toussotante, de sa pauvreté matérielle, il conduit à adopter une attitude de gestionnaire studieux, plus préoccupé par la mitigation du hasard que par la compagnie des joueurs avec lesquels on joue. C’est bien dommage à mon goût.
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morlockbob 12/06/2018
A lire cela me fait penser au Dice Star de CAthala/MAublanc dans l’esprit.
fouilloux 12/06/2018
Hum, si je me souviens bien, Dice Star est un poil plus « immédiat » et moins calculatoire. Ce que je reproche à celui là, c’est qu’on à l’impression d’avoir plein de choix, (Umberling parle même de l’analysis paralysis) alors que ça reste fondamentalement un jeu de dés, donc finalement très hasardeux. C’est pas un mal d’être un jeu de dés, j’adore Qwixx par exemple, mais là je trouve que celui fait croire qu’on devrait se creuser la tête alors que bof.
Fredovox 12/06/2018
tu t’es pas creusé la tete mais tu as perdu du coup ^^
fouilloux 12/06/2018
Ca ne contredit pas ce que je dis: ça reste un jeu de dés, le résultat est indépendant (jusqu’à un certain point bien sûr) du fait de se creuser la tête ou non.
TheGoodTheBadAndTheMeeple 12/06/2018
c’est un mauvais principe. Dans ce cas tu places chateaux de bourgogne, troyes ou signorie dans la catégorie aléatoire 😀
Ce qui compte ce sont les probabilités et les actions de controle de ces probas. C’est ca qui me semble se dégager d’une grande matrice comme celle-ci.
Ca reste un style que je n’aime pas du tout donc je ne l’essaierai de toute façon pas. (A cause de la faible interaction)
fouilloux 12/06/2018
Ok je précise mon propos « un jeu de dés à la Qwixx, Dice Stars, 421, penny papers, etc… » Un roll and write quoi. Evidement que je ne parle pas des jeux de la catégorie que tu cites.
Umberling 13/06/2018
@thegoodthebadandthemeeple : Les jeux que tu cites donnent un certain contrôle sur tes actions, et tu sais quand tu foires. Là y’a pas de mesure d’échec. Je pense que si tu as une constante chance sur tes dés « libres » (verts, violets et orange) tu gagnes sans effort.
Fredovox 12/06/2018
Pas complètement raccord avec le bilan de Umberling, j’ai pour ma part beaucoup aimé et trouvé ça très malin.
L’interaction est faible, mais présente, et avec un peu d’experience, on fait attention à ce que l’on laisse aux adversaires.
Alors oui il n’y a pas de theme, le matos est light, mais je m’amuse beaucoup avec.
Mais sinon Juriceprudence renard !!!
TheGoodTheBadAndTheMeeple 13/06/2018
J’ai exagéré le trait contre la généralité que citait Fouilleux. Tout jeu de dé n’est pas forcément un jeu de pur hasard.
fouilloux 13/06/2018
-oux. Fouilloux. 🙂
morlockbob 12/06/2018
très affuté vu les crayons
Umberling 13/06/2018
Ah y’en a un qui a vu mon jeu de mots !
Umberling 13/06/2018
Précisons aussi que Pixie Games distribuera Très futé en France.
ReiXou 14/06/2018
Je suis de mon coté assez emballé par ce Très Futé. L’interaction est certes minimale (mais existe, on va quand même regarder ce qu’on laisse comme dès à ces adversaires, particulièrement en fin de partie) et il y a (un peu) des temps morts mais rien de critique.
En revanche, toute l’optimisation proposée me convient énormément et les différentes pistes de progression proposées demandent à être explorées. Pour un Roll&Write un peu gamer, ça me parait une très bonne proposition.
morlockbob 23/06/2018
essayé et pas apprécié, trop de prise de melon pour un jeu de dés, pas fun 3 sec… un truc de matheux avec des tours longs
snaketc 30/07/2018
Assez d’accord, Quinto est plus sympa car rapide et fun et pour se prendre un peu plus la tête je préfère les châteaux de bourgogne. Là il n’y a pas de thème, on calcule simplement ce qui en plus rend certains tours un peu long quand tu es seul face à ta feuille en cherchant la meilleure combinaison.
Ok il y a le côté combo qui n’existe pas (ou peu) dans les autres jeux.
J’ai tout de même aimé ma partie, mais je vais avoir de la difficulté à la sortir souvent. C’est plus un jeu solo et dans ce cas, j’en ai d’autres plus fun.