Les monstres grecs sont le cœur du thème et le jeu leur rend bien hommage : chacun a sa propre logique, sa difficulté, sa petite mécanique en restant fidèle à l’histoire antique, même s'ils ne sont pas tous égaux (certains sont plus clairement expliqués ou plus originaux que d'autres) en pratique. 

En revanche, c’est assez étonnant que nous ne jouions pas des héros grecs mais des “marins” ou des “gardiens” ou encore des “voyageurs” des lambdas qui vont combattre des créatures incroyables et aider des héros et des légendes comme Jason ou Circé. Un choix un peu étrange qui peut décevoir celles et ceux qui auraient préféré jouer ces personnages cultes plutôt que les accompagner d'un point A au point B. Le poids ultra significatif des objets est un peu là pour dire “vous n'arriverez à rien sans ces artefacts !”. Les objets servent vraiment à tout, ce qui me semble perdre du sens.

La mécanique centrale repose sur du déplacement : je vais à tel endroit (j’y prends un jeton, un PNJ), je vais à tel endroit (j’y défausse un jeton, un PNJ). On a quelque chose de finalement très simple, accessible, mais franchement, pas très original. La prise de décision reste limitée, vos mouvements peuvent apparaître comme très évidents. En outre, le tirage imprévisible d’un nombre important d’éléments dans le jeu peut parfois faire râler !

Vous choisissez combien de monstres vous souhaitez affronter pour régler la difficulté du jeu (2 pour une partie relax, 3 pour un défi modéré, et 4 si vous êtes d’humeur carrément héroïque). Ensuite, vous piochez au hasard un personnage de départ, chacun avec son petit avantage spécial.

La partie se déroule en deux phases. Lors de la phase des héros, chaque joueur a un ensemble d’actions à sa disposition : se déplacer, ramasser ou échanger des objets, ou même avancer vers la victoire en suivant la méthode requise pour vaincre chaque monstre. Par exemple, pour traquer Cerbère, le fidèle gardien tricéphale des Enfers, il vous faudra d’abord découvrir son repaire, caché sur l’un des quatre coins du plateau. La chance sera votre meilleure alliée ! Une fois trouvé, les joueurs doivent échanger des objets pour confirmer la présence de Cerbère dans ce repaire. Ensuite, il est possible de dépenser des objets bleus pour lancer des dés (que la chance soit avec vous) et ainsi déverrouiller les portes du monde souterrain. Oui on vous avait dit que les objets servaient vraiment à tout dans ce jeu ? 

Chaque monstre a son propre mécanisme à suivre, ce qui ajoute une certaine variété sans non plus bouleverser ce qu’on fait dans le jeu (il y a bien l’idée du petit memory et celle de la construction du labyrinthe qui sortent un peu plus de lot, mais on aurait bien aimé un peu plus de folie encore !). Quand le portail de Cerbère est enfin ouvert, ce dernier peut être banni, laissant les héros libres de se tourner vers les autres créatures mythologiques encore en cavale. Ce système pousse les joueurs à aller chercher certains jetons nécessaires (selon leur couleur) en priorité tout en gérant les monstres qui peuvent les attaquer au passage (on peut se préserver grâce aux objets là aussi) et en tâchant aussi d’accompagner les PNJ là où ils veulent pour récupérer des faveurs divines (pouvoirs circonstanciels).  

Ce qu’on apprécie, c’est le fait de pouvoir se répartir un peu les tâches ; Horrified veut encourager les joueurs à communiquer et à coordonner leurs efforts mais on reste tout de même dans un gameplay très opportuniste avec le jeu des tirages. Les capacités des personnages sont un vrai petit plus ici, même si on les aurait voulu plus significatives et équilibrées. 

On apprécie que les monstres aient leur propre IA qui nous oblige à revoir nos plans, mais entre ça et la manière imprévisible dont les jetons arrivent, il est rare qu’on puisse grandement stratégiser à l’avance. C’est un choix d’audience, le jeu ne cherche pas une profondeur experte mais bien une expérience accessible sans trop de prise de tête (d’ailleurs quand on meurt, on revient dans un coin du plateau - même la mort ne fait pas peur). Mais du coup, pour ce public, le choix de l’activation des monstres par un ensemble d'iconographies pas très intuitif peut se questionner. 

Avec le bon niveau de difficulté, Horrified poussera ses joueurs à bien surveiller le plateau (qui est en permanence en évolution avec l’arrivée de nouveaux jetons, le déplacement des monstres…). Un bref moment d’inattention peut mener à une défaite rapide ou à de la frustration++. Mais pas que : certains tirages (en mode difficile) peuvent aussi rendre une partie simplement ingagnable. 

Aussi, selon les différentes configurations, Horrified peut ainsi offrir des niveaux de difficulté variables. Bien que le jeu supporte de un à cinq joueurs, il semble que les parties avec un plus petit groupe soient légèrement plus faciles. Avec moins de joueurs, les objets sont en effet répartis de manière plus dense, ce qui signifie que chaque joueur dispose de plus de ressources à chaque tour. Cela permet de mieux anticiper les actions, de réagir plus facilement aux menaces des monstres et de progresser plus rapidement vers les conditions de victoire.

Attention, on n’est jamais à l’abri de l’émergence d’un joueur Alpha, étant donné que toutes les informations connues le sont de tous... 

On pourra regretter aussi que le début de parties commence quasiment toujours par un moment d’accumulation nécessaire d’objets peu passionnant. Ceux-ci sont vraiment la clef du jeu - sans, on est impuissants.