Souviens-toi : souvenirs, souvenirs

Nous avions découvert Saashi, l’auteur, en 2021 avec Photograph, un jeu de poche un peu étrange à la Carro Combo où on ne pouvait pas ranger les cartes comme on le voulait. Il fallait pourtant en déplacer certaines sous conditions. La règle dérangeait nos habitudes, et les illustrations de Takaro Takarai dénotaient par leur sobriété naïve. Quant au thème, il proposait de partir à la chasse au cliché photographique avec un appareil demi-format ?! On en parlait ici.

Pour Souviens-toi, Saashi s’associe avec Daryl Chow mais conserve Takaro aux dessins. Ce qui, à part sur la couverture, ne vas pas transparaître énormément mais contribue à l’ambiance douce de ce jeu. Le thème, tout comme le précédent, reste original, même s’il n’est qu’une devanture : les joueurs vont tenter de se rappeler de leur voyage et poser des fragments de souvenirs, afin de reconstituer communément un plan global de la ville qu’ils ont visitée. Une belle entrée en matière pour parler d’un casse-tête stratégique.

 

 

T’as pas oublié les billets ?

Ce jeu est un puzzle, c’est d’ailleurs écrit sur la règle, il est majoritairement composé de polyominos plus ou moins rares. C’est ainsi qu’on aura des lieux touristiques en pièce unique, des parcs, ou encore des hôtels, restaurants et boutiques en grand nombre. Pour les poser, il va falloir les construire, trouver de la place et respecter leur forme, tout en anticipant l’endroit de leurs fondations sur le plateau. Certes, il faut avoir le compas dans l’œil, mais il faut aussi ne pas être gêné par ses collègues.

 

jetons et tuiles correspondantes

 

Le matériel est très coloré, composé de plateaux où va se créer le décor, jetons image, cartes souvenir et polyominos bâtiment, illustrés discrètement, qu’on va poser et tenter d’assembler au cours de la partie.

Partons en vacances ! Où allons-nous, Kyoto (notre bandeau) ou Singapour ? Ces deux destinations correspondent aux deux plateaux disponibles dans la boîte, et sont différentes. La disposition de la rivière ne sera pas la même par exemple, ni certaines zones de placements obligatoires.

 

deux villes, deux architectures.

 

Le but du jeu va donc être de choisir les jetons images et de les poser à la fois sur votre plateau et, après transformation en bâtiments, également sur le plateau commun des souvenirs. Il y aura douze manches exactement. Le déroulé est très clairement expliqué dans la règle.

 

 

C’est quoi déjà le nom de la rue ?

Le début de la manche est simple. Nous allons révéler une carte souvenir et piocher des jetons dans le sac, jetons que nous allons mettre à disposition des joueurs. La carte donne la contrainte du nombre de jetons à prendre et de la forme de construction. Les jetons des lignes, diagonales ou colonnes n’ont pas besoin d’être adjacents (sinon on ne s’en sort pas). Les groupes de jetons sont placés sur le plateau des actions, chaque joueur va faire son choix.

 

plateau de gauche : contrainte de pose de la carte souvenir et choix des jetons/aide de jeu, piste de score et objectif (droite).

 

Pour plus de clarté, une boussole indique la position de votre plateau, un petit détail qui a toute son importance pour que chacun construise dans le bon sens. Pour plus de souplesse, si un jeton est toujours face visible vous pouvez le défausser. Si dans les premiers tours la pose reste simple, cela va devenir un vrai casse-tête par la suite. Respecter la contrainte, essayer de grouper ses jetons et anticiper est un vaste chantier. Car une des priorités du jeu est celle-ci : confirmer un lieu. L’autre étant de coller au bonus mémoire.

 

jetons retournés, c’est confirmé

 

Confirmer signifie que vous avez placé suffisamment de jetons identiques, dans la bonne configuration (en L, colonne…) pour prétendre à la construction d’un bâtiment de la même forme, sur le plateau des souvenirs communs, que ce soit un restaurant, un hôtel etc… Il suffit de retourner ses jetons sur son plateau pour valider l’opération. Effet secondaire, vous placez la tuile correspondante sur le plateau commun. Ce bâtiment doit être placé exactement sur les mêmes coordonnées. Si la place est occupée, la construction est impossible. Suivant le type de construction, le décompte sera différent. Une fois encore, le jeu est malin puisque les tuiles restaurants et boutiques (une case de superficie) se glissent à peu près n’importe où, mais scorent plus si elles sont regroupées bien sûr. La classe étant de bâtir un monument qui s’élèvera grâce à son socle.

