Illustré par Julien Delval
Edité par Sand Castle games
Distribué par Asmodee
Langue et traductions : Anglais
Date de sortie : 2019-02
De 2 à 4 joueurs
Durée d'une partie entre 30 et 60 minutes
Thèmes : Médiéval-fantastique
Mécanismes : Combinaisons
Types de jeu : Jeu de cartes
Complexité du jeu : Amateur
Res Aracana est un jeu de Tom Lehmann pour deux à quatre joueurs. Ce nouveau jeu est un exercice de style à part dans la ludographie de l’auteur. Il revient avec un jeu de course aux points mais sans le thème SF de Race for the Galaxy et des déclinaisons qui ont suivi (mis à part l’excellent The City). Il s’éloigne surtout du deckbuilding, pourtant encore très en vogue en 2019-2020. Dans ce jeu, nous incarnons des magiciens bataillant pour prendre possession de lieux de puissance et de monuments afin de gagner le plus vite possible le plus grand nombre de points.
Vous démarrerez la partie avec 8 cartes, généralement après une phase de draft lors de la mise en place. Et vous finirez le jeu avec ces huit cartes. Pas de montée en puissance à travers l’achat de nouvelles cartes. Il fallait oser la sobriété. Pari réussi ?
Le jeu est lauréat de l’As d’Or catégorie Expert, premier sur un podium autrement occupé par Root, Gloomhaven et It’s a Wonderful World.
Joué dans les trois configurations possibles avec des gens plutôt joueurs. Tous très curieux de voir tourner un jeu avec seulement huit cartes. Dès la seconde partie j'ai proposé de drafter nos mains de départ. C'est là que le jeu prend tout son sel.
ACCESSIBILITE DES REGLES 18,5
Les actions permises par les cartes sont basées sur un système d'icônes. Une sorte d'alphabet d'actions, réactions, coûts, etc. Il faut donc se familiariser avec ces icônes et le livret de règle est d'une aide précieuse pour les premières parties. Les allers-retours seront nombreux mais facilités par les nombreuses aides de jeu : mise en place et résumé d'une manche au dos du livret, ainsi qu'une table des matières (12 pages illustrées en tout). Mais aussi un glossaire et surtout une mini FAQ.
À noter qu'un an après sa sortie l'auteur est très présent pour répondre aux questions portant sur les règles. Notamment sur BoardGameGeek, évidemment. On trouve bien une FAQ de 7 items, et dans l'ensemble cette FAQ et le livret de règles répondent à toutes les particularités du jeu.
QUALITE DU MATERIEL 20
Cette boîte est un premier jeu de l'éditeur Sand Castle Games, qui se présente comme une bande de passionnés mais qui ne manque pas d'expérience non plus (composée d'anciens du milieu du jeu, notamment de Days of Wonder). On sent effectivement la passion et le soin d'un tout premier jeu. Un thermoformage pentagonale dans une boîte carrée. Des emplacements pour tout le matériel, que ce soit les pions des différentes essences magiques, les cartes, les jetons. Tout a sa place et rien ne se balade. Beau travail d'édition. À noter que la boîte de base prévoit la place pour accueillir le matériel de la première extension, sortie au début de l'année. Ces gens sont irréprochables.
Côté illustration on retrouve Julien Delval, déjà présent sur Mémoire 44, les Aventuriers du Rail, Citadelles... Et on retrouve avec plaisir son trait rehaussé par un joli travail sur les couleurs et les lumières. A priori, il a utilisé des techniques classiques de dessin, d'encrage et de mise en couleurs. Et si l'informatique est passée par là, c'est invisible.
Le matériel est au poil avec ses Artefacts (cartes), ses tuiles Objets Magiques (petit format) ou Lieux de Puissance (grand format). Tout est ergonomique, bien différencié pour qu'on reste concentré sur le jeu.
THEME 12
Le thème medfan du jeu est vu et revu toutefois sous les pinceaux de Julien Delval c'est agréablement illustré. Mais soyons honnête, ce jeu ne vise pas à nous raconter une histoire. C'est avant tout une mécanique. Si on se refera certainement la partie c'est en racontant comment notre Duelliste avait la main parfaite pour faire la course aux Monuments. On se racontera volontiers notre stratégie de départ ou la bonne synergie de nos cartes, même si on a perdu ; cependant les artefacts et leur interaction avec le système de jeu révèlent un travail très cohérent.
Sand Castle Games pourrait sortir une version SF sans que les joueurs en soient gênés. On l'a déjà vu pour Clank! avec sa version dans l'espace. Une telle rethématisation peut apporter des idées de gameplay originales. Qui sait.
DUREE DE VIE 17
Contrairement à un jeu dans lequel on va parfois faire le tour de toutes les cartes au moins une fois, ici on ne jouera qu'avec celles qu'on aura obtenu au début du jeu. On pourrait donc s'inquiéter du faible nombre de cartes. Mais avec seulement 40 cartes Artefact il existe 76 904 685 combinaisons de 8 Artefacts parmi 40. Plus de 70 millions de mains de départ possibles.
Lors de la mise en place on sélectionne aussi une face (Lune ou Soleil) pour chacun des cinq Lieux de Puissance. Ce qui donne ici 32 combinaisons possibles.
