TRANQUILITY. DE L’ESPRIT.

Tranquility est présenté par certains comme le The Crew Killer ou le The Mind Destroyer ; mais faut-il nécessairement exister sur les cendres d’un autre ? En tout cas, bonne nouvelle, vous pourrez bientôt vous faire votre propre avis sur le jeu grâce à Lucky Duck, qui a décidément le nez creux en matière de localisations, puisque la petite boîte doit arriver en France début août. 

 

 

Quand la mer est tranquille, chaque bateau a un bon capitaine

Dans Tranquility, vous allez coopérativement devoir remplir une grille de 6 par 6 avec des cartes (numérotées de 1 à 80) en les positionnant de façon croissante selon leur valeur. Sans parler, évidemment. Les séquences de chiffres doivent aller dans l’ordre croissant, du bas à gauche au haut à droite, mais les écarts sont autorisés (par exemple 1 | 2 | 5 | 7 …). Vous le comprenez, on ne pourra pas toutes les poser, et c’est normal, d’autant que placer une carte se fait au prix d’une défausse. Celle-ci est proportionnelle à l’écart de valeur considérant la carte adjacente la plus proche. En clair : si je veux mettre un 45 à côté d’un 46, je devrais me défausser d’une seule carte. Si je pose un 78 à côté de 80, je me sépare de deux cartes.

Plus la distance numérique est forte, plus la défausse est onéreuse, or, on a besoin d’un max de cartes pour réussir le défi dans sa globalité. Il est important de ne pas défausser des cartes qui pourraient être nécessaires pour combler un trou dans la grille plus tard. Avec l’expérience, on apprend à débuter la partie en posant nos cartes en « damier », afin de s’économiser (en effet une carte adjacente avec aucune autre ne coûtera rien). On comprend que plus la grille est construite tôt, plus des défausses deviennent sûres et évidentes. 

 

Petite précision : pour l’emporter, il faudra placer une carte “Start” au tout début de la grille, qui, lorsqu’elle sera tirée, demandera au passage le vil et exceptionnel sacrifice collectif de 8 cartes. Autre détail : la défausse des joueurs est toujours cachée. Personne ne sait ce qui ne sera plus jamais en main. Mais même si la défausse avait été visible, il y a toujours une part d’incertitude dans le tirage, dans la façon dont les cartes nous viennent, une (mal)chance qui peut faire basculer la partie. Un peu comme dans une Réussite, jouée à plusieurs. Dans Tranquility on accepte la défaite, et on remet ça. Allez, au final, on était à une carte près… La prochaine fois, ça passera ! 

 

The Game ?

Le jeu a vraiment ce goût de reviens-y (sauf si vous ne jouez qu’aux jeux où vous contrôlez tout). On en fait rarement qu’une seule partie. Je râle intérieurement lorsque le « 59 » est placé à côté du « 57 », alors que j’avais le « 58 » en main. Pourquoi diable ai-je jeté le 78 au début alors que c’est la carte qu’il nous faut absolument maintenant ? Ainsi va le jeu !

« Tranquility » se rapproche de « The Game » dans sa proposition. On ne dit pas ce qu’on a en main, et l’effet leader ne devrait pas exister (le fameux « je pense donc tu suis ! »). À l’instar des autres jeux de la même famille ludique (Yokai, The mind, The crew…), un groupe de joueurs se construit, prend ses habitudes. Au départ, on pédale dans la semoule. Les décisions peuvent paraître déroutantes, d’autant que leur nature évoluent dans la partie. Après quelques échecs, on prend des repères. On essaie de placer des jalons pour notre grille en début de partie, puis on tentera de remplir les trous sans trop payer. D’un tour sur l’autre, une carte précieusement gardée sera soudainement bonne pour la défausse. Si vraiment vous ne voyez rien à jouer, ou ne préférez pas placer une carte qui mettrait le reste de la partie en péril, vous avez toujours l’option pis-aller qui consiste à défausser deux cartes. Mais chaque défausse pose un dilemme. On essaie d’ailleurs de se souvenir des options qu’on a éliminées, ça peut parfois aider un peu, si votre mémoire est bonne. Malgré tout cela, il restera toujours une petite part de chance. 

 

Variabilité et incertitudes 

Le jeu varie en sensations avec les configurations. En solo, c’est une Réussite (n’oubliez pas ce que Desproges disait, l’amour c’est comme les cartes, si tu n’as pas de partenaire, il te faut une bonne main), à deux joueurs on contrôle un peu les choses, mais à plus on doit accepter que l’on sait beaucoup moins ce qui a été écarté, et aboutir la grille devient plus difficile d’autant qu’on tente d’équilibrer son jeu de façon à terminer tous en même temps (on perd tous si un joueur ne peut plus jouer).

Ensuite, si vous maîtrisez cette base-là, vous avez un très grand lot de variantes à disposition pour pousser le bouchon dans les orties (toutes dans la petite boite !). La mini extension “Mer agitée” dispose de cartes Rochers bloquant momentanément des espaces, les “Monstres marins” détruisent des cartes jouées, la variante “Jour et nuit” nous demande d’orienter nos cartes d’une certaine façon, on nous propose même un mode compétitif… Bref, si la base vous plaît, vous aurez beaucoup de recettes à explorer.

Motus et boîte ouverte

Comme nombre de ses cousins, Tranquility n’a pas réellement un thème fort mais la direction artistique est ici particulièrement séduisante. Les cartes sont de toute beauté (illustrations de Tristam Rossin) en plus d’être de très belle qualité (elles ne devraient pas s’user de si tôt). Pour une fois, le tapis néoprène, bien que toujours dispensable, est un vrai petit plus facilitant la lecture et la maniabilité de l’ensemble. Quand la grille est remplie, la présence sur table ne laisse pas indifférent. 

Avec sa mini-boîte, Tranquility offre une jolie petite bulle coopérative, des décisions intéressantes sans hémorragies cérébrales à craindre, des tours fluides, sans oublier une part de guessing/chance qui pourra frustrer certains amateurs de contrôle, mais pour les autres, une partie de Tranquility dure environ 15 minutes et vous donnera surement envie d’en faire une deuxième. 

Tranquility. Le jeu qui se joue en silence a en effet quelque chose de tranquillisant. L’expérience est faite ensemble, mais chacun doit trancher seul, en son fort intérieur. On dépend des autres, tout dans l’introspection. Quand le silence se fait, il arrive que des petits clins d’œil s’échappent, laissant subrepticement passer une pensée ou un présage, rendant l’intervalle encore plus beau. Tranquility, une pause ou un soupir ? À chacun de se faire son avis, mais ici, on va garder encore un peu la boîte ouverte. 

 

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2 Commentaires

  1. TecAgnes 21/06/2021
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    Très bel article pour un chouette petit jeu 🙂

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