Douze manches plus tard, il n’y a plus de cartes souvenir. On passe au décompte. Les parcs comptent 2, les hôtels 3 etc… Le vrai plus est le bonus mémoire. Les jetons retournés sur votre plateau correspondent-ils à des coordonnées sur le plateau central et sont-ils du même type, qu’importe qui les a posés là ?  Si oui, vous marquez un point par correspondance. Après tout, vous avez voyagé tous ensemble !

 

parc confirmé et bonus mémoire avec son double sur le plateau commun

 

Je n’avais pas parlé de l’objectif commun qui demande de confirmer 2 hôtels, 2 blocs de restaurants etc. À savoir que des règles optionnelles offrent des objectifs plus complexes.

 

Attends, c’était pas plutôt en 2012, 2013 ?

Si Saashi n’est pas très connu chez nous, il a pourtant ses fans qui voient en ses jeux une certaine poésie. Là où le thème peut paraître bidon, d’autres parleront de quiétude et de liens qui se tissent entre joueurs. Un parti pris que l’on retrouve dans les jeux de Saashi & Saashi, cet éditeur japonais avec des titres étonnants comme Before the guests arrive, Let’s make a bus route ou In front of the elevators. Et toujours le voyage en filigrane à Paris, New York ou Rome dans la série des Get on board chez iello.

Il y a donc une patte, un ton, auquel on adhère ou non. Personnellement, j’y trouve un côté original, agréable, sans être complètement sous le charme. On peut féliciter l’éditeur pour le soin apporté à l’ambiance et la lisibilité des règles et du matériel.

 

ça demande un peu de place.

 

Souviens-toi est un jeu abstrait, un puzzle où l’on dessine sa ville. On pourrait aisément le décliner en roll & write sans qu’on trouve à redire. Le thème un peu perché parvient à être cohérent avec ses mécaniques. À ce propos, le jeu est malin. Il faut avoir une vision dans l’espace qui ne soit pas au point mort, il n’est pas toujours évident de visualiser où vont se poser nos jetons par rapport à la carte contrainte. Il est bon de savoir anticiper, ou du moins essayer de deviner ce que pourraient faire les adversaires, à la fois pour se dégager un terrain plus propice ou simplement les freiner, un restaurant est si vite arrivé ! Et se placer par rapport aux souvenirs communs. Le jeu est à la fois plaisant et stratégique. Parfois on fait ce qu’on peut, quand les tours sont bien avancés et où la  pose devient plus complexe, en essayant d’optimiser au mieux.

 

contraintes de pose et objectifs.

 

Un des gros points forts de ce jeu est son interaction. Ici pas de 1-4 joueurs, il faut être 2 minimum. Ce qui n’est pas la meilleure configuration, le terrain de jeu étant presque trop large.  En survolant les règles, on pourrait croire que l’on va jouer seul dans son coin, comme beaucoup de jeux dans le style, construire sa ville et marquer selon les quartiers qui se touchent, + 2 points par usine proche de la route etc. C’est à la fois plus simple et plus poussé comme nous l’avons évoqué. Le plateau des souvenirs communs force à l’observation des voisins, à prendre des jetons et des places qui pourraient les intéresser. C’est une grosse différence. N’oubliez pas non plus qu’on marque par correspondance (plateau perso/plateau commun).

Souviens-toi est donc un jeu abstrait mélangeait le contrôle de lieu, le placement, la prise de tuiles… plusieurs choses, sauf la mémoire !! Un jeu simple et subtil avec un imaginaire qui peut toucher le public. La preuve, quelques semaines après y avoir joué, ce jeu m’est resté en tête et je me suis dit que c’était dommage de… l’oublier.

 

 

LUDOVOX est un site indépendant !

Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :

Laisser un commentaire