Mais tout ceci ne servirait à rien si le jeu était plat et sans surprise. Tout le sel du jeu ne vient pas de la combinatoire mais de la manière dont on va réussir à faire fonctionner ensemble nos huit cartes Artefact. Dans un premier temps le livret de règles conseille des mains de départ équilibrées, idéales pour découvrir le jeu. Avec un peu d'expérience vous pourrez ensuite passer à un draft en début de partie. Enfin, pour les plus aguerris, il semble que l'auteur conseille de distribuer des mains au hasard. Le défi étant de faire fonctionner une main semblant à priori bancale.
À vrai dire, vous vous rendrez compte que votre moteur de jeu fonctionne autour de trois à quatre quartes ayant une forte synergie. Il semble donc possible de s'en sortir quelque soit la main de départ. Vous noterez d'ailleurs qu'au fil du temps les parties seront très serrées et les égalités fréquentes (égalités départagées aux ressources, à ne pas négliger). Un peu comme si ce jeu était calibré pour se terminer au moment où l'un d'entre vous commence à exploser littéralement le score. Un côté explosif contenu pas désagréable.
Il est temps de parler plus précisément de la mécanique.
MECANISMES 15
Une fois établie notre main de départ (draft is life ou chance is death, selon vos goûts), on ne démarre qu'avec trois de nos huit cartes en main. Et côté pioche on sera soumis à un rythme trèèès lent. Au rythme d'une carte par fin de manche, on peut désespérer voir arriver les cartes souhaitées. Surtout si notre moteur de jeu est basé essentiellement autour de la synergie entre deux ou trois cartes particulières.
Mais on peut aussi avoir thématisé sa main autour des Créatures ou des Dragons. S'être mis de côté des réductions à la pose pour les Dragons par exemple. On a alors envie de piocher ces réductions avant de poser nos dragons ou Créatures pour en profiter.
On peut encore se concentrer sur la génération d'Or et viser l'accumulation de Monuments, l'or s'acquérant notamment en défaussant des cartes que vous ne sauriez voir. Ils fournissent des points fixes et quelques pouvoirs permanents intéressants. N'hésitez pas à acheter à l'aveugle si aucun des deux Monuments visibles ne vous plaisent pas. Les bonnes surprises arrivent.
Ou pourquoi pas la génération d'essences. Nécessaires à l'achat de Lieux de Pouvoirs. Les plus grands générateurs de points du jeu. Même si générer des essences pour générer des essences n'apporte rien en soi.
Et je n'ai pas fait le tour de tout ce qu'il est possible d'envisager comme types de jeu. D'ailleurs je parle ici de stratégie de départ, mais bien souvent on devra s'adapter à la situation. Envisager un autre Lieu de Pouvoir car il a été acheté par quelqu'un d'autre. Les virages sont possibles, surtout si on a un peu anticipé.
Cette variété de stratégies est permise par un système d'icônes très bien pensé. La marotte de Tom Lehmann quand on connaît ses productions précédentes (RFTG par exemple).
Kingmaking et Analysis Paralysis ? Les mêmes joueurs auront les mêmes symptômes, quel que soit le jeu. Rares sont les jeux à traiter cela dans les mécanismes eux-mêmes. Le kingmaking sera plutôt réduit car rien ne permet de cibler un joueur en particulier. Les pouvoirs néfastes pour les autres, le sont pour tous les autres. Après chacun peut se prémunir à son niveau contre une menace. L'Analysis Paralysis arrivera très certainement en fin de partie. Quand la fin du jeu est déclenchée par un joueur, les autres tenteront tout pour grapiller des points et des ressources (tie-breaker, surtout l'or qui compte double). Certains devront passer du mode "mon moteur de jeu ronronne" à "panique maximale, c'est le dernier tour. Comment je vais faire ?"
Malgré tout, on fait avec les éléments de jeu qu'on a devant soi et les éventuelles cartes encore en main. Tout ça nous est familier depuis le début de la partie et, à quelques exceptions près, une fin de jeu précipitée n'offre pas un grand nombre de manière de conclure. Défausser une carte pour 1 Or ou deux essences, activer ce qui peut l'être.
[À noter] Pas grand fan des goodies qui proposent des éléments de jeu inédits, j'ai apprécié ceux de ce jeu. Ce sont des variantes homme ou femme des personnages du jeu de base. Rien qui dénature une partie si on a eu la chance d'avoir le goodie. Dispensable mais sympathique.
Très grand fan de Race for the Galaxy, je me suis intéressé à ce jeu ni pour son thème ni pour l'auteur, que j'apprécie énormément, mais avant tout pour la sobriété d'un pitch qui dirait "Débrouillez-vous avec 8 cartes". À condition que l'auteur se soit débrouillé pour équilibrer les nombreuses mains possibles ! C'est chose faite. Vous ferez quelques erreurs de casting au début mais rapidement vous identifierez les mains intéressantes. Et même là, ce ne sera pas encore gagné, car il faudra être capable de les piloter au mieux, avec des adversaires qui peuvent venir gêner vos plans. Soit en vous volant ou faisant perdre des ressources. Soit en vous prenant sous le nez le Lieu de Puissance que vous visiez.
Je trouve à Res Arcana suffisamment peu de points communs avec les productions précédentes de Tom Lehmann pour en dire tout le bien que j'en pense sans passer pour un fan béat. C'est même plutôt rassurant de voir qu'il a pu sortir d'un univers largement développé (Race for the Galaxy et ses déclinaisons). Et finalement proposer un jeu qui soit à la fois plaisant à jouer et un exercice de style original côté game design.
- Rejouabilité
- Sobriété de la main de 8 cartes
- Illustrations de Julien Delval
- Matériel et ergonomie au top
- L'extraordinaire combinatoire
- Thème accessoire